Comme nous l’avons vu dans la partie métabolisme, le gaz lacrymogène est métabolisé en cyanure, lui-même transformé en thiocyanate par la rhodanèse.
Le thiocyanate est largement distribué dans les
liquides du corps, y compris la salive, dans laquelle il peut facilement être
détecté.
Chez l’homme en bonne santé un équilibre dynamique
entre le cyanure et le thiocyanate est maintenu. Un régime pauvre en protéines,
particulièrement un régime dans lequel les acides aminés soufrés font défaut
peut réduire la capacité de détoxication et rendre ainsi une personne plus
vulnérable à l’effet toxique du cyanure (15).
La consommation excessive de manioc comme source
unique d’énergie alimentaire et source principale de protéines, pourrait donc
accentuer la sensibilité à la toxicité du cyanure.
Maladies
liées à la toxicité du manioc (3).
Plusieurs maladies ont été associées aux effets
toxiques du manioc. Ceci a été confirmé dans l’état pathologique de
l’intoxication aiguë par le cyanure et dans le goitre.
L’organisme peut sans danger détoxiquer à peu près 20
mg de cyanure par jour, mais si ce niveau augmente pour atteindre 30 mg, des
symptômes d’intoxication aiguë apparaissent chez la plupart des consommateurs,
et commence alors l’épidémie.
L’augmentation du thiocyanate, thiosulfate dans le
sang bloque l’iode et l’empêche d’entrer dans la thyroïde pour former les
hormones thyroïdiennes (T3 et T4). Ceci entraîne
donc le goitre dû à l’hypothyroïdie.
L’hypothyroïdie est une affection qui a des
répercussions directes sur la santé, l’intelligence et le développement
harmonieux de l’organisme humain.
Cette carence en iode empêche donc la production des
hormones thyroïdiennes notamment T3 et T4 dont
les actions multiples peuvent être classés en 2 groupes:
1. Action sur le développement de l’organisme
(croissance et différenciation).
– In utero, les hormones thyroïdiennes sont
essentielles pour la différenciation et la maturation des tissus foetaux.
– Après la naissance, ces hormones sont
indispensables à la croissance du squelette et d’à peu près tous les organes,
ainsi qu’au développement du système nerveux central.
Une insuffisance thyroïdienne commencée pendant la vie
foetale ou à la naissance (hypothyroïdie congénitale ou hypothyroïdie néonatale)
entraîne une hypotrophie des neurones corticaux. Cela aboutit à
l’insuffisance du développement du cerveau et conduit aux lésions
définitives de celui-ci (crétinisme mental).
2. Régulation de l’activité métabolique et action
viscérale:
– Les hormones thyroïdiennes contrôlent le métabolisme
des glucides, des lipides, de l’azote et surtout, la calorigènèse. Elles
constituent un fantastique accélérateur du métabolisme de l’organisme.
– Les hormones thyroïdiennes règlent la vitesse des
réactions enzymatiques par agénésie de la glande thyroïde aboutit au nanisme et
au crétinisme.
Le crétinisme est toujours présent dans les régions où
le goitre est endémique.
L’ingestion du cyanure présent dans les aliments
conduit à sa détoxication dans l’organisme grâce à la production de
thiocyanate. Le thiocyanate a la même taille moléculaire que l’iode et
intervient sur la dose d’iode par la glande thyroïde (Bourdoux et al., 1978).
En cas d’ingestion de quantités importantes de manioc
insuffisamment traité, il peut y avoir une surcharge chronique de cyanure
conduisant à une élévation du niveau de thiocyanate dans le sérum qui passe à
1-3 mg/100ml le niveau normal étant d’environ 0,2 mg/100 ml. Dans de telles
conditions, la présence d’une excrétion accrue d’iode et d’une absorption
réduite d’iode par la glande thyroïde aboutit à un rapport d’excrétion
thiocyanate/iode (SCN/I) faible. Il semble que si ce rapport dépasse trois, le
goitre endémique apparaît (7). Ce phénomène ne peut se produire que si la dose
d’iode est inférieure à 100 mg/jour.
Quand le rapport SCN/I est inférieur à deux, il existe
un risque de crétinisme endémique, état caractérisé par une grave arriération
mentale et des anomalies neurologiques (Erman et al., 1983).
Des études réalisées en R.D.C. (ex. Zaïre) ont montré
que les habitants d’Ubangi, qui consomment de grandes quantités de manioc séché
au soleil mais non fermenté, présentent un rapport SCN/I faible allant de deux
à quatre et sont atteints de goitre endémique et de crétinisme.
Mais à Kinshasa la capitale, où les habitants mangent
de la pâte de manioc fermentée et séchée, le rapport SCN/I passe de trois à
cinq et les cas de goitre sont peu fréquents.
Un faible rapport conduit à des quantités anormales de
l’hormone stimulant la thyroïde et à de petites quantités de thyroxine (T4).
Ayangade et al. (1982) ont constaté que chez les
femmes enceintes, le niveau de thiocyanate dans le sang du cordon était
proportionnel à celui du thiocyanate dans le sérum maternel, indiquant que le
thiocyanate dans le lait maternel, ce qui indique que les glandes mammaires ne
concentrent pas le thiocyanate et les enfants nourris au sein ne sont pas
affectés.
Quand des suppléments d’iode sont donnés par exemple,
par l’adjonction d’iodure de potassium aux réserves locales de sel, le goitre
est réduit malgré une injection élevée et continue de produits dérivés du
manioc.
Là où la ration de sel est modérée ou variable,
l’huile iodée, absorbée par voie orale, fournit une protection pour un ou deux
ans.
Dans la jungle amazonienne, certains indigènes
consomment jusqu’à 1 kg de manioc frais cuit par jour et jusqu’à trois litres
de bière de manioc fermenté, mais on n’a pas signalé de cas de goitre ou de
neuropathie ataxique. Ces tribus consomment aussi d’énormes quantités de
protéines animales et de protéines de poisson et trouvent ainsi dans leur
alimentation un rapport important d’acides aminés soufrés et d’iode.
Depuis des mois, les manifestants inhalent à plein poumons du gaz CS, qu’on retrouve dans les grenades lacrymogènes. Mais quelles en sont les conséquences et les dangers pour l’organisme, alors qu’un chercheur alerte sur la possible création de molécules de cyanure après avoir respiré ces gaz ?
Avec cinquante ans d’utilisation derrière lui, on pourrait s’imaginer qu’une documentation scientifique complète consacrée aux effets du gaz lacrymogène est accessible. Pourtant, en France, peu d’études se sont penchées sur le sujet, et il faut se tourner du côté des rapports anglo-saxons pour en apprendre un peu plus sur les conséquences possibles de l’absorption de gaz lacrymogène, ou gaz CS.
Le gaz CS, ou 2-chlorobenzylidène malonitrile, a pourtant près d’un siècle d’existence. Inventé dès 1928 par les chimistes américains Ben Corson et Roger Stoughton, dont il porte les initiales, il est synthétisé dès les années 1950 dans une version proche de celle qu’on utilise encore aujourd’hui. Il succède alors à un autre gaz, la chloroacétophénone, pour ses « vertus » : il est à la fois moins toxique et « ses effets irritants sont plus prononcés et plus variés« .
Son but ? Des effets incapacitants immédiats
En manifestation, l’utilisation du gaz lacrymogène par les forces de l’ordre se traduit la plupart du temps par des scènes où les manifestants reculent pour échapper aux fumées blanches, toussant, pleurant et tentant de se protéger le visage. Et pour cause, l’effet du gaz CS est quasiment instantané : il touche avant tout les yeux et provoque, en quelques dizaines de secondes à peine, une activation des voies lacrymales. Une fois inhalé, il irrite les voies respiratoires, déclenchant de violentes quintes de toux pouvant aller, selon les doses, jusqu’à des vomissements. Il peut également provoquer de fortes démangeaisons ou sensations de brûlures quand il entre en contact avec la peau. Autant d’effets qui viennent neutraliser les personnes exposées en les contraignant à se déplacer, ou en les empêchant de résister à une attaque.
Chimiquement, l’effet du gaz CS est simple à comprendre : ses molécules viennent se lier aux récepteurs de notre corps impliqués dans la perception de la douleur et chargés de détecter les produits toxiques, les TRPA1 et TRPV1. L’organisme se met alors à produire du mucus, des larmoiements ou encore à déclencher des toux, dans un violent réflexe de rejet de ce qu’il considère comme toxique.
« L’action des agents anti-émeute est presque immédiate. Les symptômes apparaissent quelques secondes après la dispersion du toxique et ne persistent que quelques minutes après la fin de l’exposition« , détaillent les chercheurs A. Gollion, F. Ceppa et F. May dans un rapport intitulé Toxicité oculaire des agressifs chimiques publié par la revue Médecine et armées.
De potentiels effets à long terme
Nausées, sensations de brûlures, conjonctivites, difficultés respiratoires, voire même évanouissements (y compris chez les forces de l’ordre)… Les effets principaux des gaz lacrymogènes sont bien connus et sont réputés pour se dissiper rapidement, une fois les victimes sorties du nuage de gaz lacrymogène. Cependant, les conséquences sur le long terme du gaz CS sont très peu étudiées en France, alors même qu’il existe une bibliographie conséquente sur le sujet à l’étranger. En 2017, une revue de 31 études dans 11 pays, intitulée L’Impact sur la santé des irritants chimique utilisés pour le contrôle des foules : une revue systématique des blessures et morts causées par les gaz lacrymogènes et les sprays au poivre recensait ainsi 5 131 personnes blessées sur les 5 910 personnes exposées aux gaz irritants ayant sollicité des soins médicaux, soit 87 % des personnes concernées. En tout, 9 261 blessures avaient ainsi été recensées, l’essentiel d’entre elles étant localisées sur les yeux, la peau, et le système cardio-pulmonaire. Si l’étude rappelait que dans l’immense majorité des cas (98,7 %) les victimes avaient rapidement récupéré de leurs blessures, 67 personnes (1,3 %) souffraient de dommages permanents.
Les yeux : conjonctivite, kératite et cataracte
Les yeux sont, de fait, la cible principale des gaz lacrymogènes. Ils sont les plus rapidement et directement touchés par les émanations, qu’elles proviennent des grenades ou des sprays. A priori, l’impact du gaz CS est assez faible et les séquelles disparaissent vite dans le temps. Mais une documentation anglophone complète montre que, lorsque la source du gaz est très proche des yeux, il peut exister des complications, les plus fréquentes d’entre elles étant des cas de conjonctivites ou encore de blépharospasme (des clignements répétés des paupières). Dans de rares cas, des effets à long terme peuvent être autrement plus handicapants : le docteur en ophtalmologie de l’hôpital Saint Thomas de Londres notait ainsi dès 1995 de possibles complications avec entre autres des kératites infectieuses (des lésions de la cornée), des glaucomes secondaires ou encore de la cataracte.
« À des concentrations plus élevées, des brûlures chimiques accompagnées d’une kératite, d’une perte de l’épithélium cornéen et d’une diminution permanente de la sensation cornéenne peuvent être observées, précise le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. Le CS étant un composé solide, il se peut que des particules s’enfoncent dans la cornée ou la conjonctive, causant des dommages tissulaires. L’œil humain est plus sensible au CS en aérosol par rapport au CS en solution. L’ensemble des effets oculaires est plus sévère chez les individus portant des lentilles cornéennes ».
La peau : démangeaisons, érythème et brûlures
Les démangeaisons et rougeurs provoquées par le gaz CS sur la peau, si elles sont la plupart du temps bénignes, peuvent également avoir de sérieuses conséquences. Une étude de la faculté de médecine de Thessalie, en Grèce, publiée en 2015 et intitulée Exposition à l’agent anti-émeute CS et effets potentiels sur la santé : examen systématique des données probantes liste ainsi les effets les plus communs, pouvant durer de quelques heures à deux semaines, en citant de nombreuses autres études :
Les signes cutanés courants sont de l’érythème, des éruptions cutanée ou des ampoules, des sensations de brûlure cutanée, des irritations cutanées avec ou sans douleur et des brûlures.
De nombreux cas de dermatites ou d’eczéma, particulièrement dans le cas de réactions allergiques, sont également signalés.
Le système respiratoire : une fragilisation globale ?
A en croire les études, le système respiratoire est certainement le plus touché, sur le long terme, par les effets du gaz CS. Selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec, après une exposition au gaz CS, les premiers symptômes (irritation de la gorge, des poumons, éternuements, toux, etc.) “peuvent être suivis de maux de tête, de brûlures de la langue et de la bouche, d’une salivation et de difficultés respiratoires (après délai) et d’une sensation d’oppression (à de fortes concentrations)”.
Une étude de l’université et faculté de médecine d’Istanbul, en Turquie, s’est d’ailleurs penchée sur les effets à long terme des gaz lacrymogènes sur le système respiratoire : elle concluait que, chez les sujets exposés, certains troubles étaient 2 à 2,5 fois plus élevés que la moyenne, comme l’oppression thoracique, les difficultés de respiration ou la toux hivernale. Les sujets étaient également plus sensibles à un risque de bronchite chronique plus élevé. Une exposition prolongée ou excessive au gaz peut également être à l’origine d’un œdème pulmonaire.
Si on a fait de gros dégâts sur les voies respiratoires, ça va rester. La muqueuse est plus sensible à toutes les infections, et les virus et bactéries vont avoir un terrain beaucoup plus propice pour se développer. Le chercheur Alexander Samuel
Une arme létale en intérieur
En 2012, au Bahreïn, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour réprimer des manifestations politiques. L’ONG Physicians for human rights relate dans un rapport que plusieurs femmes ont subi une fausse couche après avoir été exposées au gaz lacrymogène et qu’un homme asthmatique a trouvé la mort. Certaines personnes sont en effet plus vulnérables aux effets de ces gaz, comme les enfants, les personnes âgées, les personnes asthmatiques ainsi que les femmes enceintes.
Sous certaines conditions, le gaz CS peut même s’avérer mortel. Les grenades lacrymogènes sont en effet prévues pour être diffusées dans des endroits aérés, permettant d’éviter une saturation de l’air en 2-chlorobenzylidène malonitrile. Mais dans un lieu clos, il serait possible d’atteindre “la concentration de CS qui serait létale pour 50 % des adultes en bonne santé, estimée entre 25 000 et 150 000 mg/m³ par minute” selon une estimation du rapport publié en 1989 dans The Journal of the American Medical Association : Gaz lacrymogènes : un agent de contrôle ou une arme chimique toxique ?
Lorsqu’une grenade lacrymogène explose en extérieur, le centre du nuage de gaz peut atteindre une concentration en 2-chlorobenzylidène malonitrile oscillant entre 2 000 à 5 000 mg/m³. En intérieur, la concentration augmente donc rapidement. Ainsi en 2014, en Egypte, des grenades lacrymogènes tirées à l’intérieur d’un camion transportant des prisonniers ont provoqué la mort de 37 détenus.
Des intoxications au cyanure ?
Depuis plusieurs mois, une autre inquiétude agite cependant les manifestants, gilets jaunes en tête, qui dénoncent de possibles intoxications au cyanure suite à des inhalations de gaz lacrymogènes. Cette théorie est avancée par le docteur Alexander Samuel : selon lui, la métabolisation du CS après son absorption entraînerait la formation de ce poison dans notre organisme.
Pour Alexander Samuel, le premier argument n’a plus lieu d’être étant donné le changement de paradigme :
Le problème aujourd’hui c’est qu’on n’est plus à lancer une grenade avec un seul palet, avec des manifestants à 20 mètres du palet. On en est à une fête de la musique avec Steve Maia Caniço par exemple, où il y a 33 grenades jetées en 20 minutes… Ça change les doses, ça change les expositions. Ce sont des expositions beaucoup plus fortes, avec des effets beaucoup plus lourds sur la santé et, sur le long terme, ce qui m’inquiète ce sont les taux de cyanure totalement passés à la trappe, qui peuvent provoquer des cirrhoses du foie, des calculs rénaux, des problèmes au niveau des reins et des problèmes neurologiques, comme Parkinson par exemple.
