Résultat Thiocyanate 31,4mg/l urinaire

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Jeune femme sportive, non fumeuse, exposée en grande quantité au gaz lacrymogènes lors de la manifestation du 16 mars à Paris où elle a fait un malaise respiratoire. symptômes depuis : perte de cheveux, somnolence, grosse fatigue chronique, dort toute la journée, maux de tête, mal être… symptômes sans amélioration qui vont en s’empirant.
Si vous présentez des symptômes demandez le plus rapidement possible à faire doser votre taux de thyocyanates, le test urinaire peut se faire plusieurs jours (semaines) après l’exposition

Source : copie FACEBOOK

Fly Rider explique les gaz CS

Avec l’aide de l’équipe du Lab Block, Fly Rider nous explique simplement le métabolisme du gaz CS : (ATTENTION : SOS ONU est une arnaque et a abusé de l’équipe qui a créé le Lab Block. Nous avons une adresse : lacrymogene@protonmail.com mais tout ce qui concerne SOS ONU est à bannir)

https://www.facebook.com/maxime.nicolle/videos/10218753102075998/

Et voici les sources :

1) Sur les niveaux de thiocyanates sanguins « normaux » (hors lacrymos) :

http://jhs.pharm.or.jp/data/46(5)/46(5)p343.pdf

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6307002/

https://www.researchgate.net/publication/6885967_Serum_thiocyanate_levels_in_smokers_passive_smokers_and_never_smokers

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6502741?fbclid=IwAR2TSI51wYEg8_zdwpJSsloBVu0UQ2cirHOZLbny_NnzvJYZd8jCG-LNDMY

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/3527600418.bi5712sale0013

2) Sur le fait que le CS est bien métabolisé en cyanure dans le corps :

https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3109/00498258709044190

https://link.springer.com/article/10.1007/BF00310388

https://books.google.fr/books?id=wKtsL8KHoPsC&pg=PA43&lpg=PA43&dq=Malononitrile+metabolism&source=bl&ots=UhLI370t2j&sig=ACfU3U2P2lURVmxv8xBGlsUK5FTCNfZvMQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwikk7j17bnhAhWSlRQKHWNaBGAQ6AEwBHoECAoQAQ&fbclid=IwAR0B_UtVPJ1gjdSR9Wl5fx4-rPGBER4DbKOmhXsXahSYk3N4LCj8mydL_pw#v=onepage&q=Malononitrile%20metabolism&f=false

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14790882

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11746179

3) Les travaux du pr. Massimo Zucchetti https://it.wikipedia.org/wiki/Massimo_Zucchetti

https://www.researchgate.net/publication/305215203_Damage_to_Man_and_Environment_of_Tear_Gas_CS

https://www.researchgate.net/publication/309591686_Toxicity_and_Health_Effects_of_Ortho-chloro-benzylidene-malononitrile_CS_gas

4) Quelques études générales sur les gaz CS (hors cyanure) :

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28972257

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25633030

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25572084

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25003867

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20972236

5) La publi WACO :

http://www.veritagiustizia.it/docs/gas_cs/CS_Effects_Waco.pdf

LCI

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e danger des gaz lacrymogènes vient plus de leur effet irritant que de potentielles traces de cyanure

COPIERTaille : x pxPopulationÀ LA LOUPE – Maxime Nicolle, l’une des figures des Gilets jaunes, assure dans un live sur le réseau social Facebook que le gaz CS, composant des lacrymo lancées en manifestations, peut conduire à une intoxication au cyanure. Après un premier article sur le sujet, À La Loupe s’est intéressé aux nouveaux arguments avancés.11 avr. 2019 23:39 – Claire Cambier

Mardi 9 avril, dans la soirée, Maxime Nicolle s’adresse à ses nombreux abonnés pour parler des gaz lacrymogènes. Il y assure avoir été mis en contact avec un docteur en biologie moléculaire et explique, composition chimique à l’appui, comment ces gaz, une fois ingérés par le corps humain, se transforment en cyanure. « LCI ou je ne sais pas quelle chaîne de télévision » se serait donc trompé ou plutôt « ne s’était pas renseigné sur le sujet et sous-estimait les effets », avance-t-il.

