Les gaz lacrymogènes sont dangereux pour la santé. Des manifestants témoignent

10 décembre 2019 / Marie Astier (Reporterre)

Les gaz lacrymogènes sont dangereux pour la santé. Des manifestants témoignent

Enquête 1/3 — Fatigue, infection pulmonaire, problèmes neurologiques… Des manifestants sont restés malades plusieurs jours voire plusieurs semaines après avoir été fortement exposés aux gaz lacrymogènes alors que leurs effets sont censés se dissiper rapidement.

  • Cet article est le premier d’une enquête en trois volets sur les conséquences des gaz lacrymogènes sur la santé.

Ce ne sont pas des gueules cassées de la manif’, ils n’ont pas de cicatrices visibles, de main mutilée, d’œil aveugle à jamais. L’arme qui les a rendu malades est moins impressionnante et moins questionnée que les lanceurs de balles de défense ou les grenades explosives. Pourtant, elle produit aussi ses effets sur ceux qui y sont exposés : cette arme, c’est le gaz lacrymogène.

Logiquement, c’est tout d’abord au milieu des nuages que l’on peut se trouver mal, après que les grenades ont été lancées à la main ou propulsées à l’aide de lanceurs. « En manifestation, il m’arrive souvent d’aider des personnes qui vomissent ou qui ont l’impression de ne pas pouvoir respirer », raconte Charly [*], street medic à Paris depuis 2017. Ariane [*], infirmière à Clermont-Ferrand, a commencé à soigner les personnes blessées ou en malaise dans les manifestations de Gilets jaunes en février, avec une équipe d’amies. Elles ont constaté que les symptômes se répétaient et que les problèmes respiratoires pouvaient être graves pour les asthmatiques : « Les crises sont difficiles à gérer car la ventoline écarte les bronches et accentue l’effet des gaz. »

Elles ont aussi pris en charge des malaises, et géré les conséquences psychologiques de ces gaz. « Certaines personnes sont totalement désorientées, même une fois sorties du nuage. C’est ce que j’ai observé récemment lors d’une manifestation à Saint-Étienne, où les forces de l’ordre ont beaucoup gazé, à l’aveugle », raconte Ariane. « J’ai déjà retrouvé des personnes prostrées dans des coins, qui ne pouvaient plus bouger et paniquaient à cause des gaz », complète Charly. Pour Ariane, cela s’est déjà terminé à l’hôpital : « Une membre de l’équipe a fait une réaction allergique, tout le visage a gonflé, elle a dû aller aux urgences. »

Les grenades lacrymogènes de 40 mm CM3 et MP3.

En tant que professionnelle du monde médical, elle dispose d’un appareil qui permet de mesurer la saturation du sang en oxygène. « L’idéal est à 100 %. En dessous de 90 %, cela montre une mauvaise oxygénation du sang et donc des organes. En manifestation, on est rarement au-dessus. L’organe le plus touché par ce manque est le cerveau, c’est pour cela qu’il y a des malaises. »

Le gaz lacrymogène utilisé en France contient plus précisément comme matière active la molécule CS (o-chlorobenzylidene malononitrile), choisie pour ses effets irritants, censés se dissiper rapidement dès que l’exposition cesse. Mais les témoignages recueillis par Reporterre montrent que certains effets persévèrent plusieurs jours voire plusieurs semaines après la manifestation. Tous lient l’importance ou la durée des symptômes à l’intensité de leur exposition aux gaz. Les descriptions se recoupent avec celles collectées par Mediapart à la suite de la manifestation du 23 mars dernier à Montpellier, où l’utilisation de gaz avait été particulièrement intense.

Bronchite, bouche et yeux irrités, saignements de nez et mal de ventre

Les maux de tête et de ventre reviennent le plus fréquemment dans les témoignages. « Après les manifestations où j’ai mangé beaucoup de gaz, j’ai des migraines et un dérèglement intestinal, des diarrhées dans les jours qui suivent », poursuit Charly. « S’il y a plus de gaz, ou que je me suis fait confisquer mon matériel et suis moins protégée, les symptômes durent plus longtemps. » Certains racontent ne pas arriver à manger pendant plus d’une semaine et subir des pertes de poids.

Les conséquences sur la peau et les yeux peuvent aussi perdurer. Ariane se souvient avoir déjà eu « une réaction cutanée, avec la bouche et les yeux irrités pendant deux semaines ».

Là encore, bronches et poumons sont particulièrement touchés, souvent pris d’assaut par une infection dans les jours qui suivent une exposition. « Une de mes équipières fait régulièrement des bronchites après les manifestations », observe Ariane. Claire, infirmière vivant du côté de Nîmes, a rejoint les Gilets jaunes dès le 17 novembre. Mais elle a découvert ces effets le 16 mars. « On est montés à Paris, on n’avait pas pris les masques pour ne pas se les faire confisquer. Après, j’ai eu une infection pulmonaire qui a durée trois semaines, j’ai été mise sous antibiotiques. »

Des street medics, à Toulouse.

Sarah [*] s’est carrément retrouvée à l’hôpital pendant dix jours, à la suite de la manifestation du 16 février à Montpellier : « Le lendemain, j’ai cru que j’avais une grippe. Puis je n’arrivais plus à me lever, ni à manger. Au bout de cinq jours, mon mari a pris ma saturation en oxygène : j’étais à 72 %. Il m’a emmenée aux urgences. » Les médecins lui diagnostiquent une pneumonie. « Ils m’ont gardée dix jours, et une fois sortie je suis restée quinze jours de plus sous antibiotiques », se rappelle-t-elle. « D’habitude, je ne vais jamais chez le médecin, je ne suis jamais malade. »

« Je ne pouvais même plus emmener ma fille à l’école »

La sensation de fatigue particulièrement intense revient aussi régulièrement dans les récits. « J’ai mis un mois à me remettre de la manifestation du 9 juin, lors de l’Acte 30 », se rappelle notamment Doki, observatrice de la section de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Montpellier. « J’avais les jambes coupées, je me sentais comme si je faisais une grosse dépression, et j’ai chopé une laryngite. Je ne pouvais même plus emmener ma fille à l’école. »

D’autres symptômes sont plus surprenants. Gilet jaune de l’Hérault, Stéphane [*] a parfois combiné manifestation du samedi et actions militantes dans la même semaine. Le 23 mars dernier, à Montpellier, il a été exposé plus intensément que d’habitude. « J’ai eu des problèmes au niveau des mollets, je me sentais comme après un marathon. Ma compagne, de son côté, est allée chez le kiné pendant des semaines. Cela ne s’est calmé que quand on n’est plus allés en manif’. » Il rapporte, une fois, une irritation de la gorge telle qu’il crachait du sang, et « des saignements de nez qui m’obligeaient à me lever la nuit ». Claire est elle aussi abonnée au nez qui saigne, mais a également eu « des problèmes neurologiques comme une mauvaise coordination des mouvements. En parlant autour de moi, je me suis rendue compte que les gens avaient les mêmes symptômes », relate-t-elle.

Les manifestants se munissent de masques à gaz pour se protéger.

Une étude menée par des Gilets jaunes a tenté de mieux caractériser ces symptômes. Soizic Lesage, retraitée Gilet jaune dont le médecin lui a « formellement interdit de se faire gazer », a décidé de se rendre utile en récoltant les témoignages, avec une petite équipe de médecins. « On a établi une liste d’une cinquantaine de questions et distingué les symptômes pendant le gazage, juste après, puis dans les jours qui suivent », explique-t-elle. L’équipe a recueilli les témoignages durant les mois de mai, juin et juillet principalement, puis a regroupé l’ensemble des réponses dans un tableau anonymisé détaillant 47 cas. Ainsi, il apparaît qu’au moment du gazage, la toux, les difficultés respiratoires et les brûlures au niveau des yeux et de la peau sont logiquement — ce sont les effets recherchés — les symptômes les plus ressentis. Certains ont également eu des nausées (28 personnes) ou des vertiges. Dans les minutes et heures qui suivent, l’irritation se calme mais les vertiges persistent. Apparaissent sensation de désorientation, maux de tête et même troubles de la mémoire (pour 19 personnes sur 47, soit 41 %). Dans les jours et semaines qui suivent, les symptômes semblent même s’accentuer. 94 % des témoignages relatent une forte fatigue, des problèmes de sommeil. Les problèmes respiratoires, la toux, les fortes irritations des yeux et de la peau reviennent de plus belle. Les maux de tête persistent. Crampes musculaires et pertes d’appétit sont aussi signalées, voire une insuffisance hépatique. « On a dû ajouter des colonnes au fur et à mesure des témoignages, on est tombés sur des symptômes auxquels on ne s’attendait pas », raconte Soizic. « Notamment ceux qui pourraient être le signe d’une atteinte neurologique, comme les pertes de mémoire. »

Autre résultat surprenant, des femmes rapportent des troubles gynécologiques. Un tiers de celles qui ont témoignées et sont ménopausées évoquent un retour des règles. Parmi les non ménopausées, plus d’un quart signalent que leurs règles sont irrégulières depuis qu’elles respirent des gaz lacrymogènes. Plusieurs femmes ont effectivement relaté à Reporterre des effets sur leur cycle menstruel. « J’étais en pleine période de règles un samedi où je n’avais pas mis mon matériel correctement, se souvient Charly. Le lendemain, les règles s’étaient interrompues, puis elles ont repris deux jours après. » Ariane a échangé sur le sujet avec ses coéquipières : « Je n’ai pas eu mes règles pendant deux mois. Une autre ne les a pas eues pendant trois mois. À l’inverse, une a ses règles trois fois dans le mois à chaque fois qu’elle va en manifestation. » Elles s’interrogent : stress ou effet des gaz ?

Les forces de l’ordre rechignent à évoquer le sujet

Le tout montre des conséquences durables du gaz lacrymogène sur les personnes régulièrement ou fortement exposées. Stéphane a fini par constater une baisse de forme générale, alors qu’il exerce un métier physique : « Avant, sur les chantiers, je bougeais un mètre cube de sable en une ou deux heures, maintenant cela me prend la journée… Je faisais des semi-marathons, désormais je mets une semaine à me remettre d’une manif. » Claire, qui exerce en libéral, a dû diminuer le nombre de jours qu’elle travaille chaque mois. « Mais je n’ai pas d’enfants, il ne me faut pas grand-chose pour vivre, et mes patients me soutiennent », indique l’infirmière.

Si beaucoup hésitent à témoigner du côté des Gilets jaunes — et la plupart préfèrent l’anonymat — c’est également compliqué d’avoir des témoignages de la part des membres des forces de l’ordre. Le service de communication de la police nationale indique qu’il n’y a jamais eu la moindre remontée de problèmes liés aux gaz lacrymogènes.

Selon le syndicat Alliance, « il n’y a pas de collègues qui se plaignent des gaz lacrymogènes ».

Côté syndicats, l’Unsa police refuse de répondre à nos questions. Chez Alliance, « il n’y a pas de collègues qui se plaignent des gaz lacrymogènes », indique Jean Cavallero, délégué national des CRS. Christophe Miette, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure avait été amené à se renseigner, des collègues lui ayant signalé avoir été incommodés après une manifestation riche en gaz à Montpellier (celle du 23 mars) : « Un plus grand nombre de grenades ayant été utilisées, il y avait plus de particules irritantes dans l’air », a-t-il conclu. Seuls les syndicats minoritaires s’inquiètent des conséquences sur la santé, comme le syndicat Vigi. Michel Thooris, secrétaire général de France police – Policiers en colère, demande quant à lui une étude sur les conséquences « pour les collègues qui sont en contact sur le long terme avec ces produits. On avait envoyé une lettre pour demander une étude, à l’époque où le ministre de l’Intérieur était Manuel Valls, mais elle n’a jamais reçue de réponse », indique-t-il.

« Pour moi les lacrymos, c’est aussi dangereux que les LBD, estime Ariane. Ça pénètre dans notre organisme et ça y reste pendant un certain temps. On va finir par voir des maladies chez ceux qui y sont exposés tous les week-ends », craint l’infirmière. Reste un effet à long terme, lui, facilement observable : la majorité des personnes interrogées par Reporterre vont désormais moins souvent en manifestation.

L’utilisation massive de gaz lacrymogènes inquiète les scientifiques du monde entier

L'utilisation massive de gaz lacrymogènes inquiète les scientifiques du monde entier

Enquête 2/3 — L’utilisation massive des gaz lacrymogènes pour réprimer les foules est alarmante : aspergés en grande quantité, de manière répétée, ou dans des milieux confinés, ils se révèlent dangereux comme le montrent plusieurs études scientifiques.

