Je me suis laissé dire qu’une odeur d’amande d’odeur amère était un sujet d’inquiétude… je n’ai pas de laborantin pour fournir une analyse mais quelques renseignements :
En fait je pense qu’il s’agit en effet de benzaldéhyde, qui provient de la décomposition du gaz CS (le gaz lacrymogène le plus couramment employé pas les brigades anti émeutes) sous l’action de la chaleur. Je ne suis pas à 100% sûr, mais je crois bien que cette odeur prouve qu’il y ait également dégagement de cyanure.
Le « gaz CS » porte mal son nom, car en fait il s’agit d’un composé solide. Pour le diffuser il faut donc soit en faire une solution (liquide), un aérosol (particule en suspension dans l’air) ou une fumée (mélangé à un composé pyrotechnique). La réaction chimique qui produit la fumée génère aussi de la chaleur, ce qui décompose sans doute une partie du gaz CS en composés dangereux. Le gaz CS peut aussi provoquer des nausées.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit de fines particules dans l’air, et pas un gaz, on peut donc s’en protéger plus facilement que s’il s’agissait vraiment d’un gaz ! Il faut donc se protéger : les yeux (lunettes de piscine), couvrir un maximum la peau avec du tissu, et surtout les voies respiratoires, idéalement avec un masque à gaz, mais sinon un tissu devant la bouche ET le nez. Si possible, un tissu humide et dense, c’est plus difficile pour respirer mais ça laissera passez moins de saloperies.
En cas d’exposition, évacuer la zone toxique pour respirer de l’air frais, et laver la peau et les muqueuses exposées avec de l’eau fraîche, et savon. Les vêtements exposés sont aussi à laver. Surtout ne pas utiliser d’eau de javel, cela génère des composés encore plus toxiques que le gaz CS seul.
Parfois le gaz CS est mélangé avec des substances comme le silicone ou d’autres merdouilles, il s’appelle alors CS1 ou CS2. Cela le rend insoluble dans l’eau, et du coup il reste actif beaucoup plus longtemps (jusqu’à plusieurs semaines)
Quand c’est possible récupérez les munitions utilisées et prenez les en photo, avec les références visibles, la date, etc.
A la revoyure. Bon courage.
Des grenades ramassés :
Les grenades que j’ai ramassées sont :GR 56 FUM lac CM6 02 SAE-11 et GR56 FUM LAC MP7 13 PB-07 et une autre Plmp 7C 02PB 05 et GR FL LANCR MA Fum Lac CM 02- SAE-04 une dernière : MP7C 5PB0504PB-02. Je ne suis pas chimiste
Les manifestants ont chanté et tenu des bannières dans le hall du musée Whitney vendredi soir. Andrew White pour le New York Time
Par Colin Moynihan le 18 mai, 2019 Les visiteurs qui sont arrivés au Whitney Musée américain d’art, vendredi soir pour voir les œuvres de la Biennale en cette année teintée de politique, ont dû passer a travers une manifestation mouvementée qui ne faisait pas partie de la programmation officielle.
Environ 200 personnes ont pénétré dans le hall de Whitney, la neuvième manifestations hebdomadaires pour protester contre un membre du conseil d’administration d’un musée dont la société vend des gaz lacrymogènes que les activistes et la publication d’art Hyperallergic ont dit avoir été utilisés sur les migrants à la frontière mexicaine.
Il s’agit de l’épisode le plus récent d’un débat public prolongé, mettant en cause des lettres et des déclarations d’employés et de représentants du musée, d’universitaires, d’artistes et de critiques d’art, sur le membre du conseil d’administration, Warren B. Kanders, et son entreprise, Safariland.
Selon Hyperallergique, Des photos montraient des cartouches de gaz lacrymogène marquées du nom de l’entreprise sur un site où les autorités américaines ont utilisé du gaz lacrymogène l’automne dernier pour disperser des centaines de migrants qui couraient vers un passage qui menait de Tijuana à San Diego.
Les manifestants à l’extérieur du musée et dans le hall d’entrée le vendredi soir jouent des tambours, l des cornes, chantent et brandissent des pancartes comme celle qui dit « Warren Kanders must Go » (Warren Kanders doit s’en aller). Certains se sont rendus à l’étage supérieur, où une bannière noire a été suspendue à l’immeuble, en lisant « When We Breathe We Breathe Together » ( « Quand nous respirons, respirons ensemble ».)
Il y avait même une installation roulante qui semblait faite sur mesure pour l’occasion, sous la forme d’un cylindre de cinq pieds de haut de couleur argent sur des roues remplies d’un anneau de traction de fil et ornée des mots « gaz lacrymogènes ».
Un organisateur du groupe, Decolonize This Place qui a appelé aux manifestations hebdomadaires, a lu un message au directeur de Whitney, Adam Weinberg, et son conseil d’administration exigeant qu’ils retirent M. Kanders du conseil.
« Nous aurions pu fermer le musée aujourd’hui », a crié l’organisateur, Amin Husain, dans le hall. « Mais après neuf semaines d’action, nous offrons aux dirigeants du musée une fenêtre pour faire la bonne chose. »
Certains manifestants qui ont réussi à se rendre à l’étage supérieur ont drapé une bannière du côté du musée
Le Musée Whitney a refusé de commenter. Les détenteurs de billets sont passés, d’un regard interrogateur. Certains ont fait une pause pour écouter ou accepter des copies du message que M. Husain lisait. Une femme secoua la tête et agita la main lorsqu’on lui offrit une copie. Les employés du musée ont assisté à la manifestation, mais n’ont pas tenté de l’arrêter ni d’empêcher qui que ce soit d’entrer dans le hall.
