Pourquoi faut il interdire les gaz lacrymogène.

Interdit comme arme de guerre, mais pas pour ses usages « civils », le gaz lacrymogène est d’autant plus dangereux qu’il est utilisé de manière irresponsable. Notamment en France, pays exportateur de ce produit et de son savoir-faire répressif…

Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball.




Une arme chimique illégale en temps de guerre

Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.

Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball

Une arme chimique illégale en temps de guerre

Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.

Après la guerre, les conventions de Genève ont successivement banni ces armes dans le droit de la guerre. Par contre, l’usage à l’encontre des civils est resté légal. Dans les années 1960 les pays soi-disant communistes ont proposé une interdiction totale. Lorsqu’en 1993 la Convention sur les armes chimiques a enfin été signée on y trouve à nouveau des exceptions pour l’usage domestique du gaz.

Une arme extrêmement dangereuse

D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

Le gaz lacrymogène peut non seulement asphyxier des adultes – comme l’atteste l’AFP – mais les tirs de gaz lacrymogène peuvent également provoquer la mort : deux cas en récents en Palestine le démontrent. Par ailleurs, le médecin Sven-Eric Jordt indique que personne ne connaît les effets à long terme de l’exposition au gaz lacrymogène, mais souligne que, dans l’immédiat, il cause des blessures significatives et cela alors que son usage par la police semble se normaliser. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

En France la police l’utilise clairement de manière irresponsable : depuis le début de la lutte contre la loi travail – et sans parler de Notre-Dame-des-Landes – elle gaze à grande échelle et notamment les lycéens. Le jeudi 28 avril, elle est allée plus loin en gazant d’abord l’intérieur de la station de métro Nation pour ensuite fermer les sorties – quelques minutes plus tard, la RATP a lancé un premier appel à secouristes –, et le 1er mai elle a encerclé la tête du cortège avant de le gazer. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.





Que faire face au gaz lacrymogène ?

Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.

Dans le cadre de mobilisations fortes comme à Gezi (Turquie), à Syntagma (Grèce), à Tahrir (Égypte), à Ferguson (États-Unis) ou en Palestine les militants conseillent également des masques, voire de brûler des pneus ou poubelles puisque le feu consume le gaz dans l’air. Des militants de Tahrir ont également conseillé de nettoyer les visages avec du Coca et d’autres recommandent du sérum physiologique. Mais le fait est que, dans certaines situations, comme à Gezi, la police a fait usage de différents types de gaz : ainsi le traitement contre un type de gaz est-il susceptible d’aggraver les effets d’un autre type. Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.



Répression et commerce de concert

Le marché de ces armes « non-létales » est estimé à plus de 1,6 milliard de dollars, avec un fort potentiel de croissance dans les années à venir. La France figure parmi les pays qui profitent fortement de ce marché. Ainsi, dans le cadre des révolutions arabes, le gaz lacrymogène français a servi à mater la révolution de 2011 au Bahreïn et a causé la mort d’au moins trente-neuf personnes selon l’ONG Physicians for Human Rights.

Face à l’accusation de participer indirectement à des violations des droits humains, la France a officiellement arrêté de fournir des armes à la dictature au Bahreïn tout en se réservant des voies alternatives : soit en livrant à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, alliés du régime au Bahrein – un marché qui vaut plus de trois millions d’euros – soit en vendant directement à la dictature mais sous une licence d’exportation différente. De même, le gouvernement français a autorisé l’envoi de gaz lacrymogène au dictateur Ben Ali alors que le peuple tunisien avait déjà commencé le soulèvement de 2011.




La France, exportatrice de « savoir-faire »

En plus des livraisons d’armement la France se considère comme un exportateur de compétences en « gestion de foules », qui forme les forces répressives étrangères. Afin de rendre crédible l’offre français en matière de répression, la France a régulièrement besoin de prouver l’efficacité de ses armes et de sa police. Dans ce contexte, l’entreprise Civipol qui vend un « véritable savoir-faire français » de conseil et des formations reconnaît que la répression des quartiers populaires de 2005 a nettement fait progresser les contrats liés au maintien de l’ordre.

En 2008, juste après la répression des émeutes au Tibet, la Chine a reçu une délégation de la gendarmerie française pour former des policiers, tout comme la France a formé la police du dictateur Moubarak en Égypte et des CRS en Afrique du Sud qui, lors de la grève à Marikana de 2012 ont tué trente-quatre ouvriers. Ainsi, les soi-disant débordements lors des manifestations contre la loi travail ne sont pas seulement organisés par l’Etat à des fins immédiatement politiques, mais ils rapportent des profits.




Vers l’interdiction du gaz lacrymogène

Compte tenu des dangers inhérents au gaz lacrymogène, le groupe parlementaire de Die Linke a présenté en 2011 – à la suite de la répression massive du mouvement social et écologiste contre le projet Stuttgart 21 – une proposition de loi visant à largement interdire le gaz lacrymogène. Leur proposition prévoit de prohiber son usage sauf en cas de danger pour la vie d’un policier ou d’autrui et implique qu’à chaque fois la personne ayant eu recours à cette arme soit identifiable.

Alors que nous sommes dans un contexte de lutte et de répression similaire cette mesure est urgente pour protéger les manifestants et permettre à la majorité de la population – qui est opposée à la loi travail – de s’exprimer librement.

Source:
http://www.regards.fr/web/article/pourquoi-il-faut-interdire-le-gaz?fbclid=IwAR1bPwNKubA6p5kbtn-70m9Id-cTeA0p5QZAJZDC5M-GcVbK2h4dJRu2wfU


GAZ LACRYMOGÈNES : UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE QUE LE GOUVERNEMENT ET LES FABRICANTS PASSENT SOUS SILENCE

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Publié par wikistrike.com sur 30 Novembre 2018, 08:52am

Catégories : #Social – Société#Santé – psychologie

Gaz lacrymogènes : une question de santé publique que le gouvernement et les fabricants passent sous silence

Lors du récent mouvement des gilets jaunes en France, les gaz lacrymogènes ont une énième fois été utilisés. Or, cette arme jugée non létale est utilisée dans le monde entier, bien que les risques pour la santé sont bien réels.

Une utilisation très fréquente

Récemment dans notre pays, les diverses manifestations ont parfois donné lieu à des confrontations avec les forces de l’ordre. Ces heurts ont généré l’utilisation de lacrymogènes, un terme désignant l’ensemble des composés causant une incapacité temporaire par irritation des yeux et/ou du système respiratoire (ou encore de la peau).

Très utilisés par tous les gouvernements français, les gaz lacrymogènes sont massivement utilisés aux quatre coins du monde contre les populations. Tout récemment, le président des États-Unis, Donald Trump, a défendu l’usage des gaz lacrymogènes dans le but de stopper les migrants à la frontière mexicaine.

Une toxicité qui augmente

Un long article publié dans le magazine Reporterre le 15 mars 2018 évoque une composition des gaz lacrymogènes évoluant vers davantage de toxicité. Il s’agirait d’une question de santé publique que le gouvernement et les fabricants passeraient sous silence. Non seulement les effets sur la santé n’ont jamais été exposés officiellement, mais c’est aussi le cas de la composition exacte des gazlacrymogènes.

L’enquête parle de manifestants indiquant des “suffocations qui leur paraissent plus fortes” et des secouristes évoquant des “bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition”. Un CRS de la région parisienne a même constaté une irritation plus importante au niveau des gazeuses à main en service en France depuis une poignée d’années.

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Qu’en dit la police ?

L’enquête estime que les policiers – également exposés aux gaz lacrymogènes – seraient eux aussi maintenus dans l’ignorance. Pour preuve, une sérieuse divergence de ressenti et d’opinion. Pour Alexandre Langlois du syndicat Vigi (ex-CGT police), il est question de “nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées” concernant les lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet (six projectiles).

En revanche Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance estime que “les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol”, mais que celles-ci “piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption”. Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, évoque un renouvellement fréquent des stocks et ajoute qu’aucune modification de la composition – ou du dosage – des grenades n’a été constatée. Ceci lui aurait été confirmé par le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi).

Très peu d’études sur la question

Selon Frank Ceppa de l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, il n’existe aucune étude épidémiologique ayant été menée en France sur les effets des gaz lacrymogènes. L’intéressé donne des cours aux personnels confrontés à ce type d’armes et évoque différents risques – spécialement en milieu confiné – tels que le stress respiratoire aigu. Le problème réside dans le fait que la maigre connaissance médicale des effets à long terme est conditionnée par le manque de recherche, ce qui ne permet donc pas le développement de traitements et autres contre-mesures.

Cependant, certaines études menées notamment au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande évoquent des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques en cas d’exposition prolongée. Il est par ailleurs question de possibles fausses couches pour les femmes et d’un danger potentiellement mortel pour les personnes souffrant d’asthme et autres maladies du même type.

Sources : Reporterre – RFI – Libération

via:https://citizenpost.fr/2018/11/gaz-lacrymogenes-une-question-de-sante-publique-que-le-gouvernement-et-les-fabricants-passent-sous-silence/

Les gaz lacrymogènes : dangereux pour la santé, mais… silence d’État !

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Les gaz lacrymogènes sont largement utilisés par les gouvernements français. Leur composition évolue vers plus de toxicité, semble-t-il, ce qui est nocif pour les manifestants et… pour les policiers. Mais à la différence de tout autre produit chimique, fabricants et État ne disent rien sur sa composition. La transparence est nécessaire. Reporterre ouvre cette question de santé publique.