  • Cet article est le deuxième d’une enquête en trois volets sur l’impact des gaz lacrymogènes sur la santé. Pour lire le premier, c’est ici.

Venue à Paris pour le premier anniversaire des Gilets jaunes, Nelly a connu un lendemain de fête douloureux. Diarrhées, nausées, vomissements, grosse fatigue, perte d’appétit, mal de tête… « J’ai perdu trois kilos », a-t-elle expliqué à Reporterre quelques jours après la manifestation du 16 novembre dernier. Nelly s’est retrouvée malgré elle nassée place d’Italie. « On a essuyé 2 h 30 de tirs nourris de lacrymos, Flash-Ball, grenades explosives… Tout le monde crachait, pleurait, raconte la jeune retraitée. C’est la première fois que j’étais exposée à autant de gaz, aussi concentrés, car il n’y avait pas de vent et les fumées sont restées stationnaires », poursuit-elle. Le résultat, son médecin l’a constaté à son retour chez elle, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il lui a fourni un certificat médical et prescrit une batterie d’analyses pour vérifier son état de santé général. Dix jours plus tard, elle était toujours affaiblie et les maux de ventre persistaient.

Comme Reporterre l’a constaté au travers de multiples témoignages — auxquels nous avons consacré le premier volet de notre enquête — les gaz lacrymogènes ne provoquent pas que des pleurs et une irritation passagère. Les symptômes constatés chez les Gilets jaunes interrogés sont très divers : allergies, maladies des bronches et des poumons, fatigue extrême, troubles digestifs voire perturbation du cycle menstruel. Pour certains, les effets d’une exposition aux gaz lacrymogènes durent plus d’un mois. Une manifestante a même été hospitalisée.

Les gaz lacrymogènes ont été adoptés pour contrôler les foules, notamment dans les empires coloniaux

Le gaz lacrymogène a été utilisé pour la première fois pendant la Première Guerre mondiale. L’historienne Anna Feigenbaum démontre, dans sa Petite histoire du gaz lacrymogène (éd. Libertalia, 2019) [1] que ce dernier a été promu auprès des gouvernements dès les années 1920 et qu’il a été « assimilé non plus à une arme toxique, mais à un moyen inoffensif de préserver l’ordre public ». Il a peu a peu été adopté pour contrôler les foules, en particulier dans les empires coloniaux, ou ensuite pendant la guerre du Vietnam par les États-Unis pour déloger les Viêt-congs des tunnels.

Il est classé parmi les armes chimiques dites « non létales » et désormais interdit dans un cadre militaire par la Convention de Genève de 1993, mais on peut cependant continuer de l’utiliser dans un cadre civil. La substance active choisie par la France est la molécule CS (2-chlorobenzylidène malonitrile). Celle-ci a été découverte en 1928 par deux chimistes britanniques. La très grande marge entre la dose à partir de laquelle elle est irritante et celle à laquelle elle s’avère létale pourrait la faire passer pour inoffensive. Pourtant, son utilisation massive afin de réprimer les foules pose question. Utilisés en grande quantité, de manière répétée, ou dans des milieux confinés, les gaz lacrymogènes peuvent se révéler dangereux et parfois mortels.

Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918.

L’ONG étasunienne Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) avait recensé, en mars 2012, 34 morts en lien avec l’usage des gaz lacrymogènes, depuis le début du soulèvement populaire survenu un an plus tôt au Bahrein. Beaucoup étaient dus à la pénétration des gaz dans les habitations des quartiers abondamment arrosés. Parmi les grenades utilisées, certaines étaient probablement exportées par la France, avec autorisation du gouvernement. À la même période, un documentaire étasunien dénonçait les exportations de grenades au gaz CS vers l’Égypte, déversées chaque jour sur les manifestants lors de la révolution de 2011. Des médecins y rapportaient plusieurs cas de décès attribués aux gaz lacrymogènes.

En 2017, une étude de l’université de Berkeley s’intéressait à leur usage, jusqu’à plusieurs fois par semaine, dans les camps de réfugiés palestiniens. Parmi les conséquences rapportées : crises d’épilepsie, avortements spontanés, fausses couches, problèmes de sommeil, stress aigu et syndromes de stress post-traumatique.

En octobre dernier, des scientifiques de Hong-Kong s’inquiétaient de l’emploi de « plus de 3.000 cartouches » de gaz lacrymogène CS contre les manifestants pro-démocratie, dans un court article publié dans The Lancet« Dans l’environnement humide subtropical de Hong-Kong, le déploiement de gaz lacrymogènes dans des espaces clos et des stations de métro très fréquentées, à proximité de centres commerciaux, peut exposer les gens à de très fortes concentrations de gaz lacrymogènes pendant un temps prolongé », écrivaient-ils.

« De nombreux rapports indiquent que l’utilisation et le mauvais usage de ces produits chimiques peuvent causer des blessures graves »

Toute une littérature scientifique vient ainsi documenter des cas de patients malades des gaz lacrymogènes, parfois même des décès. Un article de 2017, paru dans la revue BMC Public Health, compile 31 études de 11 pays documentant des dommages causés par des gaz lacrymogènes sur des manifestants. « De nombreux rapports indiquent que l’utilisation et le mauvais usage de ces produits chimiques peuvent causer des blessures graves », indiquent les auteurs. Sur plus de 5.000 cas, ils relèvent notamment deux morts (un pour des problèmes pulmonaires et un dû à l’impact de la grenade). 58 cas « d’incapacité permanente » sont aussi signalés, dont 14 personnes avec des symptômes psychiatriques persistants, et 23 avec des problèmes respiratoires chroniques. 8 % des problèmes de santé documentés « étaient sévères et ont nécessité une intervention médicale professionnelle », indiquent-ils encore. « Nos recherches démontrent qu’il y a un sévère risque de mauvais usage » des armes chimiques en manifestation, concluent-ils. « Elles peuvent potentiellement porter atteinte aux libertés en causant des blessures, en intimidant les communautés et en menant à une escalade de la violence. »

Pour certains Gilets jaunes, les effets d’une exposition aux gaz durent plus d’un mois.

Une équipe proche des Gilets jaunes, rassemblant médecins, infirmières et Alexander Samuel, un docteur en biologie, a collectionné les articles scientifiques rapportant les effets du CS. Une bibliographie que Reporterre a pu éplucher. Des décès sont signalés, en particulier dans des cas où les personnes étaient dans des lieux clos, comme les prisons.

La peau, les yeux et les poumons sont particulièrement touchés. Ainsi, pour la peau, les réactions recensées vont de la rougeur à la brûlure, en passant par l’eczéma, l’apparition de croûtes et des réactions allergiques. Autre cible privilégiée, les yeux. « Chez des personnes exposées, j’ai soigné des conjonctivites ou des œdèmes de cornée [la cornée enfle, on voit trouble]. En général, au bout de dix jours, les symptômes passent », explique Christiane Blondin, ophtalmologue membre de l’équipe qui a travaillé sur les effets pour les yeux. « La littérature scientifique rapporte des problèmes durables à la vision, notamment des risques de cataracte. J’ai envoyé ces informations à la Société française d’ophtalmologie, j’attends leur retour. » Pour les poumons, une étude de scientifiques turcs sur les conséquences à long terme chez 93 patients régulièrement exposés aux gaz lacrymogènes lors de manifestations donne une idée du tableau : « débit expiratoire » diminué, bronchites chroniques augmentées, toux et douleurs à la poitrine durant parfois plusieurs semaines. Du côté du système digestif, nausées et vomissements ont également été documentés. Ces symptômes digestifs et respiratoires correspondent à ceux décrits dans les témoignages recueillis par Reporterre.

« Les effets du CS dépendent de la concentration du produit, de la durée d’exposition, du contexte, mais aussi de la personne, notamment si elle a des antécédents respiratoires », résume Jean-Marc Sapori, toxicologue au centre anti-poison de Lyon. L’exposition quasi hebdomadaire des Gilets jaunes lui a apporté quelques patients. « J’en ai envoyé aux urgences pour une ulcération cornéenne » (une blessure sur la cornée de l’œil), indique-t-il. Pour les effets à long terme, il signale avant tout l’effet sur les poumons : « Une exposition répétée, comme celle des Gilets jaunes qui manifestent tous les samedis, va faire que le temps de récupération des bronches et des poumons sera de plus en plus prolongé. Si on s’expose à nouveau alors que l’on n’a pas récupéré de la semaine précédente, on peut à terme développer de l’asthme ou une BPCO [bronchopneumopathie chronique obstructive, maladie chronique inflammatoire des bronches]. En hiver, s’il y a contact avec un virus, cette irritation peut être un terrain favorable pour une infection. »

Une autre utilisation répétée en France, moins médiatisée, est celle faite sur les migrants. En 2018, le Défenseur des droits avait dénoncé « un usage parfois injustifié du gaz lacrymogène ».

Aucun problème de santé selon les forces de l’ordre

Autant de données qui tranchent avec le discours officiel sur le sujet. « Les gaz lacrymogènes, cela fait pleurer, cela fait tousser. Si un risque était avéré, le ministère de la Santé aurait pris des mesures pour interdire ce produit », nous indique le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop). « Par ailleurs, nous n’avons aucune remontée de problèmes de santé liés aux gaz lacrymogènes au sein des forces de l’ordre. » On nous confirme par ailleurs que les grenades lacrymogènes peuvent être utilisées sans restriction de quantité. Le tout est de respecter le « cadre légal ».

Reporterre a tenté de savoir si leur utilisation a augmenté depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. « On sait combien de grenades sont utilisées à chaque manifestation, il y a des rapports », nous apprend Jean Cavallero, délégué national des CRS du syndicat Alliance. Mais il faut l’accord de la direction générale pour communiquer. » Contacté, le ministère de l’Intérieur ne nous a pas encore répondu. « L’utilisation a augmenté depuis les Gilets jaunes », indique cependant M. Cavallero, confirmant un constat largement partagé par tous les observateurs des mouvements sociaux. Beaucoup font débuter cette montée en intensité aux manifestations contre la loi Travail, en 2016.

À l’international, « les manifestations qui ont ébranlé le monde ces dernières années ont fait exploser les ventes de gaz lacrymogène »écrivait dans le Monde Diplomatique en mai 2018 l’historienne Anna Feigenbaum. « Quels dommages cause-t-il à ses victimes ? Quels problèmes pose-t-il en matière de santé publique ? Nul ne le sait, car personne ne s’en soucie. Dans aucun pays il n’existe d’obligation légale de recenser le nombre de ses victimes. Aucune obligation non plus de fournir des données sur ses livraisons, ses usages, les profits qu’il génère ou sa toxicité pour l’environnement », poursuivait-elle. Alors qu’il tentait de connaître la formule précise (avec les additifs qui peuvent influencer la puissance du gaz) des grenades lacrymogènes, un journaliste de Reporterre s’était vu opposer un silence assourdissant sur le sujet. Plus récemment, au salon Milipol, les deux principaux fournisseurs de l’État français, Alsetex et Nobel Sport, ont refusé de répondre à Reporterre.

Mais que l’on se rassure, l’État français gère rigoureusement ses stocks. « Parfois ils diminuent, mais on complète toujours assez vite », indique Jean Cavallero, délégué national des CRS du syndicat Alliance.

Les gaz lacrymogènes exposent-ils au cyanure ? Un biologiste l’assure

Les gaz lacrymogènes exposent-ils au cyanure<small class="fine"> </small>? Un biologiste l'assure

Enquête 3/3 — Depuis huit mois, Alexander Samuel, biologiste, étudie la dangerosité des gaz lacrymogènes. Le coupable : le cyanure ingéré à fortes doses lorsqu’un manifestant est massivement et régulièrement gazé. Pour le prouver, il se base sur des prises de sang et une solide littérature scientifique.

  • Cet article est le troisième et dernier d’une enquête sur les effets des gaz lacrymogènes sur la santé. Le premier est ici, le deuxième, .

Professeur de mathématiques le matin, chercheur un peu pirate l’après-midi et le soir. Voilà la vie d’Alexander Samuel depuis maintenant plus de huit mois. Son sujet d’investigation est, en cette période de mouvements sociaux, d’une prégnante actualité : les effets à long terme des gaz lacrymogènes sur la santé. Et il est parvenu à une conclusion inquiétante : une partie de leurs effets les plus nocifs seraient dus au cyanure.

