Grenade lacrymogène CS et cartouche lacrymogène CS 37 mm
Les deux moyens de dissuasion – utilisés plus de 238 mille fois entre Octobre 2019 et Mars 2020 – ont comme principale agent actif le composé chimique CS qui, selon une étude scientifique française publiée par INTERFERENCIA (https://interferencia.cl/articulos/investigacion-cientifica-francesa-concluye-que-componente-presente-en-lacrimogenas-de), génère par son métabolisme du cyanure dans l’organisme. A titre de comparaison, c’est 1.200% de plus que lors des manifestations à Hong Kong pendant lesquelles, sur une durée de six mois également, 16.000 cartouches ont été percuté.
D’Octobre à Mars, les Carabineros du Chili ont utilisé 193.000 fois leurs carabines lacrymogènes de 37 millimètres et ont fait exploser 45.000 grenades lacrymogènes. Au total, ils ont utilisé cette dissuasion chimique 238 mille fois en 183 jours, selon les informations fournies par l’Institution Carabineros de Chile grâce à la loi sur la transparence. (Consultez ici la réponse de Carabineros de Chile à la demande d’information d’INTERFERENCE concernant l’utilisation de gaz lacrymogène).
Ces chiffres, bien que vertigineux, ne sont pas facile à appréhender. Pour mettre les choses en perspective, au cours de ces six mois d’Octobre à Mars, les Carabineros ont utilisé en moyenne 1.300 armes lacrymogènes par jour. En comparaison, la police de Hong Kong, selon le média chinois The Standard, a tiré 16.000 cartouches de gaz CS en six mois, 12 fois moins que les 193.000 tirs des Carabineros au cours de la même période. (Consultez l’article en anglais du média chinois The Standard, intitulé 2.393 étudiants arrêtés depuis Juin; 16.000 cartouches de gaz lacrymogène tirées: https://www.thestandard.com.hk/breaking-news/section/3/138217/2,393-students-arrested-since-June;-16,000-rounds-of-tear-gas-fired).
Le mois qui a vu le plus de gaz lacrymogène dispersé dans les rues chiliennes a été celui d’Octobre 2019, malgré le fait que les manifestations massives n’ont commencé que le 18 de ce mois. A partir de cette date et pendant seulement deux semaines, 61.024 cartouches de 37 mm ont été utilisé et 17.022 grenades à main ont été lancé soit en moyenne un peu moins de 5.500 agents de dissuasion chimiques par jour (la moyenne n’est pas exacte car il y a eu des manifestations où les gaz ont été utilisés à moindre échelle, principalement contre les lycéens).
Le mois de Novembre a connu un niveau similaire d’utilisation des cartouches de lacrymogènes, avec 60.082 tirs, mais une baisse pour les grenades avec 5.253 unités lancées.
Ensuite, jusqu’en Mars 2020, les Carabineros ont effectué une moyenne mensuelle de 18.208 tirs de carabine et 5.739 jets de grenades lacrymogènes.
Il est à noter que les deux armes chimiques contiennent du gaz CS – le chlorobenzylidène malononitrile -, un composant responsable des irritations et qui selon une étude française publiée par INTERFERENCIA se métabolise dans l’organisme en un composé chimique hautement toxique et potentiellement mortel, le cyanure.
Outre la toxicité que cet agent chimique implique tant pour les manifestants que pour les habitants des rues ou des places où ils sont utilisés – un risque aussi encouru par les forces de l’ordre eux-mêmes d’ailleurs – l’utilisation aveugle des cartouches à gaz de 37 mm représente également un risque mortel immédiat pour quiconque se trouvant sur sa trajectoire. Le cas de Fabiola Campillai en est un exemple : alors qu’elle se rendait au travail à la société Carozzi, Fabiola Campillai a été frappé en plein visage par une cartouche de gaz lacrymogène de calibre 37 tiré par un Carabineros. Les conséquences pour elle : perte de la vue, de l’odorat et du goût. Elle a dû subir plusieurs interventions chirurgicales en raison de ses blessures et séquelles, la dernière en date le mercredi 16 septembre 2020, près d’un an après que les Carabineros lui aient enlevés trois de ses cinq sens.
Les informations obtenues par cette rédaction s’ajoutent à celles qui ont été découvertes par CIPER Chile, qui grâce à la loi sur la transparence a obtenu le relevé d’utilisation des cartouches en plomb/caoutchouc en Octobre, Novembre et Décembre. En seulement trois mois, l’institution a tiré 152.000 fois avec ses fusils antiémeutes – chiffre atteignant même les 104.000 tirs au cours des deux premières semaines de la Révolte -, causant des blessures aux yeux à 340 personnes entre le 18 octobre et fin novembre 2019. (Consultez l’article de CIPER, Carabineros révèle qu’il a été tiré 104 mille balles au cours des deux premières semaines de la Révolte Sociale : https://www.ciperchile.cl/2020/08/18/carabineros-revela-que-disparo-104-mil-tiros-de-escopeta-en-las-primeras-dos-semanas-del-estallido-social/).
Le cinquième tribunal de Bogotá a ordonné à la police de cesser d’utiliser des armes chimiques telles que des gaz lacrymogènes. La décision fait partie des mesures pour faire face à la pandémie COVID.
Le juge s’est prononcé suite à une demande de protection déposée par un citoyen. Ce dernier revendiquait que le droit à la vie et à la santé soit protégé et que l’utilisation du gaz lacrymogène soit suspendue jusqu’à ce que le pays soit déclaré exempt de Covid ou que « le droit à un vaccin efficace soit garanti sans aucune discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale ou familiale, la langue, la religion, l’opinion politique ou philosophique et le revenu socio-économique ». Le tribunal a cité les effets de ce type de gaz et a souligné que « l’utilisation de ces gaz serait une combinaison très dangereuse dans un contexte de propagation du virus parce que leurs effets sur le corps humain dégradent les défenses antivirales des poumons. Le citoyen serait donc plus à risque et sa santé plus exposée en cas d’infection par la Covid « Il a également indiqué qu’étant donné l’effet du gaz sur les personnes, cela les forcerait à tousser, augmentant ainsi le risque de propagation du virus : « En ce sens, tout protocole standard sanitaire ou de biosécurité est mis en échec au moment même où ces agents chimiques sont utilisés ». Bien que l’utilisation de ce type d’arme dépend de l’exécutif, la situation de la pandémie devrait conduire à d’autres types d’évaluations indique encore le juge. Il a ajouté que l’utilisation « de ces agents chimiques affecte sans aucun doute la santé humaine, devenant interdite dans certains pays ou également dans certaines villes ». « L’utilisation de ces agents chimiques qui visent à disperser la foule viole non seulement le droit fondamental à la santé de ceux qui participent à la manifestation, mais aussi celui des passants, des habitants et des travailleurs du secteur touché, qui ne devraient pas avoir à supporter le fardeau disproportionné d’être affectée, même temporairement, de leurs capacités sensorielles du fait de l’usage aveugle de cette substance », lit-on dans l’arrêt. Dans sa décision, il a exhorté la Présidence de la République, le ministère de la Défense Nationale et la Police Nationale à « débattre sérieusement de la nécessité de maintenir l’utilisation d’agents chimiques ou de déterminer leur interdiction absolue ». Il faut aussi considérer que « cela affecte non seulement les manifestants, les passants, les habitants et les travailleurs du secteur dans lequel la substance est dispersée, mais cela met également en danger la santé des membres de la police nationale, ce qui augmente le risque de souffrir de maladies professionnelles respiratoires et d’autres infections déjà observées. Qu’en est-il de la responsabilité éventuelle de l’État en cas de préjudice aux personnes ? ». L’administration de Bogotá a répondu en déclarant que des progrès avaient été accomplis pour garantir le droit de protester dans le cadre des décisions ordonnées par le Tribunal Administratif de Cundinamarca et la Cour Suprême de Justice. De plus, il a été rappelé que ce sont la Police, le ministère de la Santé et le ministère de l’Intérieur qui ont la compétence de se prononcer sur une suspension de l’utilisation d’armes chimiques par la brigade mobile anti-émeute « puisqu’ils obéissent aux politiques et directives des entités de niveau central susmentionnées et qui sont régies entre autres par des décrets, des résolutions, des politiques en dehors du district de la capitale ». La Présidence de la République a indiqué que la demande est basée sur des hypothèses alors qu’il existe des protocoles établis et approuvés pour l’utilisation de ce type d’armes non létales. Cependant, le juge a considéré que les entités n’avaient pas évoqué le risque ou non que l’utilisation d’agents chimiques implique lors de la pandémie engendrée par le virus SARS-CoV-2.
