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Douche portative 6 Litres Eurofeu GS 006 EDP.

Cette douche portative a plusieurs fonctions, elle sert pour éteindre les petits incendies, calmer les brûlures et est un décontaminant chimique.
Elle contient 5,75 Litres d’eau et 0,25 litre d’agent aseptisant (j’avoue qu’ils se sont surpassés là).
Quel est donc cet agent aseptisant ? il s’agit de chlorure de benzalkonium. Le chlorure de benzalkonium est un ammonium quaternaire utilisé depuis de nombreuses années en tant que surfactant et antiseptique/désinfectant. Il est connu pour ses propriétés bactéricides à des concentrations faibles (habituellement entre 0,1 et 0,2%) sur un large spectre de bactéries Gram-positives et Gram-négatives.

Le chlorure de benzalkonium élimine (diminution de 5 log) Staphylococcus aureus et les streptocoques bêta-hémolytiques (p.ex. Streptococcus pyogenes) en 1 minute, ainsi que Pseudomonas aeruginosa en 5 minutes.

Le Chlorure de benzalkonium possède également une activité spermicide. Le principe actif provoque la rupture de la membrane du spermatozoïde. Sur le plan physiologique, la destruction du spermatozoïde s’effectue en deux temps : d’abord destruction du flagelle, puis éclatement de la tête. Il n’y a pas de modification de la flore saprophyte : le bacille de Döderlein est respecté.

Pour la modique somme de 298,80 euros une solution contre les brûlures thermique et chimique avec un bon mal au gonades (humour).
Chaque solution a son problème !

sources:

Fiche technique de la douche portative.

https://www.monextincteur.fr/extincteur-douche-portative/douche-portative-6-litres-eurofeu-gs-006-edp.html?search_query=Douche+portative+6+Litres+Eurofeu+GS+006+EDP&results=1

Chlorure de benzalkonium.
https://www.vidal.fr/substances/525/benzalkonium_chlorure/

 

DESCRIPTION DU PRODUIT Douche de sécurité 6 Litres Antiseptique – Extincteur Vert

L’extincteur vert douche de 6 Litres protège:

Découvrez la douche portative de secourisme servant à rincer et neutraliser une substance caustique, refroidir une brûlure thermique, ainsi qu’éteindre le feu sur un être vivant. Le temps minimum de refroidissement d’une brûlure est de 15 minutes.  Ce type de douche de sécurité est fortement recommandée sur des chantiers ou des lieux de travail qui présentent des risques de projections d’éléments ou produits qui peuvent être dangereux pour la santé.

Cet extincteur douche de sécurité a une contenance de 6 litres, il est livré rempli. L’eau contenu dedans devra être conservée à une température comprise entre 5°C et 60°C. Puis pour être parfaitement efficace, l’eau devra être changée tous les 6 mois.

Extincteur livré avec fixation murale, notice d’installation et d’utilisation

POUR PROTÉGER QUOI ? Rincer et neutraliser une substance caustique, refroidir une brûlure thermique, éteindre le feu sur un être vivant.

LES CERTIFICATIONS Normes Françaises, CE, Marine, CNPP, BS, Apragaz, Origine France Garantie

COMMENT L’ENTRETENIR, OBLIGATIONS

Vous êtes un professionnel: Tous les ans à date anniversaire de la mise en service + Recharge tous les 6 mois

Vous êtes un particulier: Vous n’avez pas d’obligations mais il est préférable de faire vérifier vos appareils au moins une fois par ans.

Chlorure de Benzalkonium 50%

Propriétés : le Chlorure de Benzalkonium est un agent de surface cationique de la famille des ammoniums quaternaires. 

Il s’agit d’une solution aqueuse facilement soluble dans l’Eau, l’Ethanol et l’Acétone.

Il élimine l’origine du verdissement dû aux mousses, algues et lichens sur la plupart des matériaux de construction. En plus de son action curative, il permet aussi de prévenir l’apparition de mousses, lichens, et algues sur les matériaux mal exposés.

  • Action préventive et curative.
  • Utilisable sur la plupart des matériaux.
  • Solution aqueuse hydrosoluble.
  • Protection longue durée.
  • S’utilise avec un pulvérisateur ou un arrosoir.
  • Produit biocide (TP2/10) : utilisez les biocides avec précaution ; avant toute utilisation, lisez l’étiquette et les informations concernant le produit.

Formule brute : C21H38NCl           = 21 atomes de Carbone, 38 d’Hydrogène, 1 d’Azote et 1 de Chlore

Origine : Espagne

Pureté : 50%

Numéro Cas : 68424-85-1

Numéro CE : 270-325-2

Synonymes (liste non exhaustive) : chlorure d’alkyldiméthylbenzylammonium, ADBAC (acronyme), chlorure de N-alkyle N,N-Diméthyle benzylammonium, chlorure d’alkylebenzyldiméthylammonium

Caractéristiques :

PHYSIQUES

Caractéristiques Spécifications
Aspect Liquide limpide et visqueux
Couleur
Couleur (APHA)
Incolore
8 (max 100)
Odeur Légère odeur d’amande amère
pH (solution à 5%)
pH (solution à 10%)
6.0 – 9.0
7,4
Point de fusion 0°C
Point initial d’ébullition 107°C
Densité relative 0.975 – 0,995 à 20°C
Indice de réfraction 1.42 à 20°C
Solubilité Soluble dans l’eau, l’éthanol et l’acétone.
Presque insoluble dans l’éther
Pression de vapeur 23 mbar à 20°C
Viscosité 74 cSt à 40°C

CHIMIQUES

Propriétés Unités Méthodes Mini Maxi
Matière active % Poids KCSA 003 48 51
Amines libres % Poids KCSA 143 0.5
pH (sol 5%) KCSA 014 6 9

Conseils d’emploi : pour une utilisation en tant qu’agent anti-mousse

1.   Diluer 500ml de Chlorure de Benzalkonium dans 6L (soit un dosage à 4% de matière active) d’eau et appliquer sur 12,5 à 25 m².

2.   Préférer de l’eau tiède pour faciliter la dilution du produit (30- 60 secondes). Une dilution dans de l’eau froide pourra nécessiter 2 à 3 minutes.

3.   Appliquer soit à l’arrosoir avec pomme d’arrosage soit au pulvérisateur : appliquer le produit dilué de façon à bien imprégner la surface à traiter (6L d’eau pour traiter au maximum 25m²).

Le cas de Nelly Luksenberg

Lien vers son post

Nelly a vu le travail de l’équipe de près, elle a passé du temps à l’observer et sait donc parfaitement pourquoi nous préconisons les analyses et elle connaît les problèmes que nous soulevons. Lorsqu’elle a été exposée aux gaz lacrymogènes place d’Italie les 16 et 17 Novembre 2019 à Paris, elle a su faire les bonnes analyses complètes.

Non-fumeuse, elle portait des lunettes et un masque imbibé de vinaigre, peu de peau exposée aux gaz lacrymogènes, elle s’était donc protégée autant que possible mais une exposition de plusieurs heures totalement inattendue est survenue.

Dès le départ, son taux de thiocyanates urinaires est monté à 27,6 mg/l. Son mari a également eu un taux élevé de thiocyanates dans les urines. Après 10 jours, selles beiges persistantes pendant quelques jours. Le médecin a soupçonné une atteinte foie/pancréas. Le niveau de thiocyanates descend doucement, arrivant à 20,8 mg/l à J+25.

Les conduites à tenir

Une infirmière formée en hygiène industrielle, risques chimiques et ex-formatrice Sauveteur Secouriste du travail s’est intéressée à ce sujet  suite à des gazages massifs début janvier lors d’une manifestation sur Nîmes.

Grâce à ses contacts  elle a pu faire une première alerte auprès de Streets Médics. Parallèlement, elle s’est rapprochée de groupes de manifestants et d’observateurs afin de les sensibiliser sur la prévention et sur la conduite à tenir en cas d’exposition aux gaz lacrymogènes.

Par la suite, elle a pu établir un listing total des symptômes et des analyses sanguines et urinaires à effectuer en post-exposition.

Nos équipes se sont réunies afin de gagner en efficacité, sur ce problème de Santé Publique et de prouver la véracité de nos dires.

Nos recherches nous ont amenées à aller à la rencontre des scientifiques, à consulter des fiches techniques, des fiches de données de sécurité, des mémoires de toxicologie, des documents analytiques et d’analyses de toxicologies… français et étrangers.

 Nous vous rappelons que les gaz lacrymogènes aiment les terrains humides, ont plusieurs voies de pénétrations (oculaires, cutanée, respiratoire, digestives).

Travaux réalisés : CAT manifestation, CAT arrestation, CAT post-exposition aux gaz, protection contre les gaz, douche portative 6l verte

Effets des thiocyanates et analyses à faire à ce sujet

Avant toute manifestation

Retirer : Bijoux, lentilles de contact, vernis à ongles, maquillage, crèmes (visage et corps)

Eviter : Rasage, épilation (au moins 48h), tabac, alcool.

Lors des manifestations, il est conseillé par températures élevées de régulièrement s’essuyer le visage avec un mouchoir jetable.

L’application d’Optone® avant exposition permet une atténuation des symptômes mais ne les empêchent pas.

Suite à une exposition au gaz lacrymogènes, un lavage /rinçage d’un mélange Gaviscon® ou Maalox® avec de l’eau permettra d’atténuer la sensation de brûlure oculaire, cutanée et buccale(ne pas avaler, cracher) et d’empêcher la pénétration du produit.

 Une lingette nettoyante sans alcool peut être utilisée afin de retirer un maximum de produit sur la peau. L’utilisation de Dacryosérum® ne servira qu’à dissoudre le produit dans le globe oculaire, mais en aucun cas n’empêchera sa pénétration. Si rinçage par de l’eau simple, elle doit être froide afin de ne pas dilater les pores (ce qui favoriserait la pénétration du produit).

Les lavages oculaires et cutanés par de la Diphotérine®, solution aqueuse contenant des sels amphotères sont par certains conseillés et par d’autres récusés. Deux écoles s’affrontent car selon certains spécialistes en hygiène industrielle et certains chimistes, ce produit à pH neutre ne contient pas de produits particuliers ou spéciaux pouvant prouver son utilité.

Il n’a pas été prouvé l’utilité du citron pressé. Néanmoins, plusieurs témoignages relatent l’efficacité en contact direct avec les narines. Hormis une protection respiratoire à titre préventif, il n’existe pas de produit médicamenteux enrayant le processus d’intoxication des voies aériennes supérieures utilisables sur les lieux d’intoxication. Une prise en charge est conseillée.

En rentrant chez soi, il faut immédiatement se déshabiller et se laver afin de ne pas disperser dans l’habitat.

Le linge de la journée devra être lavé seul, sur cycle long mais froid (évaporation )

Pour vous-même :

 Il convient de frotter la peau sans l’irriter. Ne pas utiliser de savon dans un premier temps. En profiter pour bien se rincer la bouche et la gorge (par gargarismes) et les yeux. Rincer abondamment aussi les cheveux avant l’utilisation d’un shampoing doux.

What do you inhale when you breathe tear gas?

Link to original article

23/12/2019 (UPDATED 18:16)
By Pierre Ropert

For months, protesters have been breathing in CS gas, which is found in tear gas canisters. But what are the consequences and dangers for an organism, while a researcher warns of possible formation of cyanide after breathing these gases?

Un manifestant tente d'échapper aux gaz lacrymogènes en se couvrant les yeux, lors du mouvement social du 5 décembre 2019.
A protester tries to escape tear gas by covering his eyes during the social movement of December 5, 2019.• Crédits : Bulent Kilic – AFP

After fifty years of use, one could imagine that a complete scientific documentation devoted to the effects of tear gas is available. However, in France, few studies have investigated that subject, and we must turn to Anglo-Saxon reports to learn a little more about the possible consequences of tear gas (CS gas) absorption.

CS gas, or 2-chlorobenzylidene malonitrile, however, has almost a century of existence. Invented in 1928 by American chemists Ben Corson and Roger Stoughton, whose initials it bears, it was synthesized in the 1950s in a version close to that which is still used today. It succeeds another gas, chloroacetophenone (CN), for its « virtues »: it is both less toxic and « its irritant effects are more pronounced and more varied ».

Its goal ? Immediate disabling effects 

During demonstrations, use of tear gas by the police usually results in scenes where demonstrators back up to escape that white smoke, coughing, crying and trying to protect their faces. And for good reasons, the effect of CS gas is almost instantaneous: it primarily affects eyes and causes, in just a few tens of seconds, an activation of the lacrimal glands. Once inhaled, it irritates the respiratory tract, triggering violent fits of cough which can go, according to the doses, up to vomiting. It can also cause severe itching or burning when it comes into contact with skin. These effects neutralize exposed people by forcing them to move, or by preventing them from resisting an attack.

Chemically, the effect of CS gas is simple to understand: its molecules bind to TRPA1 and TRPV1 receptors in our body involved in pain perception and responsible for detecting toxic products. The body then begins to produce mucus, watery eyes or even trigger coughs, in a violent reflex of rejection of what it considers toxic.

