Retirer: Bijoux, Lentilles de contacts, vernis à ongles, maquillage
Eviter: Rasage, épilation (au moins depuis 48h), tabac, alcool. L’application de crème hydratante (visage et corps).
INSCRIRE SUR VOTRE AVANT-BRAS GAUCHE (au marqueur !) : NOM, Prénom.Coordonnées avocat.Coordonnées de la personne à prévenir en cas d’accident.Groupe rhésus sanguin.
PENDANT
LA MANIFESTATION
AVOIR SUR SOI : Pièce d’identité. Sucres /barres de céréales, eau Si possible : Copie carnet de vaccination ou juste date dernier rappel Tétanos ; noter sur un papier allergies médicamenteuses + traitement personnel
EQUIPEMENTS DE PROTECTIONS INDIVIDUELS : ØCasques. ØMasques à cartouche(s) FFP3B (à défaut 2B ou B ). ØLunettes de protection bricolage étanches ( pas de lunettes de natation le verre n’est pas prévu pour les chocs, risque perforation des yeux). ØChaussures type sécurité montantes (ou randonnée, etc..). ØVêtements épais (si les températures le permettent),éviter les vêtements synthétiques très inflammables . ØProtections auditives.
RISQUES POTENTIELS (principaux) : ØMouvement de foules. ØGazage. ØFlash Ball. ØGrenades désencerclement. ØExplosion. ØFeu. ØCoups avec objets contendants.
CONDUITE A TENIR : ØToujours rester avec votre groupe. ØRepérer durant vos déplacements des « issues de secours ». ØNe pas s’affoler, éviter de courir, être vigilant. ØAider à établir un périmètre de sécurité en cas d’accident à la personne. Avertir les Soignants en cas d’accident = crier « MEDIC » en levant les 2 bras.
Cette douche portative a plusieurs fonctions, elle sert pour éteindre les petits incendies, calmer les brûlures et est un décontaminant chimique. Elle contient 5,75 Litres d’eau et 0,25 litre d’agent aseptisant (j’avoue qu’ils se sont surpassés là). Quel est donc cet agent aseptisant ? il s’agit de chlorure de benzalkonium. Le chlorure de benzalkonium est un ammonium quaternaire utilisé depuis de nombreuses années en tant que surfactant et antiseptique/désinfectant. Il est connu pour ses propriétés bactéricides à des concentrations faibles (habituellement entre 0,1 et 0,2%) sur un large spectre de bactéries Gram-positives et Gram-négatives.
Le
chlorure de benzalkonium élimine (diminution de 5 log) Staphylococcus aureus
et les streptocoques bêta-hémolytiques (p.ex. Streptococcus pyogenes) en
1 minute, ainsi que Pseudomonas aeruginosa en 5 minutes.
Le
Chlorure de benzalkonium possède également une activité spermicide. Le
principe actif provoque la rupture de la membrane du spermatozoïde. Sur le plan
physiologique, la destruction du spermatozoïde s’effectue en deux temps :
d’abord destruction du flagelle, puis éclatement de la tête. Il n’y a pas de
modification de la flore saprophyte : le bacille de Döderlein est respecté.
Pour la modique somme de 298,80 euros une solution contre les brûlures
thermique et chimique avec un bon mal au gonades (humour).
Chaque solution a son problème !
DESCRIPTION DU PRODUIT Douche de sécurité 6 Litres Antiseptique – Extincteur
Vert
L’extincteur
vert douche de 6 Litres protège:
Découvrez la douche portative de secourisme servant à
rincer et neutraliser une substance caustique, refroidir une brûlure thermique,
ainsi qu’éteindre le feu sur un être vivant. Le temps minimum de
refroidissement d’une brûlure est de 15 minutes. Ce type de douche de
sécurité est fortement recommandée sur des chantiers ou des lieux de travail
qui présentent des risques de projections d’éléments ou produits qui peuvent
être dangereux pour la santé.
Cet extincteur douche de sécurité a une contenance de 6 litres, il est livré
rempli. L’eau contenu dedans devra être conservée à une température comprise
entre 5°C et 60°C. Puis pour être parfaitement efficace, l’eau devra être
changée tous les 6 mois.
Extincteur livré avec fixation murale, notice d’installation et
d’utilisation
POUR PROTÉGER QUOI ? Rincer
et neutraliser une substance caustique, refroidir une brûlure thermique,
éteindre le feu sur un être vivant.
LES CERTIFICATIONS Normes
Françaises, CE, Marine, CNPP, BS, Apragaz, Origine France Garantie
COMMENT L’ENTRETENIR,
OBLIGATIONS
Vous êtes un professionnel: Tous
les ans à date anniversaire de la mise en service + Recharge tous les 6 mois
Vous êtes un particulier: Vous n’avez pas d’obligations mais il
est préférable de faire vérifier vos appareils au moins une fois par ans.
Chlorure de Benzalkonium 50%
Propriétés : le Chlorure de Benzalkonium est un agent de surface cationique de la famille des ammoniums
quaternaires.
Il s’agit d’une solution aqueuse facilement
soluble dans l’Eau, l’Ethanol et l’Acétone.
Il élimine l’origine du verdissement dû aux mousses,
algues et lichens sur la plupart des matériaux de construction. En plus de son
action curative, il permet aussi de prévenir l’apparition de mousses, lichens,
et algues sur les matériaux mal exposés.
Action préventive et curative.
Utilisable sur la plupart des matériaux.
Solution aqueuse hydrosoluble.
Protection longue durée.
S’utilise avec un pulvérisateur ou un arrosoir.
Produit biocide (TP2/10) : utilisez les biocides avec précaution ;
avant toute utilisation, lisez l’étiquette et les informations concernant
le produit.
Formule brute : C21H38NCl = 21 atomes de Carbone, 38
d’Hydrogène, 1 d’Azote et 1 de Chlore
Origine : Espagne
Pureté : 50%
Numéro Cas : 68424-85-1
Numéro CE : 270-325-2
Synonymes (liste non exhaustive) : chlorure
d’alkyldiméthylbenzylammonium, ADBAC (acronyme), chlorure de N-alkyle
N,N-Diméthyle benzylammonium, chlorure d’alkylebenzyldiméthylammonium
Caractéristiques :
PHYSIQUES
Caractéristiques
Spécifications
Aspect
Liquide limpide et visqueux
Couleur
Couleur (APHA)
Incolore
8 (max 100)
Odeur
Légère odeur d’amande amère
pH (solution
à 5%)
pH (solution à 10%)
6.0 – 9.0
7,4
Point de
fusion
0°C
Point
initial d’ébullition
107°C
Densité
relative
0.975 – 0,995 à 20°C
Indice de
réfraction
1.42 à 20°C
Solubilité
Soluble dans l’eau, l’éthanol et l’acétone.
Presque insoluble dans l’éther
Pression de
vapeur
23 mbar à 20°C
Viscosité
74 cSt à 40°C
CHIMIQUES
Propriétés
Unités
Méthodes
Mini
Maxi
Matière
active
% Poids
KCSA 003
48
51
Amines
libres
% Poids
KCSA 143
0.5
pH (sol 5%)
KCSA 014
6
9
Conseils d’emploi :
pour une utilisation en tant qu’agent anti-mousse
1. Diluer 500ml de Chlorure
de Benzalkonium dans 6L (soit un dosage à 4% de matière active) d’eau
et appliquer sur 12,5 à 25 m².
