Comme nous l’avons vu dans la partie métabolisme, le gaz lacrymogène est métabolisé en cyanure, lui-même transformé en thiocyanate par la rhodanèse.
Le thiocyanate est largement distribué dans les
liquides du corps, y compris la salive, dans laquelle il peut facilement être
détecté.
Chez l’homme en bonne santé un équilibre dynamique
entre le cyanure et le thiocyanate est maintenu. Un régime pauvre en protéines,
particulièrement un régime dans lequel les acides aminés soufrés font défaut
peut réduire la capacité de détoxication et rendre ainsi une personne plus
vulnérable à l’effet toxique du cyanure (15).
La consommation excessive de manioc comme source
unique d’énergie alimentaire et source principale de protéines, pourrait donc
accentuer la sensibilité à la toxicité du cyanure.
Maladies
liées à la toxicité du manioc (3).
Plusieurs maladies ont été associées aux effets
toxiques du manioc. Ceci a été confirmé dans l’état pathologique de
l’intoxication aiguë par le cyanure et dans le goitre.
L’organisme peut sans danger détoxiquer à peu près 20
mg de cyanure par jour, mais si ce niveau augmente pour atteindre 30 mg, des
symptômes d’intoxication aiguë apparaissent chez la plupart des consommateurs,
et commence alors l’épidémie.
L’augmentation du thiocyanate, thiosulfate dans le
sang bloque l’iode et l’empêche d’entrer dans la thyroïde pour former les
hormones thyroïdiennes (T3 et T4). Ceci entraîne
donc le goitre dû à l’hypothyroïdie.
L’hypothyroïdie est une affection qui a des
répercussions directes sur la santé, l’intelligence et le développement
harmonieux de l’organisme humain.
Cette carence en iode empêche donc la production des
hormones thyroïdiennes notamment T3 et T4 dont
les actions multiples peuvent être classés en 2 groupes:
1. Action sur le développement de l’organisme
(croissance et différenciation).
– In utero, les hormones thyroïdiennes sont
essentielles pour la différenciation et la maturation des tissus foetaux.
– Après la naissance, ces hormones sont
indispensables à la croissance du squelette et d’à peu près tous les organes,
ainsi qu’au développement du système nerveux central.
Une insuffisance thyroïdienne commencée pendant la vie
foetale ou à la naissance (hypothyroïdie congénitale ou hypothyroïdie néonatale)
entraîne une hypotrophie des neurones corticaux. Cela aboutit à
l’insuffisance du développement du cerveau et conduit aux lésions
définitives de celui-ci (crétinisme mental).
2. Régulation de l’activité métabolique et action
viscérale:
– Les hormones thyroïdiennes contrôlent le métabolisme
des glucides, des lipides, de l’azote et surtout, la calorigènèse. Elles
constituent un fantastique accélérateur du métabolisme de l’organisme.
– Les hormones thyroïdiennes règlent la vitesse des
réactions enzymatiques par agénésie de la glande thyroïde aboutit au nanisme et
au crétinisme.
Le crétinisme est toujours présent dans les régions où
le goitre est endémique.
L’ingestion du cyanure présent dans les aliments
conduit à sa détoxication dans l’organisme grâce à la production de
thiocyanate. Le thiocyanate a la même taille moléculaire que l’iode et
intervient sur la dose d’iode par la glande thyroïde (Bourdoux et al., 1978).
En cas d’ingestion de quantités importantes de manioc
insuffisamment traité, il peut y avoir une surcharge chronique de cyanure
conduisant à une élévation du niveau de thiocyanate dans le sérum qui passe à
1-3 mg/100ml le niveau normal étant d’environ 0,2 mg/100 ml. Dans de telles
conditions, la présence d’une excrétion accrue d’iode et d’une absorption
réduite d’iode par la glande thyroïde aboutit à un rapport d’excrétion
thiocyanate/iode (SCN/I) faible. Il semble que si ce rapport dépasse trois, le
goitre endémique apparaît (7). Ce phénomène ne peut se produire que si la dose
d’iode est inférieure à 100 mg/jour.
Quand le rapport SCN/I est inférieur à deux, il existe
un risque de crétinisme endémique, état caractérisé par une grave arriération
mentale et des anomalies neurologiques (Erman et al., 1983).
Des études réalisées en R.D.C. (ex. Zaïre) ont montré
que les habitants d’Ubangi, qui consomment de grandes quantités de manioc séché
au soleil mais non fermenté, présentent un rapport SCN/I faible allant de deux
à quatre et sont atteints de goitre endémique et de crétinisme.
Mais à Kinshasa la capitale, où les habitants mangent
de la pâte de manioc fermentée et séchée, le rapport SCN/I passe de trois à
cinq et les cas de goitre sont peu fréquents.
Un faible rapport conduit à des quantités anormales de
l’hormone stimulant la thyroïde et à de petites quantités de thyroxine (T4).
Ayangade et al. (1982) ont constaté que chez les
femmes enceintes, le niveau de thiocyanate dans le sang du cordon était
proportionnel à celui du thiocyanate dans le sérum maternel, indiquant que le
thiocyanate dans le lait maternel, ce qui indique que les glandes mammaires ne
concentrent pas le thiocyanate et les enfants nourris au sein ne sont pas
affectés.
Quand des suppléments d’iode sont donnés par exemple,
par l’adjonction d’iodure de potassium aux réserves locales de sel, le goitre
est réduit malgré une injection élevée et continue de produits dérivés du
manioc.
Là où la ration de sel est modérée ou variable,
l’huile iodée, absorbée par voie orale, fournit une protection pour un ou deux
ans.
Dans la jungle amazonienne, certains indigènes
consomment jusqu’à 1 kg de manioc frais cuit par jour et jusqu’à trois litres
de bière de manioc fermenté, mais on n’a pas signalé de cas de goitre ou de
neuropathie ataxique. Ces tribus consomment aussi d’énormes quantités de
protéines animales et de protéines de poisson et trouvent ainsi dans leur
alimentation un rapport important d’acides aminés soufrés et d’iode.
www.memoireonline.com/02/07/341/m_cinetique-elimination-cyanure-manioc.html