L’an dernier, des dizaines d’employés du musée ont écrit une lettre pour exprimer leur « indignation » à la suite de rapports selon lesquels le gaz de Safariland avait été utilisé à la frontière. M. Kanders a ensuite écrit une lettre disant qu’il était fier de l’entreprise. Il a ajouté que Safariland fabriquait des équipements, comme des gilets pare-balles, qui aidaient à protéger les gens et qu’elle n’avait aucun contrôle sur la façon dont ses produits étaient utilisés. Dans une lettre, M. Weinberg a dit qu’il respectait « le droit à la dissidence ». Mais le Whitney, a-t-il ajouté, est « d’abord et avant tout un musée » qui « ne peut réparer tous les maux de ce monde injuste ».
Plusieurs critiques d’art, universitaires et autres ont suivi avec une lettre demandant le retrait de M. Kanders. Le mois dernier, environ les deux tiers des 75 artistes et collectifs choisis pour la Biennale ont également signé la lettre.
L’un des participants de la Biennale, l’agence de recherche Forensic Architecture basée à Londres, est entré dans son exposition une vidéo de 10 minutes intitulée « Triple-Chaser » avec Praxis Films, dirigée par la cinéaste Laura Poitras, sur un type de grenade lacrymogène fabriquée par Safariland.
Après environ une heure dans le hall du musée, les manifestants se sont rassemblés à l’extérieur et ont commencé à marcher vers West Village, accompagnés d’un contingent de policiers.
La manifestation itinérante s’est arrêtée sur un bloc bordé d’arbres à l’extérieur d’une maison en brique rouge qui, selon les manifestants, appartenait à M. Kanders. À l’extérieur de la résidence, les chants continuaient. « Votre temps est écoulé », cria une femme. Une autre femme a brûlé un paquet de sauge près de la maison, comme pour nettoyer rituel
Interdit comme arme de guerre, mais pas pour ses usages « civils », le gaz lacrymogène est d’autant plus dangereux qu’il est utilisé de manière irresponsable. Notamment en France, pays exportateur de ce produit et de son savoir-faire répressif…
Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball.
Une arme chimique illégale en temps de guerre
Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.
Alors que la police utilise massivement le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants opposés à la loi travail il convient de s’intéresser de plus près à cette arme. Un examen dont résulte la nécessité d’interdire largement son usage pour protéger la population. Une mesure qui devrait accompagner la campagne en cours pour l’interdiction du flashball
Une arme chimique illégale en temps de guerre
Il est généralement admis que les Mayas ont été les premiers à utiliser le gaz lacrymogène comme arme de guerre pour se défendre contre les colonisateurs européens en 1605. Toutefois, son usage s’est véritablement répandu pendant la Première guerre mondiale. La France, ayant découvert un intérêt militaire au gaz lacrymogène dès 1905, l’a d’abord utilisé contre les troupes allemandes en 1914, le gouvernement allemand a ensuite ordonné à ses soldats de riposter avec des armes encore plus toxiques.
Après la guerre, les conventions de Genève ont successivement banni ces armes dans le droit de la guerre. Par contre, l’usage à l’encontre des civils est resté légal. Dans les années 1960 les pays soi-disant communistes ont proposé une interdiction totale. Lorsqu’en 1993 la Convention sur les armes chimiques a enfin été signée on y trouve à nouveau des exceptions pour l’usage domestique du gaz.
Une arme extrêmement dangereuse
D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.
Le gaz lacrymogène peut non seulement asphyxier des adultes – comme l’atteste l’AFP – mais les tirs de gaz lacrymogène peuvent également provoquer la mort : deux cas en récents en Palestine le démontrent. Par ailleurs, le médecin Sven-Eric Jordt indique que personne ne connaît les effets à long terme de l’exposition au gaz lacrymogène, mais souligne que, dans l’immédiat, il cause des blessures significatives et cela alors que son usage par la police semble se normaliser. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.
En France la police l’utilise clairement de manière irresponsable : depuis le début de la lutte contre la loi travail – et sans parler de Notre-Dame-des-Landes – elle gaze à grande échelle et notamment les lycéens. Le jeudi 28 avril, elle est allée plus loin en gazant d’abord l’intérieur de la station de métro Nation pour ensuite fermer les sorties – quelques minutes plus tard, la RATP a lancé un premier appel à secouristes –, et le 1er mai elle a encerclé la tête du cortège avant de le gazer. D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. Ainsi, le contact avec ce gaz ne provoque pas seulement des douleurs immédiates, mais l’exposition prolongée au gaz lacrymogène peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques comme on peut le lire dans le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.
Que faire face au gaz lacrymogène ?
Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.