Cela pourrait s’expliquer par un dysfonctionnement moléculaire dû à une diminution des taux d’oxygène dans le sang elle-même causée par la présence de cyanure. Le stress post-traumatique lié à l’utilisation de gaz lacrymogènes peut également jouer un rôle dans les troubles menstruels. Il existe des témoignages de cet effet en Inde, aux États-Unis, en France et – maintenant – au Chili. « À partir des données d’une étude transversale sur la santé des manifestantes du mouvement des Gilets Jaunes en France, nous avons examiné la relation entre l’exposition aux gaz lacrymogènes et le cycle menstruel chez les manifestantes », détaille l’étude scientifique menée par le Dr. en Biologie Moléculaire, Alexander Samuel et les docteurs en psychologie, Yara Mahfud, Elif Çelebi et Jais Adam-Troian. « L’analyse suggère un lien positif entre l’exposition [aux gaz] et les perturbations du cycle menstruel », indique l’étude. Aux conclusions de l’enquête s’ajoutent les témoignages de manifestants recueillis par des médias en Inde, aux États-Unis, en France et – maintenant – au Chili. (Voir l’étude en anglais : The link between CS gas exposure and menstrual cycle issues among female Yellow Vest protesters in France : http://gazlacrymo.fr/BORDEL/Cycle.pdf ).
L’étude est parvenue à cette conclusion après avoir examiné les cas de 145 manifestants du mouvement des Gilets Jaunes en France. Les scientifiques précisent néanmoins qu’une enquête plus approfondie est nécessaire car il s’agit de conclusions préliminaires. De plus, étant donné que des altérations de la menstruation pourraient aussi se manifester en raison du stress auquel les manifestantes sont soumises lorsqu’elles sont gazées, on ne sait pas encore précisément dans quelle mesure le cycle menstruel est affecté par le gaz CS et / ou par le stress. « Le gaz lacrymogène pourrait affecter le cycle menstruel par un dysfonctionnement moléculaire dû à une diminution des niveaux d’oxygène dans le sang (une conséquence de l’augmentation des niveaux de cyanure dans le sang) », expliquent les scientifiques. Il est à noter qu’une étude française publiée par INTERFERENCIA a confirmé que le gaz CS, une fois métabolisé dans l’organisme, génère du cyanure dans l’organise, le cyanure étant un produit chimique hautement toxique. (Voir article publié par INTERFERENCIA le 11/09/2020 : https://interferencia.cl/articulos/investigacion-cientifica-francesa-concluye-que-componente-presente-en-lacrimogenas-de ). Actuellement, le travail des scientifiques est en cours d’évaluation par la revue scientifique Women’s Health Issues, créée en 1990. Il est cependant déjà publié dans le cadre d’une relecture non officielle sur le site de pré-évaluation scientifique medRxiv, créé lui pour discuter des travaux connexes sur des médicaments encore à l’étude. En parallèle à cela, l’Université du Minnesota a lancé une enquête similaire, axée sur la question de savoir si les gaz lacrymogènes affectent le cycle menstruel des manifestants. (Lire l’étude et les commentaires qu’elle a généré : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.10.11.20210955v1.full).
S’ajoutent à l’enquête de multiples témoignages, publiés par les médias en Inde et aux États-Unis, de femmes dont le cycle menstruel a été affecté après avoir été en contact avec des gaz lacrymogènes. La répression de la révolte sociale chilienne depuis le 18 octobre 2019 a également eu des conséquences sur les femmes. INTERFERENCIA a obtenu des témoignages de première main.
Augmentation notable de la douleur, du flux et de la durée des règles : retard et dérèglement
« Mes règles sont survenues peu de temps après le 18 octobre 2019. Depuis le début de la révolte, j’étais presque tous les jours à la Plaza Italia », raconte Juana, dont l’identité restera confidentielle. « Lorsque mes règles sont revenues, cela faisait très mal, comme presque jamais auparavant. Je prends des pilules et sinon ça ne fait pratiquement rien normalement », explique-t-elle. Elle ajoute que le saignement était manifestement plus élevé que d’habitude et note aussi une durée anormalement longue de ses règles post exposition au gaz. Patricia – dont le nom a également été changé pour protéger son identité – a assisté à beaucoup de manifestation depuis le 18 Octobre, mais affirme avoir eu un contact prolongé avec le gaz lacrymogène à trois reprises durant lesquelles elle a souffert de brûlures intenses et ressentit une forte gêne dans la poitrine. « Ensuite, mes règles ont été très douloureuses, difficiles et avec beaucoup plus de fluide », indique-t-elle, ce dernier détail étant évident puisque Patricia confie s’être taché pour la première fois de sa vie au moment de ses règles.
Les cas de Juana et Patricia ne sont que deux sur un total de sept auxquels nous avons eu accès. Toutes décrivent des dérèglements similaires dans leur cycle menstruel après un contact prolongé avec des gaz lacrymogènes : une douleur intense, une augmentation du débit et de la durée, des retards ou encore des règles précoces.
Parallèlement, INTERFERENCIA s’est également entretenu avec huit autres femmes qui ont participé à des manifestations et qui étaient en contact direct avec des gaz lacrymogènes, qui ne se souviennent pas avoir souffert d’un quelconque changement dans leur cycle menstruel.
Mais le Chili n’est pas le seul pays où le gaz CS est utilisé. En Inde, après les protestations étudiantes, la police a également utilisé cette arme chimique. « Nous étions sur la route de Mata Mandir dans le cadre d’une manifestation silencieuse organisée par notre faculté. C’est à ce moment-là que nous avons vu la police charger dans notre direction », déclare à Feminism In India, Tanya, étudiante en droit en Inde. Selon l’article, en décembre 2019, après avoir reçu des gaz lacrymogènes à une distance de cinq mètres, le cycle menstruel de Tanya a été retardé de 20 jours. (Consultez l’article en anglais : https://feminisminindia.com/2020/09/02/tear-gas-attacks-jamia-irregular-periods-black-lives-matter/ ).
Le même article raconte également l’expérience de Taslima, une étudiante de 22 ans à l’Université Musulmane d’Aligarh. « Ce mois-là, je me souviens avoir eu des crampes douloureuses au moment où mon cycle était censé commencer, comme si j’allais saigner à tout moment. Mais cela a persisté pendant 8 à 10 jours avant que mon cycle menstruel ne commence enfin », a-t-elle raconté.
Selon le magazine Teen Vogue – une version jeunesse du magazine Vogue – Charlie Stewart a été en contact avec des gaz lacrymogènes quatre fois le 30 mai 2020. Peu de temps après, Stewart n’a pas pu se mettre au travail. « J’ai commencé à ressentir beaucoup de crampes », qu’elle considère comme le pire qu’elle ait jamais connu. Le cycle menstruel de Stewart avait pris fin la semaine précédente, mais malgré cela, elle a commencé à saigner quelques heures après avoir ressenti les douleurs. (Consultez ici l’article https://www.teenvogue.com/story/protestors-say-tear-gas-caused-early-menstruation)
INTERFERENCIA a contacté le service de communication des Carabineros du Chili pour savoir s’il y a eu des plaintes de fonctionnaires de l’institution ayant manifesté des altérations de leur cycle menstruel mais aussi pour savoir s’il existe des études ou des documents au sein de la police qui signaleraient cet autre effet possible du gaz lacrymogène.