On pourrait penser que la composition des grenades lacrymogènes déversées abondamment sur les manifestants – mais aussi à usage privé, dans des cartouches de défense individuelle – est bien connue, étant donnés les enjeux de santé publique que pose leur emploi massif. Mais ces composés chimiques lacrymogènes et leurs effets sur la santé demeurent en France dans une opacité strictement gardée. Un tabou complet. Un non-dit officiel. Une zone inaccessible, soigneusement maintenue hors de toute transparence. Reporterre s’est confronté à cet écran de fumée officiel, sans ménager ses efforts, sollicitant ministères et cabinets, service de santé des Armées, fabricants, qui refusent toute réponse, et spécialistes qui ne disposent pas de données précises. Circulez, il n’y a rien à voir. Et pourtant…

Évoquer une toxicité accrue des grenades lacrymogènes utilisées par les gendarmes et policiers expose à des réponses fumeuses. Les nuages lacrymogènes sont-ils plus puissants, plus incapacitants que par le passé ? Dans les manifestations, beaucoup ont cette impression. Certains attestent de suffocations qui leur paraissent plus fortes, des yeux qu’on ne peut plus ouvrir durant plusieurs minutes, alors qu’auparavant on ne faisait que pleurer, les yeux piquants mais ouverts, des plaques rouges immédiates sur la peau, au visage, au cou…

Les équipes volantes de secouristes n’ont aussi qu’une appréciation empirique mais s’accordent sur des effets à moyen terme, notamment de bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition aux lacrymos dans les manifestations. Secouristes sur le pavé, les streets medics ont recueilli les témoignages de personnes âgées et d’enfants affectés par ces aspersions de gaz lacrymogène aux franges des cortèges de manifestants. Et selon les morphologies, la gêne immédiate peut être très variable, affectant d’abord les yeux pour certains, la respiration pour d’autres, voire des réactions cutanées immédiates. Mais il ne s’agit là que d’un ressenti, difficilement mesurable.

Les policiers sont aussi exposés… et maintenus dans l’ignorance

Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi. Si on les interroge sur les dosages qui auraient pu monter en puissance ces dernières années, les réponses sont disparates. « Les gazeuses à main en service depuis deux ou trois ans et les dernières grenades sont plus fortes, plus irritantes qu’avant, confie à Reporterre un CRS en région parisienne. Il nous arrive d’en prendre dans les yeux, au visage, et on le ressent nettement. Bien sûr, ça dépend aussi des conditions : température extérieure, taux d’humidité, si ça tombe sur du macadam, sur de l’herbe… » « Les dernières grenades ont un effet plus fort, plus important qu’auparavant, et les derniers lanceurs multicoups [lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet, chargé de six projectiles] sont dotés de nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées »,confirme Alexandre Langlois, du syndicat Vigi, ex-CGT police.

Cette impression n’est pas partagée par tous : « Je dirais plutôt que les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol, mais ces grenades piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption », explique Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance. De son côté, Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, explique : « Les stocks sont renouvelés régulièrement, on n’a pas changé de grenade, et rien n’a été modifié quant à la composition ou au dosage des grenades, selon ce que nous dit le Saelsi [le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure, qui fournit depuis 2014 gendarmerie et police nationale]. Seul le volume de gaz quand on sature une place change clairement la donne ».

Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi.

Fournisseurs des unités du maintien de l’ordre, la société Nobel sport, basée à Pont-de Buis (Finistère), lâche un laconique : « Il n’y aura pas de réponse de l’entreprise sur ce sujet. » Même refus d’informer chez son concurrent Alsetex, implanté à Précigné (Sarthe) : « La société Alsetex ne transmet aucune information sur les produits commercialisés à des tiers autres que nos clients. Nos produits répondent aux spécifications techniques des clients étatiques de l’entreprise. » Les ministères de la Défense et de l’Intérieur ne sont pas plus diserts, même s’ils exigent des questions écrites, transmises par courriel. Sans réponse.

Les apparitions du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918 

Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz mais un composé solide (à température ambiante), dilué dans des agents liquides ou gazeux, des composés fumigènes. Il s’agit de disperser le produit dans l’air par des grenades lacrymogènes simples ou par des « grenades à effets mixtes, lacrymogènes et de souffle (GLI-F4) ». Ces grenades relèvent de ce que les règlements appellent l’« usage des armes » et sont considérées dans le jargon policier comme « armes intermédiaires », « gaz incommodants » ou « incapacitants », parfois qualifiées de « sub-léthal », ou « à létalité réduite ». Pourtant, des gens sont morts, notamment en Palestine, en inhalant ces gaz. L’armée états-unienne le reconnaît aussi. Ce n’est donc pas un produit anodin, un moindre mal évitant le risque de mise à mort. Quant à savoir si les dégâts durables des lacrymogènes sur la santé sont évalués, la réponse des syndicalistes policiers, cette fois unanimes, est non. Beaucoup trouvent pourtant cette question de santé pertinente mais admettent n’avoir aucune donnée, aucune information.

À l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, Frank Ceppa, qui a écrit sur la toxicologie des armes, le reconnaît : « Je n’ai pas d’étude épidémiologique. Je donne un cours magistral dans une optique militaire aux personnels confrontés à ce type d’armes. J’évoque les risques accrus en milieu confiné, comme des réactions de stress respiratoire aigu, en cas de forte concentration, selon le nombre de munitions au mètre carré, mais je n’ai pas d’élément chiffré ni de littérature précise sur les symptômes. »

Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918.

« On est beaucoup plus exposé que les manifestants mais on n’a aucun suivi pulmonaire, dermatologique ou ophtalmique, note Alexandre Langlois, du syndicat Vigi. À part la visite périodique de la médecine du travail, très succincte : on nous prend la tension, on passe sur la balance, on nous demande si ça va et c’est tout. » « Le code du CHSCT [comité d’hygiène et de sécurité] ne s’applique pas au volet répression de la fonction publique », dit Johan Cavallero, délégué national Alliance pour les CRS.

Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918. Les Français ont tiré les premiers. Par les aspersions lacrymogènes sur les tranchées ennemies, ils ont inauguré les toxiques chimiques utilisés durant la Première Guerre mondiale. Et ont déclenché une surenchère de gaz toxiques de combat : attaques au chlore avec des gaz suffocants, comme le phosgène ou le dichlore en vagues gazeuses dérivantes, et des « vésicants », comme l’ypérite (e redoutable « gaz moutarde »). Le nom de « vesicant » vient de la capacité du produit chimique à former de grandes vésicules sur la peau exposée.

Très peu de recherches épidémiologiques ont été menées

Le gaz CS (2-chlorobenzylidène malonitrile) utilisé aujourd’hui a été développé en 1928 et porte les initiales des noms des deux chimistes états-uniens (Ben Corson et Roger Stoughton) qui ont synthétisé ses composants actifs. Mais il n’a été produit massivement par l’armée états-unienne comme arme antiémeute que bien plus tard, à partir de 1959. Ce composé lacrymogène existe en quatre versions : CS, CS1 (comprenant 5 % d’aérogel de silice), CS2 (traité au silicone) et CSX (dilué dans du phosphite trioctyl). Chaque version possède « des caractéristiques propres quant à sa persistance selon sa composition, sa dissémination et sa vitesse d’hydrolyse [sa décomposition au contact de l’eau ou de l’hygrométrie de l’air] », explique un rapport de l’armée états-unienne de janvier 2005.

L’usage de ces gaz lacrymogènes a été interdit en temps de guerre par la Convention internationale sur les armes chimiques de Genève, en 1993. Quoique bannie des conflits militaires, cette arme reste curieusement autorisée contre les manifestants civils, pour mater des conflits intérieurs, en situation de guerre sociale « domestique ». En France, en avril 2015, le Défenseur des droit relevait dans un rapport que « la police allemande n’utilise pas de gaz lacrymogène, considérant que des personnes non agressives ou non violentes pourraient en subir les effets indûment ».

Interdit en temps de guerre, l’usage de ces gaz lacrymogènes est autorisé contre les manifestants civils, comme ici en 2013, à Strasbourg, contre des sidérurgistes d’Arcelor Mittal.

Les effets des gaz lacrymogènes sont connus mais les mécanismes biologiques qu’ils mettent en branle restent peu étudiés. « Les lacrymogènes agissent sur les terminaisons nerveuses des muqueuses oculaires et respiratoires, et sur la peau »,écrivaient en 2012 deux éminents pharmaciens et un médecin de l’École de santé des Armées, tout en reconnaissant que « le mécanisme d’action est mal connu » et n’avançant aucune hypothèse vraisemblable des raisons de ces attaques des yeux, de la peau et des poumons. Leur article, intitulé « Toxicité oculaire des agressifs chimiques », a été publié par la revue Médecine et armées.