Dans le cadre de mobilisations fortes comme à Gezi (Turquie), à Syntagma (Grèce), à Tahrir (Égypte), à Ferguson (États-Unis) ou en Palestine les militants conseillent également des masques, voire de brûler des pneus ou poubelles puisque le feu consume le gaz dans l’air. Des militants de Tahrir ont également conseillé de nettoyer les visages avec du Coca et d’autres recommandent du sérum physiologique. Mais le fait est que, dans certaines situations, comme à Gezi, la police a fait usage de différents types de gaz : ainsi le traitement contre un type de gaz est-il susceptible d’aggraver les effets d’un autre type. Il existe environ quinze types de gaz lacrymogène. Alors que les producteurs donnent généralement beaucoup d’informations sur la toxicité et les conséquences potentiellement graves provoquées par leurs produits, ils sont étonnement muets concernant le comportement à adopter une fois exposé au gaz. En principe, pour s’en débarrasser il faut de l’air frais ainsi qu’un nettoyage des yeux et autres parties du corps. Cela implique de pouvoir circuler librement, chose que cette police même, qui gaze, empêche souvent.
Répression et commerce de concert
Le marché de ces armes « non-létales » est estimé à plus de 1,6 milliard de dollars, avec un fort potentiel de croissance dans les années à venir. La France figure parmi les pays qui profitent fortement de ce marché. Ainsi, dans le cadre des révolutions arabes, le gaz lacrymogène français a servi à mater la révolution de 2011 au Bahreïn et a causé la mort d’au moins trente-neuf personnes selon l’ONG Physicians for Human Rights.
Face à l’accusation de participer indirectement à des violations des droits humains, la France a officiellement arrêté de fournir des armes à la dictature au Bahreïn tout en se réservant des voies alternatives : soit en livrant à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, alliés du régime au Bahrein – un marché qui vaut plus de trois millions d’euros – soit en vendant directement à la dictature mais sous une licence d’exportation différente. De même, le gouvernement français a autorisé l’envoi de gaz lacrymogène au dictateur Ben Ali alors que le peuple tunisien avait déjà commencé le soulèvement de 2011.
La France, exportatrice de « savoir-faire »
En plus des livraisons d’armement la France se considère comme un exportateur de compétences en « gestion de foules », qui forme les forces répressives étrangères. Afin de rendre crédible l’offre français en matière de répression, la France a régulièrement besoin de prouver l’efficacité de ses armes et de sa police. Dans ce contexte, l’entreprise Civipol qui vend un « véritable savoir-faire français » de conseil et des formations reconnaît que la répression des quartiers populaires de 2005 a nettement fait progresser les contrats liés au maintien de l’ordre.
En 2008, juste après la répression des émeutes au Tibet, la Chine a reçu une délégation de la gendarmerie française pour former des policiers, tout comme la France a formé la police du dictateur Moubarak en Égypte et des CRS en Afrique du Sud qui, lors de la grève à Marikana de 2012 ont tué trente-quatre ouvriers. Ainsi, les soi-disant débordements lors des manifestations contre la loi travail ne sont pas seulement organisés par l’Etat à des fins immédiatement politiques, mais ils rapportent des profits.
Vers l’interdiction du gaz lacrymogène
Compte tenu des dangers inhérents au gaz lacrymogène, le groupe parlementaire de Die Linke a présenté en 2011 – à la suite de la répression massive du mouvement social et écologiste contre le projet Stuttgart 21 – une proposition de loi visant à largement interdire le gaz lacrymogène. Leur proposition prévoit de prohiber son usage sauf en cas de danger pour la vie d’un policier ou d’autrui et implique qu’à chaque fois la personne ayant eu recours à cette arme soit identifiable.
Alors que nous sommes dans un contexte de lutte et de répression similaire cette mesure est urgente pour protéger les manifestants et permettre à la majorité de la population – qui est opposée à la loi travail – de s’exprimer librement.
Lors du récent mouvement des gilets jaunes en France, les gaz lacrymogènes ont une énième fois été utilisés. Or, cette arme jugée non létale est utilisée dans le monde entier, bien que les risques pour la santé sont bien réels.
Une utilisation très fréquente
Récemment dans notre pays, les diverses manifestations ont parfois donné lieu à des confrontations avec les forces de l’ordre. Ces heurts ont généré l’utilisation de lacrymogènes, un terme désignant l’ensemble des composés causant une incapacité temporaire par irritation des yeux et/ou du système respiratoire (ou encore de la peau).
Très utilisés par tous les gouvernements français, les gaz lacrymogènes sont massivement utilisés aux quatre coins du monde contre les populations. Tout récemment, le président des États-Unis, Donald Trump, a défendu l’usage des gaz lacrymogènes dans le but de stopper les migrants à la frontière mexicaine.
Une toxicité qui augmente
Un long article publié dans le magazine Reporterre le 15 mars 2018 évoque une composition des gaz lacrymogènes évoluant vers davantage de toxicité. Il s’agirait d’une question de santé publique que le gouvernement et les fabricants passeraient sous silence. Non seulement les effets sur la santé n’ont jamais été exposés officiellement, mais c’est aussi le cas de la composition exacte des gazlacrymogènes.
L’enquête parle de manifestants indiquant des “suffocations qui leur paraissent plus fortes” et des secouristes évoquant des “bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition”. Un CRS de la région parisienne a même constaté une irritation plus importante au niveau des gazeuses à main en service en France depuis une poignée d’années.
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Qu’en dit la police ?
L’enquête estime que les policiers – également exposés aux gaz lacrymogènes – seraient eux aussi maintenus dans l’ignorance. Pour preuve, une sérieuse divergence de ressenti et d’opinion. Pour Alexandre Langlois du syndicat Vigi (ex-CGT police), il est question de “nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées” concernant les lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet (six projectiles).