À La Loupe s’était effectivement intéressé à ce sujet dans un article intitulé « Gilets jaunes : des manifestants ont-ils pu être intoxiqués au cyanure ? » et étayé par une toxicologue du Centre-antipoison du CHU d’Angers et un professeur de chimie organique à l’université de Caen. Aurions-nous mal interprété les propos de ces scientifiques ? Une intoxication au cyanure serait-elle possible, contrairement à ce que nous avancions ? Nous avons tâché de le découvrir. 

Le Gilet jaune breton se repose sur les recherches du groupe SOS ONU, un collectif qui dénonce les violences policières lors des manifestations et tente, entre autres, de recueillir des preuves d’intoxications au cyanure. Ce même groupe avait mis en ligne début avril, pour prouver son argumentaire, l’analyse de sang d’une manifestante mesurant les thiocyanates sériques. Nous l’avions soumis à une toxicologue dans le cadre de notre premier article. Les taux de thiocyanates présents dans le sang (15,9 mg/L), soit ce en quoi notre foie transforme et élimine le cyanure, correspondaient à ceux d’une personne fumeuse, ce que nous avait confirmé être, et régulièrement, la manifestante.

Mardi 9 avril, SOS ONU a posté une nouvelle analyse mesurant les thiocyanates, cette fois dans les urines, d’une personne « sportive, non fumeuse » qui avait manifesté le 16 mars à Paris. Elle présente un taux de 31,4 mg/L quand le taux moyen pour un non fumeur ne devrait pas dépasser les 10 mg/L. Plutôt étonnant. Nous avons donc pris contact avec le Dr François Parant du laboratoire de biologie médicales du CHU de Lyon, qui a – selon le bilan sanguin présenté – validé les résultats. Ce dernier nous assure que le document est bien véridique et n’a pas été falsifié. 

Dans un cas spécifique d’inhalation de cyanure, il faudrait en réalité s’intéresser à d’autres marqueurs (que les thiocyanates).Dr Marie Deguigne, centre anti-poison du CHU d’Angers

Comment expliquer alors ces taux ? Maxime Nicolle affirme que le CS (ou 2-chlorobenzylidene malononitrile ) – qui est le composant des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre – se dégrade en cyanure dans le corps humain. Il liste à ce propos, en commentaire de sa vidéo, plusieurs études scientifiques allant dans ce sens. Problème : chacune d’entre elles porte sur des rats ou des souris. En est-il de même pour l’homme ?

Interrogé, le Pr Parant avoue ne pas pouvoir nous répondre. « Personne n’en sait rien », nous confie-t-il. Il nous indique également que les analyses effectuées (les taux de thiocyanates dans le sang ou les urines) ne sont en tout cas pas la meilleure méthode pour le vérifier. « Nous utilisons des méthodes colorimétriques, qui ne sont pas spécifiques ». Autrement dit, qui ne permettent pas de cibler précisément les taux de cyanure. « On se trompe de marqueurs ».

Sa consœur, Marie Deguigne, du centre de toxicologie du CHU d’Angers (que nous avions contacté pour le premier article) le rejoint là-dessus. « Les méthodes colorimétriques présentent beaucoup d’interférences », nous dit-elle. « Dans un cas spécifique d’inhalation de cyanure, il faudrait en réalité s’intéresser à d’autres marqueurs. Si je suspectais un tel cas, je mesurerais les cyanures sanguins, tout simplement. » Le problème repose sur le délai : « Il faut le faire rapidement, le jour même. »

Cela n’explique pas pour autant les taux élevés de thiocyanates de la manifestante non fumeuse. Une théorie existe : ces taux ne proviendraient pas des gaz lacrymogènes mais plutôt des fumées d’incendie. Lors de la manifestation du 16 mars à Paris, de nombreux bâtiments, kiosques à journaux et barricades ont été incendiés. « Dans les fumées d’incendie, il y a effectivement du monoxyde de carbone et du cyanure », nous explique Dr Deguigne. « Les matières plastiques et les tissus qui brûlent dégagent un peu de cyanure. Les personnes exposées peuvent être intoxiquées, c’est une hypothèse pertinente. »

« On ne peut pas tout transposer de l’animal à l’homme »

Malgré cette hypothèse, le Dr Parant nous glisse tout de même la fiche toxico écotoxico chimique du  2-chlorobenzylidene malononitrile effectuée par l’association ATC. On y lit que « la Toxicité aigüe, par atteinte du système nerveux central et du cœur serait due, après métabolisation, à la formation d’Anion cyanure. » Une étude sérieuse ? Son auteur n’étant autre que le Dr André Picot, une référence en toxicologie-chimie, il semble donc que oui.