Un article paru en 2016 dans les Annales de la New York Academy of Sciencesexplique que des études prouvent que le gaz lacrymogène peut « occasionner des dégâts durables, pulmonaires, cutanés et oculaires, avec des risques élevés de complications pour les individus affectés par des morbidités chroniques ». L’étude souligne que par manque de financement public, très peu de recherches épidémiologiques ont été menées sur le spectre des effets sanitaires occasionnés par cette arme antiémeute. Ce qui « handicape la connaissance médicale des effets à long terme et le développement de traitements et contre-mesures ». L’article qui s’attache principalement aux lacrymogènes utilisés aux États-Unis fait état de grenades type composées de 45 % d’agent CS, de 30 % de chlorate de potassium, de 14 % de résine époxy, de 7 % anhydride maléique, 3 % d’anhydride méthylnadique, et de 0,03 % de mélange résiduel. Rien ne dit que les fabricants français Nobel Spsrt et Alsetex livrent le même cocktail, mais on serait en droit de la savoir.

Mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques 

Les dégâts instantanés sur la santé sont inventoriés ; les effets durables, beaucoup moins. Dans l’immédiat, on constate des effets irritants sur les yeux, des plaques rouges sur la peau, presque instantanés : mais une exposition prolongée à des composés neurotoxiques peut occasionner des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques, comme le documentait une étude de l’université anglaise de Newcastle-upon-Tyne, publiée en 2003 par le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai 2017 à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.

« De fortes concentrations sur des périodes courtes peuvent être plus dangereuses que la même dose dispersée en petites concentrations sur une plus longue durée », note une étude néo-zélandaise publiée en 2013, soulignant que les effets oculaires connus (yeux rouges et larmes) « incluent douleur, blépharospasme [contractions répétées et involontaires des paupières], photophobie [douleurs, migraines, en regardant une source lumineuse], conjonctivite, œdème périorbital, érythème de paupière. Ces symptômes n’occasionnent pas d’effets irréversibles, mais des blessures oculaires plus sévères ont été documentées, incluant hyphéma [sang à l’avant de l’œil], uvéite[inflammation de l’uvée], keratite [inflammation de la cornée] nécrosante ou coagulative, symblépharon [paupières collées], glaucome secondaire, cataractes et neuropathie optique traumatisante. » Les auteurs du rapport précisent la difficulté est de « déterminer si les dommages oculaires étaient dus au lacrymogène en soi, au solvant des grenades, ou un résultat de la charge explosive du produit ».

Autant d’éléments préoccupants qui auraient mérité des réponses des opérateurs publics de ces lacrymogènes. Il paraît indispensable que, comme tout produit répandu dans l’espace public, pesticide ou médicament, la transparence s’impose aux gaz lacrymogènes avec des études indépendantes.

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Effets persistants, rumeurs de cyanure : les gaz lacrymo utilisés contre les manifestants inquiètent

Par Olivier Monod 11 mai 2019 à 09:47

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Utilisation du gaz lacrymogène lors de la manifestation des gilets jaunes à Toulouse, le 30 mars 2019.
Utilisation du gaz lacrymogène lors de la manifestation des gilets jaunes à Toulouse, le 30 mars 2019. Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération 

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Des gilets jaunes affichent des symptômes persistants après une exposition aux gaz. Certains évoquent une intoxication au cyanure, sans qu’aucune n’ait été caractérisée. Des voix scientifiques s’élèvent pour mener des recherches sérieuses sur les effets des gaz.

Question posée par Gérard Portier le 09/04/2019

Bonjour,

Des prises de sang réalisées en pleine manifestation. La scène surprenante a été vue lors des manifestations du 20 avril et du premier mai, et dénoncée dans un communiqué par La coordination Premiers Secours. «Nous tenons à faire savoir qu’aucun Médic de la coordination n’est acteur de ces gestes irresponsables. Nous dénonçons ses pratiques, et rappelons que ces initiatives engagent leur responsabilité individuelle

Des vidéos datées du 20 avril et tournées à Paris, que CheckNews a pu consulter, montrent des prises de sang et des analyses de sang réalisées sur le trottoir, et parfois sans gants. Cette pratique contestée a pour objectif d’étayer les soupçons qui montent depuis plusieurs semaines sur la composition des gaz lacrymogènes, alors que de plus en plus de témoignages de manifestants font état d’effets persistants. Certains dénonçant depuis plusieurs mois des cas d’intoxication au cyanure.

À la recherche du cyanure

Le 10 février dernier, l’avocate Raquel Garrido met le sujet du cyanure sur la table en partageant ses symptômes post-manifestation (douleurs, vomissement, migraine) sur les réseaux sociaux. «Selon mon médecin, cela ressemble un empoisonnement à l’acide cyanhydrique», affirme-t-elle.

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Raquel Garrido@RaquelGarridoFr

J’ai informé mes amis (FB) de mes symptômes consécutifs à l’absorption de gaz hier à l’ActeXIII. Depuis, je reçois quantité de témoignages similaires. Selon mon médecin, cela ressemble un empoisonnement à l’acide cyanhydrique. Je demande à @Place_Beauvau la composition du gaz.2 79514:42 – 10 févr. 20193 531 personnes parlent à ce sujetInformations sur les Publicités Twitter et confidentialité

Les symptômes décrits par Raquel Garrido restent proches de ceux provoqués par une exposition au 2-Chlorobenzylidènemalononitrile, le gaz utilisé dans les lacrymogènes (aussi appelé gaz CS), selon la fiche toxicologique de l’INRS. Le témoignage de l’avocate est dénoncé, et parfois moqué, dans des médias et un syndicat de police.

Début avril, le collectif SOS ONU, qui s’est donné pour mission de recueillir des témoignages de violence policière afin de compléter le dossier déjà déposé au Haut-Commissariat des Droits de l’Homme, ajoute sa pierre à la polémique en publiant sur sa page Facebook des résultats d’analyses sanguines et urinaires de manifestants. Certains montrent des taux de thiocyanates dans les urines ou dans le sang supérieurs aux valeurs de référence. Parmi les deux tests publiés, l’un affiche 15,9 mg/L de thiocyanate dans le sang (contre 7,5 mg/L de référence chez les fumeurs) et l’autre affiche 31,4 mg/L dans les urines (contre 25 mg/L de référence chez les fumeurs).

Or le thiocyanate est produit par le corps humain en cas d’exposition au cyanure. Ce qui a conduit SOS ONU à écrire «Analyses CYANURE POSITIF !!» et à lancer une campagne pour demander aux personnes présentant des symptômes persistants après une exposition aux gaz lacrymogènes de réaliser le test au thiocyanate dans le sang, dans l’espoir de démontrer une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes.

Que disent les tests ?

CheckNews a contacté le docteur François Parant, médecin au laboratoire qui a effectué les analyses publiées par SOS ONU. Il confirme que son laboratoire a reçu bien plus de demandes de dosages de thiocyanates que d’habitude depuis décembre 2018. La véracité des documents publiés n’est pas remise en cause, mais les concentrations retrouvées, bien que parfois supérieures aux valeurs de référence du laboratoire, ne permettent pas, selon lui, de caractériser une intoxication au cyanure.

«Dans notre laboratoire, nous réalisons les dosages des thiocyanates sériques [dans le sang, ndlr] et urinaires par technique colorimétrique. L’indication usuelle est la documentation d’une exposition aux cyanures suite à un incendie. La méthode utilisée manque néanmoins de spécificité ; les résultats doivent être interprétés au regard d’analyses biochimiques complémentaires et de la clinique», explique François Parant.

Au centre anti-poison de Lyon, le docteur Jean-Marc Sapori confirme également avoir été sollicité par des personnes exposées au gaz lacrymogène et pensant être intoxiquées par du cyanure. «Jusqu’à présent, tous les cas rapportés à notre centre présentent logiquement des signes irritatifs classiques, parfois associés à d’autres signes, très divers, mais ne pouvant être imputés à une intoxication manifeste au cyanure», explique-t-il à CheckNews.

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Les tests complémentaires

Pour caractériser la présence de cyanure dans le sang des manifestants, certains membres de SOS ONU ont voulu aller plus loin que les tests en laboratoire, proposant donc de réaliser des analyses sanguines pendant les manifestations. Une vidéo a été postée sur YouTube pour expliquer la démarche.

La pratique de ces tests a généré de vifs désaccords au sein du collectif et, aujourd’hui, la page Facebook SOS ONU dénonce cette pratique aux côtés des street medics.

CheckNews a contacté le médecin belge Renaud Fiévet qui supervise les prises de sang en question sur le terrain. «Les prises de sang sont effectuées dans le respect des protocoles de la haute autorité de santé, par des infirmières diplômées», affirme-t-il.

Les tests en question sont fournis par la société suisse CyanoGuard et commercialisés depuis 2018. «Après avoir échangé avec le fabricant, nous avons décidé de doubler quantité de sang testé afin d’abaisser le seuil de détection», confie Renaud Fiévet.

Le célèbre gilet jaune Maxime Nicolle s’est livré au test, et en a publié le résultat le 1er mai «une heure après exposition aux gaz». Il assure à CheckNews, et dans un live, que le test s’est déroulé dans de bonnes conditions d’hygiènes. CheckNews a envoyé par mail la photo du test de Maxime Nicolle au fabricant du kit, qui confirme un résultat positif au cyanure.

Test de cyanure sanguin publié par Maxime Nicolle

Ce résultat permet-il de conclure quoi que ce soit? Notons que ce test n’a pas été effectué avant la manifestation pour comparer un résultat avant et après exposition. Par ailleurs, Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris, est dubitatif sur le test en question. «Il existe des dosages fiables, réalisés par des laboratoires reconnus, pour doser le cyanure dans le sang. Pourquoi faire appel à des bandelettes moins validées scientifiquement ?» Dans le protocole pour établir une intoxication au cyanure, les médecins demandent aussi le dosage des lactates sanguins, qui prouvent que le cyanure a bien eu une action biologique. Car une exposition au cyanure n’est pas en soit synonyme d’une intoxication, on retrouve des doses de cyanure ou thiocyanate dans le sang de la population générale.