L’institution a répondu que « pour le moment, il n’y a aucune connaissance, ni aucun cas de femmes fonctionnaires affectées par les effets du gaz sur leur période menstruelle. ». De plus, en ce qui concerne l’existence d’études des conséquences sur la santé des gaz lacrymogènes liés aux troubles des menstruations, ils nous ont indiqué que « puisqu’il n’y a pas de cas ou de plaintes, il n’y a pas non plus d’études à cet égard ».
Le bureau du Premier Procureur Militaire a ouvert une enquête pénale après que le caporal Blas Herrera ait été blessé au cou, au dos, à la tête et au fessier, lors de son dernier jour d’instruction des Forces Spéciales. Le tribunal militaire interrogera aujourd’hui la victime, qui est défendu par l’avocat Alfredo Morgado. Dans la caserne de l’unité de la victime, son casier a été forcé et sa carte d’identité volée. Le 22 décembre 2009, la poussière et la chaleur ont envahi le terrain d’entraînement des Carabineros à Curacaví. Là, un groupe de fonctionnaires termine son cours de Forces Spéciales donné par l’institution. Noël arrivant, ils auront bientôt du temps libre pour être en famille, après plusieurs semaines d’apprentissage des stratégies à suivre face aux situations extrêmes à lesquelles ils peuvent être confronté et doivent répondre. Cependant, aucun des participants, femmes et hommes carabineros, n’avait la moindre idée de ce qui allait se passer.
Lors de ce dernier moment ensemble, le commandant Letelier, troisième commandant de l’unité des Forces Spéciales, les félicite tout d’abord d’avoir terminé la période d’apprentissage et leur indique ensuite qu’ils seront « baptisés », puisque c’est une tradition. Après plus d’une heure d’attente, le canon à eau arrive enfin. Il est venu spécialement de Santiago pour la « cérémonie » et c’est donc une « surprise » pour tous les participants à ce cours de spécialisation. Parmi eux se trouve le caporal Blas Herrera, qui, comme ses compagnons, a rapidement comprit qu’ils seront tous mouillés par le puissant jet d’eau du « guanaco » (mot d’argot désignant le canon à eau mobile au Chili) et apprendraient ainsi à lui résister.
Leur supérieur, le commandant Letelier, leur indique qu’ils devront faire face au canon à eau à chaque fois qu’ils en recevront l’ordre, mais qu’ils ne devaient pas s’inquiéter, car ce ne sera « que de l’eau ». Jusque-là, pas d’inquiétude donc pour les futurs bizutés qui ne portent pas leurs équipements de protection mais un simple pantalon et une chemise à manches courtes. Le camion se positionne devant des groupes compacts d’officiers qui se protégent les uns derrière les autres. Ils résistent à l’attaque, entre cris et rires, et ainsi se termine l’instruction. Jusque-là, rien ne semblait sortir de l’ordinaire.
Le pire arrive
Cependant, des douleurs et des démangeaisons apparaissent soudainement aux yeux et sur le corps. Cela s’explique par l’acide irritant – appelé CS – que les policiers mélangent à l’eau utilisée pour dissoudre les manifestations. Beaucoup enlèvent leurs chemises et reçoivent des liquides spéciaux sous forme de spray pour diminuer l’irritation des yeux.
Ordre est alors donné de se reformer en rang. Le commandant Letelier minimise l’incident devant ses troupes qui l’interrogent, il insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’un peu d’eau. Le caporal Blas Herrera fortement mouillé lors du baptême doit maintenant ramener le bus au 29ième poste de police de Lo Espejo en courant un risque majeur pour lui et ses 28 collègues : il peut à peine fixer ses yeux sur la route… Avant de partir il avait en tout cas pris soin de mettre dans son sac la caméra avec laquelle un autre fonctionnaire avait été autorisé à filmer tout l’incident. En arrivant à sa caserne, Blas Herrera s’est de suite déshabillé mais lorsqu’il enlève sa chemise, il s’arrache un morceau de peau au niveau du cou. Il remarque aussi que sa tête, son dos et ses fesses sont très irrités. Il se douche et ses douleurs empirent. L’agent chimique agit encore plus fortement et ses cris de douleur se joignent à ceux de ses collègues qui se trouvent être dans la même situation. Herrera rentre alors chez lui car il ne peut plus supporter la douleur. Le lendemain, le 23 décembre, il retourne au travail et informe ses supérieurs des brûlures pour demander son transfert à l’hôpital des Carabineros (Hoscar). La réponse donnée est d’abord qu’il doit y aller par ses propres moyens puis, après avoir insisté, ses supérieurs lui concèdent le prêt d’une voiture qu’il devra par contre conduire lui-même. En arrivant à l’hôpital ce matin-là, les brûlures sont alors insupportables. Il reçoit des soins basiques car il n’y a pas de spécialistes sur place et on lui demande de revenir début janvier, alors qu’un risque de surinfection existe. Son état de santé s’aggrave dans l’après-midi, il retourne donc à l’Hoscar où les soins ne sont pas agréables ni efficaces.
De l’administratif au criminel
Herrera décide alors de se tourner vers une connaissance rencontrée alors qu’il était en poste au commissariat de Pudahuel : le médecin d’une association venant en aide aux enfants brûlés (Coaniquem). Lorsqu’il lui montre ses brûlures, le spécialiste indique qu’elles sont graves et lui demande alors plus de détails sur l’incident afin de les consigner dans un rapport médical. Grâce à ce médecin, Blas Herrera a pu être guéri. Il a par contre perdu un tiers de son salaire mensuel car il a dû s’absenter lors de ses soins et de sa récupération.
A son retour, Herrera s’est plaint auprès de ses supérieurs et a demandé à l’institution Carabineros de prendre en charge les frais d’hospitalisation car il n’avait pas pu les payer. Il était maintenant parfaitement clair que les paroles du commandant des forces spéciales Letelier n’étaient absolument pas correctes : ce n’était pas « que de l’eau » pure et douce, mais bien une eau avec une forte concentration d’acide. Une enquête interne a alors été ouverte chez les Carabineros pour tenter d’établir des responsabilités administratives. Herrera a témoigné et ne se sentant pas écouté il a alors décidé de demander conseil à l’avocat Alfredo Morgado. Ce dernier a alors déposé une plainte auprès du deuxième tribunal militaire de Santiago, dirigé par le Général Bosco Pesse, qui, en raison de la gravité des faits, ordonne une enquête pénale pour le crime de maltraitance d’un subordonné. L’enquête a été confié au premier bureau du procureur militaire, sous la responsabilité du Major Macarena González qui a convoqué Blas Herrera pour témoigner ce lundi. Elle a également décrété quelles seront les premières étapes de l’enquête pour établir les faits autour de ce « rite » qui, bien qu’interdit, existe encore comme une règle non écrite au sein de l’institution.
Vol mystérieux
Blas Herrera est un de ces héros anonymes. Avec 13 ans de service et un peu plus de 400 000 $ de salaire mensuel (550 € environ), il s’est efforcé à obtenir son diplôme d’ingénieur mécanique à l’Inacap et a un curriculum vitae impeccable. Son courage lui a aussi valu une félicitation : lors des manifestations du 11 septembre 2007, il a été l’un de ceux qui ont récupéré, en prenant beaucoup de risque, le corps du caporal Cristián Vera qui gisait mort dans un quartier du secteur ouest de Santiago. Début janvier, Herrera, lorsqu’il est retourné dans son unité pour présenter son arrêt de maladie, s’est rendu compte que son casier avait été déverrouillé et que sa carte d’identification de Carabineros avait été volée. Qui, pourquoi ? Jusqu’à présent, la plainte qu’il a présenté à ses supérieurs n’a pas abouti.