Contacté par LCI, l’expert nous indique que ces données proviennent d’études effectuées sur des animaux et non sur l’homme, encore une fois. « C’est un indice », nous dit-il. « Mais il faut être prudent, c’est très complexe, on ne peut pas tout transposer de l’animal à l’homme. Par exemple, des produits peuvent donner des cancers chez l’homme et pas chez des animaux et inversement. »

Pour le Dr Beguigne, les doses injectées dans les animaux dans les différentes études empêchent de dresser le moindre parallèle avec le gaz lacrymogène : « Ça peut être troublant. Effectivement, quand on injecte du CS dans un animal, on retrouve du cyanure dans le sang mais ce sont des doses de CS massives et cela ne correspond absolument pas à ce que l’on observe quand une personne est exposée par voie inhalée dans l’atmosphère. Nous parlons là de doses 1000 fois plus importantes. » Elle reprend une récente étude effectuée sur des patients sains. Exposés pendant 90 minutes à des gaz lacrymogènes, aucun ne présentait ensuite de CS dans le sang et « encore moins de cyanure ».

« En toxicologie, dire qu’un produit est toxique ne veut pas dire grand-chose, tout dépend de la dose. Prenez de l’eau, ce n’est pas toxique mais si vous buvez 7 litres, vous êtes intoxiqués. »

Un doute qui n’est pas nouveau

Ce doute porté sur les gaz lacrymogènes n’est en réalité pas nouveau. Dans une étude citée par le groupe SOS sur les 76 membres d’une secte, mortes à Waco au Texas après l’intervention de la police, les auteurs posent cette même question, après que des traces de cyanure ont été retrouvées dans le corps des victimes. Impossible cependant d’avancer la thèse d’une intoxication au cyanure suite à une exposition aux gaz lacrymogènes. Un incendie massif a éclaté dans le bâtiment et l’intoxication s’expliquerait plutôt par les inhalations de fumées.

Le danger vient de son pouvoir irritant, pas du cyanure

Le CS reste cependant nocif à forte dose. Les gaz lacrymogènes ont un effet irritant, font tousser, piquent les yeux, provoquent parfois des nausées. « Le gaz va irriter les bronches et les efforts de toux peuvent provoquer des vomissements », détaille la toxicologue. « Et dans certains cas, quand vous inhalez, cela peut toucher également le conduit digestif ».

Les complications respiratoires peuvent intervenir sur des personnes fragiles (enfants, personnes asthmatiques) ou lorsqu’un « accident se produit et qu’une grenade est lancé dans une pièce fermée, sans aération. » poursuit Marie Deguigne. « Là, oui, il y a des risques sérieux. »

« Le danger vient de son pouvoir irritant », corrobore le Dr André Picot. « Cela peut conduire à des décès ». Il cite la « bible » de la toxicologie, Toxicologie clinique de Frédéric Baud et Robert Garnier : « Des décès ont été rapportés avec notamment une atteinte caustique de l’appareil respiratoire ». Que les manifestants se rassurent toutefois : « Les symptômes irritants sont produits à des concentrations au moins 2600 fois plus faibles que la concentration létale. Il existe donc pour le CS une marge de sécurité importante entre la concentration qui produit un effet incapacitant et la concentration qui cause des effets néfastes », rapporte l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans son Guide toxicologique.

Pour conclure, la Dr Deguigne tient à souligner : « Il faudrait injecter des doses énormes pour que  – peut-être – le CS se métabolise en cyanure, mais le patient mourrait d’un effet irritant pulmonaire avant d’être intoxiqué au cyanure ».