Les gaz lacrymogènes contiennent-ils du cyanure ? L’hypothèse du métabolisme

Par aileurs, à ce stade, si on connaît l’exposition au cyanure par la cigarette, l’alimentation, ou encore les incendies, rien ne vient valider l’hypothèse de la présence de cyanure dans le gaz lacrymogène.

Lire aussi : GARE À L’ORTHOCHLOROBENZYLIDÉNÉMALONONITRILE

Sollicitée par CheckNews, la direction générale de la police nationale affirme qu’«aucune trace de cyanure d’hydrogène n’a été détectée lors des tests effectués sur les engins utilisés par la police comme la gendarmerie». Une réponse qu’elle avait déjà faite à France Info ou LCI.

L’hypothèse du métabolisme

L’hypothèse la plus répandue est la modification du gaz CS dans le corps humain. L’idée est que le CS serait en partie transformé par le métabolisme en cyanure d’hydrogène puis en thiocyanate. Le schéma explicatif ci-dessous avait été publié par SOS ONU en avril.

Ce mécanisme ne sort pas de nulle part. La transformation du gaz CS en cyanure est même démontrée chez les animaux en cas de forte exposition au CS. La réalité de ce phénomène chez l’homme a donc été étudiée. Après évaluation, son rôle dans la toxicité du gaz CS a été écarté.

En 2001, une revue de littérature (résumé du savoir existant sur un domaine) intitulée «Agents de contrôle des émeutes : pharmacologie, biochimie et chimie», s’est penchée sur la formation de cyanure à partir de CS chez l’homme :

«La formation de cyanure d’hydrogène à partir de CS a été le sujet de plusieurs études chez l’animal et chez l’humain. […] Des études visant à déterminer la quantité de cyanure produite, mesurée par le taux de thiocyanate dans le sang, chez des humains exposés au CS ont été conduites. Les résultats de ces études trouvent des niveaux de thiocyanate plasmiques négligeables». En clair, la métabolisation du CS peut créer du cyanure mais en très petite quantité.

En 2013, le scientifique néo-zélandais Léo Schep publie un article sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes. Il y écrit que «des niveaux minimums de cyanure et thiocyanate peuvent apparaître dans les urines après une exposition orale ou par intraveineuse au CS». Il ajoute que «dans des circonstances normales, on ne pense pas que suffisamment de cyanure soit libéré pour causer des effets systémiques».

CheckNews l’a contacté pour mettre à jour et préciser son propos : «Le cyanure ne contribue pas à la toxicité du CS, il s’agit d’un sous-produit très mineur issu du métabolisme du CS par le corps».

Enfin, un article plus récent (2016) sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes ne parle pas du tout d’effet lié au cyanure. Son auteur, Sven-Eric Jordt, affirme à CheckNews qu’«il n’y a pas de preuve d’une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes».

Notons enfin que la question du cyanure n’est évoquée ni par le site Désarmons-les, un collectif «contre les violences d’État» dans son article de 2018 (Ce qu’il faut savoir sur les lacrymo) ni par la Coordination des premiers secours (qui regroupe les street medics) dans son article de 2019 Le gaz lacrymogène, ses effets et comment s’en protéger.

Des victimes dues à une surexposition ?

La dangerosité des gaz lacrymogènes est avérée sans aller chercher une intervention du cyanure. Les effets du CS vont du picotement dans les yeux et la gorge à faible concentration et en cas d’exposition courte au risque mortel (très rare) en cas de forte concentration dans un milieu confiné sans possibilité de fuite. Les victimes auxquelles CheckNews a pu parler dans le cadre de cette enquête évoquent des symptômes qui persistent plusieurs semaines. Elles ont été exposées toutes les semaines aux gaz et parfois pendant plusieurs minutes sans pouvoir sortir du nuage. Des conditions qui s’éloignent des circonstances habituelles.

Mediapart a récolté plusieurs témoignages faisant état «de problèmes de santé liés à l’utilisation massive et répétée du gaz lacrymogène». En effet, le nombre de munitions tirées et la récurrence des mouvements toutes les semaines amènent les manifestants dans des niveaux d’expositions élevés et aux conséquences peu documentées.

«D’éventuelles conséquences à long terme des expositions au gaz lacrymogènes peuvent être envisagées, en particulier au niveau respiratoire (broncho-pneumopathies chroniques obstructives…) dans le cas d’expositions importantes et répétées, mais elles sont relativement peu documentées dans la littérature (souvent lors d’expositions professionnelles d’ailleurs)», explique Jean-Marc Sapori.

Dans son guide toxicologique publié en 2003, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), note que «La toux et la dégradation de la fonction respiratoire engendrées par une exposition au CS peuvent se prolonger pendant plusieurs mois. […] Toutefois, ces effets s’observent généralement lorsque les individus ont été exposés au CS de manière prolongée dans un espace confiné ou lorsqu’ils souffrent d’une maladie pulmonaire préexistante» (en page 176).

Lire aussi : LA CONVENTION SUR L’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES INTERDIT-ELLE LE GAZ LACRYMOGÈNE?

Une enquête de suivi nécessaire

Trois articles scientifiques de 20172014 et 2015 soulignent les potentiels effets «sérieux» du gaz CS sur la santé humaine (sans parler de cyanure) et le manque de données de qualité sur le sujet. Les chercheurs pointent du doigt les limites des données existantes sur les effets des gaz lacrymogènes et appellent à plus de recherches sur le sujet.

Interrogé par CheckNews, Sven-Eric Jordt, chercheur à la Duke University School of Medicine, regrette «l’écart entre la hausse de l’utilisation des gaz lacrymogènes par les gouvernements et la faiblesse des recherches sur leurs effets». Il aimerait voir menées «des études de suivi».

Jean-Marc Sapori plaide aussi pour un suivi du sujet, eu égard au caractère inédit du mouvement des gilets jaunes : «Nous sommes face à un cas atypique d’exposition répétée sur de nombreuses semaines aux gaz lacrymogènes qui mériterait une enquête épidémiologique sérieuse afin de mieux décrire les conséquences sanitaires de cette exposition chronique».

Une situation exceptionnelle décrite par la coordination premier secours qui parle de manifestants se trouvant «soudain noyés dans le gaz lacrymo, avec plus d’une cinquantaine de palets fumant en même temps». Des conditions aggravéespar les «techniques dites «de nasse» où les manifestants (et de malheureux passants) se trouvent pris au piège, sans aucune échappatoire, dans un air irrespirable». Dans de telles situations, les victimes de ces gaz «sont pliées en deux, cherchant de l’air contre les murs des bâtiments, voire prostrées au sol, apeurées, aveuglées, incapables de reprendre leur respiration».

Si vous souhaitez signaler des cas de séquelles durables en raison de l’exposition aux gaz lacrymogènes, la rédaction de Checknews est joignable par mail sur checknews@libe.fr ou sur twitter: @CheckNewsfr.

Cordialement

Déchainement médiatique autour des prises de sang, merci au sérieux de l’AFP…

https://www.liberation.fr/checknews/2019/05/11/effets-persistants-rumeurs-de-cyanure-les-gaz-lacrymo-utilises-contre-les-manifestants-inquietent_1720285

https://www.google.com/amp/s/fr.news.yahoo.com/amphtml/gilets-jaunes-pr%25C3%25A9tendus-street-medics-053028994.html

https://www.guadeloupe.fr/actualites-internationale/gilets-jaunes-ces-faux-street-medics-qui-ont-preleve-le-sang-des-manifestants/

https://www.lesinrocks.com/2019/05/16/actualite/actualite/prelevements-sanguins-en-pleine-manifestation-les-pratiques-douteuses-de-pretendus-street-medics/

https://mobile.agoravox.tv/tribune-libre/article/gilets-jaunes-des-prelevements-81600

https://lavdn.lavoixdunord.fr/582310/article/2019-05-13/les-gaz-lacrymogenes-peuvent-ils-causer-des-intoxications-au-cyanure

https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-du-sang-preleve-sur-des-manifestants-11-05-2019-2311976_23.php

https://www.20minutes.fr/societe/2495507-20190412-gilets-jaunes-intoxiques-cyanure-gaz-lacrymogenes-police

https://www.lci.fr/population/gaz-lacrymogenes-l-effet-irritant-bien-plus-dangereux-que-de-potentiels-traces-de-cyanure-2118099.html

https://www.lci.fr/population/fact-check-gilets-jaunes-des-manifestants-ont-ils-pu-etre-intoxiques-au-cyanure-2117244.html

https://www.lci.fr/population/des-gaz-lacrymogenes-composes-de-cyanure-2120862.html

https://francais.rt.com/france/62127-gilets-jaunes-faux-street-medics-preleve-sang-manifestants

https://www.midilibre.fr/2019/05/16/gilets-jaunes-dintrigants-prelevements-sanguins-sur-les-manifestants,8203038.php

https://www.nouvelobs.com/societe/20190516.OBS13019/les-street-medics-alertent-sur-les-prelevements-sanguins-sauvages-dans-les-manif-de-gilets-jaunes.html