2. Préférer de l’eau tiède
pour faciliter la dilution du produit (30- 60 secondes). Une dilution dans
de l’eau froide pourra nécessiter 2 à 3 minutes.
3. Appliquer soit à l’arrosoir
avec pomme d’arrosage soit au pulvérisateur : appliquer le produit dilué de
façon à bien imprégner la surface à traiter (6L d’eau pour traiter au maximum
25m²).
Nelly a vu le travail de l’équipe de près, elle a passé du temps à l’observer et sait donc parfaitement pourquoi nous préconisons les analyses et elle connaît les problèmes que nous soulevons. Lorsqu’elle a été exposée aux gaz lacrymogènes place d’Italie les 16 et 17 Novembre 2019 à Paris, elle a su faire les bonnes analyses complètes.
Non-fumeuse, elle portait des lunettes et un masque imbibé de vinaigre, peu de peau exposée aux gaz lacrymogènes, elle s’était donc protégée autant que possible mais une exposition de plusieurs heures totalement inattendue est survenue.
Dès le départ, son taux de thiocyanates urinaires est monté à 27,6 mg/l. Son mari a également eu un taux élevé de thiocyanates dans les urines. Après 10 jours, selles beiges persistantes pendant quelques jours. Le médecin a soupçonné une atteinte foie/pancréas. Le niveau de thiocyanates descend doucement, arrivant à 20,8 mg/l à J+25.
Une infirmière formée en hygiène industrielle, risques chimiques et ex-formatrice Sauveteur Secouriste du travail s’est intéressée à ce sujet suite à des gazages massifs début janvier lors d’une manifestation sur Nîmes.
Grâce à ses contacts elle a pu faire une première alerte auprès de Streets Médics. Parallèlement, elle s’est rapprochée de groupes de manifestants et d’observateurs afin de les sensibiliser sur la prévention et sur la conduite à tenir en cas d’exposition aux gaz lacrymogènes.
Par la suite,
elle a pu établir un listing total des symptômes et des analyses sanguines et
urinaires à effectuer en post-exposition.
Nos équipes se
sont réunies afin de gagner en efficacité, sur ce problème de Santé Publique et
de prouver la véracité de nos dires.
Nos recherches
nous ont amenées à aller à la rencontre des scientifiques, à consulter des
fiches techniques, des fiches de données de sécurité, des mémoires de
toxicologie, des documents analytiques et d’analyses de toxicologies… français
et étrangers.
Nous vous rappelons que les gaz lacrymogènes
aiment les terrains humides, ont plusieurs voies de pénétrations (oculaires,
cutanée, respiratoire, digestives).
Retirer : Bijoux, lentilles de contact, vernis à ongles, maquillage, crèmes (visage et corps)
Eviter : Rasage, épilation (au moins 48h), tabac, alcool.
Lors des manifestations, il est conseillé par températures élevées de régulièrement s’essuyer le visage avec un mouchoir jetable.
L’application
d’Optone® avant exposition permet une atténuation des symptômes mais ne les
empêchent pas.
Suite à une
exposition au gaz lacrymogènes, un lavage /rinçage d’un mélange Gaviscon® ou
Maalox® avec de l’eau permettra d’atténuer la sensation de brûlure oculaire,
cutanée et buccale(ne pas avaler, cracher) et d’empêcher la pénétration du
produit.
Une lingette nettoyante sans alcool peut être
utilisée afin de retirer un maximum de produit sur la peau. L’utilisation de
Dacryosérum® ne servira qu’à dissoudre le produit dans le globe oculaire, mais
en aucun cas n’empêchera sa pénétration. Si rinçage par de l’eau simple, elle
doit être froide afin de ne pas dilater les pores (ce qui favoriserait la pénétration
du produit).
Les lavages
oculaires et cutanés par de la Diphotérine®, solution aqueuse contenant des
sels amphotères sont par certains conseillés et par d’autres récusés. Deux
écoles s’affrontent car selon certains spécialistes en hygiène industrielle et
certains chimistes, ce produit à pH neutre ne contient pas de produits particuliers
ou spéciaux pouvant prouver son utilité.
Il n’a pas été
prouvé l’utilité du citron pressé. Néanmoins, plusieurs témoignages relatent
l’efficacité en contact direct avec les narines. Hormis une protection
respiratoire à titre préventif, il n’existe pas de produit médicamenteux
enrayant le processus d’intoxication des voies aériennes supérieures
utilisables sur
les lieux d’intoxication. Une prise en charge est conseillée.
En rentrant chez soi, il faut immédiatement se déshabiller et se laver afin de ne pas disperser dans l’habitat.
Le linge de la
journée devra être lavé seul, sur cycle long mais froid (évaporation )
Pour
vous-même :
Il convient de frotter la peau sans l’irriter.
Ne pas utiliser de savon dans un premier temps. En profiter pour bien se rincer
la bouche et la gorge (par gargarismes) et les yeux. Rincer abondamment aussi
les cheveux avant l’utilisation d’un shampoing doux.
For months, protesters have been breathing in CS gas, which is found in tear gas canisters. But what are the consequences and dangers for an organism, while a researcher warns of possible formation of cyanide after breathing these gases?
A protester tries to escape tear gas by covering his eyes during the social movement of December 5, 2019.• Crédits : Bulent Kilic – AFP
After fifty years of use, one could imagine that a complete scientific documentation devoted to the effects of tear gas is available. However, in France, few studies have investigated that subject, and we must turn to Anglo-Saxon reports to learn a little more about the possible consequences of tear gas (CS gas) absorption.
CS gas, or 2-chlorobenzylidene malonitrile, however, has almost a century of existence. Invented in 1928 by American chemists Ben Corson and Roger Stoughton, whose initials it bears, it was synthesized in the 1950s in a version close to that which is still used today. It succeeds another gas, chloroacetophenone (CN), for its « virtues »: it is both less toxic and « its irritant effects are more pronounced and more varied ».
Its goal ? Immediate disabling effects
During demonstrations, use of tear gas by the police usually results in scenes where demonstrators back up to escape that white smoke, coughing, crying and trying to protect their faces. And for good reasons, the effect of CS gas is almost instantaneous: it primarily affects eyes and causes, in just a few tens of seconds, an activation of the lacrimal glands. Once inhaled, it irritates the respiratory tract, triggering violent fits of cough which can go, according to the doses, up to vomiting. It can also cause severe itching or burning when it comes into contact with skin. These effects neutralize exposed people by forcing them to move, or by preventing them from resisting an attack.
Chemically, the effect of CS gas is simple to understand: its molecules bind to TRPA1 and TRPV1 receptors in our body involved in pain perception and responsible for detecting toxic products. The body then begins to produce mucus, watery eyes or even trigger coughs, in a violent reflex of rejection of what it considers toxic.
« The action of riot control agents is almost immediate. Symptoms appear a few seconds after the toxic agent is dispersed and do only persist until a few minutes after the end of the exposure« , details researchers A. Gollion, F. Ceppa and F. May in a report entitled Ocular toxicity of chemical agents published by the journal Medicine and Armies.