Voir → Vidéo captée après le bizutage :
Développement :
1/ Le 02 Février 2010 […] L’avocat Alfredo Morgado, représentant du deuxième caporal des forces spéciales Blas Herrera, brûlé à l’acide dans un « baptême institutionnel », a apprécié ce mardi les progrès de l’enquête suite à la confrontation entre les parties et aussi la décision des Carabineros de suspendre le commandant Letelier le temps de l’enquête. Morgado a déclaré qu’ils attendaient que « l’expertise et les rapports de la PDI (Police d’Investigation au Chili) soient terminés pour que la vérité soit établie. » […]
Dans le cadre de l’enquête menée par la justice militaire suite aux brûlures subies par le caporal Blas Herrera, après un « bizutage », la PDI (service d’enquête de la police chilienne) assurent que l’agent chimique utilisé dans le guanaco brûle le derme. Les Carabineros se défendent et prétendent le diluer selon les normes internationales. La vérité est que les photos des brûlures parlent d’elles-mêmes. […] Les Carabineros, bien sûr, disent que leur produit chimique est formidable. La section criminalistique de Labocar (Carabineros) a commencé par assurer que le CS, le produit chimique ajouté à l’eau de guanaco, est inoffensif, comparé au spray au poivre. Ce dernier est utilisé dans les sprays de défense personnelle. Puis, toujours selon eux, pour provoquer des brûlures, le CS doit être très concentré et la personne touchée doit être exposée au produit pendant des heures, en contact direct avec la peau car c’est un composant irritant et non caustique. Ils reconnaissent enfin qu’ils utilisent le produit chimique mais le diluent selon les normes internationales. Le parquet n’est absolument pas allé dans leurs sens. Il a demandé deux nouveaux rapports : l’un de l’Institut de santé publique (ISP) et l’autre du Centre de recherche toxicologique de l’Université catholique (Cituc), pour mettre au clair ce qui semble être contradictoire. Un fait important qui remet en question la sincérité des Carabineros est la disparition des preuves pour éviter l’action de la justice. Une fois le cas du caporal Herrera connu, le parquet militaire s’est présenté dans les hangars des Carabineros, là où ils gardent les guanacos. Ils cherchaient à confirmer la concentration de produits chimiques dans les réservoirs. Cependant, par pure coïncidence, les Carabineros avaient changé les réservoirs car ils avaient été envoyés en maintenance…
… mais il ne donne pas d’indication sur le mode opératoire (quantité et fréquence de tirs par exemple) pour que cette arme ne représente pas de réel danger.
le 20.11.2020 Par Mauricio Weibel
CIPER a accédé au document officiel de Carabineros qui cadre les actions de contrôle de l’ordre public et a pu détecter plusieurs normes ou procédures qui ne sont pas suivies par les agents sur le terrain. Dans certains cas, il n’existe même pas de mécanismes pour vérifier la conformité de l’action répressive. Le manuel indique par exemple que l’exposition aux gaz irritants de type CS, utilisés par Carabineros, génère un « danger immédiat pour la vie et la santé » lorsque sa concentration atteint 2 mg / m3. Cependant le document ne rapporte pas au bout de combien de tir de cartouche (ou grenade) ou en combien de temps il est possible d’atteindre ces niveaux. Les experts demandent un plus grand contrôle sur l’institution Carabineros pour surveiller ces aspects techniques qui ne sont pas réglementés en détail jusqu’à maintenant.
Carabineros est conscient que l’utilisation massive de dissuasifs chimiques peut causer de graves dommages à la santé. C’est indiqué dans son propre Manuel d’Opération pour le Contrôle de l’Ordre Public : « Conformément aux normes internationales NIOSH et OSHA, les limites d’exposition (aux gaz irritants de type CS) correspondent à 0,4 mg / m3. La concentration de dangerosité immédiate pour la vie ou la santé est de 2 mg / m3 », précise le document consulté par CIPER.
Bien qu’il s’agisse du manuel opérationnel par lequel toutes les actions de contrôle de l’ordre public doivent être régies, le document ne contient pas d’informations qui instruisent les fonctionnaires de police sur la quantité de tir qui peuvent être effectués dans un laps de temps donné pour éviter un niveau de concentration de gaz CS dangereux pour la santé.
CIPER a demandé aux Carabineros comment sont évalués sur le terrain les niveaux et le danger du gaz CS tiré sur les manifestants. La réponse ne spécifie pas de procédures pour mesurer l’exposition des civils ou des policiers aux produits chimiques CS et se limite à noter que les Carabineros « depuis 2013 ont des protocoles réglementés spécifiques pour le maintien de l’ordre public, qui ont été récemment mis à jour. En plus de cela, l’utilisation de dissuasifs chimiques est similaire à celle utilisée par la police dans d’autres pays et est conforme aux normes et standards internationaux ».
Le manuel ne contient pas non plus de protocoles pour évaluer l’augmentation de la toxicité dans l’air et comment cela peu affecter les habitants d’une zone constamment soumise à des gaz de ce type, comme cela s’est produit dans le secteur de la Plaza Italia (Plaza Dignidad). Tout est à la merci des critères subjectifs du chef des opérations qui est sur le terrain à ce moment-là.
Les registres des Carabineros enregistrent des cas d’utilisation intensive de dissuasifs chimiques dans lesquels les limites auraient pu être dépassées. Par exemple le 10 décembre 2019, Journée internationale des droits de l’Homme, lorsque des membres des forces spéciales ont lancé 34 grenades contenant du gaz irritant et 369 cartouches contenant le même produit chimique à proximité de la Plaza Italia. Selon les rapports des Carabineros rendu à la justice, cet arsenal a été tiré sur les manifestants entre 16h30 et 21h45. Autrement dit, plus d’une dose de gaz irritant par minute.
Crédits: Migrar Photo
Face à des volumes tels que ceux décrits dans le paragraphe précédent, la toxicologue Fernanda Cavieres, de l’Université de Valparaíso, soulève « la nécessité de normes juridiquement validées au Chili sur l’utilisation du gaz CS ».
Le manuel de Carabineros – plus de 200 pages – confirme qu’au Chili ce ne sont pas des gaz lacrymogènes mais des irritants qui sont utilisés. Ils sont plus puissants et provoquent « une irritation des yeux, des voies nasales et de la gorge, des pleurs, de la toux, une détresse respiratoire, une fermeture des yeux involontaires, des démangeaisons dans différentes parties du corps ».
Les instructions des Carabineros insistent sur le fait que l’utilisation de cet agent chimique, appelé Orthochlorobenzolmalononitrile (CS), doit être rationnelle et ne doit jamais être utilisé à proximité d’hôpitaux ou de centres éducatifs. Cela n’a pas non plus été respecté, comme l’a montré une vidéo enregistrée le 8 novembre 2019, dans laquelle on observe comment des membres de l’institution ont tiré des dissuasifs chimiques dans la zone d’entrée de l’hôpital Gustavo Fricke à Valparaíso.
Concernant la différence entre les normes et ce qui se passe réellement sur le terrain, la sociologue et spécialiste des questions de sécurité publique Lucía Dammert déclare : « Carabineros a réussi à établir des normes adaptées à la loi et cela est reconnu, mais le fait est que personne ne contrôle le respect de ses normes et de ses propres procédures sur le terrain » (voir l’éditorial « Les Carabineros : une institution qui (légalement) se contrôle seule » : https://www.ciperchile.cl/2020/01/30/carabineros-una-institucion-que-legalmente-se-manda-sola/).
Un exemple de cette autonomie est que la police en uniforme n’a même pas jugé utile d’informer la Cour d’Appel de Concepción (ville du Sud du Chili) du danger pour la santé du gaz CS, cela suite à « l’appel à protection » déposé par l’Institut National des Droits de l’Homme (INDH), une entité qui exigeait d’interrompre l’utilisation de ces dissuasifs chimiques lors des manifestations de 2019, précisément en raison des risques liés à leur utilisation (voir la réponse des Carabineros au tribunal : https://www.ciperchile.cl/wp-content/uploads/Documento-6-Respuesta-de-Carabineros.pdf).