Pour pallier le scepticisme de certains spécialistes, Samuel Alexander, diplômé d’un doctorat en biologie, lui-même ayant cru ayant d’abord cru à une « fake news », est en train de préparer un rapport complet, doté d’une large bibliographie, que nous avons pu consulter. Il s’est entouré d’autres chercheurs sous la tutelle du chimiste spécialisé en toxicologie André Picot. Directeur honoraire au CNRS et président de l’Association Toxicologie-Chimie, c’est un soutien de poids :
Le CS est une molécule organique : ça signifie qu’elle contient du carbone et de l’hydrogène. Ces hydrocarbures composent le corps de base. C’est un peu difficile pour les non-chimistes à comprendre, mais […] concernant l’effet lacrymogène, tout se joue sur la libération d’une molécule, le malonitrile. Elle contient trois atomes de carbone et deux atomes de cyanure reliés à un atome de carbone. Cette molécule intermédiaire est utilisée pour faire des synthèses en chimie organique, elle est lacrymogène et peut être très toxique. Quand le gaz CS arrive en milieu aqueux, par exemple dans le sang, l’eau va se fixer dessus. Cette hydratation va rendre cette molécule CS, elle-même déjà instable, encore plus instable. Elle va ainsi être attaquée par des systèmes d’enzymes qu’on a dans le sang, qui vont l’oxyder. Cela va libérer le malonitrile [de la molécule CS, soit 2-chlorobenzylidène malonitrile, ndlr] qui à son tour, toujours par oxydation, va libérer du cyanure. Au final, pour une molécule de gaz CS vous libérez dans le sang une molécule de cyanure.
Une fois la molécule libérée dans le sang, elle va être assimilée par l’organisme, détaille André Picot : “C’est ce qu’on appelle la métabolisation. C’est soumis, bien entendu, à des contrôles génétiques. Et les individus sont inégaux, en général, devant cette métabolisation. Il peut y avoir des personnes qui vont réagir très vite à ce produit et avoir des effets toxiques du cyanure, alors que d’autres vont résister. Cette susceptibilité individuelle est très importante, parce qu’elle explique pourquoi vous en avez qui peuvent être très malades et d’autres qui tous les samedis montent sur les barricades et n’ont pas vraiment de symptômes. »
Pourquoi ce cyanure est-il dangereux ? Parce qu’il bloque la respiration cellulaire explique le toxicochimiste, le processus qui permet de fournir de l’énergie à notre organisme. Ce faisant, il asphyxie les cellules indispensables à notre survie :
Il y a trois organes qui sont très sensibles à la respiration cellulaire et ce sont ceux qui bossent le plus. Il y a le cerveau et donc l’asphyxie cérébrale commence d’abord par des maux de tête, de la fatigue, des dépressions, etc. Vous avez le cœur parce que c’est un moteur et il a besoin de carburant. Donc, vous allez avoir des troubles cardiovasculaires, des palpitations, vous allez peut-être vous évanouir, etc. Et puis, il y en a un autre qui est sensible aussi, c’est l’œil, la rétine. La rétine travaille beaucoup et il semblerait que dans le cas du cyanure c’est le cristallin, cette lentille, qui prend un coup. On ne sait d’ailleurs pas exactement pourquoi, étant donné qu’elle n’est pas oxygénée.
La formation de cyanure après une exposition au gaz CS n’a rien d’une surprise. Elle a d’ores et déjà été démontrée et étudiée chez les animaux, raconte André Picot :
Chez les rongeurs, c’est très bien démontré qu’une molécule de gaz CS, lors de sa dégradation, libère une molécule de cyanure. Les détracteurs de cette libération de cyanure à partir du gaz CS, disent que dans les expériences chez les animaux, il n’y a qu’une petite quantité de cyanure, et que, par ailleurs, rien n’est prouvé chez l’homme. Ils sont un peu de mauvaise foi parce qu’il y a eu quelques études avant. Il n’y en a pas beaucoup bien sûr, par rapport aux études expérimentales, c’est évident. Mais les armées, la police, ont des données précises auxquelles nous n’avons pas accès. On aimerait bien avoir accès à ce genre de données, c’est tout l’enjeu.
Une fois dans le sang, le cyanure peut cependant être métabolisé par l’organisme. Et pour cause, il existe à l’état naturel : on en retrouve par exemple dans le manioc ou le laurier rose, et le corps sait donc s’en prémunir. Les fumeurs en absorbent également de manière régulière sans que cela ne les tue directement. Notre organisme est ainsi capable de détoxifier le cyanure en lui ajoutant un atome de soufre grâce à la rhodanèse, une enzyme présente dans la salive et dans le foie. Cette opération crée le thiocyanate, ensuite éliminé par filtration rénale dans les urines. C’est avec ce biomarqueur qu’on peut déterminer l’augmentation ou non des taux de cyanure… Sans connaître pour autant son origine précise : consommer du manioc la veille peut par exemple fausser les résultats.
C’est tout d’abord en se basant sur des mesures des taux de thiocyanates qu’Alexander Samuel et son équipe ont cherché à déterminer s’il existe un risque pour l’homme. Les premiers résultats, pris sur des manifestants gilets jaunes en marge des manifestations, ont permis de découvrir des taux de thiocyanates qui, s’ils n’étaient pas dangereux, restaient anormalement élevés. Un constat qui les a amené à mesurer, avec des cyanokits, le taux de cyanure directement dans le sang avant exposition au gaz CS, entre cinq et quinze minutes après l’exposition, puis vingt minutes après cette dernière (ce qui a par ailleurs déclenché l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris, malgré les autorisations de consentement signées par les manifestants). Ces tests, réalisés sur neuf individus, ont permis de réaliser que le niveau de cyanure, après exposition au gaz lacrymogène, atteignait des niveaux supérieurs au seuil de dangerosité de 0,5 mg/L de sang (il est considéré comme létal à 1 mg/L).
L’échantillonnage peut paraître faible, mais pour Alexander Samuel il ne s’agit pas d’un problème dans le cas présent :
La force statistique est nécessaire lorsque l’on fait de l’épidémiologie, par exemple si on veut relier un symptôme (cancer) avec un comportement (fumer). Dans le cas précis de la métabolisation en cyanure, il n’est pas nécessaire d’avoir une telle force statistique puisqu’on étudie un mécanisme et non une corrélation. Les “case report” médicaux ne se font que sur des cas uniques, l’étude du décontaminant utilisé massivement par la police, par exemple, se base sur une étude menée sur cinq gendarmes.
Cependant je n’ai rien contre davantage de résultats et de vérifications, si le Parquet de Paris nous indique qu’il classe l’affaire concernant les prises de sang sans suites et qu’on a bien le droit d’en faire sans qu’elles ne soient considérées comme des « violences aggravées » et des « mises en danger de la vie d’autrui », ou si une autorité compétente décide d’enfin mettre à disposition un spectromètre de masse par exemple. A l’heure actuelle, nous sommes totalement bloqués pour les analyses terrain.
Face à ce qu’il juge être un enjeu de santé public, Alexander Samuel espère que le travail mené, qui sera publié d’ici quelques semaines, permettra d’appliquer “un principe de précaution” ou, a minima, “la formation des forces de l’ordre pour que leur discernement soit meilleur sur les risques potentiels (même hors cyanure) lorsqu’ils emploient ces grenades lacrymogènes”. D’autant que les forces de l’ordre sont, souvent, des victimes collatérales des effets des gaz lacrymogènes :
Chlorobenzylidène malonitrile et TNT ? Des compositions méconnues
Mais à l’exception du gaz CS, que contiennent, au juste, et dans quelles proportions, les grenades lacrymogènes ? Leur « recette » reste un mystère : en France, on ignore leur composition exacte. Deux entreprises françaises fournissent les forces de l’ordre, Nobelsport et Alsetex. Contactées, la première fait savoir que « la direction ne souhaite pas répondre sur ce sujet » et la seconde ne répond pas plus. Il faut se tourner du côté du collectif militant « Désarmons-les » pour trouver un portait assez précis de la composition d’une grenade lacrymogène :
O-Chlorobenzalmalononitrile (CS) :agent lacrymogène et irritant, il provoque le larmoiement et irrite les muqueuses du nez, de la gorge et de la peau en général. Charbon: lors de la combustion, il se transforme en carbone pur. Nitrate de potassium (salpètre) :lors de l’allumage, il dégage de grandes quantités d’oxygène pur qui alimentent la combustion du charbon. Silicone: lors de la combustion du charbon et du nitrate de potassium, le silicone forme des gouttes de dioxyde de silicone qui vont servir à allumer les autres composants. Sucre :carburant, il fond à 186°C, chauffe et vaporise le produit chimique sans le détruire. Il entretient également la combustion en s’oxydant. Chlorate de potassium: oxydant. En chauffant, il libère une forte quantité d’oxygène pur et se transforme en chloride de potassium, qui produit la fumée de la grenade. Carbonate de magnésium :le chlorate de potassium ne s’entendant pas avec l’acide (le mélange est explosif), le chlorate de magnésium maintient les niveaux de pH légèrement basiques, neutralisant tout contenu acide causé par des impuretés chimiques ou de l’humidité. Lorsqu’il est chauffé, il dégage du CO2, dispersant davantage les gaz lacrymogènes. Nitrocellulose: explosif fulminant. Lors de la combustion, elle dégage de grandes quantités de gaz et de chaleur. Faible en azote, elle sert aussi de liant collant pour garder tous les autres ingrédients mélangés de manière homogène.
En réalité, parler de « gaz CS » est un écart de langage : le 2-chlorobenzylidène malonitrile n’est pas tant un gaz qu’une poudre blanche qui se volatilise dans l’air lorsque la grenade lacrymogène se déclenche. La plupart des composants d’une grenade lacrymogène ont donc pour but d’assurer la diffusion du gaz CS, responsable des effets irritants et lacrymaux. « Ce ne sont, en général, pas du tout du tout des produits toxiques, précise à ce sujet le chimiste spécialisé en toxicologie André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie. Les grenades sont à base de gaz CS et le reste, après, c’est pour la propulsion et la stabilisation, car c’est une molécule instable« .
Aux côtés des grenades lacrymogènes « classiques » qu’elles soient à main ou non, on trouve également un modèle de grenade bien particulier, la GLI-F4, une grenade lacrymogène assourdissante à effet de souffle créée par la société Alsetex. Elle utilise quant à elle 26 grammes de TNT pour produire une explosion tout en diffusant le gaz CS. Elle est notoirement connue pour être à l’origine de plusieurs cas de mutilations et des collectifs d’avocats ont demandé, jusqu’ici sans succès, son interdiction pure et simple. Si la grenade n’a pas été interdite, le gouvernement a en revanche fait savoir qu’elle ne serait plus fabriquée. De son côté, le docteur en biologie Alexander Samuel, en l’absence de données fournies par Alsetex et Nobelsport, s’appuie sur l’ouvrage « The Preparatory Manual of Black Powder and Pyrotechnics » de J. Ledgard pour connaître les composants des grenades lacrymogènes dans leur version américaine :
La principale recette connue implique l’utilisation de 45% d’ ortho-chlorobenzylidène malononitrile [ou CS, ndr], 30% de chlorure de potassium, 14% de résine époxy, 7% d’acide maléique anhydre et 3% de 4,7-méthanoisobenzofuran-1,3-dione.
Le chercheur précise que, globalement, ces produits ne sont pas dangereux ou bien ont, a priori, des effets similaires et/ou moindres que ceux déjà provoqués par le gaz CS dans des conditions d’utilisation « normales ». C’est donc bel et bien le 2-chlorobenzylidène malonitrile qui est le principal agent chimique à l’origine des réactions de l’organisme.
Enfin, les gazeuses à main, utilisées par les forces de l’ordre, permettent d’asperger des manifestants directement au contact. Certains modèles utilisent un gaz créé à partir de la capsaïcine, un principe actif du piment : là où, sur l’échelle de Scoville, qui mesure la force des piments, la sauce Tabasco rouge se situe entre 1 500 et 2 500 unités, les bombes aérosols des forces de l’ordre montent à plus de 5 millions d’unités…
En France, on privilégie cependant le gaz CS à la capsaïcine. En 1998, les aérosols utilisés par les forces de l’ordre contenaient ainsi 5 % de gaz CS, quand aux Etats-Unis la dose se situe autour de 1 %. Faute d’informations, il est difficile de connaître aujourd’hui la contenance exacte de 2-chlorobenzylidène malonitrile dans les aérosols mais en 1996, la police britannique, qui s’était munie d’aérosols fournis par l’entreprise Alsetex, a conduit des tests afin de s’assurer que les sprays acquis ne dépassaient pas les 5 %… avant de réaliser que leur concentration en CS se situait entre 5,4 % et 6,8 %. Face aux récriminations, Alsetex a reconnu, dans une note de février 1997, que l’entreprise ne mesurait pas les concentrations de gaz CS, avant de s’engager à durcir les contrôles. Sans qu’il soit possible de vérifier si des protocoles ont été mis en place depuis, faute de réponses.
Dans un article de Libération, un cadre de la société Alsetex précisait néanmoins que le dosage des grenades lacrymogènes obéit à une réglementation officielle qui veut qu’il n’y ait pas plus de 20 % de CS dans les grenades. Une concentration « 2 600 fois plus faible que la dose létale« , selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. En France, on ignore néanmoins si les autorités vérifient les concentrations de gaz CS émises par les grenades lacrymogènes ou les aérosols. Nos tentatives de contacter la gendarmerie pour être mis en relation avec des spécialistes du sujet sont restées sans réponses.
Dans un rapport remis en 1999 au Parlement européen intitulé Une évaluation de la technologie de contrôle politique _(« _An Appraisal of the technology of political control »), le Dr Steve Wright, professeur à The School of Applied Global Ethics de l’université de Leeds au Royaume-Uni et ancien directeur de l’Omega Fondation, qui travaillait avec la Commission européenne pour traquer les ventes d’armes technologiques à des régimes autoritaires, retenait toutefois que « la gendarmerie française ne conservait pas de statistiques ou d’enregistrements à propos du CS afin de suggérer que ce dernier est sûr« .
Les données disponibles, bien que limitées et anciennes,
rapportent des symptômes non spécifiques à type de céphalées, asthénie,
troubles de l’olfaction, vomissements, dyspnée ; une baisse des taux de vitamine B12 et de folates a également été
rapportée.
Une étude ancienne décrit une augmentation
de taille de la thyroïde (sans lien formel avec les niveaux d’exposition ou
les taux d’hormones thyroïdiennes) alors que d’autres auteurs ont montré une relation
significative entre les taux d’hormones thyroïdiennes (T3, T4,
thyréostimuline – TSH) et l’exposition professionnelle aux cyanures.
L’exposition des travailleurs était appréciée sur les niveaux de thiocyanates
sanguins ou catégorisée qualitativement en fonction de l’activité
professionnelle principale [25, 26]. Le
rôle des thiocyanates est évoqué dans l’inhibition de la synthèse des hormones
thyroïdiennes et l’augmentation du taux de TSH.
Fiche technique INRS n°
111
La vitamine B12 sous la
forme d’hydroxycolabamine influence vraisemblablement la conversion du cyanure
en thiocyanate.
Dans le traitement
des personnes empoisonnées au cyanure « « Bien que
l’élimination urinaire et la arrière naturelle du système digestif puissent
constituer des éléments intéressants, l’innocuité de la vitamine B12 est plus
particulièrement
CONCLUSION :
C’est égal à une baisse du taux de Vit B12. TRT = On
injecte de l’hydroxocobalamine, qui a la propriété de se fixer aux ions
cyanures et permet ainsi de les éliminer dans les urines
L’hydroxocobalamine est la forme
naturelle de la vitamine B12 (OHB12). Elle agit dans l’intoxication au cyanure
en remplaçant un groupement hydroxyle de sa molécule par un groupement cyano,
produisant ainsi de la cyanocobalamine qui est éliminée dans l’urine. Une
molécule de OHB12 fixe une molécule de cyanure, d’où la nécessité d’utiliser de
fortes doses d’hydroxocobalamine.