« The action of riot control agents is almost immediate. Symptoms appear a few seconds after the toxic agent is dispersed and do only persist until a few minutes after the end of the exposure« , details researchers A. Gollion, F. Ceppa and F. May in a report entitled Ocular toxicity of chemical agents published by the journal Medicine and Armies

Potential long-term effects

Nausea, burning sensations, conjunctivitis, breathing difficulties, even fainting (including in law enforcement) … The main effects of tear gas are well known and dissipate quickly, once victims leave the tear gas cloud. However, long-term consequences of CS gas are very little studied in France, even though there is a substantial bibliography on the subject abroad. In 2017, a review of 31 studies in 11 countries, entitled Health Impact of Chemical Irritants Used for Crowd Control: A Systematic Review of the Injuries and Deaths Caused by Tear Gas and Pepper Spray, identified 5,131 injured people out of 5,910 people exposed to irritant gases having sought medical care, covering 87% of those affected. All in all, 9,261 injuries had been identified, most of them located on the eyes, skin, and the cardiopulmonary system. Although this study recalled that in vast majority of cases (98.7%) victims recovered quickly from their injuries, 67 people (1.3%) suffered permanent damage.

  • Eyes: conjunctivitis, keratitis and cataracts

Eyes are, in fact, the main target of tear gas. They are most quickly and directly affected by the fumes, whether they come from grenades or sprays. A priori, the impact of CS gas is quite low and sequelae disappear quickly over time. But a complete English-speaking documentation shows that, when the source of the gas is very close to the eyes, there can be complications, the most frequent of them being cases of conjunctivitis or blepharospasm (repeated blinking of the eyelids). In rare cases, long-term effects can be much more disabling: the doctor of ophthalmology at Saint Thomas Hospital in London noted in 1995 possible complications with inter alia infectious keratitis (lesions of the cornea), secondary glaucoma or cataract.

« At higher concentrations, chemical burns with keratitis, loss of corneal epithelium and a permanent decrease in corneal sensation may be observed« , specifies the toxicological guide of the National Institute of Public Health of Quebec.

précise le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. « Since CS is a solid compound, particles may sink into the cornea or conjunctiva, causing tissue damage. The human eye is more sensitive to aerosolized CS compared to CS in solution. The overall ocular effects are more severe in individuals wearing contact lenses« .

  • Skin: itching, erythema and burning

Itching and redness caused by CS gas on the skin, if mostly benign, can also have serious consequences. A study from the Faculty of Medicine in Thessaly, Greece, published in 2015 and titled Exposure to the Riot Control Agent CS and Potential Health Effects: A Systematic Review of the Evidence Lists the Most Common Effects, Which May Last a few hours to two weeks, citing many other studies:

Common skin signs are erythema, skin rashes or blisters, skin burning sensations, skin irritation with or without pain, and burning.

Many cases of dermatitis or eczema, particularly in the case of allergic reactions, are also reported.

  • The respiratory system: a global weakening?

According to most studies, the respiratory system is certainly the most affected, in the long term, by the effects of CS gas. The toxicological guide of the National Institute of Public Health of Quebec states that after exposure to CS gas, the first symptoms (irritation of the throat, lungs, sneezing, cough, etc.) “may be followed by headaches, burning of the tongue and mouth, salivation and difficulty breathing (after some delay) and a feeling of oppression (at high concentrations)”.

A study by the University and Faculty of Medicine of Istanbul, Turkey, also looked at the long-term effects of tear gas on the respiratory system: it concluded that, in exposed subjects, certain disorders were 2 to 2.5 times higher than average, such as chest tightness, difficulty breathing, or winter cough. Subjects were also more susceptible to an increased risk of chronic bronchitis. Prolonged or excessive exposure to tear gas can also cause pulmonary edema.

If you did a lot of damage to the airways, it will stay. The mucosa is more susceptible to all infections, and viruses and bacteria will have a much more fertile ground for development. PHD Alexander Samuel

Des "street medics" accompagnent une manifestante touchée par des gaz lacrymogènes, lors de manifestations à Toulouse.
« Street medics » accompany a demonstrator affected by tear gas, during demonstrations in Toulouse.• Crédits : Getty

A lethal weapon indoors

In 2012, in Bahrain, law enforcement used tear gas to quell political demonstrations. The NGO Physicians for human rights reports that several women suffered a miscarriage after being exposed to tear gas and that an asthmatic man died. Some people are more vulnerable to the effects of these gases, such as children, the elderly, people with asthma and pregnant women.

Under certain conditions, CS gas can even be fatal. Tear gas canisters are in fact intended to be diffused in ventilated places, making it possible to avoid air saturation with 2-chlorobenzylidene malonitrile. But in a closed place, it would be possible to reach “the concentration of CS which would be lethal for 50% of healthy adults, estimated between 25,000 and 150,000 mg / m³ per minute” according to an estimate of the report published in 1989 in The Journal of the American Medical Association: Tear gas: Harrassing agent or Toxic chemical weapon?

When a tear gas canister explodes outdoors, the center of the gas cloud can reach a 2-chlorobenzylidene malonitrile concentration ranging from 2,000 to 5,000 mg / m³. Indoors, concentration therefore increases rapidly. In 2014, for example, in Egypt, tear gas canisters fired from inside a truck carrying prisoners killed 37 detainees.

A Notre-Dame-des-Landes, en 2018, une zadiste marche au milieu des gaz lacrymogènes.
In Notre-Dame-des-Landes, in 2018, a zadist walks in the middle of tear gas.• Crédits : LOIC VENANCE – AFP

Cyanide poisoning?

For several months, another concern has been agitating the demonstrators, first of all yellow vests, who denounce possible cyanide poisoning following inhalation of tear gas. This theory is advanced by Doctor Alexander Samuel: according to him, metabolism of CS after its absorption would lead to formation of this poison in our organism.

This hypothesis divides researchers who believe either that it is not possible to metabolize enough cyanide for the quantities to become dangerous, or that the methods of sampling in manifestation are not reliable.

For Alexander Samuel, the first argument no longer needs to be given the paradigm shift:

The problem today is that you no longer have to throw a grenade with a single pellet, with protesters 20 meters from the pellet. Nowadays at a music festival with Steve Maia Caniço for example, there are 33 grenades thrown in 20 minutes … It changes doses, and it changes exposures. These are much higher exposures, with much heavier effects on health and, in the long term, what worries me are the levels of cyanide which are still completely ignored, and which can cause liver cirrhosis, kidney stones, kidney problems and neurological problems, like Parkinson’s for example.

To overcome the skepticism of certain specialists, Alexander Samuel, PHD in biology, himself having believed having first believed in a « fake news », is preparing a complete report, with a broad bibliography, which we were able to consult. He surrounded himself with other researchers under the tutelage of toxicology chemist André Picot. Honorary director at CNRS and president of the Toxicology-Chemistry Association, he is a major support:

CS is an organic molecule: it means that it contains carbon and hydrogen. These hydrocarbons make up the basic body. It’s a bit difficult for non-chemists to understand, but […] concerning the tearing effect, everything is depending on the release of a molecule, malonitrile. It contains three carbon atoms and two cyanide atoms linked to one carbon atom. This intermediate molecule is used to make syntheses in organic chemistry, it is tear gas and can be very toxic. When CS gas arrives in an aqueous medium, for example in the blood, the water will attach to it. This hydration will make this CS molecule, itself already unstable, even more unstable. It will thus be attacked by enzyme systems that we have in the blood, which will oxidize it. This will release the malonitrile [from the CS molecule, ie 2-chlorobenzylidene malonitrile, editor’s note] which in turn, still by oxidation, will release cyanide. In the end, for a molecule of CS gas, you release a cyanide molecule into the blood.

Once the molecule is released into blood, it will be assimilated by the body, explains André Picot: « This is what is called metabolization. It is, of course, subject to genetic control. And people are generally unequal when it comes to this metabolism. There may be people who will react very quickly to this product and have toxic effects of cyanide, while others will resist. This individual susceptibility is very important, because it explains why you have some who can be very sick and others who go up to the barricades every Saturday and don’t really have symptoms.« 

Un manifestant au milieu d'un nuage de gaz lacrymogène, lors des manifestations du 1er mai 2019.
A protester in the middle of a cloud of tear gas, during the demonstrations of May 1, 2019.• Crédits : Martin Bureau – AFP

Why is this cyanide dangerous? Because it blocks cellular respiration explains the toxicochemist, the process which makes it possible to supply energy to our organism. In doing so, it suffocates the cells essential to our survival:

There are three organs that are very sensitive to cellular respiration and these are the ones that work the most. There is the brain and therefore cerebral asphyxia begins first with headaches, fatigue, depression, etc. You have the heart because it is an engine and it needs fuel. So you are going to have cardiovascular problems, palpitations, you may be passing out, etc. And then there is another one which is also sensitive, it is the eye, the retina. The retina works a lot and it seems that in the case of cyanide it is the lens which takes a hit. We do not know exactly why, since it is not oxygenated.

The formation of cyanide after exposure to CS gas is not surprising. It has already been demonstrated and studied in animals, says André Picot:

In rodents, it is very well demonstrated that a molecule of CS gas, during its degradation, releases a molecule of cyanide. Critics of this release of cyanide from CS gas, say that in animal experiments there is only a small amount of cyanide, and that, moreover, nothing is proven in humans . They are a bit of bad faith because there have been some studies before. There aren’t many of course, compared to the experimental studies, that’s obvious. But the armies, the police, have precise data to which we do not have access. We would love to have access to this kind of data, that’s the challenge.

Once in the blood, however, cyanide can be metabolized by the body. And that’s for a good reason, it also exists in its natural state: we find it for example in cassava or oleander, and the body therefore knows how to protect itself from it. Smokers also absorb it regularly without it directly killing them. Our body is thus able to detoxify cyanide by adding a sulfur atom to it thanks to rhodanese, an enzyme present in saliva and in the liver. This creates thiocyanate, which is then eliminated by renal filtration in the urine. It is with this biomarker that we can determine the increase or not in cyanide levels … Without knowing its precise origin: consuming cassava the day before can for example distort the results.

It was first of all based on measurements of thiocyanate levels that Alexander Samuel and his team sought to determine if there is a risk for humans. The first results, taken from yellow vests demonstrators on the sidelines of the demonstrations, made it possible to discover levels of thiocyanates which, if they were not dangerous, remained abnormally high. A finding that led them to measure, with cyanokits, the level of cyanide directly in blood before exposure to CS gas, between five and fifteen minutes after exposure, then twenty minutes after exposure (which also triggered the opening of a preliminary investigation by the Paris public prosecutor’s office, despite the consent authorizations signed by demonstrators). These tests, carried out on nine individuals, made it possible to realize that the level of cyanide, after exposure to tear gas, reached levels above the danger threshold of 0.5 mg / L of blood (it is considered as lethal at 1 mg / L).

Sampling may seem small, but for Alexander Samuel it is not a problem in this case:

Statistical strength is necessary when doing epidemiology, for example if you want to link a symptom (cancer) with behavior (smoking). In the specific case of cyanide metabolism, it is not necessary to have such a statistical force since we study a mechanism and not a correlation. Medical « case reports » are only made on single cases, the study of the decontaminant used massively by the police, for example, is based on a study carried out on five gendarmes.

However, I have nothing against more results and verifications, if Paris Prosecutor’s Office tells us that it is closing the case concerning blood tests without consequences and that we have the right to do so without them considering such a blood uptake as « aggravated violence » and « endangering the life of others », or if a competent authority decides to finally make a mass spectrometer available, for example. At the moment, we are completely blocked for field analyzes.

Faced with what he considers to be a public health issue, Alexander Samuel hopes that the work carried out, which will be published in a few weeks, will make it possible to apply “a precautionary principle” or, at least, “the training of security forces so that they can better understand the potential risks (not only that of cyanide) when they use these tear gas canisters.” Especially since the police are often the collateral victims of the effects of tear gas:

https://twitter.com/Nws_MENA/status/1206968571064131585

Chlorobenzylidene malonitrile and TNT? Little-known compositions

But besides CS gas, what exactly does tear gas canisters contain, and in what proportions? Their « recipe » remains a mystery: in France, we don’t know their exact composition. Two French companies supply the police, Nobelsport and Alsetex. When contacted, the first informed that « management does not wish to answer on this subject » and the second did not respond any more. You have to turn to the militant collective « Disarm them » to find a fairly precise portrait of the composition of a tear gas canister:

O-Chlorobenzalmalononitrile (CS): tear gas and irritant, it causes tearing and irritates the mucous membranes of the nose, throat and skin in general.
Coal: upon combustion, it turns into pure carbon.
Potassium nitrate (saltpetre): upon ignition, it releases large quantities of pure oxygen which fuel the combustion of coal.
Silicone: during the combustion of carbon and potassium nitrate, silicone forms drops of silicone dioxide which will be used to ignite the other components.
Sugar: fuel, it melts at 186 ° C, heats and vaporizes the chemical without destroying it. It also maintains combustion by oxidizing.
Potassium chlorate: oxidant. When heated, it releases a large amount of pure oxygen and turns into potassium chloride, which produces smoke.
Magnesium carbonate: potassium chlorate does not get along with acid (the mixture is explosive), magnesium chlorate maintains slightly basic pH levels, neutralizing any acid content caused by chemical impurities or moisture . When heated, it releases CO2, further dispersing tear gas.
Nitrocellulose : explosive fulminant. During combustion, it releases large amounts of gas and heat. Low in nitrogen, it also serves as a sticky binder to keep all the other ingredients homogeneously mixed.