ÉTUDES INTERNATIONALES
Le manuel de Carabineros cite la norme NIOSH, publiée par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, en mentionnant les niveaux de concentration de gaz de type CS qui présentent un danger immédiat pour la santé et la vie humaines. Cette norme a été élaborée à partir d’expériences développées en 1961 par l’armée américaine et précise qu’une personne ne doit pas être exposée plus de deux minutes à une concentration de 2 mg / m3.
« Il a été signalé que les concentrations incapacitantes médianes variaient de 12 à 20 mg/m3 après environ 20 secondes d’exposition [U.S. Depts of Army and Air Force 1963] et qu’une exposition de 2 minutes à des concentrations comprises entre 2 et 10 mg/m3 était considérée comme « intolérable » par 6 personnes sur 15. [Army, 1961]. Dans une autre étude, 3 volontaires sur 4 exposés à 1,5 mg/m3 pendant 90 minutes ont développé des maux de tête et 1 volontaire a développé une légère irritation des yeux et du nez. Les volontaires ont trouvé que les concentrations supérieures à 10 mg/m3 pendant plus de 30 secondes étaient extrêmement irritantes et intolérables en raison de brûlures et de douleurs aux yeux et à la poitrine [Punte et al. 1963]. Des expositions supérieures à 14 mg/m3 pendant une heure ont produit une irritation extrême, un érythème et une vésication de la peau des volontaires [Weigand, 1969] », explique le CDC.
À ce propos, il convient de noter que chaque cartouche utilisée au Chili contient 23 mg de dissuasion chimique CS [remarque : il semble que ce soit davantage, 23mg par palet, or il y en a 3 par grenade].
À titre de référence, une étude scientifique sur l’utilisation massive de gaz CS au cours des mobilisations qui ont eu lieu à Ankara, en Turquie, a révélé que « la sécurité des produits chimiques utilisés comme agents de contrôle des masses pendant les manifestations est douteuse, car ces agents sont associés à divers risques pour la santé, et le devoir des scientifiques n’est pas de corriger ces doutes, mais d’ouvrir la voie à l’élimination de tous les facteurs qui menacent la santé humaine à leur source » (voir l’étude : https://www.ciperchile.cl/wp-content/uploads/Documento-2-Estudio-Ankara.pdf).
Une étude similaire, développée au Venezuela par le professeur Alejandro Rísquez, explique que « lorsqu’une grenade CS dissipe son gaz à l’air libre, un nuage de six à neuf mètres de diamètre est généré, concentrant une densité plus élevée au centre de jusqu’à 5000 mg / m3 qui se dispersent en périphérie. Les concentrations sont beaucoup plus élevées dans les espaces clos et potentiellement mortelles au-dessus de 50 000 mg / m3 dans 50 % des cas » (voir l’étude : https://www.ciperchile.cl/wp-content/uploads/Documento-3-Estudio-Venezuela.pdf).
De plus, une analyse publiée dans Annals of the New York Academy of Sciences a révélé que « l’exposition aux gaz lacrymogènes produit un large spectre d’effets sur la santé, y compris ceux de types aigus et chroniques » (voir l’étude : https://www.ciperchile.cl/wp-content/uploads/Documento-4-Estudio-EEUU.pdf). « Des effets respiratoires ont également été observés chez les résidents des zones où des gaz lacrymogènes ont été tiré, ce qui suggère que les agents de gaz lacrymogènes posent un danger persistant pour la santé », a ajouté l’étude des chercheurs Craig Rothenberg, Satyanarayana Achanta, Erik Svendsen et Sven-Eric Jordt. Bien qu’ils admettent qu’il n’y a pas d’études approfondies sur ce sujet, ils soulignent tout de même qu’il y a des cas de lésions oculaires permanentes et des cas de décès massifs, comme cela s’est produit avec 37 détenus dans une prison du Caire, en Égypte, en 2013 (voir le rapport de la BBC : https://www.bbc.com/news/world-middle-east-26626367).
« Les preuves tirées des quelques études épidémiologiques disponibles et des études de cas précis montrent que le gaz lacrymogène peut causer de graves dommages et est une menace en particulier pour certaines populations potentiellement plus vulnérables comme les enfants, les femmes et les personnes touchées par des morbidités respiratoires, cutanées et cardiovasculaire », conclut l’étude.
Pour cette raison, rappellent les chercheurs, ce type de gaz était interdit en tant qu’arme de guerre dans la Convention Internationale sur les Armes Chimiques de Genève (1993). Cependant, les gouvernements les maintiennent autorisés pour réprimer les manifestations civiles (voir le document de la convention : https://www.ciperchile.cl/wp-content/uploads/Documento-5-Convenci%C3%B3n.pdf).
AUTRE RISQUE : LE CANON À EAU
Le manuel des Carabineros pour le contrôle de l’ordre public établit également d’autres procédures pour éviter des lésions graves liées à l’utilisation du canon à eau (« guanaco » au Chili), aux tirs de fusils antiémeutes et aux coups de matraque (appelés «lumas»), mais qui ne sont pas toujours suivies, comme le prouvent divers documents audiovisuels.
Le document, par exemple, indique que dans le cas du canon à eau « le jet ne peut pas viser des mineurs ou des personnes âgées, même en possession d’objets dangereux ». Dans ces cas, le manuel recommande de projeter l’eau au sol, en direction des pieds, avant l’arrestation des manifestants.
Cependant, les informations indiquant que la police ne se conforme pas à cette norme sont nombreuses. En effet, le Défenseur des Droits de l’Enfance a présenté un rapport au Sénat dans lequel il précisait qu’entre le 18 octobre et le 9 décembre 2019, quelque 450 enfants et adolescents ont subi des agressions de ce type.
Il existe également des cas de tir direct contre les personnes handicapées et les femmes, groupes qui selon le manuel ne devraient pas faire l’objet de cette pratique. Par exemple, le 11 octobre, une vidéo devenue virale montrait un tir de canon à eau dirigé sur une personne en fauteuil roulant manifestant à Plaza Italia (voir vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=PddvVkGa-0M). Le nouveau directeur général des Carabineros, qui était à cette date le Directeur National de l’Ordre et de la Sécurité, le général Ricardo Yáñez, a justifié l’action de la police en disant que la personne affectée « commettait des actes de violence et attaquait le personnel de la police ».
Un élément à considérer lorsque les affaires sont portées devant les tribunaux est que, selon le manuel institutionnel, ces actions répressives sont exécutées suite des ordres pris par toute une échelle hiérarchique précise – pour autant, il y aurait une responsabilité des hautes gradés – et non selon le critère isolé ou accidentellement erroné du simple opérateur du canon à eau. « L’ordre de tirer de l’eau ne sera ordonné que par le responsable de la zone d’opération, ou par le chef territorial en charge de la procédure, ou par le chef de patrouille, de sa propre initiative, lorsque les conditions le justifient », précise le document.
En ce qui concerne l’utilisation des tirs d’eau à haute pression, le manuel indique : « on ne doit jamais coincer une masse de manifestant, il faut toujours considérer des issues de secours ou d’évacuation » et ajoute que l’eau mélangée à du liquide lacrymogène ne doit pas être utilisée contre des « manifestants qui de par leur attitude non dangereuse pourront être dispersés autrement ». Le document autorise cependant l’utilisation d’eau avec des produits chimiques dans le cas où les manifestants « désobéissent ou résistent aux semonces d’évacuation, cela afin d’éviter les contacts physiques et d’éviter les confrontations directes ou les actions agressives ». Cependant, son utilisation n’est pas discrétionnaire et doit être définie par le chef de service, après évaluation du « théâtre d’opérations » et aussi sans dépasser certains niveaux de concentrations de produits chimiques dans l’eau.
A cet égard, le Département des Droits de l’Homme de la Faculté de Médecine a informé le Sénat chilien que les preuves sanitaires disponibles font douter de la réelle innocuité de l’eau utilisée par les canons à eau, cela en raison des nombreuses brûlures détectées chez les manifestants depuis le 18 Octobre 2019.