TRT : L’oxygène à pression atmosphérique ou hyperbare ;
Le dicobalt édétate (Kelocyanor®) utilisé notamment en Europe ;
L’hydroxocobalamine (Cyanokit®) développée et utilisée particulièrement en
France)
Dans les signes d’intoxications chroniques, il est observé
comme le souligne les Annales de Toxicologies Analytiques ;
Vol XII, n°2, 2000 :
« … un effet toxique secondaire habituel est l’hypothyroïdie, s’expliquant par des
propriétés d’inhibition de la captation de l’iodure par la thyroïde due aux
thiocyanates. »
15/07/2019 (MIS À JOUR LE 14/06/2019 À 18:16)Par Chloé Leprince
Le 29 juin, à Paris, le commandant des CRS en charge de l’évacuation de militants écologistes à coups de gaz lacrymogène a carrément perdu connaissance. La controverse sur l’usage de ce gaz remonte à Mai 68, même si l’histoire a conservé une vision édulcorée et un brin folklorique de l’événement.
Grâce au document que les CRS missionnés sur le terrain destinaient à leur hiérarchie, on peut désormais objectiver la charge :
13 h 06 : premières sommations par TI [technicien d’intervention]. 13 h 12 : réitération des sommations. 13 h 14 : utilisation à quatre reprises de conteneurs lacrymogènes. 13 h 35 : malaise avec perte de connaissance par suffocation de gaz lacrymogène d’un container du CDTD [commandant].
Ce 29 juin, entre 13 h 14 et 13 h 39, cinq litres de gaz (soit dix conteneurs) ont été pulvérisés en tout. A quelques centimètres des manifestants assis, et au point que le commandant en charge des opérations s’en soit évanoui, à force de suffoquer. Maître Vincent Brengarth et Maître William Bourdon, les deux avocats du mouvement écologiste noyé sous les gaz le 29 juin sur le Pont de Sully, ont saisi le Défenseur des droits afin d’obtenir une enquête. Dans leur recours, ils explicitent le lien entre cet épisode de réplique massive des forces de l’ordre et une demi-année d’escalade dans le maintien de l’ordre en France. Entre la mi-novembre 2018 et début juin 2019, 23 personnes ont ainsi été éborgnées et cinq autres ont par exemple perdu une main lors des manifestations de « gilets jaunes ».
Ces chiffres esquissent un premier bilan d’affrontements qui se sont radicalisés sur le bitume. Et sont surtout le résultat d’une équation : l’usage du LBD, la fameuse nouvelle génération de « flashballs », comme celui des grenades de désencerclement, a bondi de 200% en 2018 – et tout particulièrement à partir de la mi-novembre, date des premières mobilisations nationales des « gilets jaunes ».
Le point presse tenu par Brigitte Jullien, la patronne de l’IGPN (« la police des polices ») ce jeudi 13 juin, fournit des chiffres au débat sur les violences policières. Ainsi, on apprend que plus de la moitié des munitions tirées en 2018 (trois à quatre fois plus que l’année précédente) ont été dégoupillées entre le 17 novembre et le 31 décembre – soit 9 500 projectiles LBD et quelque 2 700 grenades.
Conséquence d’un maintien de l’ordre qui s’est durci, mais aussi de manifestants qui désormais s’équipent et s’organisent pour documenter les affrontements : le nombre de plaintes a explosé. Entre le 17 novembre et le 13 juin, Brigitte Jullien dénombre 265 enquêtes ouvertes par l’IGPN. 40% ont été transmises à la justice et, à ce jour, huit informations judiciaires ont été ouvertes (par exemple le médiatique Jérôme Rodrigues ou encore la scène du 1er décembre dans un Burger King à Paris). De nombreux dossiers restent à traiter, et pour toute la France, l’IGPN ne compte qu’une grosse centaine d’inspecteurs.
Alors que pendant plusieurs mois, le journaliste David Dufresne s’étonnait d’être si isolé à épingler une à une les scènes qui remontaient jusqu’à lui via les réseaux sociaux, les violences policières depuis le début de la mobilisation des “gilets jaunes” sont devenues un sujet de premier plan. Dans les médias, on voit apparaître des décomptes ville par ville sur les procédures en cours, comme l’a fait Le Parisien. Décomptes encore partiels, à mesure que les plaintes officielles pour violences policières sont enregistrées et remontées comme telles.
A l’exception évidente de Zineb Redouane, l’octogénaire marseillaise morte après avoir reçu, chez elle, dans son appartement du quatrième étage, des plots de grenade le 1er décembre, ce sont les blessés eux-mêmes qui portent plainte, en leur nom propre. Ce sera leur témoignage, à charge, qui sera consigné dans les dossiers de la police, puis la justice. C’était moins vrai en mai 68. Aux archives de la Préfecture de Police de Paris, les 36 cartons consacrés à la révolte universitaire puis ouvrière en région parisienne sont accessibles uniquement sur dérogation. Mais des chercheurs ont pu les consulter, pour finalement questionner l’image lisse, presque pittoresque, qui s’était installée sur Mai 68.
Sept morts pour un « carnaval bourgeois »
Car on a commencé par beaucoup répéter qu’il n’y avait eu aucun mort en 1968. Ou encore repris les mots de Raymond Aron, pour qui l’insurrection étudiante tenait surtout d’un “carnaval” bourgeois, d’un “folkore”. En réalité, les travaux sérieux s’accordent pour dire aujourd’hui que les manifestations de mai et juin 1968 ont fait sept morts, et l’historienne Michelle Zancarini-Fournel ne cesse de rappeler combien on a enrubanné le récit des affrontements du printemps 1968.
Or il existe un petit livre, quatre-vingt pages en tout, qui témoigne du fait qu’il fut bien, massivement, question de violence au printemps 1968 : c’est Le Livre noir des journées de Mai 68. Son édition originale montre qu’il sera imprimé très vite après les événements (dès le deuxième trimestre de l’année 1968). On peut encore le croiser chez les bouquinistes, même s’il s’en vend actuellement six exemplaires à partir de 2 euros pièce sur Internett. Le livre, publié au Seuil dans la collection “Combats” dirigée par Claude Durand (trois titres seulement avant celui-ci), est signé UNEF / SNE Sup, mais il rassemble aussi bien des extraits des journaux de l’époque que des témoignages anonymisés, parfois très détaillés.
Au troisième paragraphe d’une introduction anonyme elle aussi, on lit :
Les dépositions spontanées ici rassemblées ont été recueillies par une commission de témoignages avec la participation de l’Union nationale des étudiants de France (U.N.E.F), du Syndicat national de l’enseignement supérieur (S.N.E. Sup.) et d’un comité de secours aux victimes.
Puis :
Par prudence, dans les circonstances actuelles, il a fallu laisser ces témoignages anonymes. L’original et des copies de toutes les déclarations figurant dans ce livre ont été déposés, dûment signés, en lieux sûrs.
La première grande journée de confrontation date du 3 mai 1968. Ce jour-là, l’UNEF a appelé à faire grève et à manifester au départ de Denfert-Rochereau, à Paris. Dans un article sur les perceptions et les pratiques de la police en mai et juin 1968 à Paris, Lyon, Saint-Etienne et Roanne, Julian Mischi cite depuis les archives ce rapport qu’un commissaire manifestement dépassé fait remonter au préfet de police dès le lendemain :
Violemment prises à partie, les formations, sur lesquelles pleuvent pavés et projectiles les plus divers, maintiennent difficilement à distance les manifestants à l’aide de grenades lacrymogènes et engins lanceurs d’eau. […] La prise de la première barricade a été longue et à certains moments, dramatique. Notre équipement personnel de protection est devenu insuffisant. Notre équipement collectif de protection l’est également pour charger dans de telles conditions. Il eût fallu pouvoir avancer à l’abri de véhicules spéciaux jusqu’au contact et je précise que la tentative qui a été faite avec deux tonnes à eau a échoué. Il est objectif de dire que nous avons dû reculer d’environ 75 mètres sur la contre attaque des manifestants.
« Vrais manifestants » ou violents infiltrés anarchistes ?
Et puis, très vite, les notes qui remontent vers la préfecture de police tentent de trier entre “vrais manifestants” et “groupes organisés pour le combat de rue encadrés par des personnes plus âgées”. Les documents du moment montrent qu’on a cherché à souligner, ici ou là, la présence de “drapeaux noirs anarchistes”, comme certains cherchent à départir “vrais gilets jaunes” et “éléments violents infiltrés” depuis novembre 2018 – une façon de délégitimer la lutte en la dépouillant de sa portée politique et en la criminalisant, décryptait Vanessa Codaccioni dans La Grande table, le 5 avril 2019. En filigrane dans les archives de 1968, on lit des notes qui exonèrent les forces de l’ordre d’un usage illégitime de la force.À ÉCOUTER AUSSIRéécouter Maintien de l’ordre ou criminalisation de la contestation ?33 MINLA GRANDE TABLE (2ÈME PARTIE)Maintien de l’ordre ou criminalisation de la contestation ?
La nuit du 10 au 11 mai 1968 restera comme “la nuit des barricades” – ou plutôt, la première nuit des barricades. Le Livre noir de l’UNEF rapporte, depuis les flancs du Panthéon, des grenades lancées par les forces de l’ordre “sur les fenêtres de la salle D” à l’intérieur-même de l’Ecole nationale supérieure, ce balcon rue Gay-Lussac d’où l’on interpelle des CRS pour leur brutalité, et qui en réponse se fait arroser d’un tir de grenade. Ou encore, ce récit :
J’ai vu, samedi matin vers 5 h 45, un membre des forces de l’ordre attaquer un passant et le matraquer brutalement, à l’angle de la rue Pierre Curie et de la rue d’Ulm. Ce passant se contentait de regarder les dégâts.
Plusieurs street medics mobilisés sur le bitume se sont plaints d’avoir eux-mêmes été pris pour cible. Ce ne fut pas le cas de Bernard Pons en 1968. Simple homonyme du ministre RPR du même nom, ce Pons-là est interne en médecine lorsqu’éclate Mai 68 dans Paris. Rapidement, il a témoigné : les coups au ventre, les brimades, l’hyperviolence sur des manifestants mains nues. Et puis aussi, de longues négociations pour obtenir le droit soigner. Tout est consigné sur une bande vidéo, précieuse à cinquante ans de distance. C’est grâce à un documentaire tourné dans le feu de l’action par Jean-Luc Magneron, Mai 68 La Belle ouvrage, qu’on redécouvre aujourd’hui ces descriptions minutieuses. Voici par exemple comment Bernard Pons raconte la deuxième nuit des barricades, le 26 mai, à un jet de pierre de Notre-Dame :
Un car de CRS bloquait l’issue du boulevard Saint Michel vers l’île de la Cité, engagé sur le trottoir. Et le long, six jeunes gens, étudiants ou jeunes ouvriers, alignés face contre le car. Derrière eux, six CRS ou garde mobiles qui les matraquaient à qui mieux mieux dans le dos. Devant nous, un de ces jeunes gens est tombé, la face ensanglantée, la face contre terre. Nous avons à ce moment-là été voir les CRS qui étaient les plus proches pour leur demander d’enlever immédiatement ce jeune homme et le porter le plus vite possible à notre centre de premiers secours. Il nous a été répondu négativement pendant que les CRS continuaient à frapper ce jeune blessé. Nous avons été ensuite contacter le capitaine de la compagnie responsable de ce qu’il se passait sous nos yeux. Nous lui avons demandé instamment de nous faciliter la tâche pour enlever nos seulement ce jeune homme, mais les cinq ou six autres qui commençaient eux aussi à ressentir très durement les sévices dont ils étaient l’objet. Les pourparlers ont duré au moins cinq minutes et ce n’est qu’après cinq minutes que nous avons pu emporter UN corps.
Le cinéaste l’interroge : « Est-ce un cas isolé ? »
Absolument pas.
Outre les coups de matraque, on découvre énormément d’“yeux brûlés” parmi les témoignages compilés. Page 62, un anonyme : “Je reçus un projectile incandescent dans l’oeil droit, que je crus sur le moment crevé”. Arrivé aux urgences, sa vue “n’atteignait que 1/10e”. Ni débat sur le LBD (qui n’existait pas il y a cinquante ans), ni photos de manifestants à l’œil crevé comme celles qui frappent les esprits depuis six mois et vingt-trois regards borgnes.
Le gaz mortel des Américains
En 1968, c’est d’un gaz qu’on débattait âprement, comme le montrent de nombreuses coupures de presse consignées dans le Livre noir des journées de mai. Ce gaz présenté comme “le produit que les Américains lancent contre les Noirs et les Vietnamiens”, apparaît très vite à l’origine de ce qu’on nomme alors couramment “les yeux brûlés”. Un phénomène si peu isolé et tellement préoccupant qu’un médecin de l’hôpital Lariboisière, le Dr Kann, alerte en même temps la presse et le Centre antipoison de l’hôpital Fernand Widal. Il les presse de contacter ce qui s’appelle alors “la Maison de Santé des gardiens de la paix”. Son urgence : connaître (et faire connaître) la dangerosité réelle du gaz.
L’affaire fait boule de neige, puisque le centre anti-poison lui-même se révèle incapable de traiter de son côté les patients qui lui sont adressés. Le 13 mai, L’Humanité rapporte que la Préfecture de police a fini par indiquer au centre anti-poison “la référence CS”. « CS » comme « 2-chlorobenzylidène malonitrile« . Dans les archives policières, on retrouve aujourd’hui des notes sur l’usage de ce gaz, et son dévoilement dans la presse, qui agace. Ce gaz qui fait pleurer, tousser ou vomir en irritant la peau et les muqueuses a été inventé en 1928 et aura la vie longue : en 2001, c’est lui qu’on utilisera pour disperser les manifestants à Gênes, en Italie. En France, il arrive dans l’arsenal du maintien de l’ordre dans les années 60 et est encore peu connu lorsque, le 13 mai 1968, L’Humanité détaille : il s’agit d’un produit “extrêmement dangereux, sur lequel il n’existe aucune toxicologie connue en France, mais dont le général Rotschild, spécialiste américain de la guerre chimique, a écrit qu’à forte concentration il possède un pouvoir létal”.
C’est ce mot, “létal”, ainsi que la multiplication des récits alarmants sur des brutalités policières, les coups au ventre, les robes déchirées et le lâcher de grenade à tirs tendus, qui contribueront à propager le mouvement jusque dans le monde du travail, absent des premières journées de soulèvement. Les syndicats enseignants condamnent la “répression sauvage” de la police, le monde ouvrier rejoint le mouvement, les manifestations deviennent unitaires même si ça tiraille entre cortèges cégétistes et étudiants “gauchistes”.
Trois morts et des tirs à balles réelles
Quand les forces de l’ordre se mettent à tirer à balles réelles alors que l’essentiel de leur arsenal consistait jusque-là plutôt en matraques et grenades, le conflit franchit un palier. Le 11 juin, alors que les forces de l’ordre s’affrontent aux usines occupées, on compte trois morts dont les affiches de l’époque portent la trace : un lycéen qui participait aux affrontements à l’usine Renault de Flins, dans le Calvados, se noie dans la Seine en voulant échapper aux forces de l’ordre et deux ouvriers de chez Peugeot, à Sochaux. Le lendemain, les manifestations organisées à Paris pour dénoncer ces morts sont interdites.
Pour un mémoire de Master 2 sous la direction de l’historien Nicolas Haztfeld, Gareth Bordelais a cherché à remonter dans les archives de la Préfecture de Police la trace de plaintes pour violences policières à l’époque. Il précise que ces documents sont les seuls traces négatives qu’il a pu trouver parmi toutes les boîtes qu’il a pu consulter sur l’épisode insurrectionnel. Il souligne surtout que “le trait commun de tous ces plaignants, c’est qu’ils ne sont jamais des manifestants. Au mieux, ils étaient dans les abords de la manifestation où ils l’observaient de près”.