In reality, talking about « CS gas » is a language gap: 2-chlorobenzylidene malonitrile is not so much a gas as a white powder which volatilizes in the air when the tear gas canister is triggered. Most of the components of a tear gas canister therefore aim to ensure the diffusion of CS gas, responsible for irritant and tear effects. « These are not toxic products at all in general« , specifies on this subject the chemist specialized in toxicology André Picot, president of the « Association Toxicologie-Chimie ». « Grenades are based on CS gas and the rest, afterwards, it’s for propulsion and stabilization, because it’s an unstable molecule « .

Alongside the « classic » tear gas canisters, whether hand-held or not, there is also a very special model of grenade, the GLI-F4, a deafening tear gas grenade with blast effect created by the company Alsetex. It uses 26 grams of TNT to produce an explosion while diffusing CS gas. It is notoriously known to be at the origin of several cases of mutilation and groups of lawyers have asked, so far without success, for its outright ban. The grenade has not been banned, but the government has said it will no longer be produced. PHD in biology Alexander Samuel, in the absence of data provided by Alsetex and Nobelsport, relies on the work « The Preparatory Manual of Black Powder and Pyrotechnics » by J. Ledgard to know the components of tear gas grenades in their American version:

The main known recipe involves the use of 45% ortho-chlorobenzylidene malononitrile [or CS, ndr], 30% potassium chloride, 14% epoxy resin, 7% anhydrous maleic acid and 3% 4, 7-methanoisobenzofuran-1,3-dione.

The researcher specifies that, overall, these products are not dangerous or have, a priori, similar and / or lesser effects than those already caused by CS gas under « normal » conditions of use. It is therefore indeed 2-chlorobenzylidene malonitrile which is the main chemical agent responsible for the reactions of the organism.

Finally, handsprays used by the police, make it possible to spray directly at demonstrators. Some models use a gas created from capsaicin, an active ingredient in hot peppers: where, on the Scoville scale, which measures the strength of hot peppers, the red Tabasco sauce is between 1,500 and 2,500 units, law enforcement aerosol cans amount to more than 5 million units …

In France, however, CS gas is favored over capsaicin. In 1998, the aerosols used by the police thus contained 5% of CS gas, when in the United States the dose is around 1%. In the absence of information, it is difficult to know today’s exact content of 2-chlorobenzylidene malonitrile in aerosols but in 1996, the British police, who had obtained aerosols supplied by the company Alsetex, conducted tests to ensure that the sprays acquired did not exceed 5% … before realizing that their concentration in CS was between 5.4% and 6.8%. Faced with complaints, Alsetex acknowledged, in a note in February 1997, that the company did not measure concentrations of CS gas, before committing to tightening controls, without it being possible to check whether protocols have been put in place since, for lack of answers.

In an article in Liberation, an executive from the company Alsetex nevertheless specified that the dosage of tear gas canisters obeys to official regulations which require that there be no more than 20% of CS in grenades. A concentration « 2,600 times lower than the lethal dose », according to the toxicological guide of the National Institute of Public Health of Quebec. In France, however, it is unclear whether the authorities verify the concentrations of CS gas emitted by tear gas canisters or aerosols. Our attempts to contact the gendarmerie to be put in touch with specialists in the subject remained unanswered.

In a report submitted to the European Parliament in 1999 entitled « An Appraisal of the technology of political control », Dr Steve Wright, professor at The School of Applied Global Ethics at the University of Leeds in the United Kingdom and former director of the Omega Foundation, which worked with the European Commission to track the sales of technological weapons to authoritarian regimes, nevertheless noted that « the French gendarmerie did not keep statistics or records about CS in order to suggest that it is safe. « 

Pierre Ropert

Les thiocyanates

Comme nous l’avons vu dans la partie métabolisme, le gaz lacrymogène est métabolisé en cyanure, lui-même transformé en thiocyanate par la rhodanèse.

Le thiocyanate est largement distribué dans les liquides du corps, y compris la salive, dans laquelle il peut facilement être détecté.

Chez l’homme en bonne santé un équilibre dynamique entre le cyanure et le thiocyanate est maintenu. Un régime pauvre en protéines, particulièrement un régime dans lequel les acides aminés soufrés font défaut peut réduire la capacité de détoxication et rendre ainsi une personne plus vulnérable à l’effet toxique du cyanure (15).

La consommation excessive de manioc comme source unique d’énergie alimentaire et source principale de protéines, pourrait donc accentuer la sensibilité à la toxicité du cyanure.

Maladies liées à la toxicité du manioc (3).

Plusieurs maladies ont été associées aux effets toxiques du manioc. Ceci a été confirmé dans l’état pathologique de l’intoxication aiguë par le cyanure et dans le goitre.

L’organisme peut sans danger détoxiquer à peu près 20 mg de cyanure par jour, mais si ce niveau augmente pour atteindre 30 mg, des symptômes d’intoxication aiguë apparaissent chez la plupart des consommateurs, et commence alors l’épidémie.

L’augmentation du thiocyanate, thiosulfate dans le sang bloque l’iode et l’empêche d’entrer dans la thyroïde pour former les hormones thyroïdiennes (T3 et T4). Ceci entraîne donc le goitre dû à l’hypothyroïdie.

L’hypothyroïdie est une affection qui a des répercussions directes sur la santé, l’intelligence et le développement harmonieux de l’organisme humain.

Cette carence en iode empêche donc la production des hormones thyroïdiennes notamment T3 et T4 dont les actions multiples peuvent être classés en 2 groupes:

1. Action sur le développement de l’organisme (croissance et différenciation).

– In utero, les hormones thyroïdiennes sont essentielles pour la différenciation et la maturation des tissus foetaux.

– Après la naissance, ces hormones sont indispensables à la croissance du squelette et d’à peu près tous les organes, ainsi qu’au développement du système nerveux central.

Une insuffisance thyroïdienne commencée pendant la vie foetale ou à la naissance (hypothyroïdie congénitale ou hypothyroïdie néonatale) entraîne une hypotrophie des neurones corticaux. Cela aboutit à l’insuffisance du développement du cerveau et conduit aux lésions définitives de celui-ci (crétinisme mental).

2. Régulation de l’activité métabolique et action viscérale:

– Les hormones thyroïdiennes contrôlent le métabolisme des glucides, des lipides, de l’azote et surtout, la calorigènèse. Elles constituent un fantastique accélérateur du métabolisme de l’organisme.

– Les hormones thyroïdiennes règlent la vitesse des réactions enzymatiques par agénésie de la glande thyroïde aboutit au nanisme et au crétinisme.

Le crétinisme est toujours présent dans les régions où le goitre est endémique.

L’ingestion du cyanure présent dans les aliments conduit à sa détoxication dans l’organisme grâce à la production de thiocyanate. Le thiocyanate a la même taille moléculaire que l’iode et intervient sur la dose d’iode par la glande thyroïde (Bourdoux et al., 1978).

En cas d’ingestion de quantités importantes de manioc insuffisamment traité, il peut y avoir une surcharge chronique de cyanure conduisant à une élévation du niveau de thiocyanate dans le sérum qui passe à 1-3 mg/100ml le niveau normal étant d’environ 0,2 mg/100 ml. Dans de telles conditions, la présence d’une excrétion accrue d’iode et d’une absorption réduite d’iode par la glande thyroïde aboutit à un rapport d’excrétion thiocyanate/iode (SCN/I) faible. Il semble que si ce rapport dépasse trois, le goitre endémique apparaît (7). Ce phénomène ne peut se produire que si la dose d’iode est inférieure à 100 mg/jour.

Quand le rapport SCN/I est inférieur à deux, il existe un risque de crétinisme endémique, état caractérisé par une grave arriération mentale et des anomalies neurologiques (Erman et al., 1983).

Des études réalisées en R.D.C. (ex. Zaïre) ont montré que les habitants d’Ubangi, qui consomment de grandes quantités de manioc séché au soleil mais non fermenté, présentent un rapport SCN/I faible allant de deux à quatre et sont atteints de goitre endémique et de crétinisme.

Mais à Kinshasa la capitale, où les habitants mangent de la pâte de manioc fermentée et séchée, le rapport SCN/I passe de trois à cinq et les cas de goitre sont peu fréquents.

Un faible rapport conduit à des quantités anormales de l’hormone stimulant la thyroïde et à de petites quantités de thyroxine (T4).

Ayangade et al. (1982) ont constaté que chez les femmes enceintes, le niveau de thiocyanate dans le sang du cordon était proportionnel à celui du thiocyanate dans le sérum maternel, indiquant que le thiocyanate dans le lait maternel, ce qui indique que les glandes mammaires ne concentrent pas le thiocyanate et les enfants nourris au sein ne sont pas affectés.

Quand des suppléments d’iode sont donnés par exemple, par l’adjonction d’iodure de potassium aux réserves locales de sel, le goitre est réduit malgré une injection élevée et continue de produits dérivés du manioc.

Là où la ration de sel est modérée ou variable, l’huile iodée, absorbée par voie orale, fournit une protection pour un ou deux ans.

Dans la jungle amazonienne, certains indigènes consomment jusqu’à 1 kg de manioc frais cuit par jour et jusqu’à trois litres de bière de manioc fermenté, mais on n’a pas signalé de cas de goitre ou de neuropathie ataxique. Ces tribus consomment aussi d’énormes quantités de protéines animales et de protéines de poisson et trouvent ainsi dans leur alimentation un rapport important d’acides aminés soufrés et d’iode.

www.memoireonline.com/02/07/341/m_cinetique-elimination-cyanure-manioc.html

Qu’est-ce que l’on inhale quand on respire du gaz lacrymogène ?

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23/12/2019 (MIS A JOUR 18:16)
Par Pierre Ropert

Depuis des mois, les manifestants inhalent à plein poumons du gaz CS, qu’on retrouve dans les grenades lacrymogènes. Mais quelles en sont les conséquences et les dangers pour l’organisme, alors qu’un chercheur alerte sur la possible création de molécules de cyanure après avoir respiré ces gaz ?

Un manifestant tente d'échapper aux gaz lacrymogènes en se couvrant les yeux, lors du mouvement social du 5 décembre 2019.
Un manifestant tente d’échapper aux gaz lacrymogènes en se couvrant les yeux, lors du mouvement social du 5 décembre 2019.• Crédits : Bulent Kilic – AFP

Avec cinquante ans d’utilisation derrière lui, on pourrait s’imaginer qu’une documentation scientifique complète consacrée aux effets du gaz lacrymogène est accessible. Pourtant, en France, peu d’études se sont penchées sur le sujet, et il faut se tourner du côté des rapports anglo-saxons pour en apprendre un peu plus sur les conséquences possibles de l’absorption de gaz lacrymogène, ou gaz CS.

Le gaz CS, ou 2-chlorobenzylidène malonitrile, a pourtant près d’un siècle d’existence. Inventé dès 1928 par les chimistes américains Ben Corson et Roger Stoughton, dont il porte les initiales, il est synthétisé dès les années 1950 dans une version proche de celle qu’on utilise encore aujourd’hui. Il succède alors à un autre gaz, la chloroacétophénone, pour ses « vertus » : il est à la fois moins toxique et « ses effets irritants sont plus prononcés et plus variés« .

Son but ? Des effets incapacitants immédiats 

En manifestation, l’utilisation du gaz lacrymogène par les forces de l’ordre se traduit la plupart du temps par des scènes où les manifestants reculent pour échapper aux fumées blanches, toussant, pleurant et tentant de se protéger le visage. Et pour cause, l’effet du gaz CS est quasiment instantané : il touche avant tout les yeux et provoque, en quelques dizaines de secondes à peine, une activation des voies lacrymales. Une fois inhalé, il irrite les voies respiratoires, déclenchant de violentes quintes de toux pouvant aller, selon les doses, jusqu’à des vomissements. Il peut également provoquer de fortes démangeaisons ou sensations de brûlures quand il entre en contact avec la peau. Autant d’effets qui viennent neutraliser les personnes exposées en les contraignant à se déplacer, ou en les empêchant de résister à une attaque.

Chimiquement, l’effet du gaz CS est simple à comprendre : ses molécules viennent se lier aux récepteurs de notre corps impliqués dans la perception de la douleur et chargés de détecter les produits toxiques, les TRPA1 et TRPV1. L’organisme se met alors à produire du mucus, des larmoiements ou encore à déclencher des toux, dans un violent réflexe de rejet de ce qu’il considère comme toxique.