Enseignant dans un lycée professionnel à Grasse (Alpes-Maritimes), mais aussi détenteur d’un doctorat en biologie, il a pénétré dans le trouble nuage des lacrymos un peu par hasard. Se décrivant comme « très écolo », avec « pas mal de potes zadistes », il s’est d’abord tenu à distance des Gilets jaunes, y voyant un mouvement loin de ses préoccupations. Jusqu’à ce que des amis le traînent à une manifestation, le samedi 23 mars dernier, à Nice. « Je me suis retrouvé aux premières loges de l’affaire Geneviève Legay. J’ai voulu témoigner, j’étais très actif sur les réseaux sociaux et des Gilets jaunes m’ont contacté. » Il leur envoie son témoignage, et signe de son titre de docteur en biologie. « Ils m’ont répondu : “on a un truc pour toi”. Et ils m’ont envoyé un résultat d’analyse de thiocyanates. »

Un taux élevé de thiocyanates dans le sang pourrait démontrer une exposition au cyanure

Les thiocyanates sont le produit de la dégradation du cyanure dans le corps. Alors que le cyanure est rapidement transformé, les thiocyanates peuvent persister et être mesurés pendant plus de deux semaines. Un taux élevé de thiocyanates chez un manifestant pourrait donc montrer qu’il a été exposé au cyanure, via les gaz lacrymogènes. « Au début, quand les Gilets jaunes m’en ont parlé, j’ai cru à une fake news, raconte Alexander Samuel. Mais les témoignages de personnes malades des gaz m’avaient l’air sincères. »

Outre les irritations classiquement attendues, certains lui rapportent des évanouissements, des vertiges, des fatigues extrêmes, des problèmes musculaires, hépatiques (du foie) ou cardiaques. C’est ce qu’Alexander Samuel appelle les « effets cyanure »« Le principal effet du cyanure est le blocage de la chaîne respiratoire des cellules », explique-t-il. Les organes très consommateurs d’oxygène comme le cerveau ou les muscles sont alors touchés, ce qui explique ces symptômes — Reporterre avait d’ailleurs collecté des témoignages relatant de tels troubles. « Mais ils sont trop généralistes, reconnaît M. Samuel. J’ai donc eu une démarche dans l’autre sens. J’ai regardé s’il était possible que la molécule utilisée dans le gaz lacrymogène nous expose au cyanure. » Il déroule la démonstration, tantôt pédagogique, tantôt emporté par ses termes de spécialiste.

« Au début, quand les Gilets jaunes m’en ont parlé, j’ai cru à une fake news. »

Il vérifie rapidement que c’est effectivement le cas. La molécule utilisée dans les gaz lacrymogènes en France est du o-chlorobenzylidène malonitrile, appelée CS. Elle libère, une fois dans l’organisme, un peu de cyanure, ce célèbre poison, que l’on croise dans pas moins de cinq romans d’Agatha Christie et de nombreuses fois dans l’histoire… Le gaz lacrymogène, désormais régulièrement et abondamment utilisé en manifestation, peut-il causer des intoxications (même légères), ou des problèmes chroniques du fait du cyanure ? Pour répondre à la question, il faut pouvoir doser la quantité de cyanure pouvant arriver dans le corps par les gaz lacrymogènes.

Car, en matière de cyanure, la dose fait le poison. La cigarette ou l’alimentation (pépins de certains fruits, manioc) sont des sources d’exposition quotidiennes au cyanure. « Quand il y en a peu, il est rapidement neutralisé par l’organisme, nous indique le toxico-chimiste André Picot, un soutien de poids qui encourage Alexander Samuel dans ses recherches. Mais chez les personnes qui y sont exposées tous les week-ends via les gaz lacrymogènes, le système de défense s’épuise, et le cyanure commence à jouer son rôle toxique. » Alexander Samuel poursuit : « Il y a des effets directs, sur le moment, quand on est exposés à de fortes doses. Mais il y a aussi les effets d’une exposition répétée. Les boxeurs qui ont des hypoxies [manque d’oxygène] toutes les semaines développent ensuite la maladie de Parkinson. »

D’un débit rapide, Alexander Samuel détaille chacune de ses affirmations. Son smartphone dans une main et son ordinateur dans l’autre, il fait défiler les documents, mitraille les informations qu’il a commencé à « résumer » dans un document de plus de cent pages, qui s’appuie sur plus de 400 références, majoritairement tirées de la littérature scientifique. Il partage chaque nouvelle trouvaille, sur sa page Facebook mais aussi sur le site qu’il a créé« Je fais de la recherche open source », lance-t-il d’un air nonchalant.

« Dès que vous respirez le gaz, il pénètre très rapidement, arrive dans le sang, des réactions se produisent et il libère une molécule de cyanure »

Le biologiste a identifié deux voies d’exposition au cyanure. Tout d’abord, la molécule de CS peut libérer, comme on l’a vu, le cyanure une fois dans le corps. « Le gaz CS fait partie des molécules plutôt instables, explique André Picot. Dès que vous le respirez, il pénètre très rapidement, arrive dans le sang, des réactions se produisent et il libère une molécule de cyanure. » Alexander Samuel cite une étude des années 1980, qui avait tenté de calculer quelle quantité de cyanure pouvait ainsi se retrouver dans le corps [1]. « Elle indiquait qu’un manifestant situé à vingt mètres, pendant dix minutes, d’une grenade lacrymogène, recevait autant de cyanure que dans deux bouffées de cigarettes de l’époque [la cigarette expose aussi au cyanure] », résume Alexander Samuel. Mais cette valeur doit être désormais revue à la hausse, estime-t-il : « Avec des calculs plus proches de nos réalités de manifestation, où l’exposition est plus forte et plus longue, on peut atteindre des doses de cyanure bien plus élevées. »

Le cyanure pourrait aussi être directement libéré dans l’air. « La dégradation du CS à forte température produit du cyanure, poursuit Alexander Samuel. Une étude de 2013, menée au sein de l’armée étasunienne, montre que cela arrive dès 100 degrés, et que les soldats sont exposés. » Elle conclut notamment que, même si les quantités de cyanure repérées restent en dessous des limites d’exposition, il faudrait « de nouvelles recherches sur les effets d’une exposition chronique », les soldats étant régulièrement au contact du CS. On pourrait donc, tout simplement, respirer du cyanure quand on se fait gazer en manifestation.

Des soldats étasuniens dans une « chambre » dédiée pour leur faire faire l’expérience de l’exposition au gaz lacrymogène CS.

Pour Alexander Samuel, une personne exposée régulièrement plusieurs heures d’affilée aux gaz lacrymogènes risque d’avaler des doses de cyanure dangereuses pour la santé. Pour le démontrer, des Gilets jaunes avaient déjà incité à faire des analyses de thiocyanates (dérivé du cyanure dans le corps, comme nous l’avons expliqué plus haut). Des groupes Facebook de Gilets jaunes avaient relayé, dès avril, des résultats montrant des taux de thiocyanates supérieurs à la normale chez certains manifestants. Mais elles avaient été jugées insuffisantes par les toxicologues interrogés dans différents médias pour juger d’une intoxication au cyanure. Les taux étaient importants, certes, mais pas suffisamment significatifs selon eux. Et puis, comment prouver que c’est bien par les gaz lacrymogènes, et pas par l’alimentation ou la cigarette, que ces personnes ont été exposées ? Les articles de presse publiés en avril et mai dernier avaient donc écarté cette hypothèse. « Le danger des gaz lacrymogènes vient plus de leur effet irritant que de potentielles traces de cyanure »avait conclu LCI, résumant ainsi la position de la majorité des médias.

« Quand beaucoup de grenades lacrymogènes sont lancées sur des personnes nassées, il y a lieu de s’inquiéter »

Mais Alexander Samuel, à l’aide de trois médecins, a aussi réuni plus d’une cinquantaine d’analyses de thiocyanates dans le sang ou les urines de manifestants, présentant des taux élevés. Face aux critiques des toxicologues relayées dans les médias, « on a décidé de mesurer directement le cyanure présent dans le sang au moment de la manifestation », explique-t-il, le regard déterminé encadré par sa barbe et ses cheveux détachés, tous deux longs et roux. Pour ce faire, le biologiste a trouvé un test développé par une jeune entreprise suisse, Cyanogard, qui permet de mesurer facilement de taux de cyanure dans le corps. Les premières tentatives, le 20 avril et le 1er mai, ont été un échec relatif. Le test s’est révélé difficilement lisible, et une polémique s’est installée, partant du petit monde des Gilets jaunes et des street medics pour atterrir dans les médias. Les prises de sang « sauvages » en manifestation sont dénoncées comme dangereuses. Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Paris, notamment pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Toutes les personnes étaient consentantes, avaient des ordonnances, et les prises de sang ont été faites par des professionnels, se défendent Alexander et les trois médecins.

Des manifestants dans les gaz, le 1er mai 2019 à Paris.

Finalement, il a fait une ultime tentative de mesure, en juin. Cette fois-ci, ce sont lui et son équipe qui ont joué les cobayes, prélevant leur sang avant la manifestation, puis après exposition aux gaz. Ce jour-là, l’équipe de médecins et le biologiste étaient accompagnés de la journaliste du Nouvel Obs Emmanuelle Anizon et du fabricant du kit de mesure. « Je suis resté dans les gaz jusqu’à avoir des vertiges, ce qui arrive régulièrement à des gens », raconte Alexander Samuel. Pour lui, le résultat est cette fois-ci sans appel, les analyses montrent que les taux de cyanure augmentent significativement, et atteignent « des niveaux supérieurs au seuil de dangerosité », indique-t-il. Désormais, « on sait qu’il y a du cyanure, poursuit-il. Donc quand beaucoup de grenades lacrymogènes sont lancées sur des personnes nassées, et utilisées en quantité importante et de façon répétée, il y a lieu de s’inquiéter. » Il relève notamment qu’« il n’y a aucune limitation du nombre de grenades lacrymogènes pouvant être utilisées par les forces de l’ordre ».

Son discours reste cependant contesté par plusieurs toxicologues français, et notamment Jean-Marc Sapori, du centre anti-poison de Lyon, qui travaille dans le domaine des NRBC — comprenez risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. « Le test de Cyanoguard n’est utilisé ni en France ni en Suisse, et cette firme ne répond pas aux normes. Je reste donc très prudent quant à l’efficacité de ce test, conteste-t-il. Par ailleurs, reprenez les articles scientifiques qui synthétisent les conséquences d’une exposition au gaz lacrymogène. Les effets décrits ne correspondent pas à ceux d’une intoxication au cyanure. » Il préfère en rester à la réponse scientifique majoritairement donnée aujourd’hui, qui écarte la possibilité que le CS produise suffisamment de cyanure pour atteindre des doses dangereuses.

Un silence officiel est entretenu autour des effets sur la santé potentiels des gaz lacrymogènes

Alexander Samuel estime que le débat a été prématurément enterré. Une expérimentation en bonne et due forme serait donc nécessaire pour conclure la discussion. Mais veut-on vraiment connaître la vérité ? Alexander Samuel voulait doubler ses analyses avec un protocole plus officiel. « J’ai contacté tous les laboratoires de France qui possédaient l’appareil nécessaire, ils m’ont tous répondu qu’il n’est pas possible de le paramétrer pour le cyanure », regrette-t-il. Il a tenté en Belgique, où un toxicologue avait accepté de recevoir les échantillons, avant de se retirer.

Comme Reporterre l’a expliqué dans ses précédents articles, en France, un silence officiel est entretenu autour des effets sur la santé potentiels des gaz lacrymogènes. Il faut dire qu’au-delà de leur utilisation pour le maintien de l’ordre, ils représentent un marché prospère. « Le secteur de la sécurité a connu 4,5 % de croissance annuelle en moyenne entre 2013 et 2017 », se félicitait le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, au salon Milipol 2019. Car la France exporte en quantité du matériel de répression.

Pour tenter de briser ce silence, Alexander Samuel écrit, sollicite, échange en permanence sur le sujet avec des scientifiques un peu partout dans le monde. Il a traduit la synthèse de son travail en anglais afin de la partager le plus largement possible. Il a commencé à faire relire le résultat de son travail par certains pontes de la recherche en toxicologie, afin d’obtenir une validation scientifique lui donnant plus de poids. André Picot l’aide aussi à peaufiner son rapport. Il poursuit ses recherches, nous parle d’une nouvelle astuce qu’il aurait trouvée pour calculer la quantité de cyanure se retrouvant dans le corps. Il tire tous les fils, a aussi pris contact avec des politiques. « Il s’agit d’un problème de santé publique, et on a des éléments suffisants pour sonner l’alerte », répète Alexander Samuel à qui veut bien l’écouter.