En revanche Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance estime que “les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol”, mais que celles-ci “piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption”. Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, évoque un renouvellement fréquent des stocks et ajoute qu’aucune modification de la composition – ou du dosage – des grenades n’a été constatée. Ceci lui aurait été confirmé par le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi).
Très peu d’études sur la question
Selon Frank Ceppa de l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, il n’existe aucune étude épidémiologique ayant été menée en France sur les effets des gaz lacrymogènes. L’intéressé donne des cours aux personnels confrontés à ce type d’armes et évoque différents risques – spécialement en milieu confiné – tels que le stress respiratoire aigu. Le problème réside dans le fait que la maigre connaissance médicale des effets à long terme est conditionnée par le manque de recherche, ce qui ne permet donc pas le développement de traitements et autres contre-mesures.
Cependant, certaines études menées notamment au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande évoquent des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques en cas d’exposition prolongée. Il est par ailleurs question de possibles fausses couches pour les femmes et d’un danger potentiellement mortel pour les personnes souffrant d’asthme et autres maladies du même type.
Les gaz lacrymogènes sont largement utilisés par les gouvernements français. Leur composition évolue vers plus de toxicité, semble-t-il, ce qui est nocif pour les manifestants et… pour les policiers. Mais à la différence de tout autre produit chimique, fabricants et État ne disent rien sur sa composition. La transparence est nécessaire. Reporterre ouvre cette question de santé publique.
On pourrait penser que la composition des grenades lacrymogènes déversées abondamment sur les manifestants – mais aussi à usage privé, dans des cartouches de défense individuelle – est bien connue, étant donnés les enjeux de santé publique que pose leur emploi massif. Mais ces composés chimiques lacrymogènes et leurs effets sur la santé demeurent en France dans une opacité strictement gardée. Un tabou complet. Un non-dit officiel. Une zone inaccessible, soigneusement maintenue hors de toute transparence. Reporterre s’est confronté à cet écran de fumée officiel, sans ménager ses efforts, sollicitant ministères et cabinets, service de santé des Armées, fabricants, qui refusent toute réponse, et spécialistes qui ne disposent pas de données précises. Circulez, il n’y a rien à voir. Et pourtant…
Évoquer une toxicité accrue des grenades lacrymogènes utilisées par les gendarmes et policiers expose à des réponses fumeuses. Les nuages lacrymogènes sont-ils plus puissants, plus incapacitants que par le passé ? Dans les manifestations, beaucoup ont cette impression. Certains attestent de suffocations qui leur paraissent plus fortes, des yeux qu’on ne peut plus ouvrir durant plusieurs minutes, alors qu’auparavant on ne faisait que pleurer, les yeux piquants mais ouverts, des plaques rouges immédiates sur la peau, au visage, au cou…
Les équipes volantes de secouristes n’ont aussi qu’une appréciation empirique mais s’accordent sur des effets à moyen terme, notamment de bronchites chroniques durant trois à six mois après exposition aux lacrymos dans les manifestations. Secouristes sur le pavé, les streets medics ont recueilli les témoignages de personnes âgées et d’enfants affectés par ces aspersions de gaz lacrymogène aux franges des cortèges de manifestants. Et selon les morphologies, la gêne immédiate peut être très variable, affectant d’abord les yeux pour certains, la respiration pour d’autres, voire des réactions cutanées immédiates. Mais il ne s’agit là que d’un ressenti, difficilement mesurable.
Les policiers sont aussi exposés… et maintenus dans l’ignorance
Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi. Si on les interroge sur les dosages qui auraient pu monter en puissance ces dernières années, les réponses sont disparates. « Les gazeuses à main en service depuis deux ou trois ans et les dernières grenades sont plus fortes, plus irritantes qu’avant, confie à Reporterre un CRS en région parisienne. Il nous arrive d’en prendre dans les yeux, au visage, et on le ressent nettement. Bien sûr, ça dépend aussi des conditions : température extérieure, taux d’humidité, si ça tombe sur du macadam, sur de l’herbe… » « Les dernières grenades ont un effet plus fort, plus important qu’auparavant, et les derniers lanceurs multicoups [lance-grenades Riot gun Penn Arm’s à barillet, chargé de six projectiles] sont dotés de nouvelles munitions plus fortes, plus concentrées »,confirme Alexandre Langlois, du syndicat Vigi, ex-CGT police.
Cette impression n’est pas partagée par tous : « Je dirais plutôt que les grenades baissent en intensité, sauf quand on sature l’espace d’une place et que ça stagne au sol, mais ces grenades piquent davantage quand elles approchent de leur date de péremption », explique Johan Cavallero, délégué national CRS au syndicat Alliance. De son côté, Grégory Joron, secrétaire national SGP Police, explique : « Les stocks sont renouvelés régulièrement, on n’a pas changé de grenade, et rien n’a été modifié quant à la composition ou au dosage des grenades, selon ce que nous dit le Saelsi [le Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure, qui fournit depuis 2014 gendarmerie et police nationale]. Seul le volume de gaz quand on sature une place change clairement la donne ».
Les citoyens ne sont pas les seuls exposés à ces substances irritantes. Les policiers qui les lancent les subissent aussi.
Fournisseurs des unités du maintien de l’ordre, la société Nobel sport, basée à Pont-de Buis (Finistère), lâche un laconique : « Il n’y aura pas de réponse de l’entreprise sur ce sujet. » Même refus d’informer chez son concurrent Alsetex, implanté à Précigné (Sarthe) : « La société Alsetex ne transmet aucune information sur les produits commercialisés à des tiers autres que nos clients. Nos produits répondent aux spécifications techniques des clients étatiques de l’entreprise. » Les ministères de la Défense et de l’Intérieur ne sont pas plus diserts, même s’ils exigent des questions écrites, transmises par courriel. Sans réponse.