« L’action des agents anti-émeute est presque immédiate. Les symptômes apparaissent quelques secondes après la dispersion du toxique et ne persistent que quelques minutes après la fin de l’exposition« , détaillent les chercheurs A. Gollion, F. Ceppa et F. May dans un rapport intitulé Toxicité oculaire des agressifs chimiques publié par la revue Médecine et armées

De potentiels effets à long terme

Nausées, sensations de brûlures, conjonctivites, difficultés respiratoires, voire même évanouissements (y compris chez les forces de l’ordre)… Les effets principaux des gaz lacrymogènes sont bien connus et sont réputés pour se dissiper rapidement, une fois les victimes sorties du nuage de gaz lacrymogène. Cependant, les conséquences sur le long terme du gaz CS sont très peu étudiées en France, alors même qu’il existe une bibliographie conséquente sur le sujet à l’étranger. En 2017, une revue de 31 études dans 11 pays, intitulée L’Impact sur la santé des irritants chimique utilisés pour le contrôle des foules : une revue systématique des blessures et morts causées par les gaz lacrymogènes et les sprays au poivre recensait ainsi 5 131 personnes blessées sur les 5 910 personnes exposées aux gaz irritants ayant sollicité des soins médicaux, soit 87 % des personnes concernées. En tout, 9 261 blessures avaient ainsi été recensées, l’essentiel d’entre elles étant localisées sur les yeux, la peau, et le système cardio-pulmonaire. Si l’étude rappelait que dans l’immense majorité des cas (98,7 %) les victimes avaient rapidement récupéré de leurs blessures, 67 personnes (1,3 %) souffraient de dommages permanents. 

  • Les yeux : conjonctivite, kératite et cataracte

Les yeux sont, de fait, la cible principale des gaz lacrymogènes. Ils sont les plus rapidement et directement touchés par les émanations, qu’elles proviennent des grenades ou des sprays. A priori, l’impact du gaz CS est assez faible et les séquelles disparaissent vite dans le temps. Mais une documentation anglophone complète montre que, lorsque la source du gaz est très proche des yeux, il peut exister des complications, les plus fréquentes d’entre elles étant des cas de conjonctivites ou encore de blépharospasme (des clignements répétés des paupières). Dans de rares cas, des effets à long terme peuvent être autrement plus handicapants : le docteur en ophtalmologie de l’hôpital Saint Thomas de Londres notait ainsi dès 1995 de possibles complications avec entre autres des kératites infectieuses (des lésions de la cornée), des glaucomes secondaires ou encore de la cataracte. 

« À des concentrations plus élevées, des brûlures chimiques accompagnées d’une kératite, d’une perte de l’épithélium cornéen et d’une diminution permanente de la sensation cornéenne peuvent être observées, précise le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du QuébecLe CS étant un composé solide, il se peut que des particules s’enfoncent dans la cornée ou la conjonctive, causant des dommages tissulaires. L’œil humain est plus sensible au CS en aérosol par rapport au CS en solution. L’ensemble des effets oculaires est plus sévère chez les individus portant des lentilles cornéennes ».

  • La peau : démangeaisons, érythème et brûlures

Les démangeaisons et rougeurs provoquées par le gaz CS sur la peau, si elles sont la plupart du temps bénignes, peuvent également avoir de sérieuses conséquences. Une étude de la faculté de médecine de Thessalie, en Grèce, publiée en 2015 et intitulée Exposition à l’agent anti-émeute CS et effets potentiels sur la santé : examen systématique des données probantes liste ainsi les effets les plus communs, pouvant durer de quelques heures à deux semaines, en citant de nombreuses autres études : 

Les signes cutanés courants sont de l’érythème, des éruptions cutanée ou des ampoules, des sensations de brûlure cutanée, des irritations cutanées avec ou sans douleur et des brûlures.

De nombreux cas de dermatites ou d’eczéma, particulièrement dans le cas de réactions allergiques, sont également signalés. 

  • Le système respiratoire : une fragilisation globale ?

A en croire les études, le système respiratoire est certainement le plus touché, sur le long terme, par les effets du gaz CS. Selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec, après une exposition au gaz CS, les premiers symptômes (irritation de la gorge, des poumons, éternuements, toux, etc.) “peuvent être suivis de maux de tête, de brûlures de la langue et de la bouche, d’une salivation et de difficultés respiratoires (après délai) et d’une sensation d’oppression (à de fortes concentrations)”.

Une étude de l’université et faculté de médecine d’Istanbul, en Turquie, s’est d’ailleurs penchée sur les effets à long terme des gaz lacrymogènes sur le système respiratoire : elle concluait que, chez les sujets exposés, certains troubles étaient 2 à 2,5 fois plus élevés que la moyenne, comme l’oppression thoracique, les difficultés de respiration ou la toux hivernale. Les sujets étaient également plus sensibles à un risque de bronchite chronique plus élevé. Une exposition prolongée ou excessive au gaz peut également être à l’origine d’un œdème pulmonaire.

Si on a fait de gros dégâts sur les voies respiratoires, ça va rester. La muqueuse est plus sensible à toutes les infections, et les virus et bactéries vont avoir un terrain beaucoup plus propice pour se développer. Le chercheur Alexander Samuel

Des "street medics" accompagnent une manifestante touchée par des gaz lacrymogènes, lors de manifestations à Toulouse.
Des « street medics » accompagnent une manifestante touchée par des gaz lacrymogènes, lors de manifestations à Toulouse.• Crédits : Getty

Une arme létale en intérieur 

En 2012, au Bahreïn, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour réprimer des manifestations politiques. L’ONG Physicians for human rights relate dans un rapport que plusieurs femmes ont subi une fausse couche après avoir été exposées au gaz lacrymogène et  qu’un homme asthmatique a trouvé la mort. Certaines personnes sont en effet plus vulnérables aux effets de ces gaz, comme les enfants, les personnes âgées, les personnes asthmatiques ainsi que les femmes enceintes. 

Sous certaines conditions, le gaz CS peut même s’avérer mortel. Les grenades lacrymogènes sont en effet prévues pour être diffusées dans des endroits aérés, permettant d’éviter une saturation de l’air en 2-chlorobenzylidène malonitrile. Mais dans un lieu clos, il serait possible d’atteindre “la concentration de CS qui serait létale pour 50 % des adultes en bonne santé, estimée entre 25 000 et 150 000 mg/m³ par minute” selon une estimation du rapport publié en 1989 dans The Journal of the American Medical Association : Gaz lacrymogènes : un agent de contrôle ou une arme chimique toxique ?

Lorsqu’une grenade lacrymogène explose en extérieur, le centre du nuage de gaz peut atteindre une concentration en 2-chlorobenzylidène malonitrile oscillant entre 2 000 à 5 000 mg/m³. En intérieur, la concentration augmente donc rapidement. Ainsi en 2014, en Egypte, des grenades lacrymogènes tirées à l’intérieur d’un camion transportant des prisonniers ont provoqué la mort de 37 détenus

A Notre-Dame-des-Landes, en 2018, une zadiste marche au milieu des gaz lacrymogènes.
A Notre-Dame-des-Landes, en 2018, une zadiste marche au milieu des gaz lacrymogènes.• Crédits : LOIC VENANCE – AFP

Des intoxications au cyanure ?

Depuis plusieurs mois, une autre inquiétude agite cependant les manifestants, gilets jaunes en tête, qui dénoncent de possibles intoxications au cyanure suite à des inhalations de gaz lacrymogènes. Cette théorie est avancée par le docteur Alexander Samuel : selon lui, la métabolisation du CS après son absorption entraînerait la formation de ce poison dans notre organisme.

Cette hypothèse divise les chercheurs qui estiment ou bien qu’il n’est pas possible de métaboliser suffisamment de cyanure pour que les quantités deviennent dangereuses, ou bien que les méthodes de prélèvement en manifestation ne sont pas fiables. 

Pour Alexander Samuel, le premier argument n’a plus lieu d’être étant donné le changement de paradigme : 

Le problème aujourd’hui c’est qu’on n’est plus à lancer une grenade avec un seul palet, avec des manifestants à 20 mètres du palet. On en est à une fête de la musique avec Steve Maia Caniço par exemple, où il y a 33 grenades jetées en 20 minutes… Ça change les doses, ça change les expositions. Ce sont des expositions beaucoup plus fortes, avec des effets beaucoup plus lourds sur la santé et, sur le long terme, ce qui m’inquiète ce sont les taux de cyanure totalement passés à la trappe, qui peuvent provoquer des cirrhoses du foie, des calculs rénaux, des problèmes au niveau des reins et des problèmes neurologiques, comme Parkinson par exemple.

Pour pallier le scepticisme de certains spécialistes, Samuel Alexander, diplômé d’un doctorat en biologie, lui-même ayant cru ayant d’abord cru à une « fake news », est en train de préparer un rapport complet, doté d’une large bibliographie, que nous avons pu consulter. Il s’est entouré d’autres chercheurs sous la tutelle du chimiste spécialisé en toxicologie André Picot. Directeur honoraire au CNRS et président de l’Association Toxicologie-Chimie, c’est un soutien de poids :

Le CS est une molécule organique : ça signifie qu’elle contient du carbone et de l’hydrogène. Ces hydrocarbures composent le corps de base. C’est un peu difficile pour les non-chimistes à comprendre, mais […] concernant l’effet lacrymogène, tout se joue sur la libération d’une molécule, le malonitrile. Elle contient trois atomes de carbone et deux atomes de cyanure reliés à un atome de carbone. Cette molécule intermédiaire est utilisée pour faire des synthèses en chimie organique, elle est lacrymogène et peut être très toxique. Quand le gaz CS arrive en milieu aqueux, par exemple dans le sang, l’eau va se fixer dessus. Cette hydratation va rendre cette molécule CS, elle-même déjà instable, encore plus instable. Elle va ainsi  être attaquée par des systèmes d’enzymes qu’on a dans le sang, qui vont l’oxyder. Cela va libérer le malonitrile [de la molécule CS, soit 2-chlorobenzylidène malonitrile, ndlr] qui à son tour, toujours par oxydation, va libérer du cyanure. Au final, pour une molécule de gaz CS vous libérez dans le sang une molécule de cyanure.

Une fois la molécule libérée dans le sang, elle va être assimilée par l’organisme, détaille André Picot : “C’est ce qu’on appelle la métabolisation. C’est soumis, bien entendu, à des contrôles génétiques. Et les individus sont inégaux, en général, devant cette métabolisation. Il peut y avoir des personnes qui vont réagir très vite à ce produit et avoir des effets toxiques du cyanure, alors que d’autres vont résister. Cette susceptibilité individuelle est très importante, parce qu’elle explique pourquoi vous en avez qui peuvent être très malades et d’autres qui tous les samedis montent sur les barricades et n’ont pas vraiment de symptômes. »

Un manifestant au milieu d'un nuage de gaz lacrymogène, lors des manifestations du 1er mai 2019.
Un manifestant au milieu d’un nuage de gaz lacrymogène, lors des manifestations du 1er mai 2019.• Crédits : Martin Bureau – AFP

Pourquoi ce cyanure est-il dangereux ? Parce qu’il bloque la respiration cellulaire explique le toxicochimiste, le processus qui permet de fournir de l’énergie à notre organisme. Ce faisant, il asphyxie les cellules indispensables à notre survie : 

Il y a trois organes qui sont très sensibles à la respiration cellulaire et ce sont ceux qui bossent le plus. Il y a le cerveau et donc l’asphyxie cérébrale commence d’abord par des maux de tête, de la fatigue, des dépressions, etc. Vous avez le cœur parce que c’est un moteur et il a besoin de carburant. Donc, vous allez avoir des troubles cardiovasculaires, des palpitations, vous allez peut-être vous évanouir, etc. Et puis, il y en a un autre qui est sensible aussi, c’est l’œil, la rétine. La rétine travaille beaucoup et il semblerait que dans le cas du cyanure c’est le cristallin, cette lentille, qui prend un coup. On ne sait d’ailleurs pas exactement pourquoi, étant donné qu’elle n’est pas oxygénée. 

La formation de cyanure après une exposition au gaz CS n’a rien d’une surprise. Elle a d’ores et déjà été démontrée et étudiée chez les animaux, raconte André Picot :

Chez les rongeurs, c’est très bien démontré qu’une molécule de gaz CS, lors de sa dégradation, libère une molécule de cyanure. Les détracteurs de cette libération de cyanure à partir du gaz CS, disent que dans les expériences chez les animaux, il n’y a qu’une petite quantité de cyanure, et que, par ailleurs, rien n’est prouvé chez l’homme. Ils sont un peu de mauvaise foi parce qu’il y a eu quelques études avant. Il n’y en a pas beaucoup bien sûr, par rapport aux études expérimentales, c’est évident. Mais les armées, la police, ont des données précises auxquelles nous n’avons pas accès. On aimerait bien avoir accès à ce genre de données, c’est tout l’enjeu.

Une fois dans le sang, le cyanure peut cependant être métabolisé par l’organisme. Et pour cause, il existe à l’état naturel : on en retrouve par exemple dans le manioc ou le laurier rose, et le corps sait donc s’en prémunir. Les fumeurs en absorbent également de manière régulière sans que cela ne les tue directement. Notre organisme est ainsi capable de détoxifier le cyanure en lui ajoutant un atome de soufre grâce à la rhodanèse, une enzyme présente dans la salive et dans le foie. Cette opération crée le thiocyanate, ensuite éliminé par filtration rénale dans les urines. C’est avec ce biomarqueur qu’on peut déterminer l’augmentation ou non des taux de cyanure… Sans connaître pour autant son origine précise : consommer du manioc la veille peut par exemple fausser les résultats.