Potential long-term effects
Nausea, burning sensations, conjunctivitis, breathing difficulties, even fainting (including in law enforcement) … The main effects of tear gas are well known and dissipate quickly, once victims leave the tear gas cloud. However, long-term consequences of CS gas are very little studied in France, even though there is a substantial bibliography on the subject abroad. In 2017, a review of 31 studies in 11 countries, entitled Health Impact of Chemical Irritants Used for Crowd Control: A Systematic Review of the Injuries and Deaths Caused by Tear Gas and Pepper Spray, identified 5,131 injured people out of 5,910 people exposed to irritant gases having sought medical care, covering 87% of those affected. All in all, 9,261 injuries had been identified, most of them located on the eyes, skin, and the cardiopulmonary system. Although this study recalled that in vast majority of cases (98.7%) victims recovered quickly from their injuries, 67 people (1.3%) suffered permanent damage.
Eyes: conjunctivitis, keratitis and cataracts
Eyes are, in fact, the main target of tear gas. They are most quickly and directly affected by the fumes, whether they come from grenades or sprays. A priori, the impact of CS gas is quite low and sequelae disappear quickly over time. But a complete English-speaking documentation shows that, when the source of the gas is very close to the eyes, there can be complications, the most frequent of them being cases of conjunctivitis or blepharospasm (repeated blinking of the eyelids). In rare cases, long-term effects can be much more disabling: the doctor of ophthalmology at Saint Thomas Hospital in London noted in 1995 possible complications with inter alia infectious keratitis (lesions of the cornea), secondary glaucoma or cataract.
précise le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. « Since CS is a solid compound, particles may sink into the cornea or conjunctiva, causing tissue damage. The human eye is more sensitive to aerosolized CS compared to CS in solution. The overall ocular effects are more severe in individuals wearing contact lenses« .
Common skin signs are erythema, skin rashes or blisters, skin burning sensations, skin irritation with or without pain, and burning.
Many cases of dermatitis or eczema, particularly in the case of allergic reactions, are also reported.
The respiratory system: a global weakening?
According to most studies, the respiratory system is certainly the most affected, in the long term, by the effects of CS gas. The toxicological guide of the National Institute of Public Health of Quebec states that after exposure to CS gas, the first symptoms (irritation of the throat, lungs, sneezing, cough, etc.) “may be followed by headaches, burning of the tongue and mouth, salivation and difficulty breathing (after some delay) and a feeling of oppression (at high concentrations)”.
A study by the University and Faculty of Medicine of Istanbul, Turkey, also looked at the long-term effects of tear gas on the respiratory system: it concluded that, in exposed subjects, certain disorders were 2 to 2.5 times higher than average, such as chest tightness, difficulty breathing, or winter cough. Subjects were also more susceptible to an increased risk of chronic bronchitis. Prolonged or excessive exposure to tear gas can also cause pulmonary edema.
If you did a lot of damage to the airways, it will stay. The mucosa is more susceptible to all infections, and viruses and bacteria will have a much more fertile ground for development. PHD Alexander Samuel
« Street medics » accompany a demonstrator affected by tear gas, during demonstrations in Toulouse.• Crédits : Getty
A lethal weapon indoors
In 2012, in Bahrain, law enforcement used tear gas to quell political demonstrations. The NGO Physicians for human rights reports that several women suffered a miscarriage after being exposed to tear gas and that an asthmatic man died. Some people are more vulnerable to the effects of these gases, such as children, the elderly, people with asthma and pregnant women.
Under certain conditions, CS gas can even be fatal. Tear gas canisters are in fact intended to be diffused in ventilated places, making it possible to avoid air saturation with 2-chlorobenzylidene malonitrile. But in a closed place, it would be possible to reach “the concentration of CS which would be lethal for 50% of healthy adults, estimated between 25,000 and 150,000 mg / m³ per minute” according to an estimate of the report published in 1989 in The Journal of the American Medical Association: Tear gas: Harrassing agent or Toxic chemical weapon?
When a tear gas canister explodes outdoors, the center of the gas cloud can reach a 2-chlorobenzylidene malonitrile concentration ranging from 2,000 to 5,000 mg / m³. Indoors, concentration therefore increases rapidly. In 2014, for example, in Egypt, tear gas canisters fired from inside a truck carrying prisoners killed 37 detainees.
In Notre-Dame-des-Landes, in 2018, a zadist walks in the middle of tear gas.• Crédits : LOIC VENANCE – AFP
Cyanide poisoning?
For several months, another concern has been agitating the demonstrators, first of all yellow vests, who denounce possible cyanide poisoning following inhalation of tear gas. This theory is advanced by Doctor Alexander Samuel: according to him, metabolism of CS after its absorption would lead to formation of this poison in our organism.
For Alexander Samuel, the first argument no longer needs to be given the paradigm shift:
The problem today is that you no longer have to throw a grenade with a single pellet, with protesters 20 meters from the pellet. Nowadays at a music festival with Steve Maia Caniço for example, there are 33 grenades thrown in 20 minutes … It changes doses, and it changes exposures. These are much higher exposures, with much heavier effects on health and, in the long term, what worries me are the levels of cyanide which are still completely ignored, and which can cause liver cirrhosis, kidney stones, kidney problems and neurological problems, like Parkinson’s for example.
To overcome the skepticism of certain specialists, Alexander Samuel, PHD in biology, himself having believed having first believed in a « fake news », is preparing a complete report, with a broad bibliography, which we were able to consult. He surrounded himself with other researchers under the tutelage of toxicology chemist André Picot. Honorary director at CNRS and president of the Toxicology-Chemistry Association, he is a major support:
CS is an organic molecule: it means that it contains carbon and hydrogen. These hydrocarbons make up the basic body. It’s a bit difficult for non-chemists to understand, but […] concerning the tearing effect, everything is depending on the release of a molecule, malonitrile. It contains three carbon atoms and two cyanide atoms linked to one carbon atom. This intermediate molecule is used to make syntheses in organic chemistry, it is tear gas and can be very toxic. When CS gas arrives in an aqueous medium, for example in the blood, the water will attach to it. This hydration will make this CS molecule, itself already unstable, even more unstable. It will thus be attacked by enzyme systems that we have in the blood, which will oxidize it. This will release the malonitrile [from the CS molecule, ie 2-chlorobenzylidene malonitrile, editor’s note] which in turn, still by oxidation, will release cyanide. In the end, for a molecule of CS gas, you release a cyanide molecule into the blood.