Les apparitions du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918
Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz mais un composé solide (à température ambiante), dilué dans des agents liquides ou gazeux, des composés fumigènes. Il s’agit de disperser le produit dans l’air par des grenades lacrymogènes simples ou par des « grenades à effets mixtes, lacrymogènes et de souffle (GLI-F4) ». Ces grenades relèvent de ce que les règlements appellent l’« usage des armes » et sont considérées dans le jargon policier comme « armes intermédiaires », « gaz incommodants » ou « incapacitants », parfois qualifiées de « sub-léthal », ou « à létalité réduite ». Pourtant, des gens sont morts, notamment en Palestine, en inhalant ces gaz. L’armée états-unienne le reconnaît aussi. Ce n’est donc pas un produit anodin, un moindre mal évitant le risque de mise à mort. Quant à savoir si les dégâts durables des lacrymogènes sur la santé sont évalués, la réponse des syndicalistes policiers, cette fois unanimes, est non. Beaucoup trouvent pourtant cette question de santé pertinente mais admettent n’avoir aucune donnée, aucune information.
À l’Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, Frank Ceppa, qui a écrit sur la toxicologie des armes, le reconnaît : « Je n’ai pas d’étude épidémiologique. Je donne un cours magistral dans une optique militaire aux personnels confrontés à ce type d’armes. J’évoque les risques accrus en milieu confiné, comme des réactions de stress respiratoire aigu, en cas de forte concentration, selon le nombre de munitions au mètre carré, mais je n’ai pas d’élément chiffré ni de littérature précise sur les symptômes. »
Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918.
« On est beaucoup plus exposé que les manifestants mais on n’a aucun suivi pulmonaire, dermatologique ou ophtalmique, note Alexandre Langlois, du syndicat Vigi. À part la visite périodique de la médecine du travail, très succincte : on nous prend la tension, on passe sur la balance, on nous demande si ça va et c’est tout. » « Le code du CHSCT [comité d’hygiène et de sécurité] ne s’applique pas au volet répression de la fonction publique », dit Johan Cavallero, délégué national Alliance pour les CRS.
Les premières apparitions massives du gaz lacrymogène remontent à la guerre de 1914-1918. Les Français ont tiré les premiers. Par les aspersions lacrymogènes sur les tranchées ennemies, ils ont inauguré les toxiques chimiques utilisés durant la Première Guerre mondiale. Et ont déclenché une surenchère de gaz toxiques de combat : attaques au chlore avec des gaz suffocants, comme le phosgène ou le dichlore en vagues gazeuses dérivantes, et des « vésicants », comme l’ypérite (e redoutable « gaz moutarde »). Le nom de « vesicant » vient de la capacité du produit chimique à former de grandes vésicules sur la peau exposée.
Très peu de recherches épidémiologiques ont été menées
Le gaz CS (2-chlorobenzylidène malonitrile) utilisé aujourd’hui a été développé en 1928 et porte les initiales des noms des deux chimistes états-uniens (Ben Corson et Roger Stoughton) qui ont synthétisé ses composants actifs. Mais il n’a été produit massivement par l’armée états-unienne comme arme antiémeute que bien plus tard, à partir de 1959. Ce composé lacrymogène existe en quatre versions : CS, CS1 (comprenant 5 % d’aérogel de silice), CS2 (traité au silicone) et CSX (dilué dans du phosphite trioctyl). Chaque version possède « des caractéristiques propres quant à sa persistance selon sa composition, sa dissémination et sa vitesse d’hydrolyse [sa décomposition au contact de l’eau ou de l’hygrométrie de l’air] », explique un rapport de l’armée états-unienne de janvier 2005.
L’usage de ces gaz lacrymogènes a été interdit en temps de guerre par la Convention internationale sur les armes chimiques de Genève, en 1993. Quoique bannie des conflits militaires, cette arme reste curieusement autorisée contre les manifestants civils, pour mater des conflits intérieurs, en situation de guerre sociale « domestique ». En France, en avril 2015, le Défenseur des droit relevait dans un rapport que « la police allemande n’utilise pas de gaz lacrymogène, considérant que des personnes non agressives ou non violentes pourraient en subir les effets indûment ».
Interdit en temps de guerre, l’usage de ces gaz lacrymogènes est autorisé contre les manifestants civils, comme ici en 2013, à Strasbourg, contre des sidérurgistes d’Arcelor Mittal.
Les effets des gaz lacrymogènes sont connus mais les mécanismes biologiques qu’ils mettent en branle restent peu étudiés. « Les lacrymogènes agissent sur les terminaisons nerveuses des muqueuses oculaires et respiratoires, et sur la peau »,écrivaient en 2012 deux éminents pharmaciens et un médecin de l’École de santé des Armées, tout en reconnaissant que « le mécanisme d’action est mal connu » et n’avançant aucune hypothèse vraisemblable des raisons de ces attaques des yeux, de la peau et des poumons. Leur article, intitulé « Toxicité oculaire des agressifs chimiques », a été publié par la revue Médecine et armées.