Contrairement à ce qu’on observe aujourd’hui, les victimes elles-mêmes n’ont pas porté plainte, qu’elles comptent parmi les manifestants engagés dans l’événement, ou qu’elles n’aient fait que passer, écopant ici d’un tir de grenade, là d’un coup de matraque sans avoir distinctement participé à une manifestation. Gareth Bordelais, qui explique que les civils ont le plus grand mal à identifier les policiers à qui ils ont affaire, poursuit :
Les suites de ces plaintes ou les sanctions prises contre les fonctionnaires sont totalement absentes des archives. Il y a néanmoins un cas pour lequel le cabinet du Préfet de Police demande des précisions à la Direction Générale de la Police Municipale concernant un incident avec des hommes qui ont roué de coup un journaliste durant une opération de maintien de l’ordre. […] Les seuls éléments que nous pouvons trouver sont un rappel à l’ordre dans les lettres et ordres du jour du Préfet.
Grimaud remplace Papon : balles neuves après Charonne
Le préfet de police de Paris en charge pendant les mois de mai et de juin 1968 s’appelait Maurice Grimaud. Il est encore relativement nouveau, puisque c’est seulement quelques mois plus tôt, en 1967, qu’il a remplacé Maurice Papon, aux manettes par exemple lors de la manifestation du 17 octobre 1961 ou de ce qui restera comme “le massacre de Charonne”. Maurice Grimaud s’installera dans l’histoire comme l’homme d’un maintien de l’ordre tempéré, plutôt que comme un meneur d’hommes qui dirige sous le sceau de l’impunité. Dans le livre qu’il publiera en 1977, En mai, fais ce qu’il te plaît, le préfet de police racontera que ses principaux outils de commandement consistaient en une grande carte de Paris accrochée aux murs de la Préfecture et une “impressionnante batterie d’écrans de télévision”.
Mais sur le terrain, les hommes, eux, étaient déjà là du temps de Papon, et des débuts de la guerre d’Algérie. Ils sont souvent empreints d’une autre culture du maintien de l’ordre. Dans Mai 68 et ses vies ultérieures, l’historienne Kristin Ross souligne bien une forme d’héritage entre la répression du temps de la Guerre d’Algérie, et, six ans après les accords d’Evian, la riposte policière au soulèvement étudiant puis ouvrier. Manifestants et témoins ont eux aussi la mémoire fraîche, et Ross cite un témoin qui se remémore : “On regarde, effarés et apeurés, les flics casser de l’étudiant comme ils avaient ‘ratonné’ l’Arabe quelques années plus tôt.”À LIRE AUSSILe mouvement du 22 mars sans les clichés : qui étaient ces militants de 1968 ?
Dans les mouvements libertaires et gauchistes, dès le 22 mars à Nanterre, la référence à la guerre d’Algérie, et même à Vichy, était omniprésente, décuplant parfois l’engagement dans les cortèges. L’histoire collective de la police devient un carburant qui radicalise l’affrontement. Maurice Grimaud semble en avoir eu conscience, si l’on en croit la lettre que le préfet de police décidera d’envoyer à chacun de ses 25 000 hommes. Le courrier daté du 29 mai 1968 fuitera rapidement dans Le Monde. Vous le trouverez en pied de cet article dans sa version intégrale, mais en voici déjà un extrait qui disait ceci :
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répéterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Mémoire sélective à la police
Cette lettre, au cœur de ce que le sociologue Fabien Jobard décrit comme une doctrine de maintien de l’ordre fondée sur la retenue, est restée emblématique. Elle a ainsi beaucoup fait pour la réputation de Maurice Grimaud, cinquante ans plus tard. A mesure que les plaintes pour violence policière et le débat sur l’usage du LBD et des grenades a enflé ces derniers mois, son courrier a été régulièrement exhumé. Or on a découvert que quelques mois avant que ne démarre la mobilisation des “gilets jaunes” et son cortège d’affrontements un peu partout en France, en mai 2018, le magazine interne de la police avait republié cette lettre. Sauf que la revue Liaisons en avait caviardé un passage. Voir l’image sur Twitter
Ironiquement, c’est le passage le plus célèbre du fameux courrier qui a été supprimé, celui qui disait :
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.
A la page 62 du petit Livre noir que l’UNEF avait fait imprimé quelques semaines après mai et juin 1968, on lit cette question : “Comment en est-on arrivé là ?” Soit, mot pour mot, exactement la même phrase que celle qui court sur les réseaux sociaux depuis des mois, tandis que les images d’yeux crevés, de mains arrachées ou de sexagénaires projetés face contre terre font boule de neige sur les réseaux sociaux.À VOIR AUSSIRéécouter Les policiers sont-ils au-dessus des lois ?ACTUALITÉSLes policiers sont-ils au-dessus des lois ?VIDÉO
Pour aller plus loin, voici la lettre de Maurice Grimaud le 29 mai 1968 :
Je m’adresse aujourd’hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force.
Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.
Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter.
Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement.Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.
C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répèterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.
Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur que vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation.
Maurice Grimaud
Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.
Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter.
Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement.Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.
C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répèterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.
Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur q
ue vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation.
La grenade lacrymogène au C.B. (CS) et les bouchons allumeurs
I – généralités :
La grenade lacrymogène au C.B. (ortho-chlorobenzal-Malonitrile) est utilisée en maintien de l’ordre comme une grenade lacrymogène à action fugace.
Cette grenade peut être lancée de plusieurs façons :
soit à la main, en l’amorçant avec un bouchon allumeur à cuillère S.A.E. 59,
soit au fusil lance-grenades à cartouches, en l’amorçant avec un bouchon retard S.A.E. 59
Dans tous les cas la frenade au C.B. est amorcée ave cun bouchon allumumeur à renforçateur de poudre noire.
II – caractéristiques :
aspect : engin de couleur gris bleuté avec bande et inscription de couleur violette
poids total de la grenade : 315 grammes
poids d’un élément : 75 grammes dont 45 grammes environ de mélange lacrymogène
diamètre de la grenade : 56 mm
hauteur de la grenade : 153 mm
III – nomenclature :
1 – Partie externe
un cylindre en carton (9)
un fond en fer blanc (14)
un couvercle en fer blanc (3) emboîté et maintenu sur le cylindre par un ruban adhésif (5)
un porte bouchon allumeur (2) fixé sur le couvercle possédant un filetage intérieur pour recevoir le bouchon allumeur
2 – Partie interne
trois éléments cylindriques en fer blanc (6) contenant la charge lacrymogène en poudre (7) recouverte d’une couche de pâte d’amorçage (10).
chaque élément est percé de deux orifices axiaux (11) et de trois évents latéraux (8).
A la base de la grenade se trouve une charge de dépotage en poudre noire collée sur un disque de carton (13). Cette charge est isolée de l’élément inférieur par un autre disque de carton (12).
Entre le couvercle et l’élément supérieur, des rondelles en carton (4) assurent le calage des éléments dans la boîte cylindrique.
IV – Fonctionnement
1 – Mise en oeuvre
A) Lancer à la main :
La grenade peut être lancée à une distance de 25 à 30 mètres. L’amorçage est effectué avec un bouchon allumeur à cuillère S.A.E. 59 à 1,5 seconde de retard.
B) Lancer au fusil :
La grenade peut être lancée au moyen d’un fusil lance-grenade à cartouches à une distance de 90 à 110 mètres. L’amorçage est effectué avec un bouchon retard S.A.E. 59 à 2,5 secondes de retard.
2 – les phases de fonctionnement
Les bouchons allumeurs comportent un dispositif de retard (mèche lente) assurant la mise à feu de 1,5 seconde à 2,5 secondes après le lancer suivant que la grenade est lancée à la main ou au fusil.
La mise à feu du renforçateur de poudre noire du bouchon provoque l’inflammation de la pâte d’amorçage qui assure le début de la combustion du mélange lacrymogène et l’explosion de la charge de dépotage.
Les éléments en combustion sont alors projetés hors de l’enveloppe dans un rayon de 2 à 3 mètres et les fumées lacrymogènes fusent par 3 évents latéraux et les 2 orifices axiaux.
La combustion du produit lacrymogène dure 30 secondes environ.
V – Propriétés diverses :
1 – L’action lacrymogène Elle dépend des conditions d’emploi. Toutefois, en terrain dégagé, on peut donner les ordres de grandeur suivants :
jusqu’à 20 m, sous le vent, situation intenable
jusqu’à 50 m, sous le vent, action lacrymogène intense
jusqu’à 100 m, sous le vent, action lacrymogène très sensible
Les rayons d’action croissent suivant le nombre de grenades en fonctionnement. Ils varient sensiblement suivant le vent ou l’humidité. L’action lacrymogène cesse aussitôt après fin de la combustion. Elle peut se prolonger de 5 à 10 minutes pour le personnel qui a été en contact avec le nuage.
L’action lacrymogène de la grenade au C.B. se traduit par :
un effet lacrymal intense
une sensation d’oppression et de suffocation
une sensation de brûlure dans le nez et la gorge
un picotement sur une peau en sueur
2 – avantages de la grenade C.B.
projection des éléments enflammés dans un rayon de 3 mètres environ du point de chute
innocuité des vapeurs de C.B. à l’air libre
action lacrymogène rapide mais fugace
régularité de fonctionnement
impossibilité de reprendre les engins en fonctionnement
3 – Inconvénients de la grenade au C.B.
nuage visible et facilement décelable
risque d’incendie dans l’éventualité de chute d’un élément dans un appartement, sur un véhicule, ou dans un local renfermant des matières inflammables.
4 – mesures de sécurité
toute grenade dégoupillée doit être lancée
éviter de marcher avec une grenade dégoupillée dans la main
effectuer des lancers dans le sens du vent
se protéger contre les effets de la grenade au C.B. en utilisant le masque à gaz
si par suite d’une fausse manoeuvre, un grenadier a relâché sa pression sur la cuillère, le bouchon étant dégoupillé, lancer immédiatement la grenade.
VI – Conditionnement
Les grenades lacrymogènes au C.B. sont livrées en caisses de bois dites « caisses n°3 » d’une contenance de 40 grenades.
VII – le bouchon allumeur à cuillère S.A.E. 59
1 – Caractéristiques :
Le bouchon allumeur à cuillère S.A.E. 59 est en matière plastique de couleur vert olive mat avec un couvercle et une gaine de couleur bleue.
Il est destiné uniquement à l’amorçage des grenades lacrymogènes à la chloracétophénone ou au C.B. qui doivent être lancées à la main. Il se visse sur le porte-bouchon allumeur de la grenade.
poids total : 45 gr
diamère : 26 mm
longueur : 44 mm
retard : 1,5 seconde (marqué en relief sur le couvercle)
2 – Nomenclature :
a) Tête de bouchon
Cavité fermée par un couvercle en matière plastique portant en relief l’indication de la durée du retard qui comprend un percuteur à double pointe sollicité par un ressort vers le haut et entravé par un verrou, deux amorces logées dans un porte-amorce, un ressort de verrou, une cuillère, une goupille de sécurité, un anneau de traction.
b) corps de bouchon
Queue tubulaire à pas de vis extérieur qui renferme une mèche lente coiffée d’une pâte d’amorçage. A l’extrémité se trouve un renforçateur de poudre noire protégé par une gaine en matière plastique.
3 – fonctionnement :
Quand la goupille de sécurité est enlevée par suite d’une torsion et d’une traction sur l’anneau, la cuillère n’est maintenue en place que par la main du grenadier. Au lancer, la cuillère bascule sous la poussée du ressort de verrou et se sépare du bouchon. La coiffe d’étanchéité, le verrou et son ressort sont expulsés.
Le percuteur libéré par le verrou pivote sous l’action de son ressort et frappe les amorces qui mettent le feu à la mèche lente par l’intermédiaire de la pâte d’amorçage. La transmission du feu entre les amorces et la pâte d’amorçage est assurée par deux trainées de pulvérin.
La fin de combustion de la mèche lente provoque l’inflammation du renforçateur de poudre noire.
4 – précaution
Lorsque l’on arrache la goupille en tirant sur l’anneau, la cuillère n’est plus maintenue que par la main. Par conséquent, ne pas ouvrir la main avant de lancer.
5 – conditionnement
Les bouchons allumeurs à cuillère S.A.E. 59 sont livrés dans des boîtes en plastique contenant 4 bouchons ou dans des caisses de bois de 70 boîtes, soit 280 bouchons.
VIII – le bouchon retard S.A.E. 59
1 – caractéristiques
Le bouchon retard S.A.E. 59 est en matière plastique de couleur vert olive mat avec un couvercle et une gaine bleue. Il ne comprend aucune partie métallique. Il est destiné uniquement à l’amorçage des grenades lacrymogènes à la chloracétophénone ou au C.B. qui doivent être lancées au fusil lance-grenades à cartouches. Il se visse sur le porte bouchon de la grenade.
poids total : 9 grammes
diamètre : 30 mm
longueur : 40 mm
retard : 2,5 secondes (marqué en relief sur le couvercle)
2 – nomenclature
a) tête de bouchon
Cavité creuse dont le fond est tapissé de poudre noire et la partie supérieure fermée par un couvercle collé par un enduit d’étanchéité.
b) corps de bouchon
Queue tubulaire à pas de vis extérieur qui renferme une mèche lente coiffée d’une pâte d’amorçage. A l’extrémité inférieure se trouve un renforçateur de poudre noire protégé par une gaine de matière plastique.
3 – Fonctionnement
Au départ du coup les gaz enflammés produits par la cartouche de lancement perforent le couvercle du bouchon et enflamment la mèche lente par l’intermédiaire de la poudre noire et de la pâte d’amorçage. La fin de combustion de la mèche lente provoque l’inflammation du renforçateur de poudre noire.
4 – conditionnement les bouchons retard S.A.E. 59 sont livrés dans des boîtes en plastique contenant 8 bouchons ou dans des caisses de bois de 70 boîtes, soit 560 bouchons.
LA GRENADE LACRYMOGÈNE multipots dite M.P.7
I – généralités
La grenade lacrymogène M.P.7 au CS (orthochlorobenzalmalononitrile) est destinée à être utilisée en maintien de l’ordre. Elle est capable d’émettre rapidement sur une grande surface un nuage non toxique à haut pouvoir lacrymogène et neutralisant. En rassemblant, dans une seule enveloppe, sept éléments générateurs de produit lacrymogène, on permet avec un seul lancer d’obtenir l’effet de couverture de plusieurs grenades. La faible masse unitqire des éléments ne permet pas le renvoi par les manifestants. Cette grenade peut être utilisée de plusieurs façons :
lancer à main
lancer au fusil
auto-propulsion
II – caractéristiques
1 – Aspect
La grenade est en matière plastique (polypropylène) de couleur grise obtenue dans la masse. Un ruban adhésif de couleur rouge orange, ceinture sur 2 épaisseurs la grenade, sur l’emboîtement de fermeture.
2 – Marquage de couleur noir Signe SNPE PLMP7B signifie Produit Lacrymogène (PL) MP7 (multiplots de 7 éléments) B (destination M. intérieur). CS est le sigle de composition 2 PB 88 indique le lotissement du lot PB, et l’année de fabrication.
3 – Technique
la grenade :
hauteur : 165 mm
diamètre : 56,5 mm
poids total : 330 gr.
poids de la matière active ou composition lacrymogène 125 gr. dont 9 gr. de CS (7%)
nombre d’éléments actifs : 7
l’élément :
hauteur : 17,5 mm
diamètre : 49,5 mm
poids total : 35 gr
poids de la pâte d’amorçage : 4,5 gr.
poids de la matière active ou composition lacrymogène : 18 gr.
action lacrymogène :
effet lacrymal : fugace
couleur fumée : blanche
temps d’émission des gaz : 30 s en moyenne
surface couverte : 10 x 10 m environ
III – nomenclature
la grenade se présente sous la forme d’un conteneur cylindrique.