Once the molecule is released into blood, it will be assimilated by the body, explains André Picot: « This is what is called metabolization. It is, of course, subject to genetic control. And people are generally unequal when it comes to this metabolism. There may be people who will react very quickly to this product and have toxic effects of cyanide, while others will resist. This individual susceptibility is very important, because it explains why you have some who can be very sick and others who go up to the barricades every Saturday and don’t really have symptoms.«
A protester in the middle of a cloud of tear gas, during the demonstrations of May 1, 2019.• Crédits : Martin Bureau – AFP
Why is this cyanide dangerous? Because it blocks cellular respiration explains the toxicochemist, the process which makes it possible to supply energy to our organism. In doing so, it suffocates the cells essential to our survival:
There are three organs that are very sensitive to cellular respiration and these are the ones that work the most. There is the brain and therefore cerebral asphyxia begins first with headaches, fatigue, depression, etc. You have the heart because it is an engine and it needs fuel. So you are going to have cardiovascular problems, palpitations, you may be passing out, etc. And then there is another one which is also sensitive, it is the eye, the retina. The retina works a lot and it seems that in the case of cyanide it is the lens which takes a hit. We do not know exactly why, since it is not oxygenated.
The formation of cyanide after exposure to CS gas is not surprising. It has already been demonstrated and studied in animals, says André Picot:
In rodents, it is very well demonstrated that a molecule of CS gas, during its degradation, releases a molecule of cyanide. Critics of this release of cyanide from CS gas, say that in animal experiments there is only a small amount of cyanide, and that, moreover, nothing is proven in humans . They are a bit of bad faith because there have been some studies before. There aren’t many of course, compared to the experimental studies, that’s obvious. But the armies, the police, have precise data to which we do not have access. We would love to have access to this kind of data, that’s the challenge.
Once in the blood, however, cyanide can be metabolized by the body. And that’s for a good reason, it also exists in its natural state: we find it for example in cassava or oleander, and the body therefore knows how to protect itself from it. Smokers also absorb it regularly without it directly killing them. Our body is thus able to detoxify cyanide by adding a sulfur atom to it thanks to rhodanese, an enzyme present in saliva and in the liver. This creates thiocyanate, which is then eliminated by renal filtration in the urine. It is with this biomarker that we can determine the increase or not in cyanide levels … Without knowing its precise origin: consuming cassava the day before can for example distort the results.
It was first of all based on measurements of thiocyanate levels that Alexander Samuel and his team sought to determine if there is a risk for humans. The first results, taken from yellow vests demonstrators on the sidelines of the demonstrations, made it possible to discover levels of thiocyanates which, if they were not dangerous, remained abnormally high. A finding that led them to measure, with cyanokits, the level of cyanide directly in blood before exposure to CS gas, between five and fifteen minutes after exposure, then twenty minutes after exposure (which also triggered the opening of a preliminary investigation by the Paris public prosecutor’s office, despite the consent authorizations signed by demonstrators). These tests, carried out on nine individuals, made it possible to realize that the level of cyanide, after exposure to tear gas, reached levels above the danger threshold of 0.5 mg / L of blood (it is considered as lethal at 1 mg / L).
Sampling may seem small, but for Alexander Samuel it is not a problem in this case:
However, I have nothing against more results and verifications, if Paris Prosecutor’s Office tells us that it is closing the case concerning blood tests without consequences and that we have the right to do so without them considering such a blood uptake as « aggravated violence » and « endangering the life of others », or if a competent authority decides to finally make a mass spectrometer available, for example. At the moment, we are completely blocked for field analyzes.
Faced with what he considers to be a public health issue, Alexander Samuel hopes that the work carried out, which will be published in a few weeks, will make it possible to apply “a precautionary principle” or, at least, “the training of security forces so that they can better understand the potential risks (not only that of cyanide) when they use these tear gas canisters.” Especially since the police are often the collateral victims of the effects of tear gas:
Chlorobenzylidene malonitrile and TNT? Little-known compositions
But besides CS gas, what exactly does tear gas canisters contain, and in what proportions? Their « recipe » remains a mystery: in France, we don’t know their exact composition. Two French companies supply the police, Nobelsport and Alsetex. When contacted, the first informed that « management does not wish to answer on this subject » and the second did not respond any more. You have to turn to the militant collective « Disarm them » to find a fairly precise portrait of the composition of a tear gas canister:
O-Chlorobenzalmalononitrile (CS): tear gas and irritant, it causes tearing and irritates the mucous membranes of the nose, throat and skin in general. Coal: upon combustion, it turns into pure carbon. Potassium nitrate (saltpetre):upon ignition, it releases large quantities of pure oxygen which fuel the combustion of coal. Silicone: during the combustion of carbon and potassium nitrate, silicone forms drops of silicone dioxide which will be used to ignite the other components. Sugar:fuel, it melts at 186 ° C, heats and vaporizes the chemical without destroying it. It also maintains combustion by oxidizing. Potassium chlorate: oxidant. When heated, it releases a large amount of pure oxygen and turns into potassium chloride, which produces smoke. Magnesium carbonate:potassium chlorate does not get along with acid (the mixture is explosive), magnesium chlorate maintains slightly basic pH levels, neutralizing any acid content caused by chemical impurities or moisture . When heated, it releases CO2, further dispersing tear gas. Nitrocellulose: explosive fulminant. During combustion, it releases large amounts of gas and heat. Low in nitrogen, it also serves as a sticky binder to keep all the other ingredients homogeneously mixed.
In reality, talking about « CS gas » is a language gap: 2-chlorobenzylidene malonitrile is not so much a gas as a white powder which volatilizes in the air when the tear gas canister is triggered. Most of the components of a tear gas canister therefore aim to ensure the diffusion of CS gas, responsible for irritant and tear effects. « These are not toxic products at all in general« , specifies on this subject the chemist specialized in toxicology André Picot, president of the « Association Toxicologie-Chimie ». « Grenades are based on CS gas and the rest, afterwards, it’s for propulsion and stabilization, because it’s an unstable molecule « .
Alongside the « classic » tear gas canisters, whether hand-held or not, there is also a very special model of grenade, the GLI-F4, a deafening tear gas grenade with blast effect created by the company Alsetex. It uses 26 grams of TNT to produce an explosion while diffusing CS gas. It is notoriously known to be at the origin of several cases of mutilation and groups of lawyers have asked, so far without success, for its outright ban. The grenade has not been banned, but the government has said it will no longer be produced. PHD in biology Alexander Samuel, in the absence of data provided by Alsetex and Nobelsport, relies on the work « The Preparatory Manual of Black Powder and Pyrotechnics » by J. Ledgard to know the components of tear gas grenades in their American version:
The main known recipe involves the use of 45% ortho-chlorobenzylidene malononitrile [or CS, ndr], 30% potassium chloride, 14% epoxy resin, 7% anhydrous maleic acid and 3% 4, 7-methanoisobenzofuran-1,3-dione.
The researcher specifies that, overall, these products are not dangerous or have, a priori, similar and / or lesser effects than those already caused by CS gas under « normal » conditions of use. It is therefore indeed 2-chlorobenzylidene malonitrile which is the main chemical agent responsible for the reactions of the organism.
Finally, handsprays used by the police, make it possible to spray directly at demonstrators. Some models use a gas created from capsaicin, an active ingredient in hot peppers: where, on the Scoville scale, which measures the strength of hot peppers, the red Tabasco sauce is between 1,500 and 2,500 units, law enforcement aerosol cans amount to more than 5 million units …
In France, however, CS gas is favored over capsaicin. In 1998, the aerosols used by the police thus contained 5% of CS gas, when in the United States the dose is around 1%. In the absence of information, it is difficult to know today’s exact content of 2-chlorobenzylidene malonitrile in aerosols but in 1996, the British police, who had obtained aerosols supplied by the company Alsetex, conducted tests to ensure that the sprays acquired did not exceed 5% … before realizing that their concentration in CS was between 5.4% and 6.8%. Faced with complaints, Alsetex acknowledged, in a note in February 1997, that the company did not measure concentrations of CS gas, before committing to tightening controls, without it being possible to check whether protocols have been put in place since, for lack of answers.