Un article paru en 2016 dans les Annales de la New York Academy of Sciencesexplique que des études prouvent que le gaz lacrymogène peut « occasionner des dégâts durables, pulmonaires, cutanés et oculaires, avec des risques élevés de complications pour les individus affectés par des morbidités chroniques ». L’étude souligne que par manque de financement public, très peu de recherches épidémiologiques ont été menées sur le spectre des effets sanitaires occasionnés par cette arme antiémeute. Ce qui « handicape la connaissance médicale des effets à long terme et le développement de traitements et contre-mesures ». L’article qui s’attache principalement aux lacrymogènes utilisés aux États-Unis fait état de grenades type composées de 45 % d’agent CS, de 30 % de chlorate de potassium, de 14 % de résine époxy, de 7 % anhydride maléique, 3 % d’anhydride méthylnadique, et de 0,03 % de mélange résiduel. Rien ne dit que les fabricants français Nobel Spsrt et Alsetex livrent le même cocktail, mais on serait en droit de la savoir.
Mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques
Les dégâts instantanés sur la santé sont inventoriés ; les effets durables, beaucoup moins. Dans l’immédiat, on constate des effets irritants sur les yeux, des plaques rouges sur la peau, presque instantanés : mais une exposition prolongée à des composés neurotoxiques peut occasionner des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques, comme le documentait une étude de l’université anglaise de Newcastle-upon-Tyne, publiée en 2003 par le Journal of the American Medical Association. Ces effets sont renforcés chez des enfants (que la police a par exemple gazés lors de la manifestation du 1er mai 2017 à Paris). Chez des femmes enceintes, il peut provoquer des fausses couches et s’avère mortel pour des personnes souffrant d’asthme ou d’autres problèmes bronchiques.
« De fortes concentrations sur des périodes courtes peuvent être plus dangereuses que la même dose dispersée en petites concentrations sur une plus longue durée », note une étude néo-zélandaise publiée en 2013, soulignant que les effets oculaires connus (yeux rouges et larmes) « incluent douleur, blépharospasme [contractions répétées et involontaires des paupières], photophobie [douleurs, migraines, en regardant une source lumineuse], conjonctivite, œdème périorbital, érythème de paupière. Ces symptômes n’occasionnent pas d’effets irréversibles, mais des blessures oculaires plus sévères ont été documentées, incluant hyphéma [sang à l’avant de l’œil], uvéite[inflammation de l’uvée], keratite [inflammation de la cornée] nécrosante ou coagulative, symblépharon [paupières collées], glaucome secondaire, cataractes et neuropathie optique traumatisante. » Les auteurs du rapport précisent la difficulté est de « déterminer si les dommages oculaires étaient dus au lacrymogène en soi, au solvant des grenades, ou un résultat de la charge explosive du produit ».
Autant d’éléments préoccupants qui auraient mérité des réponses des opérateurs publics de ces lacrymogènes. Il paraît indispensable que, comme tout produit répandu dans l’espace public, pesticide ou médicament, la transparence s’impose aux gaz lacrymogènes avec des études indépendantes.
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Des gilets jaunes affichent des symptômes persistants après une exposition aux gaz. Certains évoquent une intoxication au cyanure, sans qu’aucune n’ait été caractérisée. Des voix scientifiques s’élèvent pour mener des recherches sérieuses sur les effets des gaz.
Question posée par Gérard Portier le 09/04/2019
Bonjour,
Des prises de sang réalisées en pleine manifestation. La scène surprenante a été vue lors des manifestations du 20 avril et du premier mai, et dénoncée dans un communiqué par La coordination Premiers Secours. «Nous tenons à faire savoir qu’aucun Médic de la coordination n’est acteur de ces gestes irresponsables. Nous dénonçons ses pratiques, et rappelons que ces initiatives engagent leur responsabilité individuelle.»
Des vidéos datées du 20 avril et tournées à Paris, que CheckNews a pu consulter, montrent des prises de sang et des analyses de sang réalisées sur le trottoir, et parfois sans gants. Cette pratique contestée a pour objectif d’étayer les soupçons qui montent depuis plusieurs semaines sur la composition des gaz lacrymogènes, alors que de plus en plus de témoignages de manifestants font état d’effets persistants. Certains dénonçant depuis plusieurs mois des cas d’intoxication au cyanure.
À la recherche du cyanure
Le 10 février dernier, l’avocate Raquel Garrido met le sujet du cyanure sur la table en partageant ses symptômes post-manifestation (douleurs, vomissement, migraine) sur les réseaux sociaux. «Selon mon médecin, cela ressemble un empoisonnement à l’acide cyanhydrique», affirme-t-elle.
Les symptômes décrits par Raquel Garrido restent proches de ceux provoqués par une exposition au 2-Chlorobenzylidènemalononitrile, le gaz utilisé dans les lacrymogènes (aussi appelé gaz CS), selon la fiche toxicologique de l’INRS. Le témoignage de l’avocate est dénoncé, et parfois moqué, dans des médias et un syndicat de police.
Début avril, le collectif SOS ONU, qui s’est donné pour mission de recueillir des témoignages de violence policière afin de compléter le dossier déjà déposé au Haut-Commissariat des Droits de l’Homme, ajoute sa pierre à la polémique en publiant sur sa page Facebook des résultats d’analyses sanguines et urinaires de manifestants. Certains montrent des taux de thiocyanates dans les urines ou dans le sang supérieurs aux valeurs de référence. Parmi les deux tests publiés, l’un affiche 15,9 mg/L de thiocyanate dans le sang (contre 7,5 mg/L de référence chez les fumeurs) et l’autre affiche 31,4 mg/L dans les urines (contre 25 mg/L de référence chez les fumeurs).