La dérive sécuritaire

Lien 1 Lien 2

  • Écrit par  Françoise Verna 
  • mercredi 4 décembre 2019 09:30 
  • Imprimer

Le maintien de l’ordre est éclaboussé par plusieurs scandales, et dans ces affaires le gouvernement a une lourde responsabilité.
À Marseille, une octogénaire, Zineb Redouane, est morte après avoir reçu un tir de grenade lacrymogène, effectué par un CRS, alors qu’elle fermait ses volets, le 1er décembre 2018. Une instruction est ouverte à Lyon, la famille ayant obtenu le dépaysement du dossier. Si la dérive du maintien de l’ordre avec son lot de bavures, ne date pas du mouvement des Gilets jaunes, il a pris une particulière acuité depuis novembre 2018. Comme si la seule réponse à la soif d’égalité et de démocratie était la répression et de décourager les manifestants. Les policiers à qui le gouvernement ordonne de faire le sale boulot ne sont pas non plus épargnés.

Scandale sanitaire ?

Il ne s’agit pas ici de faire peur mais d’exposer des faits à l’aune, notamment, du travail minutieux du biologiste Alexander Samuel sur la nocivité des gaz lacrymogènes.
Les armes utilisées à grande échelle ont provoqué à ce jour 2 448 blessés parmi les manifestants et 561 signalements ont été déposés à l’IGPN, selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur. Au 21 novembre 2019, l’État a recensé un total de 9 071 tirs de LBD, 1 428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées et 5 420 tirs de grenades de désencerclement
Selon le décompte du journaliste David Dufresne, 25 personnes ont été éborgnées et cinq mains arrachées. C’est à ce jour le plus gros scandale du maintien de l’ordre. Un autre est en train de poindre et pourrait devenir un véritable scandale sanitaire.

« Les lacrymos causent des intoxications au cyanure » Alexander Samuel, docteur en biologie

  • Écrit par  Sylvain Fournier 
  • mercredi 4 décembre 2019 09:11 
  • Imprimer
Les forces de l’ordre avancent dans un nuage de lacrymos après avoir lancé des grenades, le 17 novembre, aux abords de la Plaine (Marseille) , pour empêcher la tête de cortège des Gilets jaunes d’y prendre pied. Un usage massif qui n’épargne ni les manifestants pacifiques, ni habitants et passants ni policiers et gendarmes.

Les forces de l’ordre avancent dans un nuage de lacrymos après avoir lancé des grenades, le 17 novembre, aux abords de la Plaine (Marseille) , pour empêcher la tête de cortège des Gilets jaunes d’y prendre pied. Un usage massif qui n’épargne ni les manifestants pacifiques, ni habitants et passants ni policiers et gendarmes. PHOTO Sylvain Fournier

Docteur en biologie et enseignant, Alexander Samuel mène des recherches depuis plusieurs mois sur les effets du gaz lacrymogène : « Le gaz CS provoque des intoxications au cyanure qui est libéré dans le sang après inhalation ». Il livre ici sa démarche et ses premières conclusions. Édifiant.


La Marseillaise : Pourquoi se pencher sur de supposés liens entre le gaz lacrymos et cyanure ?
Alexander Samuel : Des Gilets jaunes m’ont montré des résultats d’analyses au cyanure, enfin, un dérivé du cyanure, le thiocyanate, qui reste deux semaines dans le sang, le cyanure reste quelques minutes, au maximum une heure. Ils étaient convaincus que cela venait des lacrymos. Je suis spécialiste fake news de l’Académie de Nice, et leur ai dit que c’était une fake news. Et en tant que biologiste, j’ai voulu démontrer que c’était bidon… Même s’ils m’ont décrit des symptômes qui n’étaient pas simplement dus aux grenades lacrymogènes, mais pouvant être reliés au cyanure, comme tomber dans les pommes, etc. Cela pouvait aussi être dû à tout et n’importe quoi. J’ai, dans un premier temps, regardé rapidement la littérature scientifique.

Et qu’avez-vous constaté ?
A.S. : J’ai été étonné. Depuis les années cinquante, les études montrent que ce gaz libère du cyanure dans le sang, par métabolisme. Il n’y a pas du cyanure caché, dans la grenade, c’est une grosse molécule qui contient des groupements de cyanure, et ces groupements quand ils sont libérés, sont dangereux.
Donc, le cyanure est bien présent dans le gaz lacrymogène ? Comment est-il libéré ?
A.S. : À la base, il se situe dans la molécule entière : l’ortho-chlorobenzylidène malonitrile, le gaz CS, pour faire simple. Dès qu’il rentre en contact avec des fluides, comme le sang, ses composés sont découpés et le cyanure est libéré. Il est aussi libéré par dispersion thermique, quand on le chauffe. Une étude récente, de 2013, a démontré que c’était libéré dès 100 degrés. Et, plus il fait chaud, plus la molécule est dégradée, et plus il y a de cyanure libéré.

Les effets des gazeuses et des grenades sont identiques ?
A.S. : Pour les grenades, il y en a probablement dans l’air puisque ce sont des palais qui sont chauffés – dispersion thermique. Pour les sprays, il n’y en a probablement pas dans l’air. Mais dans les deux cas, la molécule passe par les surfaces poreuses, la peau, va être inhalée, et va être transformée en cyanure dans le corps, par le métabolisme.

Quelles sont les méthodes utilisées pour démontrer la présence de cyanure ?
A.S. : Au départ, nous savons qu’il y a du cyanure. Reste une inconnue : quelle est la dose, est-elle dangereuse ? Une petite dose de cyanure correspond à une bouffée de cigarette, ce n’est effectivement pas très grave. Le seul indice que nous avions c’était cette analyse d’un dérivé de cyanure qui nous disait que la dose était 2 à 3 fois au-dessus de la normale. Nous avons demandé aux gens exposés au gaz lacrymogène de faire des analyses de thiocyanate… Et nous avons eu droit à une levée de boucliers et des critiques très violentes.

Vous avez eu combien d’analyses ?
A.S. : Moi-même j’en ai une vingtaine, et le médecin avec qui je travaille affirme que nous en avons une cinquantaine. Au début, nous avons eu un mal fou à récupérer les résultats… On a dû insister lourdement pour avoir les cinq premiers… Puis la procédure a été critiquée, car le thiocyanate n’était pas un bon marqueur : il reste longtemps dans le corps, et l’ingestion de fumée de cigarettes, de pépins, de manioc ou d’amandes peut influer sur le résultat. Nous ne pouvions en conclure que cela provenait du gaz lacrymogène. Le seul moyen de vérifier qu’il y avait un taux élevé de cyanure juste après l’exposition au gaz lacrymogène, c’était de mesurer le cyanure immédiatement après.


Comment avez-vous fait ?
A.S. : J’ai contacté une entreprise, une start-up suisse, qui fabrique, depuis 2018, un kit novateur permettant de mesurer directement le taux de cyanure dans le sang, un peu comme un alcootest. La différence avec un alcotest c’est qu’il faut du sang. J’ai demandé au médecin s’il pouvait mettre en place un cadre correct, une procédure, pour faire une prise de sang dans l’heure qui suit un gazage. Et donc, trois médecins m’ont aidé. L’objectif était de permettre au patient de vérifier si les vertiges ou la perte de connaissance venait d’une crise d’épilepsie comme l’estimaient les toxicologues ou pouvaient être dus à une intoxication au cyanure, comme je le soupçonnais. C’était dans l’intérêt du patient, tout a été fait avec des consentements signés. Malgré cela, le parquet de Paris a ouvert une enquête – toujours en cours, pour « mise en danger de la vie d’autrui et violence aggravée », concernant les prises de sang… L’ensemble des médecins et moi-même avons été interrogés en juillet.

Puis vous avez été arrêté et votre matériel saisi…
A.S. : Après avoir fait publier les premiers résultats – dans l’Obs et l’Huma – début août, j’ai été mis en garde à vue parce que j’aurais « lancé une trottinette et dégradé un véhicule » lors d’une manif. L’affaire a été classée sans suite. J’ai eu une deuxième garde à vue, un mois plus tard, en octobre. J’avais un rendez-vous à Nice, des militants faisant une action à la Société Générale, à proximité de mon point de rendez-vous, j’ai été contrôlé et embarqué avec 48 heures de garde à vue et perquisition à mon domicile. Les policiers y ont saisi un tee-shirt de medic, un sac à dos… et, ce qui m’a le plus choqué : des livres, concernant les travaux que je fais sur les gaz, et l’ensemble de mon matériel informatique a été saisi, ils ont aussi consulté devant moi mes mails… J’ai été libéré avec un classement sans suite. Un des livres, rare, a été détruit, le matériel m’a été restitué…

Quel est le niveau d’intoxication des manifestants, policiers, habitants ?
A.S. : Il y a déjà les effets directs des lacrymos. Avec de gros problèmes pulmonaires, qui ont fait l’objet d’études, lors de l’entraînement des soldats américains, notamment. Une autre étude, turque, a démontré que les habitants des quartiers exposés avaient aussi de gros problèmes pulmonaires. Pour le cyanure, lorsque la dose est très légère, il est transformé en thiocyanate doucement, et il ne se passe quasiment rien. À côté de ça, on peut avoir des effetsaigus lorsque la concentration arrive entre 0,25 et 0,5 mg / litre de sang. La dose mortelle est difficile à définir, elle tient à une accumulation, mais entre 50 et 100 mg, on est sûr de mourir. Ce que j’ai mesuré, c’est : 0,7 mg par litre de sang, on atteint « l’effet aigu » qui peut occasionner perte de mémoire, perte de connaissance, vertiges, soit les effets d’hypoxie. Ces effets ont été vus, vécus et rapportés. Aujourd’hui l’interrogation porte sur les personnes qui y sont exposées fréquemment. C’est comme si on jouait au jeu du foulard avec les manifestants, toutes les semaines. Avec des risques inhérents, sur les reins, le foie…


Que comptez-vous vous faire pour faire connaître vos résultats…
A.S. : Nous n’avions pas envisagé de les médiatiser à outrance. Nous voulions alerter les autorités de Santé. La Haute autorité de santé, nous a renvoyés vers d’autres organismes. Et pour l’instant ils se renvoient la balle… Je n’arrive pas à imaginer que les autorités de Santé, ne soient pas déjà alertées. Les études sont publiques et publiées. Je suis étonné que peu de toxicologues français agissent… Pour pouvoir alerter davantage, je suis entré en relation avec André Picot, de l’association de Toxicologie-chimie de Paris, il a accepté d’être coauteur d’un dossier et de le publier au nom de l’ATC. Avec plus de 500 références scientifiques.


Entretien réalisé par Sylvain Fournier

ALEXANDER SAMUEL : « TEAR GAS POISONS»

Tuesday, November 5th, 2019

Emilien Urbach

Whistleblower. The young biologist from Nice highlights large doses of cyanide in the blood of demonstrators exposed to this chemical weapon.

« Cyanide in the tear gas used for law enforcement? Would the government poison the population? Unthinkable! It was the first reaction of Alexander Samuel, a math teacher and doctor of biology, when the yellow vest Julien Chaize, in April 2019, asked him to study this hypothesis. Six months later, the young scientist from Nice is convinced, significant doses of poison circulate in the blood of gassed demonstrators.

This conviction disturbs. On Saturday November 2, Alexander was taken into police custody on the grounds that he was implicated in a symbolic, bio-painted attack on a bank. He denies it but remains locked up for forty-eight hours. His home is searched. Its computer equipment and many documents are thoroughly inspected. A military manual from 1957, « on protection against combat gases », is seized and destroyed.

Away, he observes the violence

This episode is apparently unrelated to his research on tear gas. In any case, the biologist has already compiled his work in a report. It will be published in the coming days by the Toxicology Chemistry Association, founded by André Picot, honorary director of the chemical risk prevention unit at the CNRS. The latter will co-sign the Alexander publication alongside other researchers and doctors.