In an article in Liberation, an executive from the company Alsetex nevertheless specified that the dosage of tear gas canisters obeys to official regulations which require that there be no more than 20% of CS in grenades. A concentration « 2,600 times lower than the lethal dose », according to the toxicological guide of the National Institute of Public Health of Quebec. In France, however, it is unclear whether the authorities verify the concentrations of CS gas emitted by tear gas canisters or aerosols. Our attempts to contact the gendarmerie to be put in touch with specialists in the subject remained unanswered.
In a report submitted to the European Parliament in 1999 entitled « An Appraisal of the technology of political control », Dr Steve Wright, professor at The School of Applied Global Ethics at the University of Leeds in the United Kingdom and former director of the Omega Foundation, which worked with the European Commission to track the sales of technological weapons to authoritarian regimes, nevertheless noted that « the French gendarmerie did not keep statistics or records about CS in order to suggest that it is safe. «
Comme nous l’avons vu dans la partie métabolisme, le gaz lacrymogène est métabolisé en cyanure, lui-même transformé en thiocyanate par la rhodanèse.
Le thiocyanate est largement distribué dans les
liquides du corps, y compris la salive, dans laquelle il peut facilement être
détecté.
Chez l’homme en bonne santé un équilibre dynamique
entre le cyanure et le thiocyanate est maintenu. Un régime pauvre en protéines,
particulièrement un régime dans lequel les acides aminés soufrés font défaut
peut réduire la capacité de détoxication et rendre ainsi une personne plus
vulnérable à l’effet toxique du cyanure (15).
La consommation excessive de manioc comme source
unique d’énergie alimentaire et source principale de protéines, pourrait donc
accentuer la sensibilité à la toxicité du cyanure.
Maladies
liées à la toxicité du manioc (3).
Plusieurs maladies ont été associées aux effets
toxiques du manioc. Ceci a été confirmé dans l’état pathologique de
l’intoxication aiguë par le cyanure et dans le goitre.
L’organisme peut sans danger détoxiquer à peu près 20
mg de cyanure par jour, mais si ce niveau augmente pour atteindre 30 mg, des
symptômes d’intoxication aiguë apparaissent chez la plupart des consommateurs,
et commence alors l’épidémie.
L’augmentation du thiocyanate, thiosulfate dans le
sang bloque l’iode et l’empêche d’entrer dans la thyroïde pour former les
hormones thyroïdiennes (T3 et T4). Ceci entraîne
donc le goitre dû à l’hypothyroïdie.
L’hypothyroïdie est une affection qui a des
répercussions directes sur la santé, l’intelligence et le développement
harmonieux de l’organisme humain.
Cette carence en iode empêche donc la production des
hormones thyroïdiennes notamment T3 et T4 dont
les actions multiples peuvent être classés en 2 groupes:
1. Action sur le développement de l’organisme
(croissance et différenciation).
– In utero, les hormones thyroïdiennes sont
essentielles pour la différenciation et la maturation des tissus foetaux.
– Après la naissance, ces hormones sont
indispensables à la croissance du squelette et d’à peu près tous les organes,
ainsi qu’au développement du système nerveux central.
Une insuffisance thyroïdienne commencée pendant la vie
foetale ou à la naissance (hypothyroïdie congénitale ou hypothyroïdie néonatale)
entraîne une hypotrophie des neurones corticaux. Cela aboutit à
l’insuffisance du développement du cerveau et conduit aux lésions
définitives de celui-ci (crétinisme mental).
2. Régulation de l’activité métabolique et action
viscérale:
– Les hormones thyroïdiennes contrôlent le métabolisme
des glucides, des lipides, de l’azote et surtout, la calorigènèse. Elles
constituent un fantastique accélérateur du métabolisme de l’organisme.
– Les hormones thyroïdiennes règlent la vitesse des
réactions enzymatiques par agénésie de la glande thyroïde aboutit au nanisme et
au crétinisme.
Le crétinisme est toujours présent dans les régions où
le goitre est endémique.
L’ingestion du cyanure présent dans les aliments
conduit à sa détoxication dans l’organisme grâce à la production de
thiocyanate. Le thiocyanate a la même taille moléculaire que l’iode et
intervient sur la dose d’iode par la glande thyroïde (Bourdoux et al., 1978).
En cas d’ingestion de quantités importantes de manioc
insuffisamment traité, il peut y avoir une surcharge chronique de cyanure
conduisant à une élévation du niveau de thiocyanate dans le sérum qui passe à
1-3 mg/100ml le niveau normal étant d’environ 0,2 mg/100 ml. Dans de telles
conditions, la présence d’une excrétion accrue d’iode et d’une absorption
réduite d’iode par la glande thyroïde aboutit à un rapport d’excrétion
thiocyanate/iode (SCN/I) faible. Il semble que si ce rapport dépasse trois, le
goitre endémique apparaît (7). Ce phénomène ne peut se produire que si la dose
d’iode est inférieure à 100 mg/jour.
Quand le rapport SCN/I est inférieur à deux, il existe
un risque de crétinisme endémique, état caractérisé par une grave arriération
mentale et des anomalies neurologiques (Erman et al., 1983).
Des études réalisées en R.D.C. (ex. Zaïre) ont montré
que les habitants d’Ubangi, qui consomment de grandes quantités de manioc séché
au soleil mais non fermenté, présentent un rapport SCN/I faible allant de deux
à quatre et sont atteints de goitre endémique et de crétinisme.
Mais à Kinshasa la capitale, où les habitants mangent
de la pâte de manioc fermentée et séchée, le rapport SCN/I passe de trois à
cinq et les cas de goitre sont peu fréquents.
Un faible rapport conduit à des quantités anormales de
l’hormone stimulant la thyroïde et à de petites quantités de thyroxine (T4).
Ayangade et al. (1982) ont constaté que chez les
femmes enceintes, le niveau de thiocyanate dans le sang du cordon était
proportionnel à celui du thiocyanate dans le sérum maternel, indiquant que le
thiocyanate dans le lait maternel, ce qui indique que les glandes mammaires ne
concentrent pas le thiocyanate et les enfants nourris au sein ne sont pas
affectés.
Quand des suppléments d’iode sont donnés par exemple,
par l’adjonction d’iodure de potassium aux réserves locales de sel, le goitre
est réduit malgré une injection élevée et continue de produits dérivés du
manioc.
Là où la ration de sel est modérée ou variable,
l’huile iodée, absorbée par voie orale, fournit une protection pour un ou deux
ans.
Dans la jungle amazonienne, certains indigènes
consomment jusqu’à 1 kg de manioc frais cuit par jour et jusqu’à trois litres
de bière de manioc fermenté, mais on n’a pas signalé de cas de goitre ou de
neuropathie ataxique. Ces tribus consomment aussi d’énormes quantités de
protéines animales et de protéines de poisson et trouvent ainsi dans leur
alimentation un rapport important d’acides aminés soufrés et d’iode.