Or le thiocyanate est produit par le corps humain en cas d’exposition au cyanure. Ce qui a conduit SOS ONU à écrire «Analyses CYANURE POSITIF !!» et à lancer une campagne pour demander aux personnes présentant des symptômes persistants après une exposition aux gaz lacrymogènes de réaliser le test au thiocyanate dans le sang, dans l’espoir de démontrer une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes.
Que disent les tests ?
CheckNews a contacté le docteur François Parant, médecin au laboratoire qui a effectué les analyses publiées par SOS ONU. Il confirme que son laboratoire a reçu bien plus de demandes de dosages de thiocyanates que d’habitude depuis décembre 2018. La véracité des documents publiés n’est pas remise en cause, mais les concentrations retrouvées, bien que parfois supérieures aux valeurs de référence du laboratoire, ne permettent pas, selon lui, de caractériser une intoxication au cyanure.
«Dans notre laboratoire, nous réalisons les dosages des thiocyanates sériques [dans le sang, ndlr] et urinaires par technique colorimétrique. L’indication usuelle est la documentation d’une exposition aux cyanures suite à un incendie. La méthode utilisée manque néanmoins de spécificité ; les résultats doivent être interprétés au regard d’analyses biochimiques complémentaires et de la clinique», explique François Parant.
Au centre anti-poison de Lyon, le docteur Jean-Marc Sapori confirme également avoir été sollicité par des personnes exposées au gaz lacrymogène et pensant être intoxiquées par du cyanure. «Jusqu’à présent, tous les cas rapportés à notre centre présentent logiquement des signes irritatifs classiques, parfois associés à d’autres signes, très divers, mais ne pouvant être imputés à une intoxication manifeste au cyanure», explique-t-il à CheckNews.
Pour caractériser la présence de cyanure dans le sang des manifestants, certains membres de SOS ONU ont voulu aller plus loin que les tests en laboratoire, proposant donc de réaliser des analyses sanguines pendant les manifestations. Une vidéo a été postée sur YouTube pour expliquer la démarche.
La pratique de ces tests a généré de vifs désaccords au sein du collectif et, aujourd’hui, la page Facebook SOS ONU dénonce cette pratique aux côtés des street medics.
CheckNews a contacté le médecin belge Renaud Fiévet qui supervise les prises de sang en question sur le terrain. «Les prises de sang sont effectuées dans le respect des protocoles de la haute autorité de santé, par des infirmières diplômées», affirme-t-il.
Les tests en question sont fournis par la société suisse CyanoGuard et commercialisés depuis 2018. «Après avoir échangé avec le fabricant, nous avons décidé de doubler quantité de sang testé afin d’abaisser le seuil de détection», confie Renaud Fiévet.
Le célèbre gilet jaune Maxime Nicolle s’est livré au test, et en a publié le résultat le 1er mai «une heure après exposition aux gaz». Il assure à CheckNews, et dans un live, que le test s’est déroulé dans de bonnes conditions d’hygiènes. CheckNews a envoyé par mail la photo du test de Maxime Nicolle au fabricant du kit, qui confirme un résultat positif au cyanure.
Ce résultat permet-il de conclure quoi que ce soit? Notons que ce test n’a pas été effectué avant la manifestation pour comparer un résultat avant et après exposition. Par ailleurs, Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris, est dubitatif sur le test en question. «Il existe des dosages fiables, réalisés par des laboratoires reconnus, pour doser le cyanure dans le sang. Pourquoi faire appel à des bandelettes moins validées scientifiquement ?» Dans le protocole pour établir une intoxication au cyanure, les médecins demandent aussi le dosage des lactates sanguins, qui prouvent que le cyanure a bien eu une action biologique. Car une exposition au cyanure n’est pas en soit synonyme d’une intoxication, on retrouve des doses de cyanure ou thiocyanate dans le sang de la population générale.
Les gaz lacrymogènes contiennent-ils du cyanure ? L’hypothèse du métabolisme
Par aileurs, à ce stade, si on connaît l’exposition au cyanure par la cigarette, l’alimentation, ou encore les incendies, rien ne vient valider l’hypothèse de la présence de cyanure dans le gaz lacrymogène.
Sollicitée par CheckNews, la direction générale de la police nationale affirme qu’«aucune trace de cyanure d’hydrogène n’a été détectée lors des tests effectués sur les engins utilisés par la police comme la gendarmerie». Une réponse qu’elle avait déjà faite à France Info ou LCI.
L’hypothèse du métabolisme
L’hypothèse la plus répandue est la modification du gaz CS dans le corps humain. L’idée est que le CS serait en partie transformé par le métabolisme en cyanure d’hydrogène puis en thiocyanate. Le schéma explicatif ci-dessous avait été publié par SOS ONU en avril.
Ce mécanisme ne sort pas de nulle part. La transformation du gaz CS en cyanure est même démontrée chez les animaux en cas de forte exposition au CS. La réalité de ce phénomène chez l’homme a donc été étudiée. Après évaluation, son rôle dans la toxicité du gaz CS a été écarté.