There was nothing to suggest such a result when, at the beginning of spring, Alexander went for the first time to a demonstration of yellow vests. « I was suspicious, » he admits. In the Alpes-Maritimes, the far right was very present at the start of the movement and my environmental convictions were at odds with the demands linked to fuel taxes. Curious, however, he went to the rally organized on March 23 in Nice.

At a distance, he observes the violent police charges during which the head of Attac, Geneviève Legay, is seriously injured. Alexander does not attend the scene directly but he sees the street medics, these militant rescuers who intervene during the demonstrations, prevented from intervening and being arrested. Alexander films. He was immediately placed in police custody. It’s his first time.

« I was shocked, » says the scientist. The conditions of my detention, the lies of Emmanuel Macron and the prosecutor concerning Geneviève Legay made me stand in solidarity with the movement. He decides to gather everything that could make it possible to establish the truth and to pass it on to yellow vests who intend to seize the United Nations. Among them, Julien Chaize wants to convince him to look into the case of a demonstrator who, following an exposure to tear gas, displayed an abnormally high level in the blood of thiocyanate, molecule formed after the assimilation of cyanide by the liver.

This is an isolated case. Impossible for Alexander to see in it evidence of massive poisoning of the population. Incredulous, he participated in other demonstrations and observed the reactions of people exposed to the gases. Vomiting, irritations, disorientation, loss of consciousness … these fumes don’t just make you cry.

Alexander consults the scientific literature. The tear gas component used in France is 2-Chlorobenzylidene malonitrile. As it is considered a chemical weapon, its use is prohibited in the context of armed conflicts. Not for policing. For the biologist, the verdict is clear, this molecule, once present in the blood, releases cyanide. Several studies since 1950 confirm this. None said otherwise. But this poison is also present in cigarettes and a multitude of foods. Its dangerousness is therefore a question of dosage. How to measure it?

Alexander and three doctors in yellow vests then proposed to the demonstrators to have their blood analyzed to determine a level of thiocyanate. But this marker is not reliable enough. Cyanide must be quantified. However, the poison is only detectable in the blood for a few tens of minutes. Armed with a kit of tests, prescriptions and forms to be signed by the candidates for an exam, they decided to take blood and urine samples directly during the demonstrations of April 20 and May 1.

The results are edifying

The results of the first samples confirm the significant presence of cyanide, but do not give the precise dosage. On June 8, in Montpellier, the team perfected their protocol. Alexander, the three doctors and a few accomplices make themselves guinea pigs from their experience. They test their blood before the demonstration and afterwards. The results are edifying. Scientific community considers cyanide poisoning

Émilien Urbach



Fabriquer un système respiratoire de fortune

Un système artisanal pour éviter de se faire confisquer un masque tout en étant protégé efficacement contre le gaz lacrymogène, à condition de maîtriser une technique de respiration.
Il faut inspirer par la bouche dans le tuyau, afin que l’air passe par le filtre, et expirer par le nez (sans recracher l’air dans le tuyau)

Matériel requis

Il faudra une cartouche filtre à gaz de type P3 (le plus souvent A-P3), du scotch résistant et renforcé, un cutter et un tuyau qu’il faudra couper à la longueur adéquate.

Etapes de fabrication

1) Ouvrir l’avant du filtre et prendre le bouchon en plastique
2) Faire un trou dans le bouchon à l’aide du cutter pour faire passer le tube et le coincer à l’aide d’une vis
3) Scotcher l’ensemble abondamment de façon à ce que le scotch passe bien sous le capuchon plastique
4) Ajouter un élastique et fixer le bouchon sur le filtre.
5) Utiliser le filtre en respirant avec la bonne technique

Conseils de conservation

Pensez à bien déboucher le bas du filtre quand vous respirez, et à le reboucher quand vous avez fini de l’utiliser.
Un gant placé à l’extrémité du tuyau peut être ajusté et éviter que de l’air ne passe dans le filtre lorsqu’on ne l’utilise pas.

Fabriquer un masque de fortune

Résultat de recherche d'images pour "tear gas bottle mask""

Couper une bouteille de soda de 2 litres comme indiqué.
Coller une bande de caoutchouc sur les bords de la bouteille.
Coller du tissu par-dessus le caoutchouc.
Insérer un masque respiratoire dans la bouteille.
Fixer un élastique pour accrocher au visage.
Ajouter un peu de vinaigre pour humidifier le masque avant de le porter.

Alexander Samuel, l’homme qui enquête sur le gaz lacrymogène utilisé contre les « gilets jaunes »

Alexander, au cours d’un rassemblement national des « gilets jaunes » à Montpellier. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse)

Docteur en biologie, Alexander Samuel enquête sur les dangers du gaz lacrymogène, utilisé massivement en France contre les “gilets jaunes”. Sa méthode : entrer dans les nuages et effectuer ensuite des tests sanguins et urinaires.

Par Emmanuelle AnizonPublié le 24 juillet 2019 à 14h00

On l’a vu, à plusieurs reprises, entrer dans le nuage blanc, et en ressortir quelques minutes plus tard, longue crinière rousse en pétard, yeux et visage écarlates, pleurant, toussant, titubant, à la limite du malaise… Alexander Samuel, 34 ans, docteur en biologie moléculaire, prof de maths dans un lycée professionnel de Grasse et amateur de philosophie, n’aurait jamais imaginé humer volontairement du gaz lacrymogène au cœur de manifestations. Ni traverser la France avec des flacons de sang et d’urine dans le coffre de sa voiture, tel un passeur de drogue, à la recherche d’un labo susceptible d’accepter sa cargaison. Encore moins se retrouver convoqué par la justice pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Lui, dont la seule violence assumée consiste à hurler régulièrement dans un micro, entouré de son groupe de metal.

Alexander s’est engagé par inadvertance, le 23 mars 2019. Ce jour-là, le prof dont le cœur penche « très à gauche », vient « en observateur » à une manifestation de « gilets jaunes » à Nice. Il est contacté par un groupe, SOS ONU, qui recense les violences policières. « Quand ils ont su que j’étais docteur en biologie, ils m’ont demandé si je pouvais les aider à analyser les effets des gaz lacrymogènes. Ils décrivaient des symptômes nombreux : maux de ventre, nausées, vomissements, douleurs musculaires, migraines fortes, mais aussi pertes de connaissance, problèmes pulmonaires, cardiaques, hépatiques… Des “gilets jaunes” avaient été hospitalisés.Ils évoquaient une possible intoxication au cyanure. Au cyanure ! Je les ai pris pour des dingues ! Mais vu qu’il y avait beaucoup de témoignages, je me suis dit que j’allais creuser. »

Alexander Samuel, docteur en biologie, en pleine expérimentation lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Paris. (Bruno Coutier pour « l’Obs »)
Alexander Samuel, docteur en biologie, en pleine expérimentation lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Paris. (Bruno Coutier pour « l’Obs »)

Alex adore creuser. Déjà, à l’université de Nice, le thésard brillant, mi-français, mi-allemand, s’était fait remarquer par sa propension à plonger son nez obstiné dans les affaires – détournements de subventions, corruption de syndicats étudiants et autres passe-droits. « Alex est un chercheur qui trouve, témoigne Guillaume, un ancien camarade de l’époque. Il accumulait des preuves, récupérait des documents, enregistrait les conversations. Il combinait les méthodes d’un enquêteur et d’un scientifique. »

Le prof se plonge dans la « littérature », comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire tout ce qui a été publié scientifiquement sur le sujet. Et rend compte méthodiquement de ses découvertes sur son site. Il apprend que le gaz « CS » utilisé par les forces de l’ordre ne contient pas de cyanure en tant que tel, mais qu’un de ses composants, le malonitrile, se métabolise en cyanure quand il entre dans le corps.

Une question de santé publique

On peut supporter le cyanure à petites doses ; les fumeurs, les mangeurs de chou, d’amandes ou de manioc en ingèrent. A plus haute dose, le cyanure provoque une hypoxie, un manque d’oxygène.Et peut tuer, même s’il n’y a pas de décès par gaz lacrymogène recensé en France. Alex explique :« La personne gazée subit comme un étranglementÇa fait quoi sur la santé de se faire étrangler un peu chaque week-end ? On nous dit que le gaz lacrymogène n’est pas dangereux, mais on ne connaît pas vraiment ses effets à long terme sur la santé ».

Le chercheur passe ses journées et ses nuits sur ce qu’il considère être « une question de santé publique : le gaz lacrymo est utilisé aujourd’hui massivement par les forces de l’ordre, et pas que sur les “gilets jaunes” : les écolos du pont de Sully, les jeunes de la Fête de la Musique à Nantes, les riverains et les commerçants, tous se sont retrouvés sous le gaz. Et les policiers, qui sont les premiers exposés ! » Ceux-ci portent la plupart du temps des masques à gaz qui les protègent, mais le 28 juin, sur le pont de Sully, un commandant a perdu connaissance à cause des lacrymos.« Où est Steve ? », voilà LA question

Le cyanure disparaît moins de trente minutes après l’exposition au gaz lacrymo. En revanche, il laisse dans le corps un marqueur, le thiocyanate, qui, lui, peut être détecté pendant plusieurs semaines. « J’ai vu des résultats d’analyse de “gilets jaunes” avec des taux plus de trois fois supérieurs à la normale ! » affirme Alex, qui contacte alors moult toxicologues, médecins, chercheurs en France et à l’étranger. Les réactions sont contrastées, entre ceux qui lui disent qu’il fait fausse route, comme Jean-Marc Sapori, du centre antipoison de Lyon, et ceux qui l’encouragent à poursuivre un travail « remarquable », comme André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie, sans oublier ceux qui lui glissent au passage :« Faites attention à vous, vous vous attaquez à un sujet trop dangereux. »

Il appelle beaucoup, on l’appelle de plus en plus. Un barbouze veut lui refiler des documents confidentiels sur les victimes de gaz pendant la guerre d’Algérie. Des « gilets jaunes », par dizaines, veulent témoigner, envoient leurs analyses :« On compile leurs symptômes dans un tableau, on voit remonter de nouveaux trucs bizarres. Par exemple, beaucoup de femmes, même ménopausées, se retrouvent avec des règles abondantes. »

Une praticienne du CHU de Lyon lui écrit pour un patient, gazé à de multiples reprises, ayant un « problème hépatique de cause inconnue » : « Je me demande si cela pourrait expliquer sa pathologie », dit-elle.

Comment prouver le lien entre pathologie et gaz lacrymo ?

Que répondre ? Comment prouver irréfutablement ce lien ? Puisque les autorités de santé ne s’emparent pas du sujet et que le ministère de l’Intérieur martèle « Circulez, il n’y a rien à voir », Alex, trois médecins – Renaud, anesthésiste-réanimateur, Josyane, généraliste, et Christiane, ophtalmologue – et quelques « gilets jaunes » décident d’effectuer des prélèvements sanguins à chaud, en manifestation.

Christiane, ophtalmologue, fait partie de l’équipe d’Alex.(©Xavier Malafosse/Sipa Press)
Christiane, ophtalmologue, fait partie de l’équipe d’Alex.(©Xavier Malafosse/Sipa Press)

Lors de ses recherches, Alex a découvert qu’une société suisse, CyanoGuard, fabriquait des kits pour mesurer le taux de cyanure dans le sang : « Ça marche comme un éthylotest. Si la couleur reste orange, c’est bon. Si elle vire au violet, c’est qu’il y a un taux de cyanure dangereux. Ils sont sérieux, ils ont publié dans l’excellente revue de la Royal Society of Chemistry, et le FBI utilise leurs outils ! » Alex et les médecins achètent dix kits, à 15 euros l’unité, et prévoient d’envoyer aussi en parallèle des tubes de sang en labo pour mesurer le taux de thiocyanate : « En combinant les deux méthodes, on renforce la fiabilité des résultats. » Et c’est ainsi que, samedi 20 avril à Paris, des « gilets jaunes » ont vu, au milieu des fumées, crachats, tirs de LBD et mouvements de foule, un petit groupe équipé de casques, lunettes, seringues et tubes effectuer des prises de sang, à même le trottoir.

Les résultats sont décevants : le changement de couleur du cyanokit est difficilement interprétable. « Cyanoguard nous disait : “C’est positif”, mais j’avais des doutes. » Autre surprise : les résultats du thiocyanate, analysé par le seul labo compétent de France, à Lyon, reviennent pour la plupart négatifs. « Même ceux des fumeurs, ce qui n’est pas possible ! » pouffe Alex, qui pouffe beaucoup, en rougissant et en plissant le nez, comme le font les enfants. Le prof ne veut pas croire que ces résultats aient pu être truqués volontairement, mais trouverait judicieux néanmoins de faire analyser de nouveaux tubes par un labo étranger « indépendant ».