Depuis des mois, les manifestants inhalent à plein poumons du gaz CS, qu’on retrouve dans les grenades lacrymogènes. Mais quelles en sont les conséquences et les dangers pour l’organisme, alors qu’un chercheur alerte sur la possible création de molécules de cyanure après avoir respiré ces gaz ?
Un manifestant tente d’échapper aux gaz lacrymogènes en se couvrant les yeux, lors du mouvement social du 5 décembre 2019.• Crédits : Bulent Kilic – AFP
Avec cinquante ans d’utilisation derrière lui, on pourrait s’imaginer qu’une documentation scientifique complète consacrée aux effets du gaz lacrymogène est accessible. Pourtant, en France, peu d’études se sont penchées sur le sujet, et il faut se tourner du côté des rapports anglo-saxons pour en apprendre un peu plus sur les conséquences possibles de l’absorption de gaz lacrymogène, ou gaz CS.
Le gaz CS, ou 2-chlorobenzylidène malonitrile, a pourtant près d’un siècle d’existence. Inventé dès 1928 par les chimistes américains Ben Corson et Roger Stoughton, dont il porte les initiales, il est synthétisé dès les années 1950 dans une version proche de celle qu’on utilise encore aujourd’hui. Il succède alors à un autre gaz, la chloroacétophénone, pour ses « vertus » : il est à la fois moins toxique et « ses effets irritants sont plus prononcés et plus variés« .
Son but ? Des effets incapacitants immédiats
En manifestation, l’utilisation du gaz lacrymogène par les forces de l’ordre se traduit la plupart du temps par des scènes où les manifestants reculent pour échapper aux fumées blanches, toussant, pleurant et tentant de se protéger le visage. Et pour cause, l’effet du gaz CS est quasiment instantané : il touche avant tout les yeux et provoque, en quelques dizaines de secondes à peine, une activation des voies lacrymales. Une fois inhalé, il irrite les voies respiratoires, déclenchant de violentes quintes de toux pouvant aller, selon les doses, jusqu’à des vomissements. Il peut également provoquer de fortes démangeaisons ou sensations de brûlures quand il entre en contact avec la peau. Autant d’effets qui viennent neutraliser les personnes exposées en les contraignant à se déplacer, ou en les empêchant de résister à une attaque.
Chimiquement, l’effet du gaz CS est simple à comprendre : ses molécules viennent se lier aux récepteurs de notre corps impliqués dans la perception de la douleur et chargés de détecter les produits toxiques, les TRPA1 et TRPV1. L’organisme se met alors à produire du mucus, des larmoiements ou encore à déclencher des toux, dans un violent réflexe de rejet de ce qu’il considère comme toxique.
« L’action des agents anti-émeute est presque immédiate. Les symptômes apparaissent quelques secondes après la dispersion du toxique et ne persistent que quelques minutes après la fin de l’exposition« , détaillent les chercheurs A. Gollion, F. Ceppa et F. May dans un rapport intitulé Toxicité oculaire des agressifs chimiques publié par la revue Médecine et armées.
De potentiels effets à long terme
Nausées, sensations de brûlures, conjonctivites, difficultés respiratoires, voire même évanouissements (y compris chez les forces de l’ordre)… Les effets principaux des gaz lacrymogènes sont bien connus et sont réputés pour se dissiper rapidement, une fois les victimes sorties du nuage de gaz lacrymogène. Cependant, les conséquences sur le long terme du gaz CS sont très peu étudiées en France, alors même qu’il existe une bibliographie conséquente sur le sujet à l’étranger. En 2017, une revue de 31 études dans 11 pays, intitulée L’Impact sur la santé des irritants chimique utilisés pour le contrôle des foules : une revue systématique des blessures et morts causées par les gaz lacrymogènes et les sprays au poivre recensait ainsi 5 131 personnes blessées sur les 5 910 personnes exposées aux gaz irritants ayant sollicité des soins médicaux, soit 87 % des personnes concernées. En tout, 9 261 blessures avaient ainsi été recensées, l’essentiel d’entre elles étant localisées sur les yeux, la peau, et le système cardio-pulmonaire. Si l’étude rappelait que dans l’immense majorité des cas (98,7 %) les victimes avaient rapidement récupéré de leurs blessures, 67 personnes (1,3 %) souffraient de dommages permanents.
Les yeux : conjonctivite, kératite et cataracte
Les yeux sont, de fait, la cible principale des gaz lacrymogènes. Ils sont les plus rapidement et directement touchés par les émanations, qu’elles proviennent des grenades ou des sprays. A priori, l’impact du gaz CS est assez faible et les séquelles disparaissent vite dans le temps. Mais une documentation anglophone complète montre que, lorsque la source du gaz est très proche des yeux, il peut exister des complications, les plus fréquentes d’entre elles étant des cas de conjonctivites ou encore de blépharospasme (des clignements répétés des paupières). Dans de rares cas, des effets à long terme peuvent être autrement plus handicapants : le docteur en ophtalmologie de l’hôpital Saint Thomas de Londres notait ainsi dès 1995 de possibles complications avec entre autres des kératites infectieuses (des lésions de la cornée), des glaucomes secondaires ou encore de la cataracte.
« À des concentrations plus élevées, des brûlures chimiques accompagnées d’une kératite, d’une perte de l’épithélium cornéen et d’une diminution permanente de la sensation cornéenne peuvent être observées, précise le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. Le CS étant un composé solide, il se peut que des particules s’enfoncent dans la cornée ou la conjonctive, causant des dommages tissulaires. L’œil humain est plus sensible au CS en aérosol par rapport au CS en solution. L’ensemble des effets oculaires est plus sévère chez les individus portant des lentilles cornéennes ».
La peau : démangeaisons, érythème et brûlures
Les démangeaisons et rougeurs provoquées par le gaz CS sur la peau, si elles sont la plupart du temps bénignes, peuvent également avoir de sérieuses conséquences. Une étude de la faculté de médecine de Thessalie, en Grèce, publiée en 2015 et intitulée Exposition à l’agent anti-émeute CS et effets potentiels sur la santé : examen systématique des données probantes liste ainsi les effets les plus communs, pouvant durer de quelques heures à deux semaines, en citant de nombreuses autres études :
Les signes cutanés courants sont de l’érythème, des éruptions cutanée ou des ampoules, des sensations de brûlure cutanée, des irritations cutanées avec ou sans douleur et des brûlures.
De nombreux cas de dermatites ou d’eczéma, particulièrement dans le cas de réactions allergiques, sont également signalés.
Le système respiratoire : une fragilisation globale ?
A en croire les études, le système respiratoire est certainement le plus touché, sur le long terme, par les effets du gaz CS. Selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec, après une exposition au gaz CS, les premiers symptômes (irritation de la gorge, des poumons, éternuements, toux, etc.) “peuvent être suivis de maux de tête, de brûlures de la langue et de la bouche, d’une salivation et de difficultés respiratoires (après délai) et d’une sensation d’oppression (à de fortes concentrations)”.