En 2001, une revue de littérature (résumé du savoir existant sur un domaine) intitulée «Agents de contrôle des émeutes : pharmacologie, biochimie et chimie», s’est penchée sur la formation de cyanure à partir de CS chez l’homme :
«La formation de cyanure d’hydrogène à partir de CS a été le sujet de plusieurs études chez l’animal et chez l’humain. […] Des études visant à déterminer la quantité de cyanure produite, mesurée par le taux de thiocyanate dans le sang, chez des humains exposés au CS ont été conduites. Les résultats de ces études trouvent des niveaux de thiocyanate plasmiques négligeables». En clair, la métabolisation du CS peut créer du cyanure mais en très petite quantité.
En 2013, le scientifique néo-zélandais Léo Schep publie un article sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes. Il y écrit que «des niveaux minimums de cyanure et thiocyanate peuvent apparaître dans les urines après une exposition orale ou par intraveineuse au CS». Il ajoute que «dans des circonstances normales, on ne pense pas que suffisamment de cyanure soit libéré pour causer des effets systémiques».
CheckNews l’a contacté pour mettre à jour et préciser son propos : «Le cyanure ne contribue pas à la toxicité du CS, il s’agit d’un sous-produit très mineur issu du métabolisme du CS par le corps».
Enfin, un article plus récent (2016) sur le mécanisme d’action des gaz lacrymogènes ne parle pas du tout d’effet lié au cyanure. Son auteur, Sven-Eric Jordt, affirme à CheckNews qu’«il n’y a pas de preuve d’une intoxication au cyanure due aux gaz lacrymogènes».
Notons enfin que la question du cyanure n’est évoquée ni par le site Désarmons-les, un collectif «contre les violences d’État» dans son article de 2018 (Ce qu’il faut savoir sur les lacrymo) ni par la Coordination des premiers secours (qui regroupe les street medics) dans son article de 2019Le gaz lacrymogène, ses effets et comment s’en protéger.
Des victimes dues à une surexposition ?
La dangerosité des gaz lacrymogènes est avérée sans aller chercher une intervention du cyanure. Les effets du CS vont du picotement dans les yeux et la gorge à faible concentration et en cas d’exposition courte au risque mortel (très rare) en cas de forte concentration dans un milieu confiné sans possibilité de fuite. Les victimes auxquelles CheckNews a pu parler dans le cadre de cette enquête évoquent des symptômes qui persistent plusieurs semaines. Elles ont été exposées toutes les semaines aux gaz et parfois pendant plusieurs minutes sans pouvoir sortir du nuage. Des conditions qui s’éloignent des circonstances habituelles.
Mediapart a récolté plusieurs témoignages faisant état «de problèmes de santé liés à l’utilisation massive et répétée du gaz lacrymogène». En effet, le nombre de munitions tirées et la récurrence des mouvements toutes les semaines amènent les manifestants dans des niveaux d’expositions élevés et aux conséquences peu documentées.
«D’éventuelles conséquences à long terme des expositions au gaz lacrymogènes peuvent être envisagées, en particulier au niveau respiratoire (broncho-pneumopathies chroniques obstructives…) dans le cas d’expositions importantes et répétées, mais elles sont relativement peu documentées dans la littérature (souvent lors d’expositions professionnelles d’ailleurs)», explique Jean-Marc Sapori.
Dans son guide toxicologique publié en 2003, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), note que «La toux et la dégradation de la fonction respiratoire engendrées par une exposition au CS peuvent se prolonger pendant plusieurs mois. […] Toutefois, ces effets s’observent généralement lorsque les individus ont été exposés au CS de manière prolongée dans un espace confiné ou lorsqu’ils souffrent d’une maladie pulmonaire préexistante» (en page 176).
Trois articles scientifiques de 2017, 2014 et 2015 soulignent les potentiels effets «sérieux» du gaz CS sur la santé humaine (sans parler de cyanure) et le manque de données de qualité sur le sujet. Les chercheurs pointent du doigt les limites des données existantes sur les effets des gaz lacrymogènes et appellent à plus de recherches sur le sujet.
Interrogé par CheckNews, Sven-Eric Jordt, chercheur à la Duke University School of Medicine, regrette «l’écart entre la hausse de l’utilisation des gaz lacrymogènes par les gouvernements et la faiblesse des recherches sur leurs effets». Il aimerait voir menées «des études de suivi».
Jean-Marc Sapori plaide aussi pour un suivi du sujet, eu égard au caractère inédit du mouvement des gilets jaunes : «Nous sommes face à un cas atypique d’exposition répétée sur de nombreuses semaines aux gaz lacrymogènes qui mériterait une enquête épidémiologique sérieuse afin de mieux décrire les conséquences sanitaires de cette exposition chronique».
Une situation exceptionnelle décrite par la coordination premier secours qui parle de manifestants se trouvant «soudain noyés dans le gaz lacrymo, avec plus d’une cinquantaine de palets fumant en même temps». Des conditions aggravéespar les «techniques dites «de nasse» où les manifestants (et de malheureux passants) se trouvent pris au piège, sans aucune échappatoire, dans un air irrespirable». Dans de telles situations, les victimes de ces gaz «sont pliées en deux, cherchant de l’air contre les murs des bâtiments, voire prostrées au sol, apeurées, aveuglées, incapables de reprendre leur respiration».
Si vous souhaitez signaler des cas de séquelles durables en raison de l’exposition aux gaz lacrymogènes, la rédaction de Checknews est joignable par mail sur checknews@libe.fr ou sur twitter: @CheckNewsfr.