C’est tout d’abord en se basant sur des mesures des taux de thiocyanates qu’Alexander Samuel et son équipe ont cherché à déterminer s’il existe un risque pour l’homme. Les premiers résultats, pris sur des manifestants gilets jaunes en marge des manifestations, ont permis de découvrir des taux de thiocyanates qui, s’ils n’étaient pas dangereux, restaient anormalement élevés. Un constat qui les a amené à mesurer, avec des cyanokits, le taux de cyanure directement dans le sang avant exposition au gaz CS, entre cinq et quinze minutes après l’exposition, puis vingt minutes après cette dernière (ce qui a par ailleurs déclenché l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris, malgré les autorisations de consentement signées par les manifestants). Ces tests, réalisés sur neuf individus, ont permis de réaliser que le niveau de cyanure, après exposition au gaz lacrymogène, atteignait des niveaux supérieurs au seuil de dangerosité de 0,5 mg/L de sang (il est considéré comme létal à 1 mg/L).

L’échantillonnage peut paraître faible, mais pour Alexander Samuel il ne s’agit pas d’un problème dans le cas présent :

La force statistique est nécessaire lorsque l’on fait de l’épidémiologie, par exemple si on veut relier un symptôme (cancer) avec un comportement (fumer). Dans le cas précis de la métabolisation en cyanure, il n’est pas nécessaire d’avoir une telle force statistique puisqu’on étudie un mécanisme et non une corrélation. Les “case report” médicaux ne se font que sur des cas uniques, l’étude du décontaminant utilisé massivement par la police, par exemple, se base sur une étude menée sur cinq gendarmes.

Cependant je n’ai rien contre davantage de résultats et de vérifications, si le Parquet de Paris nous indique qu’il classe l’affaire concernant les prises de sang sans suites et qu’on a bien le droit d’en faire sans qu’elles ne soient considérées comme des « violences aggravées » et des « mises en danger de la vie d’autrui », ou si une autorité compétente décide d’enfin mettre à disposition un spectromètre de masse par exemple. A l’heure actuelle, nous sommes totalement bloqués pour les analyses terrain.

Face à ce qu’il juge être un enjeu de santé public, Alexander Samuel espère que le travail mené, qui sera publié d’ici quelques semaines, permettra d’appliquer “un principe de précaution” ou, a minima, “la formation des forces de l’ordre pour que leur discernement soit meilleur sur les risques potentiels (même hors cyanure) lorsqu’ils emploient ces grenades lacrymogènes”. D’autant que les forces de l’ordre sont, souvent, des victimes collatérales des effets des gaz lacrymogènes : 

https://twitter.com/Nws_MENA/status/1206968571064131585

Chlorobenzylidène malonitrile et TNT ? Des compositions méconnues

Mais à l’exception du gaz CS, que contiennent, au juste, et dans quelles proportions, les grenades lacrymogènes ? Leur « recette » reste un mystère : en France, on ignore leur composition exacte. Deux entreprises françaises fournissent les forces de l’ordre, Nobelsport et Alsetex. Contactées, la première fait savoir que « la direction ne souhaite pas répondre sur ce sujet » et la seconde ne répond pas plus. Il faut se tourner du côté du collectif militant « Désarmons-les » pour trouver un portait assez précis de la composition d’une grenade lacrymogène : 

O-Chlorobenzalmalononitrile (CS) : agent lacrymogène et irritant, il provoque le larmoiement et irrite les muqueuses du nez, de la gorge et de la peau en général.
Charbon : lors de la combustion, il se transforme en carbone pur.
Nitrate de potassium (salpètre) : lors de l’allumage, il dégage de grandes quantités d’oxygène pur qui alimentent la combustion du charbon.
Silicone : lors de la combustion du charbon et du nitrate de potassium, le silicone forme des gouttes de dioxyde de silicone qui vont servir à allumer les autres composants.
Sucre : carburant, il fond à 186°C, chauffe et vaporise le produit chimique sans le détruire. Il entretient également la combustion en s’oxydant.
Chlorate de potassium : oxydant. En chauffant, il libère une forte quantité d’oxygène pur et se transforme en chloride de potassium, qui produit la fumée de la grenade.
Carbonate de magnésium : le chlorate de potassium ne s’entendant pas avec l’acide (le mélange est explosif), le chlorate de magnésium maintient les niveaux de pH légèrement basiques, neutralisant tout contenu acide causé par des impuretés chimiques ou de l’humidité. Lorsqu’il est chauffé, il dégage du CO2, dispersant davantage les gaz lacrymogènes.
Nitrocellulose : explosif fulminant. Lors de la combustion, elle dégage de grandes quantités de gaz et de chaleur. Faible en azote, elle sert aussi de liant collant pour garder tous les autres ingrédients mélangés de manière homogène.

En réalité, parler de « gaz CS » est un écart de langage : le 2-chlorobenzylidène malonitrile n’est pas tant un gaz qu’une poudre blanche qui se volatilise dans l’air lorsque la grenade lacrymogène se déclenche. La plupart des composants d’une grenade lacrymogène ont donc pour but d’assurer la diffusion du gaz CS, responsable des effets irritants et lacrymaux. « Ce ne sont, en général, pas du tout du tout des produits toxiques, précise à ce sujet le chimiste spécialisé en toxicologie André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie. Les grenades sont à base de gaz CS et le reste, après, c’est pour la propulsion et la stabilisation, car c’est une molécule instable« .

Aux côtés des grenades lacrymogènes « classiques » qu’elles soient à main ou non, on trouve également un modèle de grenade bien particulier, la GLI-F4, une grenade lacrymogène assourdissante à effet de souffle créée par la société Alsetex. Elle utilise quant à elle 26 grammes de TNT pour produire une explosion tout en diffusant le gaz CS. Elle est notoirement connue pour être à l’origine de plusieurs cas de mutilations et des collectifs d’avocats ont demandé, jusqu’ici sans succès, son interdiction pure et simple. Si la grenade n’a pas été interdite, le gouvernement a en revanche fait savoir qu’elle ne serait plus fabriquée. De son côté, le docteur en biologie Alexander Samuel, en l’absence de données fournies par Alsetex et Nobelsport, s’appuie sur l’ouvrage « The Preparatory Manual of Black Powder and Pyrotechnics » de J. Ledgard pour connaître les composants des grenades lacrymogènes dans leur version américaine :

La principale recette connue implique l’utilisation de 45% d’ ortho-chlorobenzylidène malononitrile [ou CS, ndr], 30% de chlorure de potassium, 14% de résine époxy, 7% d’acide maléique anhydre et 3% de 4,7-méthanoisobenzofuran-1,3-dione.

Le chercheur précise que, globalement, ces produits ne sont pas dangereux ou bien ont, a priori, des effets similaires et/ou moindres que ceux déjà provoqués par le gaz CS dans des conditions d’utilisation « normales ». C’est donc bel et bien le 2-chlorobenzylidène malonitrile qui est le principal agent chimique à l’origine des réactions de l’organisme. 

Enfin, les gazeuses à main, utilisées par les forces de l’ordre, permettent d’asperger des manifestants directement au contact. Certains modèles utilisent un gaz créé à partir de la  capsaïcine, un principe actif du piment : là où, sur l’échelle de Scoville, qui mesure la force des piments, la sauce Tabasco rouge se situe entre 1 500 et 2 500 unités, les bombes aérosols des forces de l’ordre montent à plus de 5 millions d’unités… 

En France, on privilégie cependant le gaz CS à la capsaïcine. En 1998, les aérosols utilisés par les forces de l’ordre contenaient ainsi 5 % de gaz CS, quand aux Etats-Unis la dose se situe autour de 1 %. Faute d’informations, il est difficile de connaître aujourd’hui la contenance exacte de 2-chlorobenzylidène malonitrile dans les aérosols mais en 1996, la police britannique, qui s’était munie d’aérosols fournis par l’entreprise Alsetex, a conduit des tests afin de s’assurer que les sprays acquis ne dépassaient pas les 5 %… avant de réaliser que leur concentration en CS se situait entre 5,4 % et 6,8 %. Face aux récriminations, Alsetex a reconnu, dans une note de février 1997, que l’entreprise ne mesurait pas les concentrations de gaz CS, avant de s’engager à durcir les contrôles. Sans qu’il soit possible de vérifier si des protocoles ont été mis en place depuis, faute de réponses. 

Dans un article de Libération, un cadre de la société Alsetex précisait néanmoins que le dosage des grenades lacrymogènes obéit à une réglementation officielle qui veut qu’il n’y ait pas plus de 20 % de CS dans les grenades. Une concentration « 2 600 fois plus faible que la dose létale« , selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. En France, on ignore néanmoins si les autorités vérifient les concentrations de gaz CS émises par les grenades lacrymogènes ou les aérosols. Nos tentatives de contacter la gendarmerie pour être mis en relation avec des spécialistes du sujet sont restées sans réponses. 

Dans un rapport remis en 1999 au Parlement européen intitulé Une évaluation de la technologie de contrôle politique _(« _An Appraisal of the technology of political control »), le Dr Steve Wright, professeur à The School of Applied Global Ethics de l’université de Leeds au Royaume-Uni et ancien directeur de l’Omega Fondation, qui travaillait avec la Commission européenne pour traquer les ventes d’armes technologiques à des régimes autoritaires, retenait toutefois que « la gendarmerie française ne conservait pas de statistiques ou d’enregistrements à propos du CS afin de suggérer que ce dernier est sûr« .

Pierre Ropert

Pourquoi Alexander Samuel, docteur en biologie qui enquête sur le gaz lacrymo, a-t-il été placé en garde à vue ?

Par Robin Andraca 31 octobre 2019 à 18:08

Capture d'écran de la vidéo prise par Alexander Samuel dans la voiture de police lors de son arrestation et postée sur Facebook.
Capture d’écran de la vidéo prise par Alexander Samuel dans la voiture de police lors de son arrestation et postée sur Facebook. CheckNews

Alexander Samuel, qui enquête depuis plusieurs mois sur l’effet du gaz lacrymogène sur les manifestants, a été placé en garde à vue à Nice le week-end dernier. Sans que cela ne semble avoir un lien avec ses études sur la présence de cyanure dans le sang des manifestants exposés au lacrymo.

Question posée par Agnès le 31/10/2019

Bonjour,

Vous faites référence à l’interpellation d’Alexander Samuel, docteur en biologie, placé en garde à vue à Nice le 26 octobre. Cet été, l’Obs avait consacré un portrait à l’homme, aujourd’hui professeur de mathématiques dans un lycée professionnel de Grasse (Côte d’Azur), intitulé : «L’homme qui enquête sur le gaz lacrymogène utilisé contre les gilets jaunes».

Pendant les manifestations de ces derniers mois, Alexander Samuel s’était fait remarquer en faisant des analyses sanguines – contestées – sur les manifestants, pendant les manifestations. Son objectif ? Caractériser la présence de cyanure dans le sang des manifestants exposés au gaz lacrymogène. CheckNews avait d’ailleurs répondu à la question sur la fiabilité du protocole utilisé, et sa valeur scientifique.

C’est Juan Branco, écrivain et avocat, qui a le premier annoncé la nouvelle de cette interpellation sur son compte Twitter. En suggérant un lien avec l’activité du biologiste en manifestations : «Alexander Samuel, le biologiste qui enquête sur les gaz lacrymogènes depuis des mois, arrêté et mis en garde à vue quarante-huit heures sans raison, alors qu’il allait rejoindre une amie. Il a été perquisitionné, tout son matériel informatique et les données de son enquête ont été saisis». Ajoutant : «La question de l’effet des gazages répétés sur la santé, qui n’avait jamais fait l’objet d’études scientifiques, commence à monter. Qui gêne-t-elle ?»

Que s’est-il vraiment passé, et son interpellation a-t-elle un lien avec ses recherches sur l’effet des gaz lacrymogènes sur les manifestants ?

A Nice, le 26 octobre, une dizaine de personnes (parmi eux des militants d’Extinction Rebellion, des gilets jaunes et des membres d’Attac) s’en sont prises à une agence de la Société générale, en marge d’une manifestation de gilets jaunes. Un mélange de blanc de Meudon et de charbon a été lancé sur les murs de la banque. Dix personnes, dont Alexander Samuel, sont interpellées après cette action, pensée pour dénoncer l’évasion fiscale de la Société générale et des investissements dans les énergies fossiles, selon un communiqué d’Attac publié depuis pour dénoncer une répression «disproportionnée».

Rendez-vous manqué

Alexander Samuel faisait-il partie des activistes ? Non, affirme-t-il à CheckNews«J’avais rendez-vous avec une demoiselle, que j’avais rencontrée sur Internet, on est tous les deux profs, on discutait depuis quelque temps, et c’est la première fois qu’on se rencontrait. On s’était donné rendez-vous près de la place Massena», raconte-t-il à CheckNews. Une version confirmée par la «demoiselle» en question, également contactée par nos soins, et qui affirme qu’elle était en retard au rendez-vous.

C’est donc en l’attendant qu’Alexander Samuel, toujours selon son récit, se rapproche des policiers qui procédaient à l’interpellation des neuf personnes. Pour leur demander ce qu’il se passait, ainsi que leur RIO, leur numéro d’identification que les forces de l’ordre, à de très rares exceptions, doivent porter sur leur uniforme.

«Les policiers m’interpellent alors, et me font monter dans une voiture de police pour un contrôle d’identité au poste», continue Alexander Samuel, qui se met alors à filmer avec son téléphone, qui reste allumé dans la voiture. Il a depuis posté la vidéo sur son compte Facebook.