Les médecins sont présentés comme des assassins

Le 1er mai, lors de la manifestation très agitée de Paris, le petit groupe récidive, cette fois dans un hall d’immeuble protégé des regards. « Des “gilets jaunes” nous attendaient à la porte, pour nous casser la gueule. » Car le groupe inquiète. Sur fond de guerre intestine au sein de SOS ONU, qu’Alex et les médecins ont quitté, une polémique a éclaté. Des vidéos des prélèvements circulent sur les réseaux sociaux, où les médecins sont présentés comme des assassins.On a suivi des « gilets jaunes » devenus black blocs

Les médias relaient les propos d’une « gilet jaune » prélevée accusant l’équipe d’avoir profité de sa faiblesse ; le Conseil national de l’Ordre des Médecins, interpellé, explique qu’il n’est pas interdit en soi d’effectuer une prise de sang dans la rue, mais que celle-ci obéit à certaines conditions. « Nos prélèvements ont été faits dans le respect de ces conditions de sécurité, et tous ceux qui ont donné leur sang ont signé un consentement éclairé », assurent les trois médecins de l’équipe. Une enquête préliminaire est ouverte. Au lycée d’Alex, le proviseur reçoit des messages dénonçant « l’illuminé ».

L’équipe réalise des analyses de sang au premier étage d’un fast-food de Montpellier, transformé en hôpital de campagne clandestin. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse
L’équipe réalise des analyses de sang au premier étage d’un fast-food de Montpellier, transformé en hôpital de campagne clandestin. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse

Avec cette tempête, certains dans le groupe prennent peur et abandonnent. Pas Alex, qui décide de repartir de zéro avec un noyau de téméraires. On leur reproche de prélever du sang chez les autres ? Ils le prélèveront sur eux-mêmes. Pas dans la rue, mais au premier étage d’un restaurant de Montpellier, transformé en hôpital de campagne clandestin (grâce à la complicité du gérant, pro- « gilets jaunes »). Ce jour-là, « l’Obs » était présent, et le fabricant suisse du cyanokit aussi, venu en personne surveiller l’opération. Cette fois, le taux de cyanure a pu être chiffré. Alex analyse :« On est passé de 0 ou 0,1 avant gazage à 0,7 aprèsle seuil de dangerosité étant fixé à 0,5. C’est bien le signe que le cyanure et le gaz sont liés ! »

Sauf que, pour les toxicologues, les chiffres de ce kit non homologué ne constituent pas une preuve officielle. Parallèlement, pour l’analyse du thiocyanate, Alex est allé déposer lui-même des tubes dans une prestigieuse université belge. Vingt-quatre heures de route. Les professeurs, manifestement intéressés, l’ont reçu longuement, mais leur labo s’est finalement déclaré incompétent. « Ils n’ont pas envie de se mouiller, ils savent qu’il y a l’Etat français en face », interprète Alex. Peur ou pas, il a fallu chercher ailleurs. Les Allemands ont hésité, puis l’ont renvoyé vers un labo anglais, qui a accepté. Les tubes sont arrivés… mais trop tard : « Pfff… ils étaient hémolysés », soupire Alex. Traduisez : trop datés.

Ils risquent la correctionnelle

Le feuilleton a continué, on vous en passe les épisodes. On retiendra quand même une analyse d’urine par « spectrométrie de masse », avec distribution de pots aux « gilets jaunes ». « Ils sont restés très méfiants. On a récolté deux urines seulement… dont la mienne », avoue Alex. Deux, c’est peu. Mais, à 50 euros l’analyse, il n’aurait pas pu en faire beaucoup de toute façon. Entre les cyanokits, les frais d’envoi, d’analyse et d’avocat, les trajets en voiture, le prof dit avoir dépensé quelque 5 000 euros, soit une bonne partie des économies qui devaient servir aux travaux d’installation dans son appartement.

Il le raconte avec son immuable sourire, nez et yeux plissés. Il dit qu’il s’en fiche. Ce qui l’embête davantage, c’est cette enquête préliminaire ouverte pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « recherche interventionnelle prohibée ». Début juillet, lui et les trois médecins ont été convoqués par la justice, et longuement interrogés. Ils risquent la correctionnelle. Ça devrait les refroidir ? Pourquoi s’acharner encore dans ce nid à emmerdes ? « On ne lâchera pas tant qu’une étude épidémiologique sérieuse ne prendra pas le relais. » Avec son trio de médecins, Alex va lancer un appel à la Haute Autorité de Santé. Et en attendant, il continue de creuser.A propos du gaz lacrymo

Le gaz lacrymogène est un composé chimique qui provoque une irritation des yeux et des voies respiratoires. Comme toute arme chimique, son utilisation est interdite dans le cadre d’un conflit armé par la Convention internationale de Genève (1993). Paradoxalement, cette interdiction ne s’applique pas au cadre du maintien de l’ordre public.

Il existe plusieurs sortes de gaz. En France, les forces de l’ordre utilisent du CS (chlorobenzylidène malononitrile), et ce de plus en plus massivement, comme l’ont montré les manifestations de ces dernières années. La dangerosité de ce gaz est proportionnelle à sa concentration et aux conditions de son utilisation. Officiellement, il n’est pas létal, mais des décès ont été rapportés après une utilisation en lieu clos, comme lors dusiège de Waco en 1993 aux Etats-Unis, ou encore en Egypte et à Bahreïn lors de soulèvements de population.

En France, « la concentration de CS dans les grenades est de 10% », nous dit la direction générale de la police, qui précise : « Cela fait plus de vingt ans qu’on utilise ces gaz, s’ils avaient été dangereux, on en aurait été les premières victimes, et les syndicats l’auraient dénoncé. »

Emmanuelle Anizon

How to craft a homemade respiratory system

A DIY system to avoid having your mask confiscated during a demonstration. A way of being effectively protected against tear gas, provided you master a breathing technique.
You have to breathe in with your mouth through the pipe, so that the air passes through the filter, and breathe out through your nose (without spitting air out of the pipe)

Material needed

You will need a P3 type gas filter cartridge (most often A-P3), strong and reinforced tape, a cutter and a pipe that must be cut to the appropriate length.

Crafting steps

1) Open the front of the filter and take the plastic plug
2) Make a hole in the plug using a cutter, to pass the tube and clamp it with a screw
3) Tape the whole abundantly, with tape covering both sides of the plastic cap
4) Add a rubber band and fix the cap on the filter.
5) Use the filter while breathing with the right technique

Preserving advice

Remember to unclog the bottom of the filter when you breathe, and to plug it back on when you have finished using it.
A glove placed at the end of the tube can be adjusted and prevent air from passing through the filter when not in use.

How to craft a homemade gas mask

Cut a transparent 2 Litre soda bottle as indicated
Glue a strip of rubber foam on the inside edge of the bottle
Glue a new strip of cloth over the foam rubber
Put a clinical mouth-cover in the neck of the bottle
Elastic to secure it to your head
Soak the mouth cover in vinegar before putting on the mask

Alexander Samuel, the man who investigates tear gas used against “yellow vests”

Alexander, at a national yellow vest protest in Montpellier. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse)

PhD in biology, Alexander Samuel investigates dangers of tear gas, used massively in France against “yellow vests”. His method : entering in the tear gas cloud and analyzing blood and urine.

By Emmanuelle Anizon

Published on July 24th 2019 at 2.00 p.m.

We already saw him, multiple times, going into the white cloud and coming out minutes later, his long redhead mane in a hot mess, scarlet eyes and face, crying, coughing, tottering and almost fainting. Alexander Samuel, 34 years old, PhD in molecular biology, maths teacher in a public professional high school in Grasse, France, and philosophy dabster, would never have imagined breathing voluntarily tear gas in the middle of demonstrations. Neither crossing France with tubes of blood and urine in his car trunk, like a drug dealer, looking for a lab which could accept his cargo. Even less being convened by French justice for “endangering people’s live”. Him, whose only assumed violence consists of yelling regularly into a microphone, surrounded by his metal bandmates.

Alexander engaged by accident, on March 23rd 2019. On that day, the “politically very left wing tending” teacher comes as an “observer” to a “yellow vest” protest in Nice. He gets in touch with SOS UN, who are inventorying police brutality. “When I told them I was PhD in biology, they asked me if I could help them analyze the tear gas effects. They described me numerous symptoms : stomach ache, nausea, vomiting, muscle aches, severe migraines, but also loss of consciousness, pulmonary problems, heart problems, liver problems … “Yellow vests” had been hospitalized. They evoked potential cyanide poisonings. Cyanide ! I thought they were nuts ! But since there were many testimonies, I decided to dig it…”

Alexander Samuel, PhD in biology, experimenting during a « yellow vest » protest in Paris. (Bruno Coutier pour « l’Obs »)

Alex loves to dig. Already at the University of Nice, the brilliant PhD student half French half German had stood out for his propension to put his obstinate nose into affairs – misappropriation of subsidy, syndicate corruption, and other favoritism. “Alex is a researcher who finds, testifies Guillaume, a former comrade back in time. He accumulated evidences, gathered documents, recorded conversations. He combined methods of an investigator and a scientist”.

The teacher immersed himself into “literature”, as scientists say, reading everything that got published on the subject in scientific papers. And he methodically reports on his website. He discovers that “CS” gas used by police officers does not directly contain cyanide, but that one of its components, malonitrile, is metabolized into cyanide in the human body.

A public health issue

One can endure cyanide at low levels : smokers, people who eat cabbage, almonds or cassava. At higher doses, cyanide can cause hypoxia, lack of oxygen. It can kill in some cases, even if it did not happen yet in France. Alex explains :

“The person who got gassed endures some kind of strangulation. What is the health consequence of being strangled once a week ? We are told that tear gas are not dangerous, but we don’t know the long term health effects.”

The researcher spends days and nights on what he considers as “a public health issue : tear gas used nowadays massively by police forces, and not only on “yellow vests” : the “pont de Sully” ecologists, the young people at the music fest party in Nantes and people or businesses close to the demonstrations, all were exposed to tear gas. And even policemen, who are the first exposed !

Most of the time, they wear gas masks protecting them, but on June 28th, on the Sully bridge, a commander lost consciousness because of tear gas.

Read also : « Où est Steve ? », voilà LA question

Cyanide disappears in less than thirty minutes after tear gas exposure. But it leaves a marker in the body, thiocyanate, which can be detected during a few weeks after exposure. “I saw some “yellow vest” analysis results twice or even three times higher than normal values !” says Alex, who then contacts many toxicologists, doctors, scientists in France and abroad. Reactions are contrasted, some tell him he is totally wrong, like Jean-Marc Sapori, from the antipoison center in Lyon, and some encourage him to go on his “remarkable” work like André Picot, president of the Toxicology – Chemistry association, others even tell him

“Be careful, you are addressing a too dangerous subject”.

He calls a lot, and he gets called ore and more. A secret agent wants to give him confidential documents about tear gas victims during the Algerian war. Dozens of “yellow vests” want to testify, and send him their results.

“We are compiling their symptoms in a table, and we notice some new weird symptoms. For instance, many women, even menopaused, are having heavy menstrual bleeding”.

A doctor from the University Medical Center of Lyon writes him about a patient, gased multiple times, having a heavy liver disease from unknown cause : “I wonder if that could explain his pathology” she says.

How to prove the link between pathology and tear gas ?

What should we answer ? How could we prove irrefutably that link ? Since health authorities don’t address the issue and the interior ministry repeats “Move along, nothing to see”, Alex, three doctors – Renaud, anesthesiologist resuscitator, Josyane, generalist and Christiane, ophthalmologist -, nurses and some “yellow vests” decided to do blood uptake directly on demonstration site.

Christiane, ophtalmologist, member of Alex’s team.(©Xavier Malafosse/Sipa Press)

During his research, Alex found a Swiss company, Cyanoguard, selling kits to detect instant cyanide levels in blood : “It works like a breathalyzer. If the color turns purple, there is a dangerous level of cyanide. They are very serious, they published in the excellent journal of the Royal Society of Chemistry and FBI uses their tools!”. Alex and the doctors buy ten kits, 15€ each, and plan to send some other blood samples to a laboratory to make the classical thiocyanate analysis : “Combining both results, the reliability of our results will be reinforced”. And that’s how, on Saturday April 20th in Paris, “yellow vests” could see, in the middle of the smokes, spitting,  flashball shots and crowd movement, a little group equipped with helmets, glasses, syringes and tubes to do blood uptake on the pavement.