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Des tranchées de 1914 à Notre-Dame-des-Landes Gaz lacrymogène, des larmes en or

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Comme les manifestants français — ceux de Mai 68, mais aussi ceux qui se mobilisent pour la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou contre la sélection universitaire à Nanterre —, les protestataires du monde entier font une expérience commune : l’inhalation de gaz lacrymogène. En un siècle, cette arme présentée comme inoffensive s’est imposée comme l’outil universel du maintien de l’ordre.par Anna Feigenbaum Gaz lacrymogène, des larmes en or↑play

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Danielle Tunstall. — « Gas Mask » (Masque à gaz), vers 2000Creative Commons CC0 – pixabay.com

Contrairement à d’autres marchés, l’industrie du maintien de l’ordre ne craint ni les troubles sociaux ni les crises politiques — bien au contraire. Les révoltes du « printemps arabe » en 2011 et les manifestations qui ont ébranlé le monde ces dernières années ont fait exploser les ventes de gaz lacrymogène et d’équipements antiémeute. Carnets de commandes en main, les commerciaux sillonnent la planète. Des armées d’experts se tiennent à l’affût du moindre frémissement populaire pour conseiller fabricants et acheteurs sur les bonnes affaires du jour. Le gaz lacrymogène est sans conteste leur produit-vedette : universellement considéré par les gouvernements comme le remède le plus fiable et le plus indolore à la contestation sociale, comme une panacée contre le désordre, il ne connaît ni frontières ni concurrence.

Quels dommages cause-t-il à ses victimes ? Quels problèmes pose-t-il en matière de santé publique ? Nul ne le sait, car personne ne s’en soucie. Dans aucun pays il n’existe d’obligation légale de recenser le nombre de ses victimes. Aucune obligation non plus de fournir des données sur ses livraisons, ses usages, les profits qu’il génère ou sa toxicité pour l’environnement. Depuis presque un siècle, on nous répète qu’il ne fait de mal à personne, que ce n’est rien de plus qu’un nuage de fumée qui pique les yeux. Quand des gens en meurent — l’organisation Physicians for Human Rights a par exemple comptabilisé trente-quatre morts liées à l’usage de gaz lacrymogène lors des manifestations à Bahreïn en 2011-2012  (1) —, les pouvoirs publics rétorquent qu’il s’agit simplement d’accidents.

En réalité, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz. Les composants chimiques qui produisent l’épanchement lacrymal — du latin lacrima, « larme » — portent les jolis noms de CS (2-chlorobenzylidène malonitrile), de CN (chloroacétophénone) et de CR (dibenzoxazépine). Ce sont des agents irritants que l’on peut conditionner aussi bien sous forme de vapeur que de gel ou de liquide. Leur combinaison est conçue pour affecter simultanément les cinq sens et infliger un trauma physique et psychologique. Les dégâts que le gaz lacrymogène occasionne sont nombreux : larmes, brûlures de la peau, troubles de la vue, mucosités nasales, irritations des narines et de la bouche, difficultés à déglutir, sécrétion de salive, compression des poumons, toux, sensation d’asphyxie, nausées, vomissements. Les « lacrymos » ont aussi été mis en cause dans des problèmes musculaires et respiratoires à long terme (2).

Une forme « humaine » de violence d’État

Le recours à l’arme chimique remonte au moins à l’Antiquité. Pendant la guerre du Péloponnèse, les belligérants utilisaient des gaz sulfureux contre les cités assiégées. Mais c’est au milieu du XIXe siècle que les progrès de la science ont lancé les débats éthiques sur son usage. Les premières tentatives de restreindre l’utilisation d’armes chimiques et biologiques remontent aux conférences de La Haye de 1899 et 1907, mais leur formulation ambiguë réduisit ces accords à peu de chose. La première guerre mondiale allait servir ensuite de laboratoire à ciel ouvert pour l’élaboration d’une nouvelle gamme de poisons.

Il est généralement admis que les troupes françaises ont inauguré le règne du lacrymogène lors de la bataille des frontières d’août 1914, en tirant dans les tranchées adverses des grenades remplies de bromacétate d’éthyle — une substance irritante et neutralisante, mais non létale à l’air libre. Les Allemands répliquèrent en avril 1915 par un produit infiniment plus mortel, le gaz moutarde, ou ypérite — le premier cas dans l’histoire d’usage massif d’une arme chimique au chlore.

D’abord distancés dans cette course à l’innovation, les Américains n’allaient pas tarder à rattraper leur retard. Le jour même de leur entrée en guerre, les États-Unis créent un comité de recherche « pour mener des investigations sur les gaz toxiques, leur fabrication et leurs antidotes à des fins de guerre (3 », mais aussi un service de la guerre chimique (Chemical Warfare Service, CWS), généreusement doté en moyens et en effectifs. En juillet 1918, le sujet monopolise l’attention de près de deux mille scientifiques.