Dans cette vidéo, visible ci-dessous, on l’entend s’adresser au policier au volant : «J’ai vu qu’il y avait un gros attroupement, j’ai d’abord parlé à un officier de police pour lui demander ce qu’il se passait. Ensuite, j’ai vu qu’il y avait une action d’Extinction Rebellion, qui a balancé des sacs de boue sur la banque. Et j’ai demandé aux officiers de police qui les contrôlaient de s’identifier. Je leur ai demandé leur RIO. Et pour avoir demandé leur RIO, apparemment on m’embarque.» Réponse du policier : «Mais vous les empêchez de travailler là.»

Finalement, Alexander Samuel restera quarante-huit heures en garde à vue, comme les neuf autres personnes interpellées. Comme eux également, son domicile a été perquisitionné pendant sa garde à vue. Sur son compte personnel Facebook, le professeur a listé les éléments qui ont été perquisitionnés à son domicile, ainsi que dans son véhicule. Parmi ceux-là, son ordinateur portable, des clés USB contenant ses cours et ses travaux sur les gaz lacrymogènes, plusieurs livres sur la police ou l’histoire du gaz lacrymogène, plusieurs grenades lacrymogènes vides. Toujours selon lui, plusieurs éléments auraient depuis été «détruits», dont un livre, deux casques de trottinette et un sac à dos.

Au terme de cette garde à vue, neuf personnes ont été déférées lundi, et seront jugées le 10 février. Ils sont poursuivis pour «dégradation en réunion» et «participation à un groupement en vue de commettre une infraction». Les quatre femmes et cinq hommes, âgés de 28 à 66 ans, risquent jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende, détaille France Bleu.

Alexander Samuel est donc le seul à ne pas être poursuivi à la suite de cette garde à vue. Et pour cause : «L’enquête et la garde à vue n’ont pas permis de retenir d’éléments à son encontre», assure à CheckNews le procureur adjoint de Nice, confirmant donc sur ce point la version de l’intéressé. Sur les raisons de son interpellation, le procureur indique que l’homme «semblait être en compagnie des personnes qui ont participé à cette action». C’est donc pour vérifier si c’était bien le cas qu’Alexander Samuel a été arrêté, placé en garde à vue, puis perquisitionné. Sans lien apparent avec ses études sur la présence éventuelle de cyanure dans les gaz lacrymogènes utilisés en France sur les manifestants, affirme le procureur adjoint.

De son côté, Alexander Samuel n’établit aucun lien entre son interpellation et ses activités, assurant qu’il n’a jamais été question de ses travaux sur les gaz lacrymo pendant l’intégralité de sa garde à vue… même s’il a relayé le tweet de Juan Branco faisant le lien, et envisage même de le prendre pour avocat.

Concernant la destruction d’éléments perquisitionnés que dénonce Alexander Samuel, le procureur adjoint a répondu à CheckNews : «S’il s’estime victime de dégradation, il peut écrire une plainte au procureur de la République, et elle sera instruite. Mais ce n’est pas quelque chose qui a été porté à ma connaissance.»

Troisième garde à vue

C’est la troisième fois, en quelques mois, qu’Alexander Samuel est placé en garde à vue. Le 23 mars, à Nice, le jour où Geneviève Legay, manifestante de 73 ans avait été grièvement blessée à la tête à la suite d’une charge policière lors d’une manifestation interdite à Nice, il avait été arrêté et placé en garde à vue pendant vingt-quatre heures. Le motif : non-dispersion suite à sommation. «J’ai reçu à cette occasion un rappel à la loi», assure-t-il.

Le 21 septembre, lors de la manifestation pour le climat à Paris (à laquelle il participait accompagné d’un journaliste médical), il avait également été interpellé, cette fois-ci, pour «jet de trottinette». Il avait là aussi libéré après vingt-quatre heures. Selon Alexander Samuel, qui nie tout jet de trottinette, l’affaire, comme au terme de sa garde à vue à Nice, a été classée sans suite. Contactée par CheckNews, la préfecture de Paris n’a, pour l’heure, pas répondu à nos sollicitations.

CordialementRobin Andraca

Pourquoi « Gaz Buster », biologiste connu pour ses études sur les effets du gaz lacrymogène, a-t-il été arrêté ?

Pourquoi "Gaz Buster", biologiste connu pour ses études sur les effets du gaz lacrymogène, a-t-il été arrêté ?
@Philippe Pougetoux

À LA LOUPE – Le biologiste Alexander Samuel, connu pour ses études sur les effets des gaz lacrymogènes et son surnom associé, ‘Gaz Buster’, a été arrêté samedi dans les rues de Nice et son domicile perquisitionné. Que s’est-il passé ?

31 oct. 2019 19:17 – Cédric Stanghellini

Une interpellation étonnante. Le samedi 26 octobre, le biologiste et enseignant en mathématique niçois Alexander Samuel a été arrêté en pleine rue par la police, placé en garde à vue puis relâché au bout de 48 heures sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. 

Plus surprenant, d’après son récit, son domicile a été perquisitionné et son matériel informatique aurait été saisi par les forces de l’ordre. Des ordinateurs et des clés USB qui contenaient l’avancée de ses travaux relatifs aux effets des gaz lacrymogène sur la santé. 

Une publication largement partagée sur les réseaux sociaux

Tout part d’une publication sur le compte Facebook de l’avocat Juan Branco, partagée plus de 2.000 fois en l’espace de quelques heures. « Alexander Samuel, le biologiste qui enquête sur les gaz lacrymogènes depuis des mois, vient de m’appeler », explique l’avocat, dont le témoignage est ensuite largement relayé sur de nombreux groupes Facebook, notamment en lien avec le mouvement des Gilets Jaunes. D’après ces publications, le biologiste n’a pas seulement été maintenu en garde à vue durant deux jours, il aurait également subi une perquisition à son domicile.

Que s’est-il passé ?

Contacté par LCI, Alexandre Samuel raconte que plusieurs policiers l’ont interpellé, le samedi 28 octobre, sur l’avenue Jean-Médecin à Nice. « J’avais rendez-vous avec une amie à 14 heures sur la place Masséna, située un peu plus bas. Les policiers m’ont arrêté alors que je passais devant l’agence de la Société générale, où des militants avaient recouvert les vitrines de Blanc de Meudon mélangé à du charbon. » D’après le biologiste niçois, cette action était déjà terminée lorsqu’il est arrivé sur les lieux et les policiers procédaient aux arrestations de participants à cet événement organisé à l’initiative d’Attac et du groupe Extinction Rebellion PACA.

Alexander Samuel nous explique qu’après son contrôlé d’identité, les forces de l’ordre lui auraient notifié sa garde à vue pour avoir participé au happening contre la banque Société générale. En tout, 10 personnes ont été placées en garde à vue.  

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Il assure que les policiers n’ont jamais cherché à contacter l’amie avec qui il avait rendez-vous place Masséna. « Normalement, quand on vous présente un alibi, la première chose que vous faites c’est de le vérifier, non ? » s’étonne-t-il. Une procédure pour dégradation de bien public en réseau est alors ouverte et sa garde à vue se poursuit. 

Dans la soirée du samedi 26 octobre, les policiers l’accompagneront pour assister à la perquisition de son domicile et de son véhicule. Le biologiste assure que tout son matériel informatique a été saisi – ordinateurs, clés USB – mais aussi son matériel utilisé pour ses activités de street medic – t-shirt, lunettes de plongée, gants, casques. Plus surprenant, les policiers auraient saisi trois livres, dont ‘Petite histoire du gaz lacrymogène‘ et ‘Instruction sur la protection contre les gaz de combat‘, ainsi que des capsules vides de gaz ramassées lors des manifestations.  

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Une arrestation en lien avec ses études ?

« A aucun moment les policiers n’ont évoqué mes travaux sur les effets des gaz lacrymogènes sur l’organisme », nous assure Alexander Samuel. « Ni au moment de l’arrestation, ni durant la garde à vue, ni pendant la perquisition. » D’autres personnes gardées à vue ont également été perquisitionnées ce jour-là. Mais pour le biologiste, les faits sont là. « Tout mon matériel informatique a été saisi et détenu pendant plusieurs heures. Bien que tout m’a été restitué lundi, je ne sais pas ce qu’ils ont fait avec. » 

Ses ordinateurs et clés USB contenaient toutes les informations relatives à son travail sur l’utilisation des gaz lacrymogènes. Depuis plusieurs mois, ce docteur en biologie moléculaire réalise une enquête sur les effets sur la santé de ces gaz largement utilisés par les forces de l’ordre depuis novembre 2018 pour dissiper les rassemblements de Gilets Jaunes. En collaboration avec Alexander Samuel, trois médecins ont réalisé des prélèvements sanguins sur des manifestants avec leur consentement. Leur objectif : démontrer que les personnes seraient exposées à la présence de cyanure, et mesurer l’effet de ce dernier. 

Si une enquête préliminaire est toujours en cours concernant sa participation à cette campagne de prélèvements sanguins, pour l’heure aucune instruction judiciaire à son encontre n’a été diligentée. 

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Épilogue surprenant

Après le prolongement de sa garde à vue pour une journée supplémentaire, Alexander Samuel a finalement été relâché le lundi  28 octobre après-midi, libre et sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Son nécessaire de street medic aurait été détruit, ainsi que le gilet jaune de son véhicule et l’ouvrage ‘Instruction sur la protection contre les gaz de combat TTA 602‘, un manuel militant datant des années 1950. 

Malgré nos nombreuses sollicitations, ni le parquet, ni la préfecture des Alpes-Maritimes n’ont répondu à nos questions. Le procureur adjoint de Nice a toutefois été contacté par nos confrères de Libération. « L’enquête et la garde à vue n’ont pas permis de retenir d’éléments à son encontre », leur a-t-il déclaré, ajoutant que l’homme « semblait être en compagnie des personnes qui ont participé à cette action ». 

Selon Nice Matin, le parquet a demandé le renvoi devant le tribunal correctionnel des neuf militants gardés à vue en même temps qu’Alexander Samuel. 

Cédric Stanghellini Mis à jour : 01/11/2019 Créé : 31/10/2019

Exposition chronique au gaz lacrymogène lors des manifestations : un réel danger ?

Lien vers l’article

Jacques Cofard AUTEURS ET DÉCLARATIONS

28 novembre 2019

France — Alors que le mouvement des Gilets jaunes en est à sa première année d’existence, un biologiste, accompagné de trois médecins engagés, se sont inquiétés des conséquences sur l’organisme de l’usage massif et chronique de gaz lacrymogène contre les manifestants suite à la découverte de thiocyanate, dérivé du cyanure, dans certaines analyses sanguines. L’hypothèse d’une vraie intoxication au cyanure est cependant jugée improbable par d’autres cliniciens et toxicologues. L’éclairage de Medscape.

Alexander Samuel, docteur en biologie, et par ailleurs professeur de mathématiques dans la région niçoise, devrait faire paraître dans les semaines qui viennent une étude co-signée, entre autres par le toxicologue André Picotprésident de la Société française de toxicologie-chimie (voir encadré), sur ses recherches liant gaz CS et intoxication au cyanure. Cette étude sera publiée par l’association Toxicologie-chimie, créée il y a une trentaine d’années pour « former, informer, expertiser sur les dangers des produits chimiques en milieu de travail, dans l’alimentation et dans l’environnement ».

Ses observations, Alexander Samuel les a faites sur le terrain, depuis un an et demi. Le docteur en biologie était présent, le 23 mars dernier, dans la manifestation des Gilets jaunes (GJ) au cours de laquelle une manifestante de 73 ans, Geneviève Legay, est matraquée par un CRS et perd connaissance. Alexander est au premier rang et filme la scène. Cela lui vaut une courte interpellation mais aussi la confiance des protagonistes du mouvement des GJ. « J’ai alors été repéré par un groupe de Gilets jaunes qui ont contacté toutes les personnes témoins d’événements graves : des personnes qui ont été énucléés, etc. J’ai donc été contacté par la présidente du groupe SOS ONUShirelle David  », se rappelle-t-il, joint par Medscape édition française.

Des analyses positives au thiocyanate

C’est à ce moment-là qu’Alexander Samuel entend parler pour la première fois des effets nocifs du gaz lacrymogène. Un membre de l’association SOS ONU, proche des Gilets jaunes donc, lui confie le résultat d’une analyse sanguine positive au thiocyanate. « Je ne connaissais rien de cela, je me suis renseigné, pour me rendre compte que c’était le test standard d’intoxication au cyanure. La personne qui m’a confié ce test positif me dit que cela provient des gaz lacrymogènes. Je n’y ai pas cru. J’ai été critique », ajoute-il. Alexander décide donc de travailler le sujet. « Ils m’ont mis en contact avec plusieurs personnes qui m’ont raconté qu’elles ont eu de grosses désorientations, des vertiges, d’autres crachaient du sang, des effets secondaires comme des pertes de connaissance, perte de mémoire, etc., après avoir été exposées au lacrymogène. J’ai trouvé cela bizarre. J’ai donc décidé de consulter la littérature pour voir s’il y avait un rapport entre les gaz lacrymogène et le cyanure. « En fait, c’est connu et rien n’est caché : le gaz lacrymogène métabolise du cyanure. »[1,2,3,4]. Le gaz utilisé dans le lacrymogène, le 2-Chlorobenzylidènemalononitrile, aussi appelé gaz CS, une fois dans le corps humain, se métaboliserait en cyanure d’hydrogène, puis en thiocyanate. 