Results were deceiving : color change with cyanokit was difficult to interpret. “Cyanoguard told us “it’s positive” but I wasn’t sure”. Other surprise : the thiocyanate results, analyzed by the only French lab performing them in Lyon came back negative. “Even for smokers, which is impossible ! » says Alex sniggering. He often sniggers, giggling and narrowing his nose, like kids do. The teacher does not want to believe that those results are being faked voluntarily, but he thinks it would be appropriate to perform new analysis abroad in foreign “independent” labs.

Doctors are presented like murderers

On May 1st, during a very agitated demonstration in Paris, the little group backslides, this time in a building lobby, behind closed doors. “Yellow vests were waiting outside to duff us up”. The group was worried. In a background interior war inside SOS UN, Alex and the doctors left, a controversy started. Videos from blood uptakes were circulating on social networks where doctors were presented as murderers.

Read also : On a suivi des « gilets jaunes » devenus black blocs

Medias relay words from a “yellow vest” whose blood got collected, accusing the team for having abused of her weakness; the council of the Order of Doctors, asked about it, explains that it is not forbidden to do a blood uptake in the street, but it has to follow certain conditions. “Our blood uptakes were done respecting all security conditions, and everyone who gave his blood signed an informed consent” assure the three doctors from the team. A preliminary investigation is opened. At Alex’s high school, the director received messages calling him “illuminated”.

The team is doing blood analysis at the first floor of a Montpellier fastfood turned into a clandestine field hospital. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse

With this tempest, some in the groupe got scared and gave up. Not Alex, who decided to start from scratch with a reckless kernel of his team. They are reproached taking blood from others ? They will take their own blood. Not in the streets, but in the first floor of a fast-food in Montpellier, transformed into a clandestine field hospital (with the complicity and help of the manager, a “yellow vest” supporter”). That day, “l’Obs” was present, and the maker of the cyanokits too, he came in person to supervise the operation. This time, the cyanide level is quantified. Alex analyses :

“We are passing from a 0 or 0,1 mg/l value before tear gas exposure to 0,7 mg/l, the dangerousness threshold being at 0,5mg/l. It’s the sign that cyanide and tear gas are linked !”

But for toxicologists, the numbers from that non homologated kit will not be an official evidence. Alex went in person to a prestigious Belgian university to analyse the thiocyanate levels of the blood samples. 24 hours driving. The professors, very interested, received him for a long time but their laboratory declared itself incompetent. “They do not want to get involved, they know the French state will be confronting them” interprets Alex. Fear or not, he had to look somewhere else. Germans hesitated, sent him to a British lab which accepted. But when the tubes arrives, it was too late : “Pff… they are hemolyzed”, sighs Alex. Translate it : dated.

They risk correctional court

The series continued, but we will pass the episodes. We will just note a mass spectrometry analysis with distribution of urine collection pots to “yellow vests”. “They are very mistrustful. We collected only two samples, mine included” confesses Alex. Two, it’s very few. But, for 50€ each analysis, he couldn’t have paid much of them anyways. Including cyanokits, sending costs, analysis costs, lawyers, car transport, the teacher says he paid about 5000€, a big part of what he spared for his installation work in his new apartment.

He tells it with his unchangeable smile, nose and eyes narrowed. He says he doesn’t care. What he cares more about, is this preliminary investigation opened for “endangering people’s lives” and “prohibited interventional research”. Beginning of July, himself and three doctors got convoked by justice and thoroughly interrogated. They risk correctional court. They should quit ? Why go on in such a mess of hassles ? “We will not drop it until a serious epidemiologic study starts”. With the three doctors, Alex will call the High Authority of Health. Until then, he goes on digging.

About tear gas

Tear gas is a chemical compound causing eye and respiratory irritations. Like every chemical weapon, its usage is forbidden in the context of armed conflict by the international convention of Geneve (1993). Paradoxically it does not apply public order maintenance.

There are different kinds of gases. In France, police uses CS (chlorobenzylidene malononitrile) more and more massively, like the demonstrations showed it during the past years. The dangerousness of those gases is proportional to their concentration and depends on the conditions of their usage. Officially it is not lethal, but deaths have been reported by its usage in closed rooms, like during the Waco siege 1993 in the United States, or in Egypt and in Bahrein during population uprising.

In France, « CS concentration in grenades is 10%” tells us the general direction of the police, precising “It has been over 20 years that we are using this gas, if it was dangerous, we would have been the first victims, and police syndicates would have denounced it”.

Emmanuelle Anizon

Inspektor Tränengas

Alexander vor dem Einsatz bei einer Demo in Montpellier. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse)

Mathelehrer und Doktor der Naturwissenschaften, Alexander Samuel ermittelt in Sachen Tränengas, das gegen « Gelbwesten » eingesetzt wird. Seine Methode : In die Rauchschwaden eintauchen, um dann Blut- und Urintests zu machen.

Von EMMANUELLE ANIZON Photos BRUNO COUTIER

Öfters haben wir ihn in einer weissen Wolke verschwinden sehen, aus der er einige Minuten später wieder auftauchte : lange, wirre, rötliche Mähne, rote Augen, krebsfarbenes Gesicht, weinend, hustend, schwankend, nahe am Zusammenbruch…. Alexander Samuel, 34 Jahre, Dr. rer. nat. in Molekularbiologie, Mathelehrer an einer Berufsschule in Grasse und Liebhaber philosophischer Anschauungsweisen hätte sich nie vorgestellt einmal freiwillig Tränengas während einer Demo einzuatmen. Noch wie ein Drogenschmuggler Frankreich zu durchqueren mit Blut- und Urinflakons im Kofferraum seines Autos, auf der Suche nach einem Labor, das bereit wäre, diese Ladung anzunehmen. Und noch viel weniger hat er damit gerechnet von der Justiz wegen « Gefährdung des Lebens anderer » vorgeladen zu werden. Er, dessen einziger zugegebener Gewaltakt darin besteht regelmässig in ein Mikro zu brüllen, umgeben von den Mitgliedern seiner Metal-Band.

Alexander geriet am 23. März aus Versehen in die Sache hinein. An diesem Tag begab sich der Leherer dessen Herz doch « ziemlich links schlägt » als « Beobachter » zu einer Demo der « Gelbwesten » nach Nizza. Er wurde von einer Gruppe, SOS UNO, kontaktiert, die Gewaltakte der Polizei auflistet.

« Als sie erfuhren dass ich ein Doktorat in Naturwissenschaften besitze, haben sie mich gebeten ihnen zu helfen, um die Auswirkungen des Tränengases zu untersuchen. Sie nannten zahlreiche Symptome: Bauchschmerzen, Übelkeit, Erbrechen, Muskelschmerzen, starke Kopfschmerzen, Migräne, sogar Bewusstlosigkeit, Probleme mit der Lunge, dem Herz, der Leber… « Gelbwesten » wurden hospitalisiert. Sie dachten an eine Blausäurevergiftung. Blausäure ! Ich hielt sie für verrückt. Aber da es sehr viele Aussagen gab, nahm ich mir vor, Licht in die Sache zu bringen. »

Alexander Samuel, docteur en biologie, en pleine expérimentation lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Paris. (Bruno Coutier pour « l’Obs »)
Alexander Samuel in Aktion bei einer Gelbwestendemonstration in Paris

Alex zieht gerne Sachen ans Licht. Schon an der Uni in Nizza fiel der brilliante, teils französisch, teils deutsche Doktorant auf, wegen seiner Neigung die Nase in bestimmte Sachen zu stecken – Veruntreuung von Subventionen, Korruption der Studentengewerkschaften und andere Machenschaften. « Alex ist ein Forscher, der nicht nur forscht sondern findet », bezeugt Guillaume ein ehemaliger Kollege, « er sammelte umfassendes Beweismaterial, holte Dokumente zusammen, nahm Gespräche auf, er kombinierte die Vorgehensweisen von Ermittlung und Forschung. »

Langzeittoxizität

Der Lehrer vertieft sich also in die « Literatur », wie man im Jargon sagt, das heisst in die wissenschaftlichen Publikationen zu diesem Thema. Methodisch berichtet er über seine Entdeckungen auf seiner Webside www.gazlacrymo. Er erfährt dass das von den Ordnugshütern verwendete CS Gas kein Cyanid als solches enthält, sondern einer seiner Bestandteile, das Malonitril, wird zu Cyanid, wenn es in den Körper eindringt. Der Mensch verträgt geringe Cyanidmengen, Raucher, Personen, die viel Kohl, Mandeln oder Maniok essen, verdauen es. In höheren Dosen verursacht das Cyanid eine Hypoxie, einen Sauerstoffmangel. Und es kann töten, auch wenn in Frankreich Cyanid als Todesursache noch nicht bescheinigt wurde. « Die betroffene Person empfindet es wie einen Würgegriff », erklärt Alex, « und was hat das wohl für Auswirkungen auf die Gesundheit, wenn man jedes Wochenende gewürgt wird ? Man sagt uns, dass das Tränengas nicht gefährlich sei, aber man kennt nicht wirklich seine Langzeitwirkung auf die Gesundheit. » Der Wissenschaftler verbringt seine Tage und Nächte mit dem, was er für « eine Frage des Öffentlichen Gesundheitswesens » hält. «Tränengas wird heute von den Ordnungskräften massiv eingesetzt, und nicht nur gegen « Gelbwesten », Ökos von der Pont de Sully, Party Freaks beim Fête de la Musique in Nantes, Anwohner und Geschäftsleute, alle wurden dem Gas ausgesetzt, und allen voran die Polizisten selbst. » Diese jedoch tragen meistens Gasmasken zum Schutz, aber am 28. Juni hat dennoch ein Polizeikommandant unter der Pont de Sully wegen Tränengas das Bewusstsein verloren.

Das Cyanid verschwindet in weniger als 30 Minuten nachdem man dem Tränengas ausgesetzt war. Jedoch hinterlässt es im Körper einen Biomarker, das Thiocyanat, der mehrere Wochen lang nachgewiesen werden kann. «  Ich habe Analysenresultate von Gelbwesten gesehen, deren Wert dreimal höher als der normale war » ereifert sich Alex der Kontakt zu Toxikologen, Ärzten und Forschern in Frankreich und im Ausland aufnimmt. Die Reaktionen sind widersprüchlich, es gibt die, wie Jean Marc Sapori von der Giftnotrufzentrale Lyon, die ihm sagen, er sei auf dem Irrweg und andere, die ihn ermutigen seine « bemerkenswerte » Arbeit weiterzuführen wie André Picot, Vorsitzender der Fachgesellschaft Toxikologie-Chemie, ganz zu schweigen von denen die ihm zuraunen « passen Sie auf sich auf, Sie greifen hier ein zu heikles Thema an ». Er telefoniert viel und wird mehr und mehr angerufen. Jemand möchte ihm geheime Dokumente über Gasopfer während des Algerienkriegs übergeben. Unzählige « Gelbwesten » wollen bezeugen, schicken ihre Analyseergebnisse : wir tragen ihre Symptome in Tabellen ein und sehen weitere seltsame Dinge hervorkommen. Zum Beispiel treten bei vielen Frauen selbst nach der Menopause heftige Regelblutungen auf. Eine Ärztin der Uniklinik Lyon schreibt ihn wegen einem häufig dem Gas ausgesetzten Patienten an : « er leidet an einem Leberschaden unbekannter Ursache : Ich frage mich ob das seine Pathologie erklären könnte » meint sie.

Blutentnahmen mitten auf der Strasse

Was antworten ? Wie diese Piste unwiderlegbar bestätigen ? Da die Gesundheitsbehörden das Thema nicht aufnehmen und das Innenministerium nur « bitte weitergehen, nichts Bemerkenswertes » einhämmert, beschliessen Alex und drei Ärzte – der Anästhesist Renaud, die Allgemeinmedizinerin Josyane und die Augenärztin Christiane – Krankenschwestern und einige Gelbwesten frische Blutproben direkt während der Demo zu entnehmen.