Après le conflit, les militaires se montrent divisés. Ceux qui ont vu de leurs yeux les ravages causés par l’arme chimique dénoncent son caractère inhumain, aggravé par la peur et l’anxiété qu’elle propage. Les autres lui trouvent une certaine magnanimité, au motif qu’elle ferait moins de morts qu’un feu roulant d’artillerie. Un biochimiste de Cambridge, John Burdon Sanderson Haldane, plaide pour l’efficacité des gaz de guerre, taxant leurs détracteurs de sentimentalisme : si l’on peut « se battre avec une épée », pourquoi pas « avec du gaz moutarde » ?

Pour l’historien Jean Pascal Zanders, les controverses qui ont suivi la première guerre mondiale nous ont légué un double héritage (4). D’une part, elles ont consacré la distinction entre les « gaz toxiques » — dont on débattit autrefois à La Haye — et les nouvelles armes chimiques inventées entre 1914 et 1918. Ce distinguo réapparaîtra à maintes occasions dans les conventions internationales, légitimant que l’on interdise certaines armes pour en approuver d’autres, présentées comme non létales. C’est en vertu de ce raisonnement que le gaz lacrymogène a emprunté une voie légale plus favorable que d’autres agents toxiques. D’autre part, on prend alors très à cœur les intérêts commerciaux liés à l’expansion de l’industrie chimique. Brider sa créativité dans le domaine militaire lui porterait un préjudice insupportable — un argument toujours en vigueur un siècle plus tard. À partir du traité de Versailles (1919) et du protocole de Genève (1925), les intérêts économiques des puissances alliées vont ainsi se fondre dans le droit international. La page de la guerre étant tournée, maintenir la paix à l’intérieur de leurs frontières — et à l’extérieur, dans leurs dépendances coloniales — devient une priorité pour les Américains et les Européens. D’où leur intérêt croissant pour les gaz lacrymogènes, dont le CWS et son directeur, le général multimédaillé Amos Fries, seront les ardents pionniers.

Les années 1920 annoncent l’âge d’or du « lacrymo ». Capitalisant sur l’essor des armes chimiques durant la guerre, Amos Fries convertit ce venin en outil politique à usage quotidien. Grâce à un lobbying acharné, il parvient à modeler une nouvelle image du gaz lacrymogène, assimilé non plus à une arme toxique, mais à un moyen inoffensif de préserver l’ordre public. Flanqué d’un avocat et d’un officier, il rallie à sa cause un large réseau de publicitaires, de scientifiques et d’hommes politiques chargés de promouvoir dans les médias ces « gaz de guerre pour temps de paix ».

La presse économique se montre logiquement la plus empressée à diffuser le refrain du « gaz pour la paix ». Dans son numéro du 6 novembre 1921, la revue Gas Age-Record dresse un portrait extasié du général Fries. On peut y lire que le « chef dynamique » du CWS a « étudié de près la question de l’usage du gaz et des fumées pour affronter les foules et les sauvages. Il est sincèrement convaincu que lorsque les officiers de police et les administrateurs coloniaux seront familiarisés avec le gaz en tant que moyen de maintenir l’ordre et de protéger le pouvoir, les désordres sociaux et les insurrections sauvages diminueront jusqu’à disparaître totalement. (…) Les gaz lacrymogènes paraissent admirablement appropriés pour isoler l’individu de l’esprit de la foule. (…) L’un des avantages de cette forme adoucie de gaz de combat tient au fait que, dans son rapport à la foule, l’officier de police n’hésitera pas à s’en servir ».

Cet échantillon précoce d’argumentaire promotionnel tient en équilibre sur un fil étroit : vanter les vertus répressives du produit tout en célébrant son caractère indolore. L’engouement pour les gaz lacrymogènes sur un marché qui, jusque-là, ne connaissait que la matraque et le fusil doit beaucoup à cet art de réconcilier les antagonismes. Le gaz s’évapore. La police peut enfin disperser une manifestation avec « un minimum de publicité négative (5 », sans laisser dans son sillage du sang et des ecchymoses. Au lieu d’être perçu comme une forme de torture physique et psychologique, le « lacrymo » s’impose dans les esprits comme une forme « humaine » de violence d’État.