Des analyses sur le terrain des manifestations

C’est une révélation pour Alexander Samuel, qui décide de documenter le sujet. Sur le terrain. Et part d’une hypothèse : les gazages massifs de GJ, via entre autres leur métabolisation en cyanure, sont à l’origine des effets secondaires nocifs constatés chez nombre de manifestants.

Dans un premier temps, avec l’aide du Dr Josiane Clepier de SOS ONU (qui a quitté cette association), Alexander Samuel demande aux GJ gazés lors des manifestations, en avril 2018, de faire des analyses de thiocyanate pour débusquer les quantités atypiques de cyanure dans l’organisme : « Nous avions des retours de toute la France, de gens de Marseille, de Paris, etc. Au bout d’une semaine nous avons accumulé 5 à 6 résultats positifs et aucun résultat négatif. « Les taux étaient supérieurs à la normale, parfois trois à quatre fois supérieurs au seuil fumeur. Les patients qui ont fait ces analyses se sont plaints de vertiges, pertes de connaissances ou désorientations le jour de la manifestation, et de maux de têtes persistants les jours suivants. Un cas précis que j’ai suivi a eu des insuffisances hépatiques lourdes » qui seraient clairement associées à de fort niveaux de thiocyanates, selon Alexander Samuel : « il m’a remercié publiquement d’avoir conseillé son médecin sur les analyses. »

Critiques scientifiques sur les tests utilisés et leur interprétation

Ces premiers résultats sont médiatisés par l’association SOS ONU et des toxicologues reconnus les critiquent :  Pour le professeur Jean-Luc Renaud du laboratoire de chimie moléculaire et thioorganique (LCMT), université de Caen, Basse-Normandie les gaz lacrymogènes ne se transforment pas en cyanure.

Puis les toxicologues Marie Deguigne et François Parrant, et le clinicien Jean-Marc Sapori s’expriment tous dans la presse pour dire qu’il n’y a pas de cyanure dans la lacrymogène. « Il faut bien comprendre que le cyanure est extrêmement dangereux, si c’était le cas, il y aurait des milliers de morts dans la rue, ce n’est absolument pas plausible », indique Marie Deguigne pour LCI. Plus précisément, pour Marie Deguigne, les thiocyanates ne sont pas des indicateurs fiables ; mieux vaut vérifier directement le niveau de cyanure dans le sang. De même, le professeur Parrant, médecin au laboratoire qui a effectué les analyses publiées par SOS ONU, considère que le thiocyanate est un très mauvais marqueur. « La véracité des documents publiés n’est pas remise en cause, mais les concentrations retrouvées, bien que parfois supérieures aux valeurs de référence du laboratoire, ne permettent pas de caractériser une intoxication au cyanure », explique François Parrant dans Libération .

Il se fie plus aux niveaux de lactate pour repérer le cyanure.

Mais pour Alexander Samuel, « le niveau de lactate va monter lorsque l’on a une intoxication mortelle au cyanure, mais il n’est pas sûr que les niveaux de lactate montent suffisamment pour une intoxication bénigne au cyanure ».

Pour les uns, les taux de thiocyanate retrouvés ne permettent donc pas de caractériser une intoxication au cyanure qui serait susceptible d’entraîner une toxicité. Pour les autres, ces quantités de thiocyanate sont caractéristiques d’une intoxication au cyanure légère avec, déjà, des conséquences sanitaires.

De son côté, le biologiste a créé un site Internet, gazlacrymo.fr, lequel recense les effets secondaires d’une intoxication légère et chronique au cyanure. Aussi bien le système nerveux central (anxiété, confusion, vertiges…), que le système respiratoire (hyperventilation, apnée, tachypnée…), ou encore le système cardiovasculaire (hypotension, asystole, fibrillation ventriculaire…) peuvent être touchés. Aussi, précise Alexander Samuel, le ministère de la Santé du New Jersey relève des effets secondaires sur le foie et les reins et recommande des analyses de thiocyanate. Un faisceau de toxicités qui est, par ailleurs, décrit dans la littérature scientifique pour chacun de ces différents organes [5,6,7,8,9,10,11]..

Tests de détection du cyanure

Alexander Samuel prend toutefois acte de ces critiques et découvre dans le même temps CyanoGuard, une entreprise suisse qui commercialise des tests rapides de dépistage du cyanure dans le sang. « Quand on travaille dans le manioc, dans les mines d’or, on peut être intoxiqué au cyanure. L’antidote est très cher, et il y a des morts dans les pays du tiers monde. CyanoGuard a donc eu l’idée de développer un kit pas cher, pour 15 euros, de détection du cyanure. Cela permet de mesurer de manière instantanée le niveau de cyanure que nous avons dans le sang. C’est un test colorimétrique tout bête qui devient violet lorsque la dose de cyanure atteint des seuils mortels. Si c’est violet, on prend l’antidote », explique le biologiste. Contacté par Medscape, CyanoGuard confirme l’existence de ces tests, tout comme ils nous certifient avoir fourni ces tests à Alexander Samuel. Car une idée trotte dans la tête du scientifique : pour certifier la présence de cyanure dans le sang des manifestants après s’être fait gazer au lacrymogène, il faudrait faire des prélèvements sanguins in situ et les analyser grâce aux tests de CyanoGuard. « Le test est en vente libre, et pour le réaliser il faut 0,2 ml de sang. J’en ai parlé au médecin de SOS ONU qui a décidé d’en parler à d’autres médecins, pour voir s’il était possible de le faire légalement. Il m’a dit qu’avec des ordonnances, des consentements signés, des explications fournies aux personnes prélevées, et si l’on annonce en manifestation qu’ils peuvent venir nous voir quand ils se font gazer pour savoir de manière instantanée s’ils ont du cyanure dans le sang, on pouvait le faire. »

Analyses le 20 avril

Décision est prise de faire les premiers prélèvements le 20 avril 2018, avec le biologiste, le médecin de SOS ONU, un médecin belge, Renaud Fievet, anesthésiste-réanimateur habitué à ce genre de manifestations, ainsi que des paramédicaux. « Le jour même, il y a un médecin qui nous a rejoints. Elle est ophtalmologue, et nous a dit qu’elle était très intéressée par ce que nous faisions car elle avait beaucoup de ses patients qui avaient des débuts de cataractes ; ces patients avaient été exposés au gaz lacrymogène pendant des manifestations. »

Les tests ont donc commencé le 20 avril, comme convenu : « Nous avons fait 6 analyses ce jour-là. Le tout premier était un street medics, qui s’est pris une grenade lacrymogène tout à côté de lui. Il s’est retourné et s’est mis à courir vers moi, et nous a demandé de le piquer. Au moment où il nous parlait, il me tombe dessus, et se met à convulser. Il a repris ses esprits, nous avons attendu 5 minutes, puis nous avons fait le test, qui a changé de couleur. Ce qui indiquait qu’il y avait une dose équivalente à 50% de la dose mortelle de cyanure dans son sang, selon le test CyanoGuard. Nous avons obtenu des résultats légèrement positifs pour l’ensemble de ceux qui se sont prêtés à ces analyses. »

Présence de cyanure

Les analyses sont adressées à CyanoGuard, qui est formel : elles indiquent une présence importante de cyanure dans le sang. « Il nous a en revanche recommandé de doubler la dose de sang et de passer à 0,4 ml plutôt que 0,2 : ainsi, si on obtenait un changement de couleur au violet, nous étions sûr qu’il y aurait 50% de dose mortelle de cyanure. »

Les trois médecins et Alexander Samuel décident donc, pour la manifestation du 1er mai 2018, de renouveler les prélèvements sanguins avec 0,4 ml de sang. Seulement la présidente de l’association SOS ONU est en désaccord avec ces méthodes et décide de « dénoncer » Alexander Samuel et les médecins aux médias. « Comme beaucoup de médias en ont parlé, le parquet de Paris a ouvert une enquête courant mai pour « violences aggravées et mise en danger de la vie d’autrui », alors que nous avions des consentements signés uniquement pour faire des prélèvements de sang ! Le premier médecin de l’association, dégoûtée par la médiatisation, a préféré abandonner. En revanche l’ophtalmologue nous a suivis », explique Alexander Samuel.

Nouveaux résultats

Malgré les injonctions judiciaires et la pression médiatique, Alexander Samuel décide de poursuivre ces mesures de cyanure dans le sang, d’autant que CyonaGuard décide de mettre à disposition un appareil de mesure du cyanure dans le sang beaucoup plus précis que ces tests rapides, avec un taux d’erreur de 0,1, le CyanoSmart. Le CyanoSmart est par ailleurs un test connecté de détection du cyanure dans le sang, qui permet, grâce à un smartphone et une application, de prendre connaissance immédiatement des résultats du test.[12]

L’équipe est de nouveau sur le terrain le 8 juin à Montpellier. « Il y a eu 9 personnes au total qui ont fait une analyse préalable. Six ont été gazées et ont fait des analyses après gazage. Avant manifestation, nous étions entre 0 et 0,2 (selon le mode de vie des gens, la tabacologie, etc.). Après gazage, nous sommes montés à 0,7 mg/l, le record étant de 0,75 mg/l. Une dose potentiellement considérée comme mortelle est de 1 mg/litre », explique Alexander Samuel. Tout en ajoutant que l’expression « dose mortelle » est à prendre avec des pincettes. « Mais nous avons établi qu’il y a bien une hypoxie et une intoxication au cyanure de bas niveau. Pour moi, c’est clairement une utilisation abusive de lacrymogène qui est responsable de la métabolisation importante en cyanure. »

Les effets nocifs du CS dépendent de la capacité de métabolisation du cyanure

Interrogé par Medscape édition française, le toxico-chimiste, André Picot, qui co-signe l’étude d’Alexander Samuel, explique : « Ce gaz CS a été beaucoup étudié, sans qu’il y ait pour autant publication, par les services sanitaires des armées américaines, françaises, etc. Ils ont bien entendu étudié les faibles doses et l’effet recherché était l’action très brève, très intense, qui ne mettait pas en danger la vie des personnes gazées.

Les effets nocifs du CS vont dépendre de la capacité de métabolisation du cyanure de chaque organisme. Ce gaz est moléculairement instable. Dès qu’il se retrouve dans l’eau ou le sang, il libère une molécule organique qui conserve un reste cyané, ainsi qu’un ion cyanure.

Pour le neutraliser, l’organisme prend un produit soufré, oxydé, qui en présence d’une enzyme, la rhodanèse, que l’on trouve dans tous les tissus, mais aussi dans la salive, neutralise le cyanure. Donc, selon les réserves en souffre apportées par les protéines, et l’activité de la rhodanèse, l’organisme va pouvoir lutter contre des quantités plus ou moins importantes en cyanure. Cela va aussi dépendre de l’état physiologique de l’organisme. Deuxième type de défense de l’organisme qu’il faut signaler contre le cyanure : la vitamine B12 qui est beaucoup plus stable.

Les services sanitaires des armées ont aussi fait des études sur les effets faibles à répétition du gaz CS. Au fur et à mesure que vous épuisez vos systèmes de défense en vous exposant plusieurs fois au gaz CS, vous augmentez la nocivité du cyanure. Ce que l’on observe avec les Gilets jaunes par exemple, qui montent tous les samedis sur les barricades. Les effets sont toujours les mêmes : une grande fatigue, car le cyanure bloque la chaine respiratoire. Les organes très vascularisés qui consomment beaucoup d’oxygène vont être impactés, comme le cerveau, ce qui peut provoquer des dépressions. Mais le cœur peut aussi être atteint, ce qui va causer des troubles cardiovasculaires non négligeables. Et puis il y a aussi la vision. Samuel Alexander consacre une partie de son article à l’atteinte du cristallin. C’est très intéressant. Le cristallin est peu vascularisé, donc nous observons quelque chose de tout à fait spécial, puisque le cyanure peut faire apparaître la cataracte. L’étude d’Alexander est très structurée, c’est un bon document scientifique », nous explique André Picot.

Conséquences graves ? Deux médecins s’inquiètent de l’exposition chronique

Au final, la question centrale et qui n’a aujourd’hui pas de réponse est celle de la dangerosité de l’exposition chronique au gaz lacrymogène au cours de ces manifestations répétées.