Le Défenseur des Droits de l’Enfance a recommandé au ministère de l’Intérieur « d’exiger que le commandement des Carabineros du Chili et par son intermédiaire, leurs fonctionnaires, s’abstienne d’utiliser de l’eau mélangée avec d’autres substances chimiques qui peuvent être nocives pour le la santé des personnes »
Enfin, le manuel ne permet pas l’utilisation des matraques de manière offensive, autrement dit, elles ne peuvent pas être utilisées pour frapper. « Le bâton Isomer est conçu pour la défense du personnel spécialisé dans les opérations de contrôle de l’ordre public. Il est en polyéthylène, sa dimension est de 84 cm. long et son poids est de 354 grammes », rapporte le document. Le texte précise – avec des photographies explicatives – qu’il ne doit être utilisé que pour bloquer les attaques, mais jamais pour attaquer. « (L’idée est) d’éviter la perte de contrôle et les blessures de l’utilisateur et des manifestants, en plus de corriger tous les détails qui peuvent conduire à une mauvaise utilisation. »
MANQUE DE CONTRÔLE ET DE RÉFORME
Le manque de contrôle du respect des procédures indiquées dans le manuel des Carabineros oblige à réfléchir sur les processus et mécanismes à mettre en place pour développer une surveillance civile de l’action de la police, selon les experts et responsables de l’INDH.
« Le seul moyen est d’utiliser des mécanismes de contrôle puissants et respectés. Aujourd’hui, il n’existe qu’une seule Division de la Gestion et de la Modernisation de la Police au sein du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et il faudrait créer des zones de contrôle spécifique, avec des mécanismes de responsabilisation intégrée », a déclaré Lucía Dammert. Pour elle, ce ne sera pas un chemin facile en raison de multiples facteurs. D’une part, dit-elle, chez les Carabineros « il y a une impression de persécution et l’existence de toutes sortes de théories du complot ». Et aussi parce que « les partis politiques ont abandonné l’idée d’avoir des cadres spécialisés sur cette question ».
Interrogé par CIPER, l’Institut National des Droits de l’Homme (INDH) répond qu’il est clairement indispensable de créer des mécanismes de contrôle autonomes et spécialisés – externes à Carabineros – dotés des pouvoirs nécessaires pour la prévention des actes contraires à la législation en vigueur.
Pour sa part, l’universitaire de l’Université du Chili, Hugo Frühling, déclare que lorsque l’on parle d’une réforme profonde de Carabineros, les changements ne doivent pas être uniquement de l’orde administratif. Il est nécessaire de changer la définition de la politique de sécurité publique en modifiant la doctrine des Carabineros.
Le document, publié hier par les Carabineros, détaille le rôle clé joué par le «liquide CS».
C’est par une lettre officielle que le directeur général des Carabineros, Mario Rozas, a communiqué hier avec le Ministre de la Santé, Jaime Mañalich. Au travers de six points développés sur deux pages, le chef de la police a répondu à une préoccupation soulevée par le Ministère de la Santé concernant «la composition du liquide utilisé dans les canons à eau».
Dans la lettre, qualifiée de «secrète», Rozas détaille en six points les composants du liquide utilisé dans les opérations de contrôle de l’ordre public. Depuis le début de la semaine dernière, cet élément était remis en question, car lors d’une session de la Commission sénatoriale de la Santé, des représentants du Collège Médical ont averti que certains manifestants qui avaient reçu ce liquide avaient eu ensuite des blessures à la peau.
Les interrogations sur ce sujet ont repris de la vigueur hier, lorsqu’une étude commandée par l’organisation Movimiento Salud en Resistencia – dont l’analyse a ensuite été consultée par le Collège des chimistes pharmaceutiques et biochimiques du Chili ( NDT: et disqualifié par la suite) – a constaté des traces de soude caustique dans la composition du liquide.
Et c’est dans le cadre de cette journée d’hier – au cours de laquelle Carabineros a nié que cette substance était présente dans le liquide – que la police en uniforme a adressé le rapport au ministre de la Santé.
La lettre commence par indiquer que « le liquide utilisé par les canons à eau des Carabineros se compose d’une certaine quantité d’eau et d’une autre certaine quantité d’un produit commercialisé par des entreprises spécialisées sous le nom de liquide CS », ce dernier consistant en un liquide qui contient l’agent chimique o-chlorobenzalmalononitrile « .
Dans le deuxième point, Rozas explique que « les fournisseurs livrent le «liquide CS » avec une concentration de 12% à 15% et l’élément restant est un solvant ininflammable appelé dichlorométhane (également connu sous le nom de chlorure de méthylène) « .
Le troisième paragraphe précise que « concernant l’agent CS, il convient de noter qu’une concentration de 0,4 mg / m3 est considérée comme non nocive pour la santé humaine par la Fédération des Scientifiques Nord-Américains (FAS) et par les réglementations internationales qui réglementent les produits chimiques CS (NOICH : Institut National pour la Sécurité et la Santé au Travail), lorsqu’ils sont utilisés à l’extérieur dans des activités de lutte contre des émeutes, des manifestations hostiles ou des troubles qui altèrent l’ordre public, par du personnel de police qualifié. De plus, l’entité gouvernementale OSHA, travaillant sur la sécurité au travail et qui dépend du Département Américain du Travail, indique également 0,4 mg / m3 comme étant la concentration autorisée ».
A la fin du document, Rozas précise « qu’il est important de souligner que ces informations ont un classement « secret » conformément aux dispositions de l’article 436 N ° 3 du code de Justice Militaire, qui régit les documents secrets ou ceux dont le contenu est directement lié à la sécurité de l’État, à la défense nationale, à l’ordre public intérieur ou à la sécurité des personnes, entre autres. «
Ce matin, dans une interview à la radio Infinita, Mañalich a expliqué qu’il avait fait cette demande aux Carabineros suite au fait que le lundi précédent, plusieurs personnes avaient déclaré des brûlures dans les hôpitaux de la capitale et l’avaient associé au liquide du canon à eau.
« Ce qu’ils décrivent, selon le directeur de l’hôpital central, est une irritation superficielle sans brûlure », a ajouté Mañalich, et a déclaré que « cette inquiétude m’a fait demander aux Carabineros quel est le contenu de cette eau? »
Le Ministre a également signalé que «le contenu irritant principal de ce liquide est ce qu’il y a dans le piment, une substance appelée capsaïcine».
Dans le rapport que lui a remis Carabineros, il a ajouté, « il n’y a aucune mention à la soude caustique ».
Carte d’accumulation de gaz CS sur la Plaza Dignidad. Source: Forensic Architecture médico-légale
L’agence londonienne Forensic Architecture a mesuré l’accumulation de gaz CS le 20 décembre 2019. Les concentrations ont parfois également dépassé de 27 fois le niveau décrit comme étant «un danger immédiat pour la vie et la santé».
Il y a exactement un an, lors de la manifestation du 20 décembre 2019 s’inscrivant dans le cadre de la révolte sociale qui a débuté le 18 octobre 2019, les Carabineros ont lancé 594 grenades lacrymogènes CS (Ortochlorobenzolmalononitrile) sur les manifestants de la Plaza Dignidad, chiffre auquel s'ajoute l'utilisation constante des voitures tactiques lanceuses de gaz.
A la demande de l'organisation No + Lacrimógenas (Stop aux Lacrymogènes) - une association de quartier de la zone Zéro des manifestations dont l'objectif est de rendre visible les conséquences de l'utilisation de cette arme chimique sur leur santé - l'agence de recherche Forensic Architecture (FA), basée à la Goldsmiths University de Londres, a mesuré la concentration de gaz dans ce secteur.