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-comment-de-pretendus-street-medics-ont-effectue-des-prelevements-sanguins-en-pleine-manifestation_3432957.html

http://m.leparisien.fr/faits-divers/mais-qui-preleve-le-sang-des-gilets-jaunes-a-meme-le-trottoir-lors-des-manifs-11-05-2019-8069772.php

https://www.europe1.fr/societe/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes-3899754

https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/24/ouverture-d-une-enquete-preliminaire-apres-des-prises-de-sang-realisees-dans-les-manifestations-des-gilets-jaunes_5466365_3224.html

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/rumeurs-cyanure-et-lacrymo-des-prises-de-sang-sauvages-pendant-les-manifs-de-gilets-jaunes_133933

https://www.la-croix.com/France/Rumeurs-cyanure-lacrymo-prises-sang-sauvages-manifs-gilets-jaunes-2019-05-24-1301024147

https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/rumeurs-cyanure-et-lacrymo-des-prises-de-sang-sauvages-pendant-les-manifs-de-gilets-jaunes_2080013.html

https://www.lepoint.fr/societe/rumeurs-cyanure-et-lacrymo-des-prises-de-sang-sauvages-pendant-les-manifs-de-gilets-jaunes-24-05-2019-2314797_23.php

https://www.sudouest.fr/2019/05/24/rumeurs-cyanure-et-lacrymo-des-prises-de-sang-sauvages-pendant-les-manifs-de-gilets-jaunes-6119575-10530.php

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-sur-des-gilets-jaunes-20190521?fbclid=IwAR0Dk9OhwmSgkVUylQzgzt9Qtj2E4a45nmJOSMMAmZa3kzTJFwWnDvUu3X8

https://www.liberation.fr/direct/element/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes_97868/

https://izlandbipbip.com/news/france/gilets-jaunes-du-sang-preleve-sur-des-manifestants/

https://www.newsstandhub.com/fr-fr/le-figaro/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-sur-des-gilets-jaunes

https://www.ladepeche.fr/2019/05/21/gilets-jaunes-pourquoi-de-faux-street-medics-ont-effectue-des-prelevements-sanguins,8212375.php?mediego_euid=%7BIDDI%7D

https://www.cnews.fr/france/2019-05-21/gilets-jaunes-une-enquete-ouverte-sur-des-prelevements-sanguins-sauvages-lors-des

https://www.ouest-france.fr/societe/gilets-jaunes/pourquoi-des-gilets-jaunes-ont-ils-subi-des-prelevements-sanguins-pendant-les-manifestations-6361090

https://www.linfo.re/france/societe/prelevements-sanguins-de-gilets-jaunes-enquete-ouverte-par-le-parquet

https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/pr%C3%A9l%C3%A8vements-sanguins-de-gilets-jaunes-le-parquet-ouvre-une-enqu%C3%AAte/ar-AABDSa3

https://www.gj-magazine.com/gj/prelevements-sanguins-dans-les-manifs-gj-une-enquete-ouverte/

https://news.sfr.fr/actualites/societe/gilets-jaunes-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations.html

https://sfrpresse.sfr.fr/article/a0f77c88-ffb8-46c8-b501-d0a0add8a1b9

https://www.lesinrocks.com/2019/05/21/actualite/actualite/ouverture-dune-enquete-pour-des-prelevements-sanguins-en-manif-des-gilets-jaunes/

https://www.huffingtonpost.fr/entry/gilets-jaunes-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-en-manifestation_fr_5ce38bdce4b075a35a2c346b

https://www.valeursactuelles.com/societe/gilets-jaunes-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-107193

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/une-enquete-preliminaire-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes_3452405.html

https://fr.news.yahoo.com/gilets-jaunes-enqu%C3%AAte-ouverte-apr%C3%A8s-185656692.html

https://www.cnews.fr/france/2019-05-20/gilets-jaunes-en-direct-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de

https://www.20minutes.fr/justice/2522431-20190520-gilets-jaunes-enquete-ouverte-apres-prelevements-sanguins-realises-lors-manifestations

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/prelevements-sanguins-de-gilets-jaunes-le-parquet-ouvre-une-enquete_2079269.html

http://www.leparisien.fr/faits-divers/prelevements-sanguins-des-gilets-jaunes-la-justice-ouvre-une-enquete-20-05-2019-8076252.php

https://www.europe1.fr/societe/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes-3899754?fbclid=IwAR2e8_ryji77kAZeFCAJufnxeGzhoyugrl0YmWXWVjBUIFtvpweFp-L5uwU

https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/gilets-jaunes-gaz-lacrymogenes-sont-ils-dangereux-sante-1664551.html

https://www.actualites-du-jour.eu/article/enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes/4259128

https://mouscron.nordeclair.be/391158/article/2019-05-20/gilets-jaunes-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins

https://www.lepoint.fr/societe/rumeurs-cyanure-et-lacrymo-des-prises-de-sang-sauvages-pendant-les-manifs-de-gilets-jaunes-24-05-2019-2314797_23.php

http://www.jeuxvideo.com/forums/42-69-59772615-1-0-1-0-enquete-ouverte-apres-des-prelevements-sanguins-lors-de-manifestations-des-gilets-jaunes.htm

Pourquoi des médecins ont-il prélevé le sang de «gilets jaunes»?

Lien vers l’article

DÉCRYPTAGE – Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris pour «violences volontaires aggravées» et «mise en danger de la vie d’autrui».

Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour «violences volontaires aggravées» et «mise en danger de la vie d’autrui», après des prélèvements sanguins effectués dans la rue sur des manifestants pendant des rassemblements de «gilets jaunes».

» LIRE AUSSI – Apolitiques ou anarchistes, les «street medics» portent secours aux «gilets jaunes»

Les 20 avril et 1er mai, lors des manifestations, des personnes ont été filmées en train d’effectuer des prises de sang sur des manifestants sur le trottoir à quelques mètres du rassemblement. Ils se présentaient comme des «street medics», ces volontaires apolitiques ou anarchistes qui proposent leur aide lors de manifestations publiques. Il s’agissait en réalité de trois médecins: Josiane Clépier, généraliste, un anesthésiste Belge, Renaud Fiévet, et une ophtalmologue, Christiane Blondin. Ils étaient accompagnés d’un ancien biologiste aujourd’hui professeur de maths, Alexander Samuel, et de deux infirmières. Ces dernières auraient pratiqué les prises de sang, supervisées par les médecins. Le but de l’équipe: lancer une alerte prouvant que les gaz lacrymogènes CS utilisés par les forces de l’ordre contiennent du cyanure à haute dose, dangereux pour la santé.

Sur une première vidéo, une personne assise par terre, subit une prise de sang dans le brouhaha. La séquence aurait été filmée par un «street medic» qui l’aurait fait circuler.Sur la seconde vidéo, on entend les personnes casquées relever les coordonnées du manifestant et lui assurer: «On va t’envoyer les analyses chez toi». Ces prises de sang semblent avoir été pratiquées avec le consentement écrit des personnes puisque l’on entend notamment: «Il faut lui faire signer le consentement». Cette scène aurait été filmée par l’équipe d’Alexander Samuel, «pour l’envoyer à SOS ONU et leur montrer que l’opération est encadrée».

Des prélèvements légaux?

Au Figaro, François Braun, président de Samu secours de France, confirme qu’il est très fréquent de procéder à des prises de sang à l’extérieur. «Lorsqu’il y a un accident de la route, on fait systématiquement une prise de sang. Le lieu n’est donc pas le problème.» En revanche, «il est impératif de respecter les conditions d’hygiène qui sont les mêmes qu’à l’hôpitaldésinfection des mains, gants, asepsie de la peau, matériel stérile. Garder les analyses au froid si besoin.» Or, les vidéos ne permettent pas de vérifier que cette procédure sanitaire a été respectée. «On voit qu’ils ne portent pas de gants pour manipuler les produits biologiques. On ne voit pas tout le geste ni la mise en place de l’aiguille dans la peau», déplore François Braun.

Après les vidéos des prélèvements, un troisième film, également tourné par les médecins, montre Alexander Samuel en train de procéder à un test instantané, à même le sol.

La façon de faire étonne le médecin urgentiste. «On ne comprend pas bien ce qui se passe. La personne touche le sol avec ses gants avant de retoucher les produits. À l’hôpital, lorsqu’on doit diluer le sang pour faire un test, on utilise de l’eau stérile. Là, la personne plonge plusieurs fois une seringue dont on ne sait si elle est stérilisée dans une bouteille de coca remplie d’eau», analyse, dubitatif, François Braun. Cela pousse le médecin urgentiste à s’interroger sur une contamination extérieure des prélèvements.

De son côté, Alexander Samuel assure qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de l’eau stérile pour cette analyse. Le test utilisé est un Cyanokit, un test instantané créé par la société suisse CyanoGuard. Celui-ci n’est pas utilisé en France. Conçu notamment pour vérifier le taux de cyranure dans les productions comme le magnoc, le Cyanokit est utilié dans les pays en développement. Contacté par Le Figaro, le fabricant assure que le test est utilisé «par des médecins légistes en Europe et à l’étranger».