Médicalement parlant, les conséquences de l’exposition au gaz lacrymogène pourraient être graves, à moyen et long terme, selon le Dr Renaud Fievet, anesthésiste-réanimateur, qui a accompagné Alexander Samuel, lors des manifestations des GJ : « Je considère que si la cigarette est cancérigène, alors les gaz lacrymogène le sont aussi, potentiellement. Je pense qu’il faut appliquer le principe de précaution et non pas attendre dix ans pour se dire : voilà on a des malades, qu’est-ce qu’on fait ? Il y en a certains qui auront des maladies chroniques, respiratoires, qui vont apparaitre, des problèmes peut-être d’insuffisance hépatique aggravés ou d’insuffisance rénale, pour moi, cela me parait assez clair. »

Le Dr Christiane Blondin, ophtalmologue, a elle aussi accompagné Alexander Samuel sur le terrain. Elle partage avec le Dr Renaud Fievet, un constat plutôt sombre : « En tant que médecin ophtalmologue, on voit des yeux rouges, des yeux qui pleurent, ça parait tout bêtement banal, et c’est vrai que ça se soigne très bien. Mais je me pose la question de savoir quelle sera la santé oculaire des manifestants qui auront été aspergés de gaz pendant un an. Ma réaction aura été de chercher dans la littérature ce qui a été écrit là-dessus [13], quelle est la dose absorbée par l’œil, où le cyanure peut-il aller dans l’œil, va-t-il dans les mitochondries ? Nous avons vu en consultant la littérature qu’il y aurait eu des cas de cécité non seulement au niveau de la cornée, ou du cristallin, mais aussi des atrophies optiques avec le cyanure. Donc il y a quand même pas mal de pistes et l’on se demande pourquoi cela n’a pas été objectivé par des institutions officielles. »

Le groupe de médecins et de biologistes a adressé un courrier à la Haute autorité de santé (HAS) pour lui faire part de ses inquiétudes. Elle les a redirigés vers l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et du travail.

Petite Mythologie du Lacrymogène

Gaz lacrymos : c’est juste pour les civils !

Lien vers l’article

ANTONIO FISCHETTI· LE 6 DÉCEMBRE 2019

C’est un paradoxe qui prête à confusion : les armes chimiques sont interdites en temps de guerre mais pourtant, le gaz lacrymo – qui est considéré comme telle – est autorisé en temps de paix et sur des civils. Quelques éléments de réponses ci-dessous.

En théorie, les gaz lacrymos devraient être interdits par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993, dont la France est signataire. Cette convention fait toutefois la différence entre les gaz indubitablement mortels – genre sarin ou ypérite – et les lacrymogènes utilisés dans les manifs, qu’elle appelle poliment des « agents de lutte antiémeute », définis comme des substances entraînant « une irritation sensorielle ou une incapacité physique disparaissant à bref délai après qu’a cessé l’exposition ».

Cependant, cette distinction est tout de même étrange, car le lacrymo est par définition, qu’on le veuille ou non, une arme chimique. Pour s’en sortir en beauté, la convention stipule que « chaque État partie s’engage à ne pas employer d’agents de lutte antiémeute en tant que moyens de guerre ». Autrement dit, on ne peut pas utiliser de lacrymos en temps de guerre contre des soldats…, mais on le peut contre des civils en temps de paix ! Quelle logique là-dessous ? Allez savoir…

La convention de 1993 s’inscrit dans la longue histoire de la guerre chimique, qui a débuté pendant la Grande Guerre. On considère que c’est la France qui a fait le tout premier pas, en août 1914, en aspergeant les tranchées allemandes d’un gaz irritant mais non mortel. Les Allemands mettront un peu de temps à répliquer, en avril 1915, mais ils ne feront pas les choses à moitié (c’est le caractère allemand), puisqu’ils inaugureront le gaz moutarde, ce qui ouvrira la voie à toutes les horreurs qu’on sait.

Interdites car accessibles à tous

Après tout, quand on y réfléchit, pourquoi interdire les armes chimiques ? Parce qu’elles font plus souffrir que les armes traditionnelles ? Ce n’est pas évident. Être brûlé vif ou enseveli sous des gravats n’est pas forcément plus agréable qu’être asphyxié. Quant au manque de discrimination entre civils et militaires, les armes classiques ne font guère mieux, comme on peut le constater chaque jour en Syrie.

En fait, si l’on a interdit les armes chimiques, c’est surtout parce que les pauvres pouvaient se les payer. Dans un texte consacré au sujet, le Sénat l’admet explicitement : « L’utilisation des armes chimiques par des pays du Sud avait clairement illustré les dangers liés à la multiplication du nombre de détenteurs d’armes chimiques, due pour l’essentiel au faible coût de celles-ci. » Une autre motivation étant « l’écrasante supériorité chimique soviétique ».

L’interdiction de telle ou telle arme est motivée par des convenances politiques, et on se pare ensuite de beaux principes pour faire joli. Sinon, pourquoi les lacrymos seraient-ils interdits en temps de guerre et autorisés en temps de paix ? Mais il est vrai que lorsque ça pète sérieusement, il vaut toujours mieux être soldat que civil, c’est une constante dans tous les conflits.

Gaz lacrymos : l’outil de la répression

ANTONIO FISCHETTI· LE 4 DÉCEMBRE 2019

Sous prétexte qu’ils ne tuent pas, les lacrymos sont utilisés à tout bout de champ. Il s’agit pourtant d’armes chimiques. En tant que telles, elles sont interdites en temps de guerre…, mais autorisées contre les civils en temps de paix. Des moyens légaux et très commodes pour restreindre la liberté de manifester.

Aujourd’hui, pas besoin d’être un black bloc cagoulé et lanceur de pavés pour se prendre des lacrymos dans la gueule. Femmes, enfants, retraités, tout le monde y a droit. (Si vous n’avez jamais expérimenté les lacrymos, imaginez qu’on vous verse du poivre dans les yeux pendant qu’on vous appuie fortement sur la poitrine.)

D’une certaine façon, on pourrait dire que les lacrymos sont un progrès. Avant l’avènement de cette technologie, les policiers tiraient allègrement à balles réelles sur les manifestants. Cela ne fait pas si longtemps que la pratique a cessé (en France, les derniers tirs sur la foule datent de 1961 en métropole et de 1974 en Martinique).

Le problème, c’est que cette humanisation policière s’est vite transformée en escalade répressive. Et c’est facile. Il suffit de quelques jets de canettes de bière (vides, en plus, comme si cela risquait d’égratigner quelque peu les Robocop) pour que les CRS arrosent la foule à coups de centaines de lacrymos : parfait pour dissuader les plus pacifiques de défiler. Au pire, on infiltre – un grand classique – deux ou trois flics parmi les black blocs, et le tour est joué.

Or l’usage des lacrymos entre théoriquement dans le cadre de l’article R. 434–18 du Code de la sécurité intérieure, qui a le mérite d’être très clair : «  Le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas. » Sauf que le déluge de lacrymos déversé sur les « gilets jaunes » est tout sauf nécessaire et proportionné.

Les gaz lacrymos ne sont pas seulement défensifs

Le 1er décembre 2018, 15 000 grenades ont été balancées sur Paris en quelques heures. Elles ont été lancées sur des enfants, des femmes avec des poussettes, des handicapés en fauteuil roulant, des manifestants pacifiquement assis, et le tout dans des rues étroites où les paisibles badauds crachaient leurs poumons sans pouvoir s’enfuir (ou alors, au risque de dangereuses bousculades).

Les gaz lacrymos ne sont pas seulement défensifs, ils sont le fer de lance d’une stratégie offensive. Sans même attendre de recevoir les premiers projectiles, les flics éjaculent leurs grenades pour bloquer et disloquer les cortèges. Du point de vue policier, on comprend la logique. Cela permet de faire un tri entre les manifestants « pacifiques » – qui se barrent au premier gazage – et les « irréductibles », ainsi plus faciles à isoler et à arrêter.

C’est un peu l’inverse de ce que, dans Mythologies, ­Roland Barthes disait à propos des publicités pour détergents : «  La ­saleté n’est plus arrachée de la surface, elle est expulsée de ses loges les plus secrètes. » Avec les lacrymos, la « saleté » est accrochée avant d’être « traitée ».

À ça près que le tri est très discutable, comme le relevait le rapporteur spécial des Nations unies dans un rapport de 2012 : « Le recours au gaz lacrymogène ne permet pas de faire de distinction entre les manifestants et les tiers, observateurs ou passants par exemple, ni entre les personnes en bonne santé et celles dont l’état de santé est défaillant.  » Cela rejoint l’analyse de la chercheuse anglaise en sciences sociales Anna Feigenbaum, auteure de Petite histoire du gaz lacrymogène (éditions Libertalia). Elle estime que « son usage vise à semer délibérément la confusion dans une foule – et peut ainsi la « ridiculiser » et l’affaiblir par la suffocation et la nausée » et qu’à ce titre « le lacrymo peut être traîné devant les tribunaux au nom de la liberté de parole et d’assemblée ».

Le pire, c’est qu’il est interdit de se protéger des lacrymos. Si vous venez en manif avec un masque, on considère que vous avez l’intention d’être violent. Or c’est justement l’inverse : comme les flics arrosent tout le monde indifféremment, on peut se faire gazer sans être un casseur. Et dès lors, ce n’est que pure logique, se protéger du gazage ne signifie pas qu’on est casseur. C’est juste de la légitime défense de la part de quelqu’un qui n’a rien fait de répréhensible.

Une banalisation abusive des lacrymos

En plus, même du point de vue du maintien de l’ordre, pas sûr que les lacrymos soient vraiment utiles. Plusieurs études de psychologie sociale ont montré qu’ils avaient plutôt tendance à exciter les manifestants. Un rapport à paraître relate une enquête menée par le biologiste et enseignant Alexander Samuel sur des « gilets jaunes », gazés ou non. Eh bien, les premiers « exprimaient 20 % de plus de perceptions d’humiliation et de honte à cause du comportement des forces de l’ordre  », ce qui, poursuit-il, « pourrait être un facteur aggravant des violences des « gilets jaunes »  ».

On ne va pas regretter les tirs à balles réelles dans les foules. Les lacrymos sont peut-être plus démocratiques que les mitrailleuses, mais leur banalisation abusive relativise quelque peu ce côté démocratique. Et puis, si les flics tiennent tant à gazer les foules pour ne pas perdre la main, suggérons-leur de balancer du protoxyde d’azote… Autrement dit, du gaz hilarant. Au moins, il y aurait plus de monde dans les manifs.

Les lacrymos, au-delà des larmes

ANTONIO FISCHETTI· LE 4 DÉCEMBRE 2019

Scientifiquement parlant, c’est un abus de langage : le fameux « gaz lacrymogène » n’est pas un gaz à proprement parler, mais un nuage de gouttelettes. Son composant actif répandu est les produit chimique baptisé CS (de son vrai nom o-chlorobenzylidène-malonontrile). Le lacrymo ne serait pas toxique, dit-on, mais seulement désagréable. Passons sur les tirs tendus dans la foule – une pratique répandue, comme le savent tous les manifestants et le prouvent de nombreuses vidéos. A part ça, il a quand même été démontré que les lacrymos peuvent déclencher toutes sortes de troubles : difficultés respiratoires, nausées et, dans les cas plus graves, œdèmes pulmonaires, hémorragies internes, voire décès dans des espaces confinés (prisons, notamment). Des effets cancérigènes ont même été soulevés par certaines études…
Il y a aussi la question du cyanure. Ce produit extrêmement toxique n’est pas contenu directement dans les lacrymos, mais il est métabolisé dans l’organisme quand on respire ces gaz. Alexander Samuel, docteur en biologie et enseignant en lycée, s’est penché là-dessus, et après avoir passé au crible toute la littérature scientifique, il est formel : « La présence de cyanure a été prouvée dans des études avec des animaux ». Et il n’est pas le seul. Le toxico-chimiste André Picot, éminent directeur de recherche honoraire au CNRS, est tout aussi catégorique : « Il est absolument certain qu’il y a du cyanure métabolisé dans l’organisme. » La seule question n’est donc pas de savoir si l’inhalation de lacrymos produit du cyanure – ça, c’est acquis-, mais si ce poison est à une concentration toxique ou pas.
Jusqu’ici, les scientifiques estimaient que le taux de cyanure était faible… Mais Alexander Samuel n’est pas du même avis : « les précédentes études avaient été faites sur une grenade lancée à 20m, mais ce n’est pas la même chose que si on est noyé sous des dizaines de grenades. Là, les doses peuvent être beaucoup plus importantes. » André Picot va exactement dans le même sens : « Il n’y a jamais eu de mesures effectuées sur des manifestants. Il y a bien eu des études menées par des militaires, mais elles n’ont jamais été rendues publiques. Et les gens qui reçoivent des lacrymogènes tous les samedis finissent par épuiser leurs systèmes de défense contre le cyanure. »
Le 1er mai, à Paris, avec une équipe de médecins, Alexander Samuel a donc décidé d’utiliser un kit de mesures pour analyser le taux de cyanure chez les manifestants : « Nous avons fait les mesures avant et après la manif, et sur 6 kits de mesures, tous sont devenus violets, ce qui montre la présence de cyanure à un taux élevé. Lors de la manif du 8 juin, on a fait les mesures quantitatives, et on n’a pas trouvé de cyanure avant gazage aux lacrymogènes, et un taux de 0,75 mg/l après gazage alors que le seuil de danger est théoriquement de 0,25 à 0,5. »
Même s’il faut rester prudent avant d’affirmer quoi que ce soit -et les conditions dans lesquelles ont été faites ces mesures sont contestées, par des scientifiques (il est vrai que le protocole est discutable, scientifiquement parlant)-, la controverse est loin d’être close. Cyanure ou pas, ce qui est certain, c’est le faible nombre de travaux sur la toxicité des lacrymos. Et donc, sur les preuves de leur non-toxicité.