1 – la partie externe comprend :
un capuchon cylindrique en plastique à fond bombé
un corps porte-bouchon allumeur en plastique s’adaptant par encliquetage au capuchon, qui possède un filetage intérieur de 15 mm de diamètre
un ruban adhésif de 19 mm assure l’étanchéité au niveau de la liaison des deux parties de l’enveloppe. Il est enroulé sur 2 tours complets et un vernis est déposé pour assurer une étanchéité totale.
2 – la partie interne comprend :
7 éléments en plastique contenant chacun une pastille de composition lacrymogène recouverte par enduction d’une couche de pâte d’amorçage.
chaque élément est perçé par un canal central et de quatre évents situés autour de ce canal central sur la face avant
le calage des sept éléments est assuré par des picots en pastique déformables placés au fond du capuchon.
IV – fonctionnement
1 – mise en oeuvre Lancer à la main : La grenade peut être lancée à une distance de 25 à 30 mètres. L’amorçage est effectué au moyen d’un bouchon allumeur à cuillère retard de 1,5s (type SAE 59) sans renforçateur Lancer au fusil : La grenade peut être lancée au moyen du fusil lance grenade à cartouches à blanc à une distance de 100m environ. La grenade est alors équipée d’un relais de transmission de feu à retard de 2,5s (type BAR SAE 59)
Auto-propulsion : La conception de cette grenade permet un emploi par effet « MORTIER ». Elle est dotée d’un bouchon allumeur à cuillère comme pour un lancer main (retard 1,5s SAE59). La grenade est tenue par la partie basse du capuchon, les doigts ne touchant pas l’adhésif de fermeture, le pouce maintenant la cuillère. le lanceur adopte la position « fente avant » de l’escrimeur et fait reposer le culot bombé au-dessus de l’articulation rotulienne, du genou avant. Il maintiendra ce contact avec la pression pour annuler l’effet de recul (peu important). Le dégoupillage effectué, le lanceur oriente la grenade et 1,5 seconde plus tard le dépotage s’opère, dans la direction voulue, sur une distance allant de 40 mètres pour le 1er élément à 5-6 mètres pour le dernier.
2 – Les phases de fonctionnement
Les bouchons allumeurs comportent un dispositif de retard (mèche lente) assurant la mise à feu de 1,5 sec. à 2,5 sec. après le lancer, selon qu’il est à la main (BAC SAE 59) ou au fusil (BAR SAE 59). La mise à feu du renforçateur de poudre noire du bouchon provoque l’inflammation de la pâte d’amorçage et un début de combustion du mélange lacrymogène. L’émission des gaz à l’intérieur du conteneur et principalement dans la partie arrière provoque une montée en pression jusqu’à 3 bars.
A ce moment, il y a rupture du ruban adhésif, et le dépotage est assuré par la seule pression des gaz. Il est simultané à une forte détonation provoquée par l’échappement de ces gaz. Dans le lancer au fusil, le dépotage s’effectue à 30m environ du sol. Dans le lancer à la main, le dépotage est variable, selon la puissance du lanceur et la trajectoire de la grenade.
Lors du dépotage, les 7 éléments sont projetés dans un rayon allant de 10 à 25 m, selon l’orientation de la grenade au moment du dépotage. Chaque élément peut rebondir ou rouler au sol, plus ou moins, selon la dureté de celui-ci. Il s’en suit une surface couverte agrandie. La combustion du produit lacrymogène dure 30 secondes environ.
V – propriétés diverses
1 – action lacrymogène
Elle dépend des conditions d’emploi. Toutefois, en terrain dégagé, on peut donner les indications suivantes :
jusqu’à 20 m sous le vent, situation intenable
jusqu’à 50 m sous le vent, action lacrymogène intense
jusqu’à 100m sous le vent, action lacrymogène très sensible
Les rayons d’action croissent avec le nombre de grenades en fonctionnement. Ils varient suivant le vent ou l’humidité. L’action lacrymogène cesse aussitôt à la fin de combustion des éléments. Les effets peuvent se prolonger de 5 à 10 minutes pour les personnes ayant été en contact avec le nuage. L’action lacrymogène de la grenade multipots 7 se traduit par :
effet lacrymal intense
une sensation d’oppression et de suffocation
une sensation de brûmure dans le nez et la gorge
un picotement intense sur une peau en sueur
2 – avantages de la grenade M.P.7
forte détonation lors du dépotage (effet psychologique)
projection de 7 éléments dans un rayon de 10 à 25 mètres avec rebonds et roulements (grande surface couverte)
le faible poids unitaire des éléments. La forme et l’absence de partie métallique des différentes parties limitent les risques de blessures ou de brûlures et de renvoi sur les forces de l’ordre.
innocuité des vapeurs CS à l’air libre
effet lacrymal immédiat mais fugace
régularité de fonctionnement
étanchéité totale
3 – inconvénient
nuage visible et facilement décelable
4 – mesures de sécurité
toute grenade dégoupillée doit être lancée
éviter de marcher avec une grenade dégoupillée à la main
effectuer les lancers dans le sens du vent
se protéger contre les effets de la M.P.7 en utilisant le masque à gaz
si par suite d’une fausse manoeuvre, un lanceur a relâché sa pression sur la cuillère, le bouchon étant dégoupillé, lancer immédiatement la grenade.
VI – conditionnement
Les grenades sont emballées par 30 en caisse carton. Les caisses sont enrobées d’un film plastique. Elles portent les indications suivantes en 3 endroits différents (dessus, de face, de côté) :
Des centaines de cartouches ont plu sur des milliers de personnes qui célébraient l’équipe nationale algérienne de football avant de se qualifier pour la finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Parmi eux se trouvaient des familles avec des enfants en bas âge dans des poussettes.
Même dans une ville aussi turbulente que Paris, les scènes récentes de violences policières ont été exceptionnellement choquantes. Les victimes au cours des dernières semaines ont été des journalistes et des étudiants comme des écologistes et des demandeurs d’asile.
L’horreur de la situation apparaissait clairement la semaine dernière sur les Champs-Élysées
Quels que soient leurs antécédents ou leur conviction politique, ils ont tous été considérés comme des cibles légitimes pour les paramilitaires lourdement armés, formés pour faire face à toute menace contre l’ordre présumée avec une brutalité extrême. Ces officiers spécialisés dans le contrôle des émeutes – et il en existe des milliers – considèrent l’été comme une époque où tous les types indésirables se retrouvent dans la rue, et ne voient aucun inconvénient à imposer leur autorité aussi durement que possible.
L’horreur de la situation apparaissait clairement la semaine dernière sur les Champs-Élysées où, comme d’habitude, le désordre social a été provoqué par les forces de maintien de l’ordre françaises qui ont utilisé des armes chimiques contre leurs propres citoyens.
Des vidéos tournées sur la plus célèbre avenue du pays montrent de jeunes enfants qui luttent pour échapper aux nuages de vapeurs créées par des gaz lacrymogènes interdits dans les zones de guerre. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la police française est autorisée à utiliser des substances conçues pour brûler les yeux, la bouche et les poumons de civils ordinaires, alors qu’en raison des traités internationaux, les soldats ne sont pas autorisés à le faire contre leurs véritables ennemis.
Le Comité international de la Croix-Rouge a d’abord rendu illégales les armes chimiques et biologiques sur les champs de bataille après le lancement par les forces françaises de grenades de 22 mm remplies de bromacétique d’éthyle lacrymale pendant la Première Guerre mondiale, sans toutefois étendre cette interdiction aux forces nationales.
J’ai entendu les cris de ceux qui étaient pris dans les pires échauffourées
Des centaines de cartouches ont plu sur des milliers de personnes qui célébraient l’équipe nationale algérienne de football avant de se qualifier pour la finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Parmi eux se trouvaient des familles avec des enfants en bas âge dans des poussettes.
Parmi les autres victimes, citons les jeunes hommes d’apparence nord-africaine que la police française, en particulier à Paris, a tendance à mépriser. Il y eut d’innombrables affrontements au cours des dernières décennies, la plupart d’entre eux concernant la guerre d’indépendance de l’Algérie contre la France, qui s’est soldée par une victoire en 1962. Les atrocités nationales liées au conflit impliquaient la torture, la mort et la noyade de manifestants algériens dans la Seine par la police de la capitale.
Rien de tout cela ne justifie cependant de gazer des personnes tout à fait pacifiques et innocentes. J’ai entendu les cris de ceux qui étaient pris dans les pires échauffourées, garçons et filles en pleurs qui vomissaient et tremblaient de peur alors que les vapeurs de gaz se propageaient. C’était une douce soirée et il n’y avait pratiquement aucun refuge possible sur les Champs-Élysées.
Alors que le nombre de bombes lacrymogènes s’intensifiait, de nombreux supporters adolescents algériens se réfugièrent dans des rues adjacentes, où des pillages et des actes de vandalisme furent commis. C’est une conséquence logique que j’ai observée en couvrant de nombreuses émeutes à Paris, notamment celles impliquant le mouvement anti-gouvernement des Gilets jaunes qui causa des millions d’euros de dommages dans la seule capitale. Encore une fois, ces actes sont absolument inexcusables, mais il est indéniable que les gazages enveniment encore plus des situations déjà très difficiles.
Des manifestants pacifiques gazés comme de vulgaires insectes
Malgré tout, seuls les médias anglophones firent état du gazage d’enfants. Les médias français publiaient plutôt des fake news. Non, ce n’est pas un supporter de football algérien qui fut responsable du tragique accident de voiture de Montpellier, dans lequel une jeune mère de famille perdit la vie.
Les incidents furent également exploités par les habituels hypocrites excités de la populace d’extrême-droite. Marine Le Pen, leader du Rassemblement national – un parti fondé sous le nom de Front national par des ultranationalistes racistes exaspérés par la perte de l’Algérie française – a appelé à une interdiction des supporters de football sur les Champs-Élysées après avoir encouragé activement des Gilets jaunes bien plus destructeurs et violents à se rassembler là.
Lors de mon premier reportage sur l’utilisation de plus en plus scandaleuse de gaz par la police parisienne en décembre, Aurélie Bonal, porte-parole principale de l’ambassade de France à Londres, intervint sur Twitter pour nier que le gaz lacrymogène était une arme chimique. Malgré toutes les preuves scientifiques et juridiques démontrant le contraire, elle déclara qu’il était contraire à l’éthique de le décrire comme tel.
Au-delà d’une mère qui tente désespérément de protéger ses enfants des effets néfastes de ces armes chimiques, d’autres vidéos largement diffusées depuis montrent la police anti-émeute de Paris en train de gazer des manifestants pro-climat assis au sol pacifiquement comme s’ils étaient de vulgaires insectes.
Un extrait particulièrement troublant de la vidéo montre un officier costaud arrachant en toute illégalité les lunettes de soleil et les lunettes de protection d’un manifestant, s’assurant ainsi que ses yeux ne sont plus protégés des produits chimiques. Selon un rapport de police, plus de cinq litres de gaz ont été utilisés en moins de 30 minutes, et le commandant responsable de cette action fit partie des personnes qui s’évanouirent d’étouffement sur le pont Sully.
Tout cela participe d’un abus de pouvoir pervers que le gouvernement du président Emmanuel Macron devrait enfin reconnaître pour y mettre fin.
Children run after teargas is used on crowds in ParisSupport free-thinking journalism and subscribe to Independent Minds
Enquête 1/3 — Fatigue, infection pulmonaire, problèmes neurologiques… Des manifestants sont restés malades plusieurs jours voire plusieurs semaines après avoir été fortement exposés aux gaz lacrymogènes alors que leurs effets sont censés se dissiper rapidement.
Cet article est le premier d’une enquête en trois volets sur les conséquences des gaz lacrymogènes sur la santé.
Ce ne sont pas des gueules cassées de la manif’, ils n’ont pas de cicatrices visibles, de main mutilée, d’œil aveugle à jamais. L’arme qui les a rendu malades est moins impressionnante et moins questionnée que les lanceurs de balles de défense ou les grenades explosives. Pourtant, elle produit aussi ses effets sur ceux qui y sont exposés : cette arme, c’est le gaz lacrymogène.
Logiquement, c’est tout d’abord au milieu des nuages que l’on peut se trouver mal, après que les grenades ont été lancées à la main ou propulsées à l’aide de lanceurs. « En manifestation, il m’arrive souvent d’aider des personnes qui vomissent ou qui ont l’impression de ne pas pouvoir respirer », raconte Charly [*], street medic à Paris depuis 2017. Ariane [*], infirmière à Clermont-Ferrand, a commencé à soigner les personnes blessées ou en malaise dans les manifestations de Gilets jaunes en février, avec une équipe d’amies. Elles ont constaté que les symptômes se répétaient et que les problèmes respiratoires pouvaient être graves pour les asthmatiques : « Les crises sont difficiles à gérer car la ventoline écarte les bronches et accentue l’effet des gaz. »
Elles ont aussi pris en charge des malaises, et géré les conséquences psychologiques de ces gaz. « Certaines personnes sont totalement désorientées, même une fois sorties du nuage. C’est ce que j’ai observé récemment lors d’une manifestation à Saint-Étienne, où les forces de l’ordre ont beaucoup gazé, à l’aveugle », raconte Ariane. « J’ai déjà retrouvé des personnes prostrées dans des coins, qui ne pouvaient plus bouger et paniquaient à cause des gaz », complète Charly. Pour Ariane, cela s’est déjà terminé à l’hôpital : « Une membre de l’équipe a fait une réaction allergique, tout le visage a gonflé, elle a dû aller aux urgences. »
Les grenades lacrymogènes de 40 mm CM3 et MP3.
En tant que professionnelle du monde médical, elle dispose d’un appareil qui permet de mesurer la saturation du sang en oxygène. « L’idéal est à 100 %. En dessous de 90 %, cela montre une mauvaise oxygénation du sang et donc des organes. En manifestation, on est rarement au-dessus. L’organe le plus touché par ce manque est le cerveau, c’est pour cela qu’il y a des malaises. »
Le gaz lacrymogène utilisé en France contient plus précisément comme matière active la molécule CS (o-chlorobenzylidene malononitrile), choisie pour ses effets irritants, censés se dissiper rapidement dès que l’exposition cesse. Mais les témoignages recueillis par Reporterre montrent que certains effets persévèrent plusieurs jours voire plusieurs semaines après la manifestation. Tous lient l’importance ou la durée des symptômes à l’intensité de leur exposition aux gaz. Les descriptions se recoupent avec celles collectées par Mediapart à la suite de la manifestation du 23 mars dernier à Montpellier, où l’utilisation de gaz avait été particulièrement intense.
Bronchite, bouche et yeux irrités, saignements de nez et mal de ventre
Les maux de tête et de ventre reviennent le plus fréquemment dans les témoignages. « Après les manifestations où j’ai mangé beaucoup de gaz, j’ai des migraines et un dérèglement intestinal, des diarrhées dans les jours qui suivent », poursuit Charly. « S’il y a plus de gaz, ou que je me suis fait confisquer mon matériel et suis moins protégée, les symptômes durent plus longtemps. » Certains racontent ne pas arriver à manger pendant plus d’une semaine et subir des pertes de poids.
Les conséquences sur la peau et les yeux peuvent aussi perdurer. Ariane se souvient avoir déjà eu « une réaction cutanée, avec la bouche et les yeux irrités pendant deux semaines ».
Là encore, bronches et poumons sont particulièrement touchés, souvent pris d’assaut par une infection dans les jours qui suivent une exposition. « Une de mes équipières fait régulièrement des bronchites après les manifestations », observe Ariane. Claire, infirmière vivant du côté de Nîmes, a rejoint les Gilets jaunes dès le 17 novembre. Mais elle a découvert ces effets le 16 mars. « On est montés à Paris, on n’avait pas pris les masques pour ne pas se les faire confisquer. Après, j’ai eu une infection pulmonaire qui a durée trois semaines, j’ai été mise sous antibiotiques. »
Des street medics, à Toulouse.