INTERFERENCIA reproduit ci-dessous - et en parallèle à la publication de l'étude par Forensic Architecture (F. A.) - les résultats obtenus par l'agence anglaise. Son travail multidisciplinaire consiste en la réalisation d’enquêtes sur les violations des Droits de l'Homme dans le monde du fait de la violence des États, de la police, des armées ou encore des entreprises. (Voir le site Forensic-architecture.org)
Les découvertes de F.A. sont dramatiques : le 20 décembre 2019, des concentrations de 54 mg / m3 de gaz CS ont été enregistrées sur la Plaza Dignidad, soit 135 fois la limite d'exposition de 0,4 mg / m3 établie par les Carabineros eux-mêmes pour son utilisation dans un tel contexte ; voir le « Manuel des opérations pour le contrôle de l'ordre public» de l'institution, révélé par Ciper Chili (traduction : https://www.gazlacrymo.fr/2020/11/29/le-manuel-interne-des-carabineros-reconnait-des-risques-eleves-pour-la-sante-causes-par-lutilisation-intensive-de-gaz-irritants/)
De plus par moment les concentrations sont 27 fois supérieures aux 2 mg / m3 que le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) et l'Occupational Safety and Health Administration (OSHA) reconnaissent comme étant immédiatement dangereux pour la vie et la santé (en abrégé IDLH). Dans son manuel, Carabineros du Chili, reconnaît également ce chiffre comme une concentration immédiatement dangereuse. (Vérifiez l'IDLH de 2 mg / m3 pour l'agent irritant CS : https://www.cdc.gov/niosh/npg/npgd0122.html).
Tableau des concentrations moyennes de gaz CS. Source : F. A.
Les effets néfastes du composant chimique utilisé par les Carabineros et les autres forces de police du monde entier ont été étudiés par différents scientifiques dans différents pays. INTERFERENCIA a déjà publié le travail de recherche du français Alexander Samuel, docteur en biologie moléculaire et du Dr André Picot, président de la Société Française de Toxicologie (https://www.atctoxicologie.fr/actualites/160-le-gaz-lacrymogene-cs-effets-toxiques-a-plus-ou-moins-long-terme.html) dans lequel ils informent que le gaz CS est responsable de la métabolisation dans l’organisme de molécule de cyanure, un composé chimique hautement toxique et potentiellement mortel. Parmi ses conséquences, ils mentionnent que les expositions intenses et/ou prolongées dans le temps à la substance chimique CS sont un « facteur de risque majeur pour le cerveau, le foie, les reins, les yeux et le système gastro-intestinal » des manifestants et de la police. (Consultez l’article https://interferencia.cl/articulos/investigacion-cientifica-francesa-concluye-que-componente-presente-en-lacrimogenas-de).
Par ailleurs, INTERFERENCIA a publié cette semaine une série d'études menées en France, en Uruguay, au Japon, en Angleterre et aux États-Unis qui montrent que le CS est capable de brûler la peau et encore plus fortement lorsqu'il est utilisé mélangé à l’eau des canons à eau, une pratique courante et autorisée pour les Carabineros du Chili et quelques autres polices du monde entier alors qu’interdit dans certains pays d’Europe. (Consultez l'article https://interferencia.cl/articulos/evidencia-cientifica-global-muestra-que-gas-cs-usado-por-guanaco-causa-quemaduras-en-la).
Les travaux de F.A. au Chili, réalisés par une équipe multidisciplinaire de 13 experts, révèlent de profondes lacunes dans l'utilisation et la gestion des produits chimiques qui ont de graves conséquences sur la santé des personnes qui y sont exposées.
L’enquête
En Octobre 2019, peu après le début de la révolte sociale, des habitants du quartier de la Plaza Dignidad ont décidé de se regrouper et de former No + Lacrimógenas, une organisation dont l'objectif est de rendre visibles les différentes conséquences physiques et émotionnelles sur la santé des habitants suite à « l'utilisation excessive et aveugle des gaz lacrymogènes dans les zones résidentielles ».
En tant que groupe, ils ont choisi de déposer une « action en protection » dans le but de restreindre ou d'interdire l'utilisation du gaz lacrymogène CS sur le site. Cette demande a été déclarée recevable devant la justice mais a fini par être rejetée par les tribunaux.
C'est suite à cette décision contraire que les membres de l'organisation - qui préfèrent rester anonymes après avoir subi des menaces anonymes - ont décidé de contacter Forensic Architecture, avec laquelle ils ont travaillé pendant toute une année, le temps nécessaire pour la collecte et l'analyse des données.
Des dix années d’existence de F. A., on peut citer parmi ses études majeures les travaux sur l'explosion dans le port de Beyrouth, l’étude des brutalités policières lors des manifestations de Black Lives Matter aux États-Unis ou encore l’enquête sur l'utilisation de phosphore blanc par Israël lors des attaques en Palestine.
Avec No + Lacrimógenas, ils ont décidé d'analyser la concentration de gaz CS sur la Plaza Dignidad, en retenant pour l’étude la journée du 20 décembre 2019, le jour même où deux voitures lanceuses de gaz ont écrasé un manifestant à l'intersection de l'avenue Vicuña Mackenna et de l'Alameda.
Pour ce faire, ils se sont appuyés sur Galeria Cima, un projet audiovisuel dédié à l'enregistrement, depuis un appartement adjacent à la place, des affrontements entre les manifestants et les Forces Spéciales de Carabineros. Ce 20 décembre, ils ont enregistré tout ce qui s'est passé sur la place.
Forensic Architecture a pu récupérer cet enregistrement pour ensuite cartographier et mesurer les concentrations de gaz cela grâce à la technologie disponible sur des plateformes ouvertes (Open Source Technology), aux spécifications techniques du gaz lacrymogène utilisé (données du fabricant) et à l'application des formules de la dynamique des fluides.
F.A. a appliqué un algorithme de reconnaissance d'images qui a permis d'identifier et de positionner chaque grenade lancée sur le site (marquées d’une croix violette) donnant ainsi le total de la journée : 594 grenades lacrymogènes.
Chaque croix violette correspond à une bombe ou cartouche lacrymogène lancés à Plaza Dignidad le 20/12/2019. Source : F. A.
Entre 20h30 et 20h40, les Carabineros ont lancé 82 bombes ou cartouches lacrymogènes : c’est le moment de l’accumulation maximale du gaz. Au cours de ce laps de temps dde 10 minutes, le gaz CS rejeté dans l’environnement a atteint une moyenne 2 700 % supérieure à celle identifiée comme un danger imminent pour la vie ou la santé selon les institutions nord-américaines et 6 000 % supérieure à la limite d’exposition établie par les Carabineros. Les experts de F.A. ont également cartographié la concentration du produit chimique dans le sol, notant que, sous l’effet du vent, sont aussi impactées les zones se trouvant à plusieurs mètres de l’endroit où les grenades ont explosé et/ou est passé le « zorrillo » (mot d’argot signifiant en réalité le putois – l’animal – qui désigne les voitures lanceuses de gaz).
Cartographie du gaz CS déposé sur le sol de la Plaza Dignidad le 20/12/2019. Source : F. A.
En conclusion, les enquêteurs londoniens indiquent que le gaz s’est également retrouvé dans le fleuve Mapocho situé près de la place Dignidad, lui qui irrigue les terres agricoles situées en aval de Santiago, transférant alors le gaz toxique dans les zones de production alimentaire.
Distance entre les industries agricoles et la Plaza Dignidada. Source : F.A.
L’enquête s’achève en citant une plainte déposée par la Commission chilienne des Droits de l’Homme contre l’Unité de Contrôle de l’Ordre Public des Carabineros pour l’utilisation illégale d’armes chimiques contre les manifestants de la place Dignidad. « Les résultats de notre enquête soutiennent et corroborent cette dénonciation, et exigent l’interdiction absolue des gaz lacrymogènes comme arme chimique », conclut-il.
Concernant les résultats de l’enquête, le Dr Samaneh Moafi, chercheur principal chez F.A. annonce dans un communiqué de presse que « l’espace urbain c’est-à-dire les ronds-points et les places – ont été cruciaux pour les révoltes de 2019 au Chili, à Hong Kong, au Liban et dans d’autres endroits encore ». Cela a été identifié par les autorités qui « pour les supprimer ont saturé l’espace aérien de produits chimiques toxiques ». Moafi explique également que « les rapports médicaux des manifestant prouvent l’impact brutal » de ces produits chimiques.