Une étude de l’université et faculté de médecine d’Istanbul, en Turquie, s’est d’ailleurs penchée sur les effets à long terme des gaz lacrymogènes sur le système respiratoire : elle concluait que, chez les sujets exposés, certains troubles étaient 2 à 2,5 fois plus élevés que la moyenne, comme l’oppression thoracique, les difficultés de respiration ou la toux hivernale. Les sujets étaient également plus sensibles à un risque de bronchite chronique plus élevé. Une exposition prolongée ou excessive au gaz peut également être à l’origine d’un œdème pulmonaire.
Si on a fait de gros dégâts sur les voies respiratoires, ça va rester. La muqueuse est plus sensible à toutes les infections, et les virus et bactéries vont avoir un terrain beaucoup plus propice pour se développer. Le chercheur Alexander Samuel
Des « street medics » accompagnent une manifestante touchée par des gaz lacrymogènes, lors de manifestations à Toulouse.• Crédits : Getty
Une arme létale en intérieur
En 2012, au Bahreïn, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour réprimer des manifestations politiques. L’ONG Physicians for human rights relate dans un rapport que plusieurs femmes ont subi une fausse couche après avoir été exposées au gaz lacrymogène et qu’un homme asthmatique a trouvé la mort. Certaines personnes sont en effet plus vulnérables aux effets de ces gaz, comme les enfants, les personnes âgées, les personnes asthmatiques ainsi que les femmes enceintes.
Sous certaines conditions, le gaz CS peut même s’avérer mortel. Les grenades lacrymogènes sont en effet prévues pour être diffusées dans des endroits aérés, permettant d’éviter une saturation de l’air en 2-chlorobenzylidène malonitrile. Mais dans un lieu clos, il serait possible d’atteindre “la concentration de CS qui serait létale pour 50 % des adultes en bonne santé, estimée entre 25 000 et 150 000 mg/m³ par minute” selon une estimation du rapport publié en 1989 dans The Journal of the American Medical Association : Gaz lacrymogènes : un agent de contrôle ou une arme chimique toxique ?
Lorsqu’une grenade lacrymogène explose en extérieur, le centre du nuage de gaz peut atteindre une concentration en 2-chlorobenzylidène malonitrile oscillant entre 2 000 à 5 000 mg/m³. En intérieur, la concentration augmente donc rapidement. Ainsi en 2014, en Egypte, des grenades lacrymogènes tirées à l’intérieur d’un camion transportant des prisonniers ont provoqué la mort de 37 détenus.
A Notre-Dame-des-Landes, en 2018, une zadiste marche au milieu des gaz lacrymogènes.• Crédits : LOIC VENANCE – AFP
Des intoxications au cyanure ?
Depuis plusieurs mois, une autre inquiétude agite cependant les manifestants, gilets jaunes en tête, qui dénoncent de possibles intoxications au cyanure suite à des inhalations de gaz lacrymogènes. Cette théorie est avancée par le docteur Alexander Samuel : selon lui, la métabolisation du CS après son absorption entraînerait la formation de ce poison dans notre organisme.
Pour Alexander Samuel, le premier argument n’a plus lieu d’être étant donné le changement de paradigme :
Le problème aujourd’hui c’est qu’on n’est plus à lancer une grenade avec un seul palet, avec des manifestants à 20 mètres du palet. On en est à une fête de la musique avec Steve Maia Caniço par exemple, où il y a 33 grenades jetées en 20 minutes… Ça change les doses, ça change les expositions. Ce sont des expositions beaucoup plus fortes, avec des effets beaucoup plus lourds sur la santé et, sur le long terme, ce qui m’inquiète ce sont les taux de cyanure totalement passés à la trappe, qui peuvent provoquer des cirrhoses du foie, des calculs rénaux, des problèmes au niveau des reins et des problèmes neurologiques, comme Parkinson par exemple.
Pour pallier le scepticisme de certains spécialistes, Samuel Alexander, diplômé d’un doctorat en biologie, lui-même ayant cru ayant d’abord cru à une « fake news », est en train de préparer un rapport complet, doté d’une large bibliographie, que nous avons pu consulter. Il s’est entouré d’autres chercheurs sous la tutelle du chimiste spécialisé en toxicologie André Picot. Directeur honoraire au CNRS et président de l’Association Toxicologie-Chimie, c’est un soutien de poids :
Le CS est une molécule organique : ça signifie qu’elle contient du carbone et de l’hydrogène. Ces hydrocarbures composent le corps de base. C’est un peu difficile pour les non-chimistes à comprendre, mais […] concernant l’effet lacrymogène, tout se joue sur la libération d’une molécule, le malonitrile. Elle contient trois atomes de carbone et deux atomes de cyanure reliés à un atome de carbone. Cette molécule intermédiaire est utilisée pour faire des synthèses en chimie organique, elle est lacrymogène et peut être très toxique. Quand le gaz CS arrive en milieu aqueux, par exemple dans le sang, l’eau va se fixer dessus. Cette hydratation va rendre cette molécule CS, elle-même déjà instable, encore plus instable. Elle va ainsi être attaquée par des systèmes d’enzymes qu’on a dans le sang, qui vont l’oxyder. Cela va libérer le malonitrile [de la molécule CS, soit 2-chlorobenzylidène malonitrile, ndlr] qui à son tour, toujours par oxydation, va libérer du cyanure. Au final, pour une molécule de gaz CS vous libérez dans le sang une molécule de cyanure.
Une fois la molécule libérée dans le sang, elle va être assimilée par l’organisme, détaille André Picot : “C’est ce qu’on appelle la métabolisation. C’est soumis, bien entendu, à des contrôles génétiques. Et les individus sont inégaux, en général, devant cette métabolisation. Il peut y avoir des personnes qui vont réagir très vite à ce produit et avoir des effets toxiques du cyanure, alors que d’autres vont résister. Cette susceptibilité individuelle est très importante, parce qu’elle explique pourquoi vous en avez qui peuvent être très malades et d’autres qui tous les samedis montent sur les barricades et n’ont pas vraiment de symptômes. »
Un manifestant au milieu d’un nuage de gaz lacrymogène, lors des manifestations du 1er mai 2019.• Crédits : Martin Bureau – AFP
Pourquoi ce cyanure est-il dangereux ? Parce qu’il bloque la respiration cellulaire explique le toxicochimiste, le processus qui permet de fournir de l’énergie à notre organisme. Ce faisant, il asphyxie les cellules indispensables à notre survie :
Il y a trois organes qui sont très sensibles à la respiration cellulaire et ce sont ceux qui bossent le plus. Il y a le cerveau et donc l’asphyxie cérébrale commence d’abord par des maux de tête, de la fatigue, des dépressions, etc. Vous avez le cœur parce que c’est un moteur et il a besoin de carburant. Donc, vous allez avoir des troubles cardiovasculaires, des palpitations, vous allez peut-être vous évanouir, etc. Et puis, il y en a un autre qui est sensible aussi, c’est l’œil, la rétine. La rétine travaille beaucoup et il semblerait que dans le cas du cyanure c’est le cristallin, cette lentille, qui prend un coup. On ne sait d’ailleurs pas exactement pourquoi, étant donné qu’elle n’est pas oxygénée.