Sarah [*] s’est carrément retrouvée à l’hôpital pendant dix jours, à la suite de la manifestation du 16 février à Montpellier : « Le lendemain, j’ai cru que j’avais une grippe. Puis je n’arrivais plus à me lever, ni à manger. Au bout de cinq jours, mon mari a pris ma saturation en oxygène : j’étais à 72 %. Il m’a emmenée aux urgences. » Les médecins lui diagnostiquent une pneumonie. « Ils m’ont gardée dix jours, et une fois sortie je suis restée quinze jours de plus sous antibiotiques », se rappelle-t-elle. « D’habitude, je ne vais jamais chez le médecin, je ne suis jamais malade. »
« Je ne pouvais même plus emmener ma fille à l’école »
La sensation de fatigue particulièrement intense revient aussi régulièrement dans les récits. « J’ai mis un mois à me remettre de la manifestation du 9 juin, lors de l’Acte 30 », se rappelle notamment Doki, observatrice de la section de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Montpellier. « J’avais les jambes coupées, je me sentais comme si je faisais une grosse dépression, et j’ai chopé une laryngite. Je ne pouvais même plus emmener ma fille à l’école. »
D’autres symptômes sont plus surprenants. Gilet jaune de l’Hérault, Stéphane [*] a parfois combiné manifestation du samedi et actions militantes dans la même semaine. Le 23 mars dernier, à Montpellier, il a été exposé plus intensément que d’habitude. « J’ai eu des problèmes au niveau des mollets, je me sentais comme après un marathon. Ma compagne, de son côté, est allée chez le kiné pendant des semaines. Cela ne s’est calmé que quand on n’est plus allés en manif’. » Il rapporte, une fois, une irritation de la gorge telle qu’il crachait du sang, et « des saignements de nez qui m’obligeaient à me lever la nuit ». Claire est elle aussi abonnée au nez qui saigne, mais a également eu « des problèmes neurologiques comme une mauvaise coordination des mouvements. En parlant autour de moi, je me suis rendue compte que les gens avaient les mêmes symptômes », relate-t-elle.
Les manifestants se munissent de masques à gaz pour se protéger.
Une étude menée par des Gilets jaunes a tenté de mieux caractériser ces symptômes. Soizic Lesage, retraitée Gilet jaune dont le médecin lui a « formellement interdit de se faire gazer », a décidé de se rendre utile en récoltant les témoignages, avec une petite équipe de médecins. « On a établi une liste d’une cinquantaine de questions et distingué les symptômes pendant le gazage, juste après, puis dans les jours qui suivent », explique-t-elle. L’équipe a recueilli les témoignages durant les mois de mai, juin et juillet principalement, puis a regroupé l’ensemble des réponses dans un tableau anonymisé détaillant 47 cas. Ainsi, il apparaît qu’au moment du gazage, la toux, les difficultés respiratoires et les brûlures au niveau des yeux et de la peau sont logiquement — ce sont les effets recherchés — les symptômes les plus ressentis. Certains ont également eu des nausées (28 personnes) ou des vertiges. Dans les minutes et heures qui suivent, l’irritation se calme mais les vertiges persistent. Apparaissent sensation de désorientation, maux de tête et même troubles de la mémoire (pour 19 personnes sur 47, soit 41 %). Dans les jours et semaines qui suivent, les symptômes semblent même s’accentuer. 94 % des témoignages relatent une forte fatigue, des problèmes de sommeil. Les problèmes respiratoires, la toux, les fortes irritations des yeux et de la peau reviennent de plus belle. Les maux de tête persistent. Crampes musculaires et pertes d’appétit sont aussi signalées, voire une insuffisance hépatique. « On a dû ajouter des colonnes au fur et à mesure des témoignages, on est tombés sur des symptômes auxquels on ne s’attendait pas », raconte Soizic. « Notamment ceux qui pourraient être le signe d’une atteinte neurologique, comme les pertes de mémoire. »
Autre résultat surprenant, des femmes rapportent des troubles gynécologiques. Un tiers de celles qui ont témoignées et sont ménopausées évoquent un retour des règles. Parmi les non ménopausées, plus d’un quart signalent que leurs règles sont irrégulières depuis qu’elles respirent des gaz lacrymogènes. Plusieurs femmes ont effectivement relaté à Reporterre des effets sur leur cycle menstruel. « J’étais en pleine période de règles un samedi où je n’avais pas mis mon matériel correctement, se souvient Charly. Le lendemain, les règles s’étaient interrompues, puis elles ont repris deux jours après. » Ariane a échangé sur le sujet avec ses coéquipières : « Je n’ai pas eu mes règles pendant deux mois. Une autre ne les a pas eues pendant trois mois. À l’inverse, une a ses règles trois fois dans le mois à chaque fois qu’elle va en manifestation. » Elles s’interrogent : stress ou effet des gaz ?
Les forces de l’ordre rechignent à évoquer le sujet
Le tout montre des conséquences durables du gaz lacrymogène sur les personnes régulièrement ou fortement exposées. Stéphane a fini par constater une baisse de forme générale, alors qu’il exerce un métier physique : « Avant, sur les chantiers, je bougeais un mètre cube de sable en une ou deux heures, maintenant cela me prend la journée… Je faisais des semi-marathons, désormais je mets une semaine à me remettre d’une manif. » Claire, qui exerce en libéral, a dû diminuer le nombre de jours qu’elle travaille chaque mois. « Mais je n’ai pas d’enfants, il ne me faut pas grand-chose pour vivre, et mes patients me soutiennent », indique l’infirmière.
Si beaucoup hésitent à témoigner du côté des Gilets jaunes — et la plupart préfèrent l’anonymat — c’est également compliqué d’avoir des témoignages de la part des membres des forces de l’ordre. Le service de communication de la police nationale indique qu’il n’y a jamais eu la moindre remontée de problèmes liés aux gaz lacrymogènes.
Selon le syndicat Alliance, « il n’y a pas de collègues qui se plaignent des gaz lacrymogènes ».
Côté syndicats, l’Unsa police refuse de répondre à nos questions. Chez Alliance, « il n’y a pas de collègues qui se plaignent des gaz lacrymogènes », indique Jean Cavallero, délégué national des CRS. Christophe Miette, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure avait été amené à se renseigner, des collègues lui ayant signalé avoir été incommodés après une manifestation riche en gaz à Montpellier (celle du 23 mars) : « Un plus grand nombre de grenades ayant été utilisées, il y avait plus de particules irritantes dans l’air », a-t-il conclu. Seuls les syndicats minoritaires s’inquiètent des conséquences sur la santé, comme le syndicat Vigi. Michel Thooris, secrétaire général de France police – Policiers en colère, demande quant à lui une étude sur les conséquences « pour les collègues qui sont en contact sur le long terme avec ces produits. On avait envoyé une lettre pour demander une étude, à l’époque où le ministre de l’Intérieur était Manuel Valls, mais elle n’a jamais reçue de réponse », indique-t-il.
« Pour moi les lacrymos, c’est aussi dangereux que les LBD, estime Ariane. Ça pénètre dans notre organisme et ça y reste pendant un certain temps. On va finir par voir des maladies chez ceux qui y sont exposés tous les week-ends », craint l’infirmière. Reste un effet à long terme, lui, facilement observable : la majorité des personnes interrogées par Reporterre vont désormais moins souvent en manifestation.
L’utilisation massive de gaz lacrymogènes inquiète les scientifiques du monde entier
Enquête 2/3 — L’utilisation massive des gaz lacrymogènes pour réprimer les foules est alarmante : aspergés en grande quantité, de manière répétée, ou dans des milieux confinés, ils se révèlent dangereux comme le montrent plusieurs études scientifiques.
Cet article est le deuxième d’une enquête en trois volets sur l’impact des gaz lacrymogènes sur la santé. Pour lire le premier, c’est ici.
Venue à Paris pour le premier anniversaire des Gilets jaunes, Nelly a connu un lendemain de fête douloureux. Diarrhées, nausées, vomissements, grosse fatigue, perte d’appétit, mal de tête… « J’ai perdu trois kilos », a-t-elle expliqué à Reporterre quelques jours après la manifestation du 16 novembre dernier. Nelly s’est retrouvée malgré elle nassée place d’Italie. « On a essuyé 2 h 30 de tirs nourris de lacrymos, Flash-Ball, grenades explosives… Tout le monde crachait, pleurait, raconte la jeune retraitée. C’est la première fois que j’étais exposée à autant de gaz, aussi concentrés, car il n’y avait pas de vent et les fumées sont restées stationnaires », poursuit-elle. Le résultat, son médecin l’a constaté à son retour chez elle, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il lui a fourni un certificat médical et prescrit une batterie d’analyses pour vérifier son état de santé général. Dix jours plus tard, elle était toujours affaiblie et les maux de ventre persistaient.
Comme Reporterre l’a constaté au travers de multiples témoignages — auxquels nous avons consacré le premier volet de notre enquête — les gaz lacrymogènes ne provoquent pas que des pleurs et une irritation passagère. Les symptômes constatés chez les Gilets jaunes interrogés sont très divers : allergies, maladies des bronches et des poumons, fatigue extrême, troubles digestifs voire perturbation du cycle menstruel. Pour certains, les effets d’une exposition aux gaz lacrymogènes durent plus d’un mois. Une manifestante a même été hospitalisée.
Les gaz lacrymogènes ont été adoptés pour contrôler les foules, notamment dans les empires coloniaux
Le gaz lacrymogène a été utilisé pour la première fois pendant la Première Guerre mondiale. L’historienne Anna Feigenbaum démontre, dans sa Petite histoire du gaz lacrymogène (éd. Libertalia, 2019) [1] que ce dernier a été promu auprès des gouvernements dès les années 1920 et qu’il a été « assimilé non plus à une arme toxique, mais à un moyen inoffensif de préserver l’ordre public ». Il a peu a peu été adopté pour contrôler les foules, en particulier dans les empires coloniaux, ou ensuite pendant la guerre du Vietnam par les États-Unis pour déloger les Viêt-congs des tunnels.
Il est classé parmi les armes chimiques dites « non létales » et désormais interdit dans un cadre militaire par la Convention de Genève de 1993, mais on peut cependant continuer de l’utiliser dans un cadre civil. La substance active choisie par la France est la molécule CS (2-chlorobenzylidène malonitrile). Celle-ci a été découverte en 1928 par deux chimistes britanniques. La très grande marge entre la dose à partir de laquelle elle est irritante et celle à laquelle elle s’avère létale pourrait la faire passer pour inoffensive. Pourtant, son utilisation massive afin de réprimer les foules pose question. Utilisés en grande quantité, de manière répétée, ou dans des milieux confinés, les gaz lacrymogènes peuvent se révéler dangereux et parfois mortels.
Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918.
L’ONG étasunienne Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) avait recensé, en mars 2012, 34 morts en lien avec l’usage des gaz lacrymogènes, depuis le début du soulèvement populaire survenu un an plus tôt au Bahrein. Beaucoup étaient dus à la pénétration des gaz dans les habitations des quartiers abondamment arrosés. Parmi les grenades utilisées, certaines étaient probablement exportées par la France, avec autorisation du gouvernement. À la même période, un documentaire étasunien dénonçait les exportations de grenades au gaz CS vers l’Égypte, déversées chaque jour sur les manifestants lors de la révolution de 2011. Des médecins y rapportaient plusieurs cas de décès attribués aux gaz lacrymogènes.
En 2017, une étude de l’université de Berkeley s’intéressait à leur usage, jusqu’à plusieurs fois par semaine, dans les camps de réfugiés palestiniens. Parmi les conséquences rapportées : crises d’épilepsie, avortements spontanés, fausses couches, problèmes de sommeil, stress aigu et syndromes de stress post-traumatique.
En octobre dernier, des scientifiques de Hong-Kong s’inquiétaient de l’emploi de « plus de 3.000 cartouches » de gaz lacrymogène CS contre les manifestants pro-démocratie, dans un court article publié dans The Lancet. « Dans l’environnement humide subtropical de Hong-Kong, le déploiement de gaz lacrymogènes dans des espaces clos et des stations de métro très fréquentées, à proximité de centres commerciaux, peut exposer les gens à de très fortes concentrations de gaz lacrymogènes pendant un temps prolongé », écrivaient-ils.
« De nombreux rapports indiquent que l’utilisation et le mauvais usage de ces produits chimiques peuvent causer des blessures graves »
Toute une littérature scientifique vient ainsi documenter des cas de patients malades des gaz lacrymogènes, parfois même des décès. Un article de 2017, paru dans la revue BMC Public Health, compile 31 études de 11 pays documentant des dommages causés par des gaz lacrymogènes sur des manifestants. « De nombreux rapports indiquent que l’utilisation et le mauvais usage de ces produits chimiques peuvent causer des blessures graves », indiquent les auteurs. Sur plus de 5.000 cas, ils relèvent notamment deux morts (un pour des problèmes pulmonaires et un dû à l’impact de la grenade). 58 cas « d’incapacité permanente » sont aussi signalés, dont 14 personnes avec des symptômes psychiatriques persistants, et 23 avec des problèmes respiratoires chroniques. 8 % des problèmes de santé documentés « étaient sévères et ont nécessité une intervention médicale professionnelle », indiquent-ils encore. « Nos recherches démontrent qu’il y a un sévère risque de mauvais usage » des armes chimiques en manifestation, concluent-ils. « Elles peuvent potentiellement porter atteinte aux libertés en causant des blessures, en intimidant les communautés et en menant à une escalade de la violence. »
Pour certains Gilets jaunes, les effets d’une exposition aux gaz durent plus d’un mois.
Une équipe proche des Gilets jaunes, rassemblant médecins, infirmières et Alexander Samuel, un docteur en biologie, a collectionné les articles scientifiques rapportant les effets du CS. Une bibliographie que Reporterre a pu éplucher. Des décès sont signalés, en particulier dans des cas où les personnes étaient dans des lieux clos, comme les prisons.
La peau, les yeux et les poumons sont particulièrement touchés. Ainsi, pour la peau, les réactions recensées vont de la rougeur à la brûlure, en passant par l’eczéma, l’apparition de croûtes et des réactions allergiques. Autre cible privilégiée, les yeux. « Chez des personnes exposées, j’ai soigné des conjonctivites ou des œdèmes de cornée [la cornée enfle, on voit trouble]. En général, au bout de dix jours, les symptômes passent », explique Christiane Blondin, ophtalmologue membre de l’équipe qui a travaillé sur les effets pour les yeux. « La littérature scientifique rapporte des problèmes durables à la vision, notamment des risques de cataracte. J’ai envoyé ces informations à la Société française d’ophtalmologie, j’attends leur retour. » Pour les poumons, une étude de scientifiques turcs sur les conséquences à long terme chez 93 patients régulièrement exposés aux gaz lacrymogènes lors de manifestations donne une idée du tableau : « débit expiratoire » diminué, bronchites chroniques augmentées, toux et douleurs à la poitrine durant parfois plusieurs semaines. Du côté du système digestif, nausées et vomissements ont également été documentés. Ces symptômes digestifs et respiratoires correspondent à ceux décrits dans les témoignages recueillis par Reporterre.