Outre leurs prestations à la radio et dans les journaux, le général et son équipe organisent des démonstrations publiques. Un beau jour de juillet 1921, un vieil ami et collègue de Fries, Stephen J. De La Noy, se poste avec une cargaison de gaz sur un terrain près du centre de Philadelphie. Afin d’illustrer les bienfaits de son arsenal, il a invité les policiers de la ville à tester la marchandise. Les journalistes viennent en nombre pour immortaliser la scène : deux cents agents en uniforme se faisant gazer en pleine figure.

Il faut attendre quelques années pour passer de l’expérimentation aux travaux pratiques. L’occasion se présente le 28 juillet 1932, quand la garde nationale reçoit l’ordre de disperser des milliers de vétérans de la première guerre mondiale rassemblés devant le Capitole, à Washington. Surnommés « l’armée bonus », ces anciens soldats occupent les lieux avec leurs familles pour exiger le paiement d’un reliquat de salaire que leur ministère rechigne à débloquer. Une pluie de grenades lacrymogènes s’abat sur la foule, provoquant un mouvement de panique. L’évacuation brutale se solde par quatre morts, cinquante-cinq blessés et une fausse couche. Parmi les victimes, un enfant mort quelques heures après l’assaut — officiellement des suites d’une maladie, mais le fait d’avoir respiré le gaz empoisonné « n’a sûrement pas aidé », dira un porte-parole de l’hôpital.

Chez les vétérans expulsés, le gaz lacrymogène est rebaptisé « ration Hoover », en référence au président Herbert Hoover (1929-1933), qui leur a envoyé la troupe ; par allusion aussi aux inégalités sociales qui se creusent dans le pays. Pour les chefs de la police, les industriels et leurs représentants, en revanche, l’opération a été un succès. Le service des ventes de Lake Erie Chemical, la société productrice du gaz utilisé au Capitole, se fait un plaisir d’inclure des clichés de l’évacuation sanglante dans son catalogue. Plus tard y figureront aussi des images de grévistes de l’Ohio et de Virginie détalant sous les nuages de gaz. « Un seul homme équipé de gaz Chemical Warfare peut mettre en fuite mille hommes en armes » : le slogan orne fièrement les plaquettes publicitaires. Le fabricant se vante de fournir une « explosion irrésistible de douleur aveuglante et suffocante », dont il garantit cependant qu’elle n’occasionne « aucune blessure durable » — toujours le marketing de l’équilibre. Durant la Grande Dépression, dans les années 1930, les États-Unis recourent de plus en plus aux gaz lacrymogènes pour étouffer la contestation sociale. Selon un comité du Sénat, les achats de gaz entre 1933 et 1937, effectués « principalement à l’occasion ou en prévision de mouvements de grève », se montent à 1,25 million de dollars (21 millions de dollars en valeur actuelle, ou 17 millions d’euros).

Autre débouché prometteur pour l’industrie de la « douleur aveuglante et suffocante » : les colonies. En novembre 1933, sir Arthur Wauchope, le Haut-Commissaire britannique en Palestine, réclame sa part du produit miracle. Dans un courrier au bureau des colonies, il plaide : « Je considère que le gaz lacrymogène serait un agent hautement utile entre les mains des forces de police en Palestine pour disperser les rassemblement illégaux et les foules émeutières, particulièrement dans les rues tortueuses et étroites des vieux quartiers de la ville, où l’usage d’armes à feu peut provoquer des ricochets conduisant à des pertes disproportionnées en vies humaines. »

Dispersion et démoralisation

Une demande similaire émane en 1935 de la Sierra Leone, où les administrateurs coloniaux sont confrontés à des grèves pour des augmentations de salaire. Puis c’est au tour de Ceylan, le futur Sri Lanka. Instruction est donnée au nouveau secrétaire d’État aux colonies britannique, Malcolm MacDonald, d’élaborer une politique globale du gaz lacrymogène. À cette fin, il dispose d’une liste recensant les lieux où cette arme a fait la preuve de son efficacité : en Allemagne, où elle a servi contre les grévistes de Hambourg en 1933 ; en Autriche, où elle a excellé contre les communistes en 1929 ; en Italie, où elle vient d’être incorporée à l’équipement de base des forces de l’ordre ; ou encore en France, où son usage est déjà banalisé.