L’hypothèse est que le gaz CS, présent dans les lacrymogènes utilisées par les forces de l’ordre, se transforme d’abord en cyanure puis en thiocyanate, un dérivé du cyanure présent notamment dans les cigarettes, une fois dans l’organisme. «La durée de vie du cyanure est de moins d’une heure alors que les thiocyanates restent dans les urines et le sang pendant plusieurs jours. C’est pour cela que nous avions besoin d’un test immédiat», explique Alexander Samuel. Dans une vidéo publiée sur YouTube, il explique la manière dont le Cyanokit doit être utilisé.

Bien que surprenante, cette pratique serait légale si «la personne consent à un prélèvement biologique pour des motifs qu’elle connaît et que ce prélèvement est effectué par un professionnel qualifié pour le faire», d’après le Conseil national de l’Ordre des médecins. «La seule réserve serait que le traitement de l’échantillon soit également effectué par un professionnel qualifié et identifié, afin que le résultat rendu soit techniquement fiable.»

La pratique rejetée par les «street medics»

Dès publication des vidéos, le groupe de «street medics» Coordination 1ers secours, soutenu par SOS ONU, a rédigé un communiqué pour dénoncer ces pratiques. «Nous conseillons vivement aux victimes de ne pas accepter de se faire prélever dans de telles conditions (…) la technique n’est pas viable.»

Dans les commentaires, Claire a déclaré avoir été prélevée. Au Parisien , elle explique avoir fait un malaise après qu’une grenade a explosé à ses piedsSes amis ont alors crié «street medics» lorsqu’elle s’est mise à suffoquer. Après avoir été soignée par deux hommes et une femme, elle aurait signé, «encore stone», le consentement écrit. D’après ses amis ils avaient des gants et la pochette et l’aiguille avaient l’air stériles. «Mais autour de nous, ça gazait encore.»

De son côté, Maxime Nicolle, alias Fly Rider, a déclaré dans un live Facebook avoir eu recours au prélèvement «une heure après exposition aux gaz». Il assure que les conditions d’hygiènes étaient respectées. Le fabricant du test a confirmé à Libérationque le résultat était bien positif au cyanure.

Les gaz lacrymogènes contiennent-ils du cyanure?

Joint par le Figaro, Alexander Samuel, qui ne faisait pas partie du mouvement «gilet jaune», explique qu’il a effectué ces recherches à la demande de SOS ONU. «J’étais présent lors de l’affaire Geneviève Legay. Ils voulaient mon témoignage. Lorsque je leur ai dit que j’étais un ancien biologiste, ils m’ont envoyé un résultat d’analyse qui montrait un niveau élevé de thiocyanates.» Le professeur de maths pense d’abord à une information mensongère. «Je ne voyais pas le rapport entre le cyanure et les gaz lacrymogènes et il ne s’agissait que d’un seul cas.»

Mais de leur côté, les membres du collectif de SOS ONU contactés par nos soins démentent ardemment ces allégations. «Nous ne l’avons jamais contacté.» SOS ONU a aussi cherché à savoir si des intoxications au cyanure à cause des gaz lacrymogène étaient possibles. Au cours du mois d’avril, le collectif a publié sur sa page Facebook plusieurs résultats d’analyses provenant notamment du laboratoire de biologie médicale du CHU de Lyon. Si certains résultats semblent dans la norme, d’autres indiquent que les mg par litre de sang sont plus élevés que les doses normales d’un patient fumeur. Sur chaque publication, un message: «vous présentez des symptômes, demandez le dosage du thiocyanate sanguin et urinaire. Faites les parvenir» à SOS ONU. «Nous cherchions à récupérer des témoignages pour Me Arié Alimi qui souhaitait lancer une procédure judiciaire légale, expliquent-ils. Il a montré les dossiers que nous avons reçus à un spécialiste et les résultats ne semblent pas avoir de rapport avec le cyanure donc nous nous sommes arrêtés là.»

Contacté par CheckNews, François Parant, du laboratoire du CHU de Lyon, a confirmé la véracité des résultats en précisant toutefois qu’ils ne permettaient pas de prouver une intoxication au cyanure. La «technique colorimétrique», également utilisée lors d’une exposition au cyanure pendant un incendie, «manque de spécificité».

Le groupe des médecins et infirmières estime donc que lorsque le gaz CS est absorbé, l’une des molécules (la malonitrile) se transforme en cyanure dans l’organisme puis en thiocyanates. Mais d’après le protocole cité par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le taux de thiocyanates ne permet pas de confirmer une intoxication. Pour caractériser des symptômes en intoxication au cyanure, il faut s’intéresser aux lactates. «Une hypotension et/ou une concentration plasmatique en lactate supérieure à 10 mmol/l suggèrent fortement une intoxication au cyanure», est-il écrit dans le rapport.

Une personne intoxiquée au cyanure devrait alors ressentir des «nausées, vomissements, maux de tête, altération de l’état neurologique (par exemple confusion, désorientation), sensation d’oppression thoracique, manque d’air, hypertension ou hypotension, collapsus cardiovasculaire, convulsions ou coma etc.» Les «street medics» de plusieurs groupes ont en effet déjà récolté des témoignages faisant état de symptômes similaires. Si les risques d’intoxication au cyanure semblent faibles, le docteur Jean-Marc Sapori s’inquiète cependant des effets irritants des gaz lacrymogènes. «En étant exposé chaque semaine au gaz lacrymogène, les bronches sont atteintes et il est possible de développer des pathologies chroniques.»

Quelle suite pour les résultats?

Si les résultats des Cyanokit, immédiats, ont été délivrés aux patients, ceux des thiocyanates de ces mêmes personnes ne sont pas connus pour l’instant. Certains «gilets jaunes» piqués ont rapporté n’avoir toujours pas reçu les conclusions de leurs analyses. Celles-ci auraient été envoyées dans un laboratoire à Bruxelles. On évoque également des laboratoires étrangers. Alexander Samuel, lui, indique ne pas avoir la main sur les résultats des analyses: «les médecins les récupèrent, les montrent aux patients mais je n’y ai pas accès si le patient ne veut pas que je les voie».

Des résultats dont doutent fortement Jean-Marc Sapori et François Braun. «Le kit donne une couleur mais aucune valeur chiffrée. Cela ressemble plutôt à ce que pourraient utiliser les pompiers sur un incendie mais j’ai beaucoup de mal à comprendre l’intérêt médical de ce kit», estime le président de Samu urgence de France. Même sentiment pour Jean-Marc Sapori, «réservé sur les interprétations des résultats.» D’autant plus qu’aucune analyse n’a été produite avant l’exposition au gaz lacrymogène pour établir une comparaison avant après.

À ce jour, plus d’une dizaine de prélèvements ont été faits. De son côté, Alexander Samuel continue de s’appuyer sur des études, majoritairement étrangères, et espère récolter suffisamment de résultats d’analyses pour pouvoir lancer une alerte. En attendant, il n’a pas prévu de retourner en manifestation pour procéder aux prises de sang.

« Celui qui déploie du CS est conscient qu’il peut tuer »

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Des disputes au sein du ministère de l’intérieur à propos du gaz de combat CS utilisé par la police : on en tire vers Brokdorf et Wackersdorf, des régions régies par la CDU-CSU, où des opposants au nucléaire ont subi une exposition à ce « super gaz lacrymogène » CS, et des médecins préviennent d’une méconnaissance de sa toxicité mettant la vie des manifestants en danger. 
Les manifestants ont subi des oedèmes du poumon, des chocs respiratoires et ont eu besoin de soins pour la peau. Les Länder dirigés par la SPD n’utilisent pas ce « gaz du diable », alors que le ministère de l’intérieur CSU/CDU prétend que le gaz n’est pas si dangereux et serait « médicalement inoffensif ».

Dans la ville de Linnich, les forces de l’ordre ont pu assister à une manifestation inhabituelle dans la cour de la police anti-émeute. Un homme seul s’est placé devant les canons à eau et a résisté jusqu’à ne plus pouvoir tenir debout avant que des médecins et des secouristes ne s’occupent de lui.
Cet homme, c’est Herbert Schnoor, 59 ans, ministre de l’intérieur du Land Nordrhein-Westfalen, et l’essai réalisé avec la force du canon à eau était en réalité un essai cobaye avec ce gaz controversé, le CS.
L‘expérience du ministre sous le jet de ce mélange de gaz CS et d’eau était, selon son porte-parole Reinhard Schimdt-Küntzel, « dégrisante et dévastatrice ». Après sa douche de gaz, Schnoor s’est senti comme « détruit » et « comme si une grosse bête venait de me vomir ». Pour les observateurs, il semblait « comme choqué, désorienté, étourdi et on ne pouvait pas lui parler pendant plusieurs minutes ».
Schnoor ne voulait même pas souhaiter à ses pires contradicteurs de se retrouver dans un tel état. « Tant que je serai ministre de l’intérieur », décida cet élu SPD après cette expérience de gazage lourde en conséquences, « la police de Nordrhein-Westfalen n’utilisera pas de gaz CS ».

Aujourd’hui, cinq ans après le test réalisé par le ministre, les habitants de Nordrhein-Westfalen comme le dit Schmidt-Küntzel, ne se sentent pas juste « confortés dans leur scepticisme ». Ils sont « vraiment soulagés » que dans leur région, malgré les ordres contradictoires, « on est restés clairement contre l’utilisation du CS ».
Car ce que Schnoor a expérimenté sur lui-même et que ses collègues des autres Länder régis par la CDU-CSU ne voulaient pas admettre, s’est avéré être une réalité dès la première utilisation du gaz CS contre les manifestants anti-nucléaire de Brokdorf et Wackersdorf. Ce gaz lacrymogène est le Chlorobenzylidenemalononitrile (CS – d’après le nom de leurs inventeurs Corson et Stoughton). 
Le bilan réalisé par des médecins a montré qu’il agit plus fortement et plus rapidement que le gaz lacrymogène habituel Chlorocétophénone (CN) et est d’après les médecins bien plus dangereux.
Le médecin Wolf-Dieter Grahn, de Schwandorf, qui a reçu plusieurs victimes du CS dans son cabinet, dit « ne plus être convaincu que ce gaz, comme tout le monde le prétend, serait si inoffensif que ça ». Le toxicologue Karl-Heinz Summer, travaillant à la société de recherche sur les ondes et l’environnement dans la ville de Neuherberg en bavière, en arrive à la conclusion que « chaque utilisation de CS », auquel les manifestants sont exposés et avec lesquels ils sont chassés, « est un danger d’un point de vue toxicologique ». Le chimiste Rainer Grießhammer de Freiburg, à l’institut de recherche sur l’environnement, tient les risques comme « incalculables » : celui qui déploie du CS contre des manifestants, que ce soit par canon à eau ou par grenade, agirait « volontairement avec négligence » affirme le scientifique, et « accepterait de prendre le risque de tuer des innocentes victimes ».
Même pour les experts du ministère de l’intérieur de Düsseldorf, « les soupçons qu’à l’échelle individuelle, il existe une bien plus grande sensibilité au gaz CS [que ce que l’on pensait jusque-là] ». Dans une analyse confidentielle qui a été récemment présentée au ministre, les fonctionnaires préviennent des effets très intenses (Schnoor) de hautes concentrations, « surtout quand on pense que les vêtements imbibés de CS sont encore portés pendant un moment après le gazage ». De plus, « lorsque la pression sanguine pré-existante était déjà assez élevée », dit la note, « il faut s’attendre à des complications ».
Le gaz controversé et ses conséquences sont en ce moment également un sujet pour la littérature médicale et scientifique. Dans une interview du « journal des médecins », le toxicologue spécialiste des poisons Max Daunderer parle de « 40 patients gravement atteints » dans son ambulance toxicologique après utilisation des gaz CS par la police, avec leur schéma clinique complet. Dans la revue spécialisée « Dermatoses », Thomas Fuchs et Hellmut Ippen, experts de la peau à l’université de Göttingen, sont très critiques vis-à-vis des gaz de combat CS et CN, « depuis des décennies, ces gaz sont utilisés comme arme de guerre militaire avec des conséquences graves sur la santé avec les personnes exposées, et que ces derniers sont maintenant utilisés comme moyen de combat par les forces de l’ordre ».
L’avertissement inhabituel d’autant de médecins et de scientifiques s’appuient sur des résultats médicaux après le gazage massif devant le grillage de l’usine de retraitement nucléaire (WAA) de Wackersdorf et au réacteur nucléaire de Brokdorf, qui a été mis en œuvre en Octobre dernier.
Des centaines de manifestants se sont présentés comme malades après le gazage massif des forces de l’ordre, et certains ont dû être hospitalisés. Les médecins traitants et les spécialistes de toutes parts ont été confrontés à des schémas cliniques jusque-là inimaginables.
Le médecin interne de Schwandorf Walter Angebrand a été « très étonné » de voir des brûlures au premier et au second degré chez ses patients, mais aussi des blessures aux yeux ou des oedèmes toxiques du poumon, « comme on n’a jusque là pu en voir uniquement «en intérieur dans des pièces fermées ou dans des accidents », confirme le toxicologue Daunderer.
Une habitante de Wackersdorf, de 23 ans, avait encore des séquelles 10 semaines après le gazage. Cette sportive de haut niveau, pratiquant le Karaté, s’était rendue avec plusieurs centaines de personnes devant le grillage du WAA. A peine arrivée, une grenade lacrymogène de la police a explosé tout près d’elle, et en quelques secondes dit-elle « j’étais tombée dans les pommes ». Comme elle n’arrivait plus à respirer, et que le médicament des médecins, un simple Spray, « n’avait pas vraiment d’effet », elle a été emmenée aux urgences à l’hôpital.
Par chance, l’urgentiste des soins intensifs a identifié un début d’œdème pulmonaire et un choc respiratoire, qui a causé une « sévère mise en danger de sa vie ». Ce n’est que par un enchaînement d’« heureux hasards » : la rapidité du traitement médical sur place et le transport rapide, que « la vie de la fille a pu être sauvée » renchérit le médecin.
La forme des blessures sous les gaz de Brokdorf et Wackersdorf était tout aussi compliquée et problématique. Des jours après leur retour à la maison, les médecins des manifestants ont encore pu observer des « douleurs à la poitrine » et des « difficultés respiratoires , qui étaient les plus intenses après 8 jours » comme il est indiqué dans un diagnostic dans la ville de Schwäbisch-Gmünd.

Après la publication en Juin, les manifestants de Brokdorf se sont plaints dans les cabinets de leurs médecins de « douleurs à la poitrine, d’irritations de la cornée et de fissures dans la peau, parfois avec des saignements, ou encore des douleurs dorsales ou des crampes d’estomac », qui leur semblait « gonflé comme un ballon ».
Les plus touchés étaient les habitants de Oberpfalz, qui ont protesté durant des mois contre la reconstruction de la centrale de Wackersdorf.
Le libraire de Schwandorf, Erwin Mayer, un homme de 100kg, ne cessait d’avoir des cloques sur les jambes pendant deux semaines, aussi grosses qu’une pièce de monnaie. Il lui a fallu un traitement intensif à la cortisone pour les faire cicatriser et reculer. Les médecins ont diagnostiqué une « dermatite toxique ». Cäcilia Hartl, 49 ans, femme au foyer à Burglengenfeld, a toujours été en excellente santé, faisant de l’escalade et gravissant des sommets de plus de 3000 mètres. Mais depuis sa participation à la manifestation anti-WAA, où elle a reçu une grenade lacrymogène à ses pieds. Elle « n’arrivait plus à respirer » et a eu un moment de panique dans lequel elle a pris la fuite. En rentrant chez elle, elle a remarqué « des cloques dans son nez » et elle avait « des douleurs dans la bouche ».
Une semaine plus tard, c’est devenu très grave. Elle se plaignait de « crises d’essoufflement sans raison, de pus, d’yeux grossis »… D’après le médecin, elle était pendant plusieurs jours « affaiblie du fait d’une intoxication, en incapacité de travailler ». Escalader ? « Rien », dit-elle, cela fait « des mois qu’elle ne peut plus grimper une montagne. »
Des cas comme Cäcilia Hartl, il y en a eu beaucoup en Oberpfalz, où les manifestations contre les centrales nucléaires ont eu lieu. C’est surtout là que les médecins ont pu faire « la nouvelle preuve », comme le toxicologue de Munich Daunderer le dit, que dans les cas de gazage au CS « en règle général il s’agit de symptômes de toxicité » et non pas d’allergies.
Daunderer, c’est l’auteur du seul manuel en Allemagne de l’Ouest pour la toxicologie clinique. Il a découvert dans son ambulance des « choses totalement inconnues dont on ne savait encore rien jusque-là ». Cet expert des poisons reconnu à l’échelle internationale, qui est aussi intervenu dans la catastrophe chimique de Bhopal en Inde a diagnostiqué chez les victimes du CS :
– Une tendance clairement plus élevée au saignement des gencives ou du nez
– Une élévation du taux de ferritine, comme chez les alcooliques (qui ont des dommages du foie aigus) 
– Un très lourd abcès au cou à côté des amygdales avec un coincement de la mâchoire très prononcé qui pourrait dans les cas les plus grave causer la mort sans opération
– Des marques rouges ressemblant à des piqûres de puces qui indiquent par leur effet qu’il s’agit de formes de brûlures.
Les pharmacologues de l’université Ludwig Maximilian de Munich ont, avec des analyses de laboratoire, confirmé les observations de Daunderer. L’effet du CS, comme le dit le professeur de toxicologie Werner Lenk, provoque dans le sang humain une « hémolyse », une forme de « remplacement du sang », dans lequel les « globules rouges vont éclater » et qui « réduisent le transport d’oxygène ».
Les découvertes médicales faites sur environ 200 patients du CS sont impressionnantes, comme le craignaient déjà les critiques du gaz, mais ce qui était contesté par les politiciens du CDU/CSU qui de leur côté se reposaient sur des scientifiques.
Les ministres de l’intérieur des Länder dirigés par la CDU/CSU ont ajouté ce « super gaz lacrymogène » à l’arsenal policier, comme s’en félicitait le gouvernement fédéral. Le bavarois Karl Hillermeier (CSU) et le ministre de l’intérieur de Kiel Karl Eduard Claussen (CDU) ont été les premiers à commander du CS. Les deux politiciens se sont appuyés sur la commission technique de la conférence des ministres de l’intérieur (IMK) qui a estimé que leur utilisation était « médicalement non dangereuse ». Même le tout récent « Lexique de la Police » de Reinhard Rupprecht, dirigeant ministériel dans le ministère de Bonn de Friedrich Zimmermann, ne voit « pas de raison d’arrêter » l’utilisation du gaz CS « qui ne devrait pas causer de dommages s’il est utilisé comme prescrit ».
Les référents de l’IMK prétendent toujours que les effets du CS ne sont que de l’inconfort, sans danger, comme « irritation du nez, de la muqueuse pharyngée, clignement et spasmes des paupières, larmes et écoulement nasal, salivation, brûlures de la peau, éternuements, nausées, sensation d’essoufflement et anxiété, rougeur de la peau. », des effets qui « s’estompent en 20 à 30 minutes ».
Les experts de la sécurité de l’IMK valorisent l’utilisation du CS plutôt que l’utilisation du CN qui était utilisé traditionnellement jusqu’ici : 
– le CS agit plus vite et plus fort sur les personnes non protégées que le CN à concentration identique
– le CS a un effet plus limité dans l’espace et dans le temps que le CN
– Manifestants et policiers qui sont éloignés du lieu de déploiement ne sont pas affectés
– Les personnes ayant subi des effets se rétablissent plus vite
Les risques pour la santé sont totalement ignorés par les spécialistes de l’IMK. « Médicalement, tout ceci est totalement impossible » dit le médecin spécialiste Angerbrand qui répète son ode au CS « je ne sais pas qui a observé ça ».
Après les événements de Wackersdorf et Brokdorf, la dispute politique autour du CS a rapidement pris un nouveau tour. Les oppositions ne pourraient être pires : l’ex ministre de l’intérieur bavarois Hillermeier, que ses opposants appellent « Killermeier », évalue le CS comme « étant inoffensif sur le long terme » alors que son collègue (SPD) du Saarland Friedel Läpple ordonnait plutôt que « l’extrême dangereuse diablerie qu’est le CS soit définitivement bannie de l’arsenal policier ». 
C’est ce qu’on fait en conséquence les gens de Breme. Ils n’utilisent pas de gaz CS et ne le stockent pas non plus. Si des policiers de Breme sont déployés dans d’autres Länder, ils n’ont toujours pas le droit d’utiliser du CS. C’est le seul Land qui a, dans le règlement de la police, banni totalement ce gaz.
Cette évaluation différente du CS met en danger le fonctionnement conjoint des polices des différents Länder qui s’entraident en cas d’urgence, pourtant bien rodée depuis des décennies. Les policiers de bavière et de badenwürttenberg ont soutenu leurs collègues de Hesse dans les altercations autour du train de Francfort sur les rails ouest. Et lors de la célèbre bataille de Brokdorf de 1981 mais aussi cet été, les fonctionnaires de plusieurs Länder se sont entraidés.
Cette coopération au-delà des frontières des Länder risque de bientôt se terminer, annonce Läpple du Saarland. En Hesse, où la SPD doit prendre garde à ses partenaires chez les verts, le travail collectif avec les policiers d’autres Länder a été remis en cause depuis longtemps. D’un autre côté, le président ministériel Franz Josef Strauß de bavière menace de ne plus envoyer aucun fonctionnaire bavarois en Hesse, si leur santé est « mise en jeu avec autant de légèreté » comme il l’a ressenti dans les émeutes anti-nucléaire début Novembre à Hanau.
Le ministre de l’intérieur du Saarland veut à nouveau mettre ce thème de discorde « à l’ordre du jour » de la prochaine conférence des ministres de l’intérieur. Comme les gens de Breme, Läpple ne veut pas admettre que les policiers de Saarland soient associés à des interventions en bavière, si l’« unité » des moyens des policiers « n’est plus assurée ». 
Les Länder avec des ministres CDU/CSU, qui utilisent du CS mélangé à l’eau dans les canons à eau, s’appuient sur « l’avis d’expert s » de l’institut de Fraunhof de toxicologie. Les scientifiques estiment d’après certaines études internationales pour présenter le « gaz à vomi » (jargon des spécialistes) comme « un représentant optimal des composés agissant biologiquement comme irritants ». Le CS serait par rapport au CN un « gain en effets et en sécurité ». Son effet irritant le dépasserait « de beaucoup par son effet toxique général suite à un apport par les voies aériennes, de sorte qu’un effet nocif [d’une forte dose] n’est pas du tout possible sans contrainte ».
Cette expertise datant de 1979, mais restée confidentielle et qui n’est pas discutée publiquement, est « très discutable sur de nombreux aspects » (Daunderer). Les scientifiques utilisent la littérature disponible, mais ont renoncé à faire leurs propres essais. Les rapports, quant à eux, ont été « travaillés avec très peu de rigueur », comme le critiquait le spécialiste des gaz lacrymogènes récemment décédé Alfred Schrempf, il manquait surtout la prise en compte d’« une série d’études critiques envers le CS ». 
Le chimiste Grießhammer dit que cet avis comporte de nombreuses contradictions, ou des constatations « plus que douteuses ». Par exemple, l’étude de Fraunhof indique expressément que les effets irritants « apparaissent de façon extrêmement rapide et immédiate », déjà « en quelques secondes » apparaît chez les anti-nucléaires récalcitrants un « état d’incapacité à agir ». D’un autre côté, la même étude indique que les contestataires ont pu « par la fuite immédiate échapper aux gaz ».
Hors l’utilisation des gaz à Brokdorf et Wackersdorf a entraîné en réalité l’évanouissement d’un grand nombre de manifestant en quelques secondes, incapables de bouger. Georg Lotter, de Schwandorf dans l’Oberpfalz, a vu près du WAA comment mère et enfants sont tombés directement le visage sur le sol, et sont restés allongés par terre.
D’autres manifestants se sont mis à courir paniqués et désorientés à travers la forêt ou les cours d’eau, se sont perdus dans les sous-bois ou sont tombés dans des fossés ou des canaux d’égouts… Ce qui n’est pas surprenant pour les médecins. Car quand le CS se retrouve dans le corps humain, il se décompose en quelques minutes et produit du cyanure qui a un effet sur le système nerveux central et qui produit « une désorientation ». C’est un « effet secondaire connu », dit Daunderer, « que l’on glisse toujours sous le tapis ».
Il a aussi été impossible de prouver l’affirmation des chercheurs de Fraunhof, selon laquelle « un contact prolongé avec des habits exposés », comme il est indiqué dans l’expertise, « ne causerait pas d’irritation cutanée », et pour la formation de cloques, « il faudrait des conditions peu réalistes ». A Wackersdorf et à Brokdorf, les opposants au nucléaire ont fait l’expérience inverse.
Les scientifiques avaient averti les politiciens assez tôt des contradictions et des découvertes contraires. Le toxicologue de Kiel Otmar Wassermann a averti d’une « méconnaissance de la toxicité de ces substances mortellement dangereuse ». Dans une expertise pour le ministère de l’intérieur hollandais, des médecins et des pharmaciens se plaignent du « manque de données pour connaître » les potentiels dommages sur la santé à long terme, comme pour le cancer ou pour la reproduction. L’expertise prévient aussi du « danger pour la thyroïde, les reins, le foie et la rate » à de fortes doses de CS ou pour des contacts répétés.
Pour contrer ce type d’inquiétudes, les ministres de l’intérieur des différents Länder et du Bund ont ordonné la réalisation de leurs propres tests. Près de 200 personnes ont dû s’exposer aux gazages par canon à eau. Comme preuve pour la non dangerosité de ces gaz, cette expérience n’a cependant pas eu de succès. Seuls des jeunes policiers sportifs et en très bonne santé ont participé à l’expérience, en aucun cas comparables à la diversité de la population manifestante. L’apport en gaz a été fait « par de petites pluies modérées », ou par de « très brefs jets d’eau » comme l’indique le rapport de l’IMK.
Aucun rapport avec « le gazage direct pendant des durées plutôt longues » comme elles ont eu lieu dans les manifestations anti-nucléaires, où les opposants sont restés exposés pendant des heures sous la pluie de CS, « il n’est rien écrit pour de telles conditions » rappelle le médecin de Schwandorf Wolf-Dieter Grahn.
La proportion de gaz dans les canons à eau est très difficile à réguler, comme le disent les politiciens et les responsables de la police. Comme les cristaux de poudre de gaz CS sont quasiment insolubles dans l’eau, et on ne les mélange, associés à un solvant, qu’au dernier moment avant le jet d’eau. Il n’est pas garanti d’envoyer la même dose de gaz de façon constante dans ce cas.
L’effet toxique est d’ailleurs augmenté quand les molécules de CS restent sur les vêtements mouillés des manifestants pendant des heures, quand elles s’accrochent dans le feuillage du sous-bois, ou quand elles sont renvoyées sur les manifestants une seconde fois à cause des pales des hélicoptères volant à basse altitude. Le médecin munichois Daunderer reproche à la police sa « négligence », car les conditions réelles « ne correspondent pas du tout à celles des tests ».
Le « plus criminel dans toute cette histoire », selon Daunderer, serait cependant l’usage alternatif de CN et de CS comme à Wackersdorf, car on ne sait pas du tout l’effet combiné de ces deux gaz. Aucune souris sur Terre n’a jamais subi « d’abord un gazage CN puis un gazage CS ». C’est comme si la police bavaroise avait « ajouté un second dommage sur un premier préexistant ». 
CS est appelé ainsi d’après le nom de Corson et Stoughton qui l’ont découvert. 
Wackersdorf, 1986.