Christiane, ophtalmologue, fait partie de l’équipe d’Alex.(©Xavier Malafosse/Sipa Press)
Die Augenärztin Christiane gehört zum Team

Während seiner Nachforschungen stiess Alex auf einen Schweizer Hersteller, CyanoGuard, der Kits zur Messung des Cyanidgehalts im Blut herausbrachte. « Das funktioniert wie ein Alkoholtest, solange die Farbe orange bleibt ist es o.k., wenn sie ins Violette übergeht ist der Cyanidgehalt gefährlich hoch. Die sind ernst zu nehmen, sie haben in der bedeutenden Zeitschrift der Royal Society of Chemistry publiziert, das FBI arbeitet mit ihren Produkten. » Alex und die Ärzte kaufen 10 Kits a 15 € und gleichzeitig wollen sie Blutproben ins Labor schicken, um den Thiocyanatgehalt zu bestimmen. « Wenn man beide Methoden miteinander kombiniert, wird die Zuverlässigkeit der Resultate bestärkt. » Und so kam es, dass die « Gelbwesten » am 20. April in Paris zwischen Gasschwaden, Rauch, LBD Launchern und Panikbewegungen eine kleine mit Helmen, Spritzen und Blutentnahmeröhrchen ausgerüstete Gruppe Personen sahen, die Blutproben direkt auf dem Trottoir entnahmen.

Die Resultate sind enttäuschend : die Farbschattierungen des Cyanokits sind schwer zu interpretieren. « CyanoGard sagt uns « das ist positiv », aber ich hatte Zweifel. Weitere Überraschung : die Resultate für die Thiocyanatspiegel, die vom einzigen dafür zuständigen Labor Frankreichs in Lyon erstellt wurden sind meistens negativ. « Auch die der Raucher, was unmöglich ist ! » Alex kann sich ein verschmiztes Lausbuben-Lächeln nicht verbeissen und wird dabei rot. Der Lehrer will nicht annehmen, dass die Resultate absichtlich gefälscht seien, aber er hält es für zweckdienlich neue Blutentnahmeröhrchen in einem ausländischen « unabhängigen » Labor analysieren zu lassen.

Am 1. Mai, während es am Rande einer Gewerkschaftskundgebung in Paris zu Ausschreitungen kam, schlägt die kleine Gruppe wieder zu, diesmal in der Eingangshalle eines Wohnhauses vor neugierigen Blicken geschützt. « « Gelbwesten » warteten an der Tür, um uns zu verprügeln », weil die Aktivisten-Gruppe beunruhigt. Innerhalb SOS UNO, wovon Alex und die Ärze sich distanzierten, kam es zu politischen Querelen und Meinungsverschiedenheiten. Videos über Blutentnahmen zirkulieren in den sozialen Netzwerken, welche die Ärzte wie Mörder erscheinen lassen. Die Medien berichten von einer « Gelbweste » deren Schwäche das Ärzteteam ausgenuzt hätte, um eine Blutprobe zu entnehmen. Die Ärztekammer wird eingeschaltet, sie erklärt, dass es an sich nicht verboten sei, eine Blutprobe auf offener Strasse zu entnehmen, aber dass dabei bestimmte Vorschriften zu beachten seien. «  Unsere Blutproben wurden unter Beachtung dieser Regeln entnommen und alle betroffenen Personen unterzeichneten ein schriftliches Einverständnis » versichern die Ärzte des Teams. Die Staatsanwaltschaft eröffnet Ermittlungen. Der Direktor der Schule, an der Alex unterrichtet, bekommt Emails, die den « erleuchteten Spinner » denunzieren.

L’équipe réalise des analyses de sang au premier étage d’un fast-food de Montpellier, transformé en hôpital de campagne clandestin. (©Xavier Malafosse/Sipa Press / Xavier Malafosse
Die Aktivisten machen unmittelbare Blutanalysen in einem Fast-Food

Unter diesem massiven Druck bekommen manche der Gruppe Angst und geben auf. Aber nicht Alex, der mit einem Kern kühner Mitstreiter nochmals bei Null anfängt. Man wirft ihnen vor das Blut anderer zu entnehmen ? Jetzt entnehmen sie es bei sich selbst. Nicht mehr auf der Strasse, sondern im ersten Stock eines Fast-Food in Montpellier, der (dank der Komplizenschaft des Pro-Gelbwesten Geschäftsführers) in ein Underground -Lazarett umgewandelt wurde. An diesem Tag war der « Obs » mit dabei und ebenso der Schweizer Fabrikant des Cyanokit, der persönlich anreiste, um die Operation zu überwachen. Dieses Mal konnte der Blausäuregehalt beziffert werden. « Wir sind von 0 oder 0,1 vor Begasung auf 0,7 danach gestiegen », analysiert Alex, « wobei sich der Gefährlichkeits-Schwellwert bei 0,5 situiert. Das bedeutet, dass Bausäure und Gas zusammenhängen. » Nur, dass für Toxikologen die Zahlen dieses nicht homologisierten Kits keinen offiziellen Beweis darstellen. Gleichzeitig hat Alex die Blutentnahmeröhrchen für die Thiocyanat-Analyse eigenhändig in einer bekannten belgischen Universität abgegeben. Vierundzwanzig Stunden Autofahrt. Die Professoren, offensichtlich interessiert, haben sich lange mit ihm unterhalten, aber ihr Labor hat sich schliesslich inkompetent erklärt. « Sie wollen keine Schwierigkeiten, sie wissen, dass sie dem französischen Staat gegenüberstehen » interpretiert Alex. Angst oder nicht, es musste weitergesucht werden. Die Deutschen zögerten, haben an ein englisches Labor verwiesen, welches die Proben akzeptierte. Die Blutentnahmeröhrchen sind angekommen… aber zu spät…  « Pff, sie waren hämolysiert » stöhnt Alex. Übersetzung : zu alt.

Vorladung vom Gericht

Der Fortsetzungsroman ging weiter, wir ersparen Ihnen die einzelnen Episoden. Erwähnen wir dennoch Urinanalyse durch Massenspektronomie, mit Verteilung von Urinprobebechern an « Gelbwesten ». « Sie blieben sehr misstrauisch, wir konnten nur zwei Urinproben einbringen… darunter der meine » gibt Alex zu. Zwei, das ist wenig. Aber für 50 € die Analyse hätten sie sich auf keinen Fall viele Tests leisten können. Mit den Cyanokits, Versandkosten, Analysen, Anwalt, Benzinkostren meint der Lehrer an die 5000 € ausgegeben zu haben, d.h. einen guten Teil seiner Ersparnisse, die er für Renovierungsarbeiten seiner neuen Wohnung vorgesehen hatte. Er erzählt es mit seinem verschmitzem Spitzbuben-Lächeln. Er sagt, es sei ihm egal. Was ihn stört ist das Gerichtsverfahren wegen « Gefährdung des Lebens anderer » und « verbotener Forschung ». Anfang Juli wurden er und die drei Ärzte lange verhört. Sie riskieren Strafvollzug. Das sollte sie einschüchtern. Warum noch länger in diesem Misthaufen herumstochern ? « Wir hören nicht auf, bevor eine ernshafte epidemioliogische Studie die Angelegenheit übernimmt. » Mit seinem Ärztetrio will Alex einen Appell an den öffentlichen Gesundheitsdienst richten. In der Zwischenzeit wird er weitehin Dinge zutage fördern.

A propos Tränengas

Tränengas ist eine chemische Verbindung, die Reizungen der Augen und der Atemwege hervorruft. Wie für jede chemische Waffe ist sein Einsatz in bewaffneten Konflikten durch die Chemiewaffenkonvention verboten. Paradoxerweise gilt dieses Verbot nicht im Rahmen der Aufrechterhaltung der öffentlichen Ordnung. Es gibt mehrere Arten von Tränengas. In Frankreich verwenden die OrdnungsKräfte das CS-Gas (2-Chlorbenzylidenmalonsäuredinitril) und zwar immer massiver, wie es die Demos der letzten Jahre zeigten. Die Gefährlichkeit dieses Gases ist proportional zu seiner Konzentration und den Einsatzbedingungen. Offiziell ist es nicht tödlich, aber von Todesfällen wurde berichtet bei Verwendung in geschlossenem Millieu wie während der Belagerung der Branch Davidias-Sekte von Waco 1993 in USA oder auch bei Aufständen in Ägypten und Bahrein. In Frankreich beträgt die CS-Konzentration in den Sprengkörpern 10% teilt uns die Polizeidirektion mit, und präzisiert : Wir verwenden das Gas schon so lange, dass, wenn es gefährlich wäre, dann wären wir selbst die ersten Opfer und unsere Polizeigewerkschaften hätten es angeprangert.

Protection against tear gas

Equipment

Tear gas is actually not a gas, but consists of solid particles in suspension. The average diameter is 8 microns, larger than the 3 microns of most filters block, so an A-P3 filter is enough to protect your airways.

To check if the mask is properly adjusted, block the air inlet where the filter is located with your hand and check if you can breathe: if it is the case, air passes through the sides and the mask is not adjusted tightly enough.

Résultat de recherche d'images pour "lunettes chantier étanches""

Protective goggles must be waterproof, to avoid the penetration of solid particles. However, it is better to take impact resistant glasses (risk of shots from rubber bullets), swimming pool glasses can cause damage by breaking.

film étirable manuel cast 15 microns 300 m x 450 mm

To protect themselves from skin penetration, some use plastic film, or put on gloves and waterproof clothing…

Extinguish pellets

Water
Traffic cone
Pellet Trap
Campden tablets could be added to water for better efficiency

Post Exposure

After exposure, it is important to take a COLD shower to avoid opening of skin pores and letting the molecules in.
Clothing should be removed as soon as possible and then insulated or washed. In case of young children exposure, it may be useful to remove the clothes immediately and put on a survival blanket. Exposure should be minimized by removing contaminated clothing which may come into contact with the child, including that of adults nearby.

Post exposure products

We do not recommend the use of any of these products, we only list the products already used, recommended by some or existing.

CS is more irritating at high temperatures, and can only irritate in the presence of water (humidity, sweat, etc.). US soldiers use a decontamination technique which consists of drying the exposed area off, then applying decontaminant and washing it off.

In the field, many techniques have been developed, here are their advantages and disadvantages. We do not recommend the use of any of these products, and all drugs or medical devices should only be taken in the presence of a doctor.

Following exposure to tear gas, washing / rinsing using a Gaviscon® or Maalox® mixture with water in the presence of a doctor will reduce the burning sensation of the skin and mouth and prevent product penetration. An alcohol-free cleansing wipe can be used to remove as much product as possible from the skin. However, in case of excessive application, these products are irritants.
The use of Dacryoserum® in the presence of a doctor will only serve to dissolve the product in the eyeball, but in no case will prevent its penetration.
If rinsed with water, it must be cold in order to avoid an opening of the pores which would favor penetration of the product. The skin should be rubbed without irritating it. This action is to be carried out at the end of the day. Do not use soap at first. Take the opportunity to rinse your mouth and throat (by gargles) and eyes. Also rinse hair thoroughly before using a mild shampoo.
Eye and skin washed with Diphoterine® in the presence of a doctor, an aqueous solution containing amphoteric salts are recommended by some and rejected by others. Two views clash because, according to certain industrial hygiene specialists and certain chemists, this neutral pH product does not contain any particular or special products which can prove its usefulness.

Post-Cyanide exposure

To prevent risks due to exposure to cyanide by CS gas metabolism, André Picot, a famous french chemist, gave us dietary advice

The elements below are used in large quantities by the body to get rid of cyanide produced by the metabolism of CS gas, which ultimately leads to deficiencies and fatigue. We have completed the initial list of recommended foods. You can recover these elements by a simple and natural means: alimentation:

SULFUR: parsley, radishes, leeks, beans, lentils all foods containing natural sulfur garlic, onion, shallots, chives, cabbage, turnips, tap water, mineral water (especially those containing sulfates), wines (sulfites)…

B12: good quality calf’s liver (without hormones) meat, milk, kidneys, brewer’s yeast, edible seaweed, cod liver oil (in order of importance in intake: liver, caviar, mackerel, oysters, herring, beef , trout, tuna, sea bass, emmental, camembert, egg, plaice, fresh cottage cheese).

COBALT: cobalt food supplement in organic stores

In addition, when after manifestation you present extreme fatigue for several days, it may be useful to follow these dietary recommendations:

ZINC AND SELENIUM (anti-fatigue): broccoli, hazelnuts, nuts, almonds, chocolate, oysters, grilled wheat germ, veal liver, braised beef, dried shiitakes (mushrooms), grilled or oven-roasted squash seeds, crab, lentils, tartar or raw ground beef