« Les effets du CS dépendent de la concentration du produit, de la durée d’exposition, du contexte, mais aussi de la personne, notamment si elle a des antécédents respiratoires », résume Jean-Marc Sapori, toxicologue au centre anti-poison de Lyon. L’exposition quasi hebdomadaire des Gilets jaunes lui a apporté quelques patients. « J’en ai envoyé aux urgences pour une ulcération cornéenne » (une blessure sur la cornée de l’œil), indique-t-il. Pour les effets à long terme, il signale avant tout l’effet sur les poumons : « Une exposition répétée, comme celle des Gilets jaunes qui manifestent tous les samedis, va faire que le temps de récupération des bronches et des poumons sera de plus en plus prolongé. Si on s’expose à nouveau alors que l’on n’a pas récupéré de la semaine précédente, on peut à terme développer de l’asthme ou une BPCO [bronchopneumopathie chronique obstructive, maladie chronique inflammatoire des bronches]. En hiver, s’il y a contact avec un virus, cette irritation peut être un terrain favorable pour une infection. »
Une autre utilisation répétée en France, moins médiatisée, est celle faite sur les migrants. En 2018, le Défenseur des droits avait dénoncé« un usage parfois injustifié du gaz lacrymogène ».
Aucun problème de santé selon les forces de l’ordre
Autant de données qui tranchent avec le discours officiel sur le sujet. « Les gaz lacrymogènes, cela fait pleurer, cela fait tousser. Si un risque était avéré, le ministère de la Santé aurait pris des mesures pour interdire ce produit », nous indique le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop). « Par ailleurs, nous n’avons aucune remontée de problèmes de santé liés aux gaz lacrymogènes au sein des forces de l’ordre. » On nous confirme par ailleurs que les grenades lacrymogènes peuvent être utilisées sans restriction de quantité. Le tout est de respecter le « cadre légal ».
Reporterre a tenté de savoir si leur utilisation a augmenté depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. « On sait combien de grenades sont utilisées à chaque manifestation, il y a des rapports », nous apprend Jean Cavallero, délégué national des CRS du syndicat Alliance. Mais il faut l’accord de la direction générale pour communiquer. » Contacté, le ministère de l’Intérieur ne nous a pas encore répondu. « L’utilisation a augmenté depuis les Gilets jaunes », indique cependant M. Cavallero, confirmant un constat largement partagé par tous les observateurs des mouvements sociaux. Beaucoup font débuter cette montée en intensité aux manifestations contre la loi Travail, en 2016.
À l’international, « les manifestations qui ont ébranlé le monde ces dernières années ont fait exploser les ventes de gaz lacrymogène », écrivait dans le Monde Diplomatique en mai 2018 l’historienne Anna Feigenbaum. « Quels dommages cause-t-il à ses victimes ? Quels problèmes pose-t-il en matière de santé publique ? Nul ne le sait, car personne ne s’en soucie. Dans aucun pays il n’existe d’obligation légale de recenser le nombre de ses victimes. Aucune obligation non plus de fournir des données sur ses livraisons, ses usages, les profits qu’il génère ou sa toxicité pour l’environnement », poursuivait-elle. Alors qu’il tentait de connaître la formule précise (avec les additifs qui peuvent influencer la puissance du gaz) des grenades lacrymogènes, un journaliste de Reporterre s’était vu opposer un silence assourdissant sur le sujet. Plus récemment, au salon Milipol, les deux principaux fournisseurs de l’État français, Alsetex et Nobel Sport, ont refusé de répondre à Reporterre.
Mais que l’on se rassure, l’État français gère rigoureusement ses stocks. « Parfois ils diminuent, mais on complète toujours assez vite », indique Jean Cavallero, délégué national des CRS du syndicat Alliance.
Les gaz lacrymogènes exposent-ils au cyanure ? Un biologiste l’assure
Enquête 3/3 — Depuis huit mois, Alexander Samuel, biologiste, étudie la dangerosité des gaz lacrymogènes. Le coupable : le cyanure ingéré à fortes doses lorsqu’un manifestant est massivement et régulièrement gazé. Pour le prouver, il se base sur des prises de sang et une solide littérature scientifique.
Cet article est le troisième et dernier d’une enquête sur les effets des gaz lacrymogènes sur la santé. Le premier est ici, le deuxième, là.
Professeur de mathématiques le matin, chercheur un peu pirate l’après-midi et le soir. Voilà la vie d’Alexander Samuel depuis maintenant plus de huit mois. Son sujet d’investigation est, en cette période de mouvements sociaux, d’une prégnante actualité : les effets à long terme des gaz lacrymogènes sur la santé. Et il est parvenu à une conclusion inquiétante : une partie de leurs effets les plus nocifs seraient dus au cyanure.
Enseignant dans un lycée professionnel à Grasse (Alpes-Maritimes), mais aussi détenteur d’un doctorat en biologie, il a pénétré dans le trouble nuage des lacrymos un peu par hasard. Se décrivant comme « très écolo », avec « pas mal de potes zadistes », il s’est d’abord tenu à distance des Gilets jaunes, y voyant un mouvement loin de ses préoccupations. Jusqu’à ce que des amis le traînent à une manifestation, le samedi 23 mars dernier, à Nice. « Je me suis retrouvé aux premières loges de l’affaire Geneviève Legay. J’ai voulu témoigner, j’étais très actif sur les réseaux sociaux et des Gilets jaunes m’ont contacté. » Il leur envoie son témoignage, et signe de son titre de docteur en biologie. « Ils m’ont répondu : “on a un truc pour toi”. Et ils m’ont envoyé un résultat d’analyse de thiocyanates. »
Un taux élevé de thiocyanates dans le sang pourrait démontrer une exposition au cyanure
Les thiocyanates sont le produit de la dégradation du cyanure dans le corps. Alors que le cyanure est rapidement transformé, les thiocyanates peuvent persister et être mesurés pendant plus de deux semaines. Un taux élevé de thiocyanates chez un manifestant pourrait donc montrer qu’il a été exposé au cyanure, via les gaz lacrymogènes. « Au début, quand les Gilets jaunes m’en ont parlé, j’ai cru à une fake news, raconte Alexander Samuel. Mais les témoignages de personnes malades des gaz m’avaient l’air sincères. »
Outre les irritations classiquement attendues, certains lui rapportent des évanouissements, des vertiges, des fatigues extrêmes, des problèmes musculaires, hépatiques (du foie) ou cardiaques. C’est ce qu’Alexander Samuel appelle les « effets cyanure ». « Le principal effet du cyanure est le blocage de la chaîne respiratoire des cellules », explique-t-il. Les organes très consommateurs d’oxygène comme le cerveau ou les muscles sont alors touchés, ce qui explique ces symptômes — Reporterre avait d’ailleurs collecté des témoignages relatant de tels troubles. « Mais ils sont trop généralistes, reconnaît M. Samuel. J’ai donc eu une démarche dans l’autre sens. J’ai regardé s’il était possible que la molécule utilisée dans le gaz lacrymogène nous expose au cyanure. » Il déroule la démonstration, tantôt pédagogique, tantôt emporté par ses termes de spécialiste.
« Au début, quand les Gilets jaunes m’en ont parlé, j’ai cru à une fake news. »
Il vérifie rapidement que c’est effectivement le cas. La molécule utilisée dans les gaz lacrymogènes en France est du o-chlorobenzylidène malonitrile, appelée CS. Elle libère, une fois dans l’organisme, un peu de cyanure, ce célèbre poison, que l’on croise dans pas moins de cinq romans d’Agatha Christie et de nombreuses fois dans l’histoire… Le gaz lacrymogène, désormais régulièrement et abondamment utilisé en manifestation, peut-il causer des intoxications (même légères), ou des problèmes chroniques du fait du cyanure ? Pour répondre à la question, il faut pouvoir doser la quantité de cyanure pouvant arriver dans le corps par les gaz lacrymogènes.
Car, en matière de cyanure, la dose fait le poison. La cigarette ou l’alimentation (pépins de certains fruits, manioc) sont des sources d’exposition quotidiennes au cyanure. « Quand il y en a peu, il est rapidement neutralisé par l’organisme, nous indique le toxico-chimiste André Picot, un soutien de poids qui encourage Alexander Samuel dans ses recherches. Mais chez les personnes qui y sont exposées tous les week-ends via les gaz lacrymogènes, le système de défense s’épuise, et le cyanure commence à jouer son rôle toxique. » Alexander Samuel poursuit : « Il y a des effets directs, sur le moment, quand on est exposés à de fortes doses. Mais il y a aussi les effets d’une exposition répétée. Les boxeurs qui ont des hypoxies [manque d’oxygène] toutes les semaines développent ensuite la maladie de Parkinson. »
D’un débit rapide, Alexander Samuel détaille chacune de ses affirmations. Son smartphone dans une main et son ordinateur dans l’autre, il fait défiler les documents, mitraille les informations qu’il a commencé à « résumer » dans un document de plus de cent pages, qui s’appuie sur plus de 400 références, majoritairement tirées de la littérature scientifique. Il partage chaque nouvelle trouvaille, sur sa page Facebook mais aussi sur le site qu’il a créé. « Je fais de la recherche open source », lance-t-il d’un air nonchalant.
« Dès que vous respirez le gaz, il pénètre très rapidement, arrive dans le sang, des réactions se produisent et il libère une molécule de cyanure »
Le biologiste a identifié deux voies d’exposition au cyanure. Tout d’abord, la molécule de CS peut libérer, comme on l’a vu, le cyanure une fois dans le corps. « Le gaz CS fait partie des molécules plutôt instables, explique André Picot. Dès que vous le respirez, il pénètre très rapidement, arrive dans le sang, des réactions se produisent et il libère une molécule de cyanure. » Alexander Samuel cite une étude des années 1980, qui avait tenté de calculer quelle quantité de cyanure pouvait ainsi se retrouver dans le corps [1]. « Elle indiquait qu’un manifestant situé à vingt mètres, pendant dix minutes, d’une grenade lacrymogène, recevait autant de cyanure que dans deux bouffées de cigarettes de l’époque [la cigarette expose aussi au cyanure] », résume Alexander Samuel. Mais cette valeur doit être désormais revue à la hausse, estime-t-il : « Avec des calculs plus proches de nos réalités de manifestation, où l’exposition est plus forte et plus longue, on peut atteindre des doses de cyanure bien plus élevées. »
Le cyanure pourrait aussi être directement libéré dans l’air. « La dégradation du CS à forte température produit du cyanure, poursuit Alexander Samuel. Une étude de 2013, menée au sein de l’armée étasunienne, montre que cela arrive dès 100 degrés, et que les soldats sont exposés. » Elle conclut notamment que, même si les quantités de cyanure repérées restent en dessous des limites d’exposition, il faudrait « de nouvelles recherches sur les effets d’une exposition chronique », les soldats étant régulièrement au contact du CS. On pourrait donc, tout simplement, respirer du cyanure quand on se fait gazer en manifestation.
Des soldats étasuniens dans une « chambre » dédiée pour leur faire faire l’expérience de l’exposition au gaz lacrymogène CS.
Pour Alexander Samuel, une personne exposée régulièrement plusieurs heures d’affilée aux gaz lacrymogènes risque d’avaler des doses de cyanure dangereuses pour la santé. Pour le démontrer, des Gilets jaunes avaient déjà incité à faire des analyses de thiocyanates (dérivé du cyanure dans le corps, comme nous l’avons expliqué plus haut). Des groupes Facebook de Gilets jaunes avaient relayé, dès avril, des résultats montrant des taux de thiocyanates supérieurs à la normale chez certains manifestants. Mais elles avaient été jugées insuffisantes par les toxicologues interrogés dans différents médias pour juger d’une intoxication au cyanure. Les taux étaient importants, certes, mais pas suffisamment significatifs selon eux. Et puis, comment prouver que c’est bien par les gaz lacrymogènes, et pas par l’alimentation ou la cigarette, que ces personnes ont été exposées ? Les articles de presse publiés en avril et mai dernier avaient donc écarté cette hypothèse. « Le danger des gaz lacrymogènes vient plus de leur effet irritant que de potentielles traces de cyanure », avait conclu LCI, résumant ainsi la position de la majorité des médias.
« Quand beaucoup de grenades lacrymogènes sont lancées sur des personnes nassées, il y a lieu de s’inquiéter »
Mais Alexander Samuel, à l’aide de trois médecins, a aussi réuni plus d’une cinquantaine d’analyses de thiocyanates dans le sang ou les urines de manifestants, présentant des taux élevés. Face aux critiques des toxicologues relayées dans les médias, « on a décidé de mesurer directement le cyanure présent dans le sang au moment de la manifestation », explique-t-il, le regard déterminé encadré par sa barbe et ses cheveux détachés, tous deux longs et roux. Pour ce faire, le biologiste a trouvé un test développé par une jeune entreprise suisse, Cyanogard, qui permet de mesurer facilement de taux de cyanure dans le corps. Les premières tentatives, le 20 avril et le 1er mai, ont été un échec relatif. Le test s’est révélé difficilement lisible, et une polémique s’est installée, partant du petit monde des Gilets jaunes et des street medics pour atterrir dans les médias. Les prises de sang « sauvages » en manifestation sont dénoncées comme dangereuses. Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Paris, notamment pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Toutes les personnes étaient consentantes, avaient des ordonnances, et les prises de sang ont été faites par des professionnels, se défendent Alexander et les trois médecins.
Des manifestants dans les gaz, le 1er mai 2019 à Paris.
Finalement, il a fait une ultime tentative de mesure, en juin. Cette fois-ci, ce sont lui et son équipe qui ont joué les cobayes, prélevant leur sang avant la manifestation, puis après exposition aux gaz. Ce jour-là, l’équipe de médecins et le biologiste étaient accompagnés de la journaliste du Nouvel Obs Emmanuelle Anizon et du fabricant du kit de mesure. « Je suis resté dans les gaz jusqu’à avoir des vertiges, ce qui arrive régulièrement à des gens », raconte Alexander Samuel. Pour lui, le résultat est cette fois-ci sans appel, les analyses montrent que les taux de cyanure augmentent significativement, et atteignent « des niveaux supérieurs au seuil de dangerosité », indique-t-il. Désormais, « on sait qu’il y a du cyanure, poursuit-il. Donc quand beaucoup de grenades lacrymogènes sont lancées sur des personnes nassées, et utilisées en quantité importante et de façon répétée, il y a lieu de s’inquiéter. » Il relève notamment qu’« il n’y a aucune limitation du nombre de grenades lacrymogènes pouvant être utilisées par les forces de l’ordre ».
Son discours reste cependant contesté par plusieurs toxicologues français, et notamment Jean-Marc Sapori, du centre anti-poison de Lyon, qui travaille dans le domaine des NRBC — comprenez risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. « Le test de Cyanoguard n’est utilisé ni en France ni en Suisse, et cette firme ne répond pas aux normes. Je reste donc très prudent quant à l’efficacité de ce test, conteste-t-il. Par ailleurs, reprenez les articles scientifiques qui synthétisent les conséquences d’une exposition au gaz lacrymogène. Les effets décrits ne correspondent pas à ceux d’une intoxication au cyanure. » Il préfère en rester à la réponse scientifique majoritairement donnée aujourd’hui, qui écarte la possibilité que le CS produise suffisamment de cyanure pour atteindre des doses dangereuses.
Un silence officiel est entretenu autour des effets sur la santé potentiels des gaz lacrymogènes
Alexander Samuel estime que le débat a été prématurément enterré. Une expérimentation en bonne et due forme serait donc nécessaire pour conclure la discussion. Mais veut-on vraiment connaître la vérité ? Alexander Samuel voulait doubler ses analyses avec un protocole plus officiel. « J’ai contacté tous les laboratoires de France qui possédaient l’appareil nécessaire, ils m’ont tous répondu qu’il n’est pas possible de le paramétrer pour le cyanure », regrette-t-il. Il a tenté en Belgique, où un toxicologue avait accepté de recevoir les échantillons, avant de se retirer.
Comme Reporterre l’a expliqué dans ses précédents articles, en France, un silence officiel est entretenu autour des effets sur la santé potentiels des gaz lacrymogènes. Il faut dire qu’au-delà de leur utilisation pour le maintien de l’ordre, ils représentent un marché prospère. « Le secteur de la sécurité a connu 4,5 % de croissance annuelle en moyenne entre 2013 et 2017 », se félicitait le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, au salon Milipol 2019. Car la France exporte en quantité du matériel de répression.