Martyna Marciniak, également chercheuse à F.A. conclut que « notre travail montre que malgré l’existence de réglementations pour l’utilisation des gaz lacrymogènes, celles-ci ne peuvent tout simplement pas être mises en œuvre de manière pratique et leur bonne utilisation ne peut pas être vérifiée sur place. En conséquence, les limites pour la concentration du gaz CS sont « largement transgressées », ajoutant que « nous avons pu démontrer […] que les niveaux de toxicité dans l’air sont très dangereux et susceptibles d’avoir des conséquences durables sur la santé des manifestants, ainsi que sur l’environnement ».
En conséquence, Marciniak demande l’interdiction de l’utilisation du gaz lacrymogène CS.
Pour leur part, les représentants de No + Lacrimógenas ont fait remarquer à INTERFERENCIA que cette analyse aux résultats alarmants montre juste l’utilisation du gaz par les Carabineros pendant une seule journée, dans un seul secteur de Santiago. « Il est urgent que, en tant que société engagée dans un processus d’écriture d’une nouvelle constitution initié par les citoyens, nous réévaluions l’utilisation des moyens répressifs dans toutes les « zones zéro » du pays : à Lo Hermida, à Antofagasta, à Providencia, à Concepción, à Santiago Centro, dans tant de cités, de villes et de secteurs, pour avoir enfin un pays qui protège la santé et le bien-être des citoyens dans l’exercice légitime de leurs droits », affirment t-ils.
L’étude d’architecture médico-légale a été réalisée avec la participation des membres de F. A. suivants : le Dr Eyal Weizman, enquêteur principal de l’affaire ; le Dr Samaneh Moafi, enquêteur et coordinateur du projet ; Martyna Marciniak et Bob Trafford.
Les experts Salvador Navarro Martinez et Anna Feigenbaum ont également participé, ainsi que les docteurs Ángeles Donoso Macaya, César Barros A., Maricela Ramírez d’AFI Woman, Camila Pérez Soto, Ignacio Farías, Francisca Benítez et Alexander Samuel.
El Mercurio Presse écrite Édition National, Cahier C, page 6 Vendredi 14 Mai 2021 De Lorena Cruzat
Les nouvelles mesures s’inscrivent dans le cadre du plan de modernisation de la police, a déclaré le sous-secrétaire à l’Intérieur Juan Francisco Galli : « Tout un changement a été opéré dans les moyens mis à la disposition des Carabineros.
« Cela montre que le processus de réforme des Carabineros est en cours, qu’il se fait à travers différentes mesures. Il s’agit en partie de traduire les enseignements tirés apprises en procédures formelles. Transformer ce que nous avons appris au cours de ces mois de contrôle de l’ordre public en un protocole qui permet aux citoyens d’avoir l’assurance que ce sont les règles que suivront les Carabineros lors de ce type de contrôle ».
De cette manière, le sous-secrétaire de l’Intérieur, Juan Francisco Galli, confirme l’élaboration du nouveau protocole concernant le contrôle de l’ordre public sur lequel la police en uniforme, ainsi que le gouvernement et d’autres organismes tels que l’INDH et le Médiateur des Enfants, travaillent depuis plusieurs mois. Le document réglementera les procédures policières en cas de manifestations, de troubles et d’actes de violence sur la voie publique.
Les tactiques ne sont plus les mêmes. Les Carabineros devront désormais utiliser moins de produits chimiques – comme les gaz lacrymogènes tirés par des carabines ou par des véhicules motorisés – et d’éléments mécanisés – comme les véhicules utilisés pour disperser les manifestants.
Au lieu de cela, le nouveau protocole prévoit une plus grande utilisation de l’eau pour contrôler les débordements, le déploiement d’un plus grand nombre de fantassins et d’agents à pied, et l’utilisation de caméras pour enregistrer les preuves qui peuvent appuyer les arrestations effectuées sur le terrain, comme les images utilisées cette semaine pour condamner trois personnes à des peines de prison pour avoir lancé des cocktails Molotov pendant la crise sociale.
Selon M. Galli, « des progrès ont été réalisés en ce qui concerne les équipements de sécurisation des preuves, qui permettent d’identifier, de filmer et de photographier ceux qui commettent des crimes graves dans le cadre d’une manifestation, afin que les preuves puissent être présentées au tribunal ».
Cinq semaines sans incident
Pour le sous-secrétaire de l’Intérieur, ces changements portent déjà leurs fruits. « L’un des axes prioritaires de la réforme est précisément le contrôle de l’ordre public et cela a impliqué une série de changements qui ont été apportés par les Carabineros à la manière dont il est contrôlé et qui ont probablement eu un impact puisque depuis plus de cinq semaines nous n’avons pas eu d’incidents sur la Plaza Baquedano. Cela a déjà commencé au début de l’année 2020, lorsqu’un changement a été opéré dans les moyens mis à la disposition des Carabineros, en leur fournissant plus de canons à eau : une tactique différente », explique Galli.
Et il ajoute que « lorsqu’il y a des manifestations dans des zones de propriété publique nationale, la police informe des endroits qui peuvent être utilisés à cette fin, de sorte qu’une manifestation légitime puisse être clairement distinguée des actions violentes qui ne devraient pas être permises et qui constituent des délits. Des progrès ont donc également été réalisés dans ce domaine.
Suggestions de l’INDH et du Bureau du Médiateur des enfants
Alors que le directeur général des Carabineros, Ricardo Yáñez, assure que « pour tout le monde, ce doit être une énorme satisfaction que le centre de Santiago ait pu revenir à une vie normale. La situation a touché de nombreuses personnes, de nombreuses familles, de nombreuses entreprises et a affecté le développement normal de la capitale de notre pays », il ajoute que « les mesures qui ont été adoptées ont eu un certain effet. En ce qui concerne le contrôle de l’ordre public, nous sommes en train de nous restructurer depuis un certain temps déjà, non seulement en ce qui concerne l’administration des unités, mais aussi en ce qui concerne les aspects logistiques, les tactiques et les stratégies opérationnelles qui sont utilisées pour faire face au phénomène du désordre public à Santiago ».
Yáñez affirme que « la partie renseignement a été grandement renforcée, pour pouvoir anticiper, en fonction de la lecture de l’information qui se trouvait dans les sources ouvertes et en surveillant celles qui avaient une plus grande véracité, en fonction de l’appel à la manifestation, pour pouvoir définir le type d’événement qui allait se développer et déployer nos ressources en conséquent ».
En Mars, les Carabineros ont lancé une stratégie de « renforcement de l’infanterie » avec davantage de troupes à pied pour empêcher les manifestations violentes de pénétrer dans le quartier de la Plaza Baquedano.
Concernant le nouveau cadre d’action en matière de maintien de l’ordre public, il explique « qu’un protocole a été élaboré en mars 2019 et que, plus tard en 2020, un réajustement a été apporté à ce document, notamment dans l’utilisation du fusil anti-émeute. Il y a maintenant l’incorporation de nouveaux éléments pour le contrôle de l’ordre public, liés à la nouvelle stratégie d’utilisation des moyens que nous avons et qui doivent être pris en compte dans un manuel d’opérations, qui est d’ailleurs en plein développement ».
Les modifications portent, par exemple, sur les « éléments mécanisés qui utilisent le spray au poivre ». Le directeur général conclut que « tous les éléments évalués par différentes organisations, telles que l’INDH et le bureau du Médiateur des Enfants, seront incorporés dans ce manuel d’opérations ».
Citation :
« Tous les éléments évalués par les différentes agences, comme l’INDH (Institut National des Droits de l’Homme) et le Bureau du Médiateur de l’Enfance, sont incorporés dans ce manuel d’opérations qui doit être construit une fois que les protocoles seront définitivement approuvés ».
Ricardo Yáñez
Directeur général des Carabineros
« L’un des axes prioritaires de la réforme est précisément le contrôle de l’ordre public et cela a impliqué une série de changements apportés par les carabiniers à la manière dont il est contrôlé ».