La formation de cyanure après une exposition au gaz CS n’a rien d’une surprise. Elle a d’ores et déjà été démontrée et étudiée chez les animaux, raconte André Picot :
Chez les rongeurs, c’est très bien démontré qu’une molécule de gaz CS, lors de sa dégradation, libère une molécule de cyanure. Les détracteurs de cette libération de cyanure à partir du gaz CS, disent que dans les expériences chez les animaux, il n’y a qu’une petite quantité de cyanure, et que, par ailleurs, rien n’est prouvé chez l’homme. Ils sont un peu de mauvaise foi parce qu’il y a eu quelques études avant. Il n’y en a pas beaucoup bien sûr, par rapport aux études expérimentales, c’est évident. Mais les armées, la police, ont des données précises auxquelles nous n’avons pas accès. On aimerait bien avoir accès à ce genre de données, c’est tout l’enjeu.
Une fois dans le sang, le cyanure peut cependant être métabolisé par l’organisme. Et pour cause, il existe à l’état naturel : on en retrouve par exemple dans le manioc ou le laurier rose, et le corps sait donc s’en prémunir. Les fumeurs en absorbent également de manière régulière sans que cela ne les tue directement. Notre organisme est ainsi capable de détoxifier le cyanure en lui ajoutant un atome de soufre grâce à la rhodanèse, une enzyme présente dans la salive et dans le foie. Cette opération crée le thiocyanate, ensuite éliminé par filtration rénale dans les urines. C’est avec ce biomarqueur qu’on peut déterminer l’augmentation ou non des taux de cyanure… Sans connaître pour autant son origine précise : consommer du manioc la veille peut par exemple fausser les résultats.
C’est tout d’abord en se basant sur des mesures des taux de thiocyanates qu’Alexander Samuel et son équipe ont cherché à déterminer s’il existe un risque pour l’homme. Les premiers résultats, pris sur des manifestants gilets jaunes en marge des manifestations, ont permis de découvrir des taux de thiocyanates qui, s’ils n’étaient pas dangereux, restaient anormalement élevés. Un constat qui les a amené à mesurer, avec des cyanokits, le taux de cyanure directement dans le sang avant exposition au gaz CS, entre cinq et quinze minutes après l’exposition, puis vingt minutes après cette dernière (ce qui a par ailleurs déclenché l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris, malgré les autorisations de consentement signées par les manifestants). Ces tests, réalisés sur neuf individus, ont permis de réaliser que le niveau de cyanure, après exposition au gaz lacrymogène, atteignait des niveaux supérieurs au seuil de dangerosité de 0,5 mg/L de sang (il est considéré comme létal à 1 mg/L).
L’échantillonnage peut paraître faible, mais pour Alexander Samuel il ne s’agit pas d’un problème dans le cas présent :
La force statistique est nécessaire lorsque l’on fait de l’épidémiologie, par exemple si on veut relier un symptôme (cancer) avec un comportement (fumer). Dans le cas précis de la métabolisation en cyanure, il n’est pas nécessaire d’avoir une telle force statistique puisqu’on étudie un mécanisme et non une corrélation. Les “case report” médicaux ne se font que sur des cas uniques, l’étude du décontaminant utilisé massivement par la police, par exemple, se base sur une étude menée sur cinq gendarmes.
Cependant je n’ai rien contre davantage de résultats et de vérifications, si le Parquet de Paris nous indique qu’il classe l’affaire concernant les prises de sang sans suites et qu’on a bien le droit d’en faire sans qu’elles ne soient considérées comme des « violences aggravées » et des « mises en danger de la vie d’autrui », ou si une autorité compétente décide d’enfin mettre à disposition un spectromètre de masse par exemple. A l’heure actuelle, nous sommes totalement bloqués pour les analyses terrain.
Face à ce qu’il juge être un enjeu de santé public, Alexander Samuel espère que le travail mené, qui sera publié d’ici quelques semaines, permettra d’appliquer “un principe de précaution” ou, a minima, “la formation des forces de l’ordre pour que leur discernement soit meilleur sur les risques potentiels (même hors cyanure) lorsqu’ils emploient ces grenades lacrymogènes”. D’autant que les forces de l’ordre sont, souvent, des victimes collatérales des effets des gaz lacrymogènes :
Chlorobenzylidène malonitrile et TNT ? Des compositions méconnues
Mais à l’exception du gaz CS, que contiennent, au juste, et dans quelles proportions, les grenades lacrymogènes ? Leur « recette » reste un mystère : en France, on ignore leur composition exacte. Deux entreprises françaises fournissent les forces de l’ordre, Nobelsport et Alsetex. Contactées, la première fait savoir que « la direction ne souhaite pas répondre sur ce sujet » et la seconde ne répond pas plus. Il faut se tourner du côté du collectif militant « Désarmons-les » pour trouver un portait assez précis de la composition d’une grenade lacrymogène :
O-Chlorobenzalmalononitrile (CS) :agent lacrymogène et irritant, il provoque le larmoiement et irrite les muqueuses du nez, de la gorge et de la peau en général. Charbon: lors de la combustion, il se transforme en carbone pur. Nitrate de potassium (salpètre) :lors de l’allumage, il dégage de grandes quantités d’oxygène pur qui alimentent la combustion du charbon. Silicone: lors de la combustion du charbon et du nitrate de potassium, le silicone forme des gouttes de dioxyde de silicone qui vont servir à allumer les autres composants. Sucre :carburant, il fond à 186°C, chauffe et vaporise le produit chimique sans le détruire. Il entretient également la combustion en s’oxydant. Chlorate de potassium: oxydant. En chauffant, il libère une forte quantité d’oxygène pur et se transforme en chloride de potassium, qui produit la fumée de la grenade. Carbonate de magnésium :le chlorate de potassium ne s’entendant pas avec l’acide (le mélange est explosif), le chlorate de magnésium maintient les niveaux de pH légèrement basiques, neutralisant tout contenu acide causé par des impuretés chimiques ou de l’humidité. Lorsqu’il est chauffé, il dégage du CO2, dispersant davantage les gaz lacrymogènes. Nitrocellulose: explosif fulminant. Lors de la combustion, elle dégage de grandes quantités de gaz et de chaleur. Faible en azote, elle sert aussi de liant collant pour garder tous les autres ingrédients mélangés de manière homogène.
En réalité, parler de « gaz CS » est un écart de langage : le 2-chlorobenzylidène malonitrile n’est pas tant un gaz qu’une poudre blanche qui se volatilise dans l’air lorsque la grenade lacrymogène se déclenche. La plupart des composants d’une grenade lacrymogène ont donc pour but d’assurer la diffusion du gaz CS, responsable des effets irritants et lacrymaux. « Ce ne sont, en général, pas du tout du tout des produits toxiques, précise à ce sujet le chimiste spécialisé en toxicologie André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie. Les grenades sont à base de gaz CS et le reste, après, c’est pour la propulsion et la stabilisation, car c’est une molécule instable« .
Aux côtés des grenades lacrymogènes « classiques » qu’elles soient à main ou non, on trouve également un modèle de grenade bien particulier, la GLI-F4, une grenade lacrymogène assourdissante à effet de