Pour tenter de briser ce silence, Alexander Samuel écrit, sollicite, échange en permanence sur le sujet avec des scientifiques un peu partout dans le monde. Il a traduit la synthèse de son travail en anglais afin de la partager le plus largement possible. Il a commencé à faire relire le résultat de son travail par certains pontes de la recherche en toxicologie, afin d’obtenir une validation scientifique lui donnant plus de poids. André Picot l’aide aussi à peaufiner son rapport. Il poursuit ses recherches, nous parle d’une nouvelle astuce qu’il aurait trouvée pour calculer la quantité de cyanure se retrouvant dans le corps. Il tire tous les fils, a aussi pris contact avec des politiques. « Il s’agit d’un problème de santé publique, et on a des éléments suffisants pour sonner l’alerte », répète Alexander Samuel à qui veut bien l’écouter.
Le maintien de l’ordre est éclaboussé par plusieurs scandales, et dans ces affaires le gouvernement a une lourde responsabilité. À Marseille, une octogénaire, Zineb Redouane, est morte après avoir reçu un tir de grenade lacrymogène, effectué par un CRS, alors qu’elle fermait ses volets, le 1er décembre 2018. Une instruction est ouverte à Lyon, la famille ayant obtenu le dépaysement du dossier. Si la dérive du maintien de l’ordre avec son lot de bavures, ne date pas du mouvement des Gilets jaunes, il a pris une particulière acuité depuis novembre 2018. Comme si la seule réponse à la soif d’égalité et de démocratie était la répression et de décourager les manifestants. Les policiers à qui le gouvernement ordonne de faire le sale boulot ne sont pas non plus épargnés.
Scandale sanitaire ?
Il ne s’agit pas ici de faire peur mais d’exposer des faits à l’aune, notamment, du travail minutieux du biologiste Alexander Samuel sur la nocivité des gaz lacrymogènes. Les armes utilisées à grande échelle ont provoqué à ce jour 2 448 blessés parmi les manifestants et 561 signalements ont été déposés à l’IGPN, selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur. Au 21 novembre 2019, l’État a recensé un total de 9 071 tirs de LBD, 1 428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées et 5 420 tirs de grenades de désencerclement Selon le décompte du journaliste David Dufresne, 25 personnes ont été éborgnées et cinq mains arrachées. C’est à ce jour le plus gros scandale du maintien de l’ordre. Un autre est en train de poindre et pourrait devenir un véritable scandale sanitaire.
« Les lacrymos causent des intoxications au cyanure » Alexander Samuel, docteur en biologie
Les forces de l’ordre avancent dans un nuage de lacrymos après avoir lancé des grenades, le 17 novembre, aux abords de la Plaine (Marseille) , pour empêcher la tête de cortège des Gilets jaunes d’y prendre pied. Un usage massif qui n’épargne ni les manifestants pacifiques, ni habitants et passants ni policiers et gendarmes. PHOTO Sylvain Fournier
Docteur en biologie et enseignant, Alexander Samuel mène des recherches depuis plusieurs mois sur les effets du gaz lacrymogène : « Le gaz CS provoque des intoxications au cyanure qui est libéré dans le sang après inhalation ». Il livre ici sa démarche et ses premières conclusions. Édifiant.
La Marseillaise : Pourquoi se pencher sur de supposés liens entre le gaz lacrymos et cyanure ? Alexander Samuel : Des Gilets jaunes m’ont montré des résultats d’analyses au cyanure, enfin, un dérivé du cyanure, le thiocyanate, qui reste deux semaines dans le sang, le cyanure reste quelques minutes, au maximum une heure. Ils étaient convaincus que cela venait des lacrymos. Je suis spécialiste fake news de l’Académie de Nice, et leur ai dit que c’était une fake news. Et en tant que biologiste, j’ai voulu démontrer que c’était bidon… Même s’ils m’ont décrit des symptômes qui n’étaient pas simplement dus aux grenades lacrymogènes, mais pouvant être reliés au cyanure, comme tomber dans les pommes, etc. Cela pouvait aussi être dû à tout et n’importe quoi. J’ai, dans un premier temps, regardé rapidement la littérature scientifique.
Et qu’avez-vous constaté ? A.S. : J’ai été étonné. Depuis les années cinquante, les études montrent que ce gaz libère du cyanure dans le sang, par métabolisme. Il n’y a pas du cyanure caché, dans la grenade, c’est une grosse molécule qui contient des groupements de cyanure, et ces groupements quand ils sont libérés, sont dangereux. Donc, le cyanure est bien présent dans le gaz lacrymogène ? Comment est-il libéré ? A.S. : À la base, il se situe dans la molécule entière : l’ortho-chlorobenzylidène malonitrile, le gaz CS, pour faire simple. Dès qu’il rentre en contact avec des fluides, comme le sang, ses composés sont découpés et le cyanure est libéré. Il est aussi libéré par dispersion thermique, quand on le chauffe. Une étude récente, de 2013, a démontré que c’était libéré dès 100 degrés. Et, plus il fait chaud, plus la molécule est dégradée, et plus il y a de cyanure libéré.
Les effets des gazeuses et des grenades sont identiques ? A.S. : Pour les grenades, il y en a probablement dans l’air puisque ce sont des palais qui sont chauffés – dispersion thermique. Pour les sprays, il n’y en a probablement pas dans l’air. Mais dans les deux cas, la molécule passe par les surfaces poreuses, la peau, va être inhalée, et va être transformée en cyanure dans le corps, par le métabolisme.
Quelles sont les méthodes utilisées pour démontrer la présence de cyanure ? A.S. : Au départ, nous savons qu’il y a du cyanure. Reste une inconnue : quelle est la dose, est-elle dangereuse ? Une petite dose de cyanure correspond à une bouffée de cigarette, ce n’est effectivement pas très grave. Le seul indice que nous avions c’était cette analyse d’un dérivé de cyanure qui nous disait que la dose était 2 à 3 fois au-dessus de la normale. Nous avons demandé aux gens exposés au gaz lacrymogène de faire des analyses de thiocyanate… Et nous avons eu droit à une levée de boucliers et des critiques très violentes.
Vous avez eu combien d’analyses ? A.S. : Moi-même j’en ai une vingtaine, et le médecin avec qui je travaille affirme que nous en avons une cinquantaine. Au début, nous avons eu un mal fou à récupérer les résultats… On a dû insister lourdement pour avoir les cinq premiers… Puis la procédure a été critiquée, car le thiocyanate n’était pas un bon marqueur : il reste longtemps dans le corps, et l’ingestion de fumée de cigarettes, de pépins, de manioc ou d’amandes peut influer sur le résultat. Nous ne pouvions en conclure que cela provenait du gaz lacrymogène. Le seul moyen de vérifier qu’il y avait un taux élevé de cyanure juste après l’exposition au gaz lacrymogène, c’était de mesurer le cyanure immédiatement après.
Comment avez-vous fait ? A.S. : J’ai contacté une entreprise, une start-up suisse, qui fabrique, depuis 2018, un kit novateur permettant de mesurer directement le taux de cyanure dans le sang, un peu comme un alcootest. La différence avec un alcotest c’est qu’il faut du sang. J’ai demandé au médecin s’il pouvait mettre en place un cadre correct, une procédure, pour faire une prise de sang dans l’heure qui suit un gazage. Et donc, trois médecins m’ont aidé. L’objectif était de permettre au patient de vérifier si les vertiges ou la perte de connaissance venait d’une crise d’épilepsie comme l’estimaient les toxicologues ou pouvaient être dus à une intoxication au cyanure, comme je le soupçonnais. C’était dans l’intérêt du patient, tout a été fait avec des consentements signés. Malgré cela, le parquet de Paris a ouvert une enquête – toujours en cours, pour « mise en danger de la vie d’autrui et violence aggravée », concernant les prises de sang… L’ensemble des médecins et moi-même avons été interrogés en juillet.
Puis vous avez été arrêté et votre matériel saisi… A.S. : Après avoir fait publier les premiers résultats – dans l’Obs et l’Huma – début août, j’ai été mis en garde à vue parce que j’aurais « lancé une trottinette et dégradé un véhicule » lors d’une manif. L’affaire a été classée sans suite. J’ai eu une deuxième garde à vue, un mois plus tard, en octobre. J’avais un rendez-vous à Nice, des militants faisant une action à la Société Générale, à proximité de mon point de rendez-vous, j’ai été contrôlé et embarqué avec 48 heures de garde à vue et perquisition à mon domicile. Les policiers y ont saisi un tee-shirt de medic, un sac à dos… et, ce qui m’a le plus choqué : des livres, concernant les travaux que je fais sur les gaz, et l’ensemble de mon matériel informatique a été saisi, ils ont aussi consulté devant moi mes mails… J’ai été libéré avec un classement sans suite. Un des livres, rare, a été détruit, le matériel m’a été restitué…
Quel est le niveau d’intoxication des manifestants, policiers, habitants ? A.S. : Il y a déjà les effets directs des lacrymos. Avec de gros problèmes pulmonaires, qui ont fait l’objet d’études, lors de l’entraînement des soldats américains, notamment. Une autre étude, turque, a démontré que les habitants des quartiers exposés avaient aussi de gros problèmes pulmonaires. Pour le cyanure, lorsque la dose est très légère, il est transformé en thiocyanate doucement, et il ne se passe quasiment rien. À côté de ça, on peut avoir des effetsaigus lorsque la concentration arrive entre 0,25 et 0,5 mg / litre de sang. La dose mortelle est difficile à définir, elle tient à une accumulation, mais entre 50 et 100 mg, on est sûr de mourir. Ce que j’ai mesuré, c’est : 0,7 mg par litre de sang, on atteint « l’effet aigu » qui peut occasionner perte de mémoire, perte de connaissance, vertiges, soit les effets d’hypoxie. Ces effets ont été vus, vécus et rapportés. Aujourd’hui l’interrogation porte sur les personnes qui y sont exposées fréquemment. C’est comme si on jouait au jeu du foulard avec les manifestants, toutes les semaines. Avec des risques inhérents, sur les reins, le foie…
Que comptez-vous vous faire pour faire connaître vos résultats… A.S. : Nous n’avions pas envisagé de les médiatiser à outrance. Nous voulions alerter les autorités de Santé. La Haute autorité de santé, nous a renvoyés vers d’autres organismes. Et pour l’instant ils se renvoient la balle… Je n’arrive pas à imaginer que les autorités de Santé, ne soient pas déjà alertées. Les études sont publiques et publiées. Je suis étonné que peu de toxicologues français agissent… Pour pouvoir alerter davantage, je suis entré en relation avec André Picot, de l’association de Toxicologie-chimie de Paris, il a accepté d’être coauteur d’un dossier et de le publier au nom de l’ATC. Avec plus de 500 références scientifiques.
Whistleblower. The young biologist from Nice highlights large doses of cyanide in the blood of demonstrators exposed to this chemical weapon.
« Cyanide in the tear gas used for law enforcement? Would the government poison the population? Unthinkable! It was the first reaction of Alexander Samuel, a math teacher and doctor of biology, when the yellow vest Julien Chaize, in April 2019, asked him to study this hypothesis. Six months later, the young scientist from Nice is convinced, significant doses of poison circulate in the blood of gassed demonstrators.
This conviction disturbs. On Saturday November 2, Alexander was taken into police custody on the grounds that he was implicated in a symbolic, bio-painted attack on a bank. He denies it but remains locked up for forty-eight hours. His home is searched. Its computer equipment and many documents are thoroughly inspected. A military manual from 1957, « on protection against combat gases », is seized and destroyed.
Away, he observes the violence
This episode is apparently unrelated to his research on tear gas. In any case, the biologist has already compiled his work in a report. It will be published in the coming days by the Toxicology Chemistry Association, founded by André Picot, honorary director of the chemical risk prevention unit at the CNRS. The latter will co-sign the Alexander publication alongside other researchers and doctors.
There was nothing to suggest such a result when, at the beginning of spring, Alexander went for the first time to a demonstration of yellow vests. « I was suspicious, » he admits. In the Alpes-Maritimes, the far right was very present at the start of the movement and my environmental convictions were at odds with the demands linked to fuel taxes. Curious, however, he went to the rally organized on March 23 in Nice.
At a distance, he observes the violent police charges during which the head of Attac, Geneviève Legay, is seriously injured. Alexander does not attend the scene directly but he sees the street medics, these militant rescuers who intervene during the demonstrations, prevented from intervening and being arrested. Alexander films. He was immediately placed in police custody. It’s his first time.
« I was shocked, » says the scientist. The conditions of my detention, the lies of Emmanuel Macron and the prosecutor concerning Geneviève Legay made me stand in solidarity with the movement. He decides to gather everything that could make it possible to establish the truth and to pass it on to yellow vests who intend to seize the United Nations. Among them, Julien Chaize wants to convince him to look into the case of a demonstrator who, following an exposure to tear gas, displayed an abnormally high level in the blood of thiocyanate, molecule formed after the assimilation of cyanide by the liver.
This is an isolated case. Impossible for Alexander to see in it evidence of massive poisoning of the population. Incredulous, he participated in other demonstrations and observed the reactions of people exposed to the gases. Vomiting, irritations, disorientation, loss of consciousness … these fumes don’t just make you cry.
Alexander consults the scientific literature. The tear gas component used in France is 2-Chlorobenzylidene malonitrile. As it is considered a chemical weapon, its use is prohibited in the context of armed conflicts. Not for policing. For the biologist, the verdict is clear, this molecule, once present in the blood, releases cyanide. Several studies since 1950 confirm this. None said otherwise. But this poison is also present in cigarettes and a multitude of foods. Its dangerousness is therefore a question of dosage. How to measure it?
Alexander and three doctors in yellow vests then proposed to the demonstrators to have their blood analyzed to determine a level of thiocyanate. But this marker is not reliable enough. Cyanide must be quantified. However, the poison is only detectable in the blood for a few tens of minutes. Armed with a kit of tests, prescriptions and forms to be signed by the candidates for an exam, they decided to take blood and urine samples directly during the demonstrations of April 20 and May 1.
The results are edifying
The results of the first samples confirm the significant presence of cyanide, but do not give the precise dosage. On June 8, in Montpellier, the team perfected their protocol. Alexander, the three doctors and a few accomplices make themselves guinea pigs from their experience. They test their blood before the demonstration and afterwards. The results are edifying. Scientific community considers cyanide poisoning
Un système artisanal pour éviter de se faire confisquer un masque tout en étant protégé efficacement contre le gaz lacrymogène, à condition de maîtriser une technique de respiration. Il faut inspirer par la bouche dans le tuyau, afin que l’air passe par le filtre, et expirer par le nez (sans recracher l’air dans le tuyau)
Matériel requis
Il faudra une cartouche filtre à gaz de type P3 (le plus souvent A-P3), du scotch résistant et renforcé, un cutter et un tuyau qu’il faudra couper à la longueur adéquate.
Etapes de fabrication
1) Ouvrir l’avant du filtre et prendre le bouchon en plastique 2) Faire un trou dans le bouchon à l’aide du cutter pour faire passer le tube et le coincer à l’aide d’une vis 3) Scotcher l’ensemble abondamment de façon à ce que le scotch passe bien sous le capuchon plastique 4) Ajouter un élastique et fixer le bouchon sur le filtre. 5) Utiliser le filtre en respirant avec la bonne technique
Conseils de conservation
Pensez à bien déboucher le bas du filtre quand vous respirez, et à le reboucher quand vous avez fini de l’utiliser. Un gant placé à l’extrémité du tuyau peut être ajusté et éviter que de l’air ne passe dans le filtre lorsqu’on ne l’utilise pas.
Fabriquer un masque de fortune
Couper une bouteille de soda de 2 litres comme indiqué. Coller une bande de caoutchouc sur les bords de la bouteille. Coller du tissu par-dessus le caoutchouc. Insérer un masque respiratoire dans la bouteille. Fixer un élastique pour accrocher au visage. Ajouter un peu de vinaigre pour humidifier le masque avant de le porter.