Durant cette période, le gaz lacrymogène devient pour les États un moyen privilégié de faire obstacle aux demandes de changement. Sa fonction bifide, à la fois physique (dispersion) et psychologique (démoralisation), paraît idéale pour contenir les tentatives de résistance aux mesures impopulaires. Comme, de surcroît, on peut désormais gazer en toute légalité des manifestants pacifiques ou passifs, les autorités n’ont plus à s’inquiéter des luttes collectives non violentes. Le « lacrymo » s’est imposé comme une arme multifonction capable non seulement de stopper une manifestation, mais aussi de saper toute forme de désobéissance civile.

Cette fonction politique a perduré jusqu’à aujourd’hui. Alors que l’usage de toutes les armes chimiques est interdit par les traités internationaux dans le cadre des guerres, les forces de l’ordre restent, au niveau national, plus que jamais autorisées à déployer du gaz toxique sur les individus ou les cortèges de leur choix. Un policier peut ainsi arborer un atomiseur de gaz lacrymogène à sa ceinture, tandis qu’un militaire n’en a pas le droit. L’acceptation quasi unanime de cette incohérence contribue pour beaucoup à la florissante prospérité de l’industrie du maintien de l’ordre — et aux larmes des contestataires du monde entier.

Anna FeigenbaumChercheuse à l’université de Bournemouth (Royaume-Uni). Auteure de Tear Gas. From the Battlefields of World War I to the Streets of Today, Verso, Londres, 2017.

(1) « Tear gas or lethal gas ? Bahrain’s death toll mounts to 34 », Physicians for Human Rights, New York, 16 mars 2012.

(2) « Facts about riot control agents », Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, 21 mars 2013.

(3) Cité dans Gerard J. Fitzgerald, « Chemical warfare and medical response during World War I », American Journal of Public Health, no 98, Washington, DC, avril 2008.

(4) Jean Pascal Zanders, « The road to Geneva », dans Innocence Slaughtered. Gas and the Transformation of Warfare and Society, Uniform Press, Londres, 2016.

(5) Seth Wiard, « Chemical warfare munitions for law enforcement agencies », Journal of Criminal Law and Criminology, vol. 26, no 3, Chicago, automne 1935.

Lire aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de juin 2018.

DANGERS POUR LA SANTÉ: LA PNH DEVRAIT-ELLE BANNIR LE GAZ LACRYMOGÈNE ?

Lien vers l’article

Les manifestations pacifiques ou plus radicales sont souvent contrôlées et dispersées par l’usage de gaz lacrymogène. Si ce type de répression ne blesse personne directement, les gaz émis sont potentiellement très dangereux pour la santé.

« Apportez-moi du coca s’il vous plaît. À l’aide ! Je ne peux pas respirer ! » C’est le cri de Junior Jean François, âgé de 27 ans, appuyé contre le mur de l’hôtel Le Plaza, aux alentours du Champ-de-Mars, après que des agents de police (UDMO, CIMO) ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la manifestation anti-gouvernementale du 7 février 2019.

Les manifestations de rue – forme d’expression populaire en vogue depuis plusieurs décennies – sont souvent accompagnées par la Police Nationale d’Haïti. Mais lors des affrontements, les policiers utilisent fréquemment le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants. Ce gaz est une arme chimique interdite dans les conflits armés, mais acceptée pour les interventions de maintien de l’ordre, par le protocole de Genève de 1925 et par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993.

Pourquoi les forces de l’ordre utilisent-elles cette arme chimique ?

Le gaz lacrymogène utilisé par la Police Nationale d’Haïti prend souvent la même forme que les bombes aérosol utilisées par les artistes de rue. Pour Grégory Estimé, « il permet de tenir à distance les manifestants qui veulent entrer de force dans un périmètre de sécurité ». Âgé de 38 ans, cet agent de premier grade du Corps d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO) est père de trois enfants. La structure dont il fait partie au sein de la PNH se charge d’encadrer les rassemblements, manifestations et autres mouvements de contestation populaire.

Souvent, les manifestants essaient de piller et d’incendier des magasins sur leur passage et/ou de changer la trajectoire annoncée. En d’autres occasions, les protestataires tentent d’incendier ou de saccager des bâtiments publics et privés à coups de pierres. Selon un agent de la Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale (BOID) qui requiert l’anonymat parce qu’il n’est pas autorisé à parler au nom du corps, « dans ces cas, les soldats peuvent faire directement usage de ce gaz s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent».

Le gaz lacrymogène se disperse dans un grand périmètre. Ceci explique pourquoi certaines personnes souffrent de ces émanations irritantes alors qu’elles sont chez elles ou dans un centre hospitalier par exemple.

Quels sont ses effets ?

Selon Ricardo Mirlien, un résident de l’Hôpital de l’université d’État d’Haïti, le gaz lacrymogène le plus couramment utilisé contient l’agent chimique 2- chlorobenzaldène malononitrile (appelé aussi « CS », des initiales de Corson et Stoughton, chimistes qui ont synthétisé la molécule). « Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz, mais un aérosol. Le CS est solide à la température ambiante. Mélangé à des agents de dispersion liquides ou gazeux il devient une arme conçue pour activer les nerfs sensibles à la douleur » explique le jeune médecin qui affirme que le gaz lacrymogène agit en irritant les muqueuses des yeux, du nez, de la bouche et des poumons.

Gregory Estimé ajoute qu’en général, les effets se manifestent au bout de 30 secondes environ. La victime ressent une vive brûlure des yeux qui deviennent larmoyants sous l’effet de l’irritation, des difficultés à respirer, des douleurs thoraciques, une salive excessive et une irritation de la peau. « Je sais aussi que suite à une exposition importante certains peuvent également souffrir de vomissements et de diarrhée», conclut-il.

D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. L’exposition prolongée à ce gaz peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques.

Ces gaz toxiques sont rapidement absorbés par voie pulmonaire, fait savoir le Dr Evens P. Vixamar, médecin-interne à l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti. « Une grande partie est hydrolysée puis éliminée par les reins dans les urines. Cette réaction est plus aiguë chez les personnes souffrant de maladies chroniques respiratoires, les femmes enceintes, les bébés » explique le médecin qui pense qu’on devrait limiter son usage aux cas extrêmes par des policiers autorisés.

Lorsqu’une personne âgée ou un bébé inhale du gaz lacrymogène, elle risque de mourir. « Cette issue fatale, lors d’expertise médico-légale, est due soit à une atteinte pulmonaire et/ou une asphyxie », poursuit le médecin interne.

Comment se protéger ?

« J’apporte toujours des bouteilles de coca ou des morceaux de citron toutes les fois que je participe à une manifestation. Le citron est ma meilleure défense contre les effets du gaz lacrymogène lancé par les forces de l’ordre» raconte Schneider Gentil, un habitué des manifestations. Il utilise du coca pour se laver le visage et un morceau de citron pour se frotter le nez et les yeux. Cela lui permet de respirer avec moins de difficultés.

Pour mieux se protéger des gaz lacrymogènes, le médecin Ricardo Mirlien explique qu’il faut s’éloigner le plus possible de l’endroit d’émanation de la substance. “Ne vous touchez pas le visage et ne vous frottez pas les yeux. Il faut se moucher et cracher, pour évacuer les produits chimiques ». Il affirme que le vinaigre et le citron permettent de diminuer la toxicité de ces gaz en réagissant avec eux. « Il est donc conseillé d’imbiber les mouchoirs avec du vinaigre ou du jus de citron pour  se recouvrir le visage et respirer moins ces toxiques, » ajoute le résident de l’HUEH.

Dr Evens P. Vixamar conseille aux asthmatiques d’avoir toujours à portée de main leurs pompes respiratoires. Sinon, faute d’une assistance médicale immédiate, ils pourraient mourir par asphyxie.

Pour se protéger les yeux, le médecin interne recommande d’éviter de porter des lentilles de contact lorsqu’on risque d’être exposé au gaz lacrymogène. « Le gaz peut se coincer sous les lentilles et endommager la vue. En cas d’exposition au gaz avec des lentilles, il est conseillé de les faire retirer rapidement par quelqu’un dont les mains n’ont pas été contaminées» relate-t-il. Le spécialiste rappelle qu’il ne faut surtout pas se frotter les yeux, ce qui active les larmes et donc la réaction allergique et la douleur. Il conclut : « La meilleure solution consiste à rincer abondamment les yeux à l’aide d’un sérum physiologique. L’eau pure peut parfois augmenter la douleur si elle n’est pas versée en abondance car elle dissout les cristaux déposés par le gaz ».

Snayder Pierre Louis

Image : Jean Marc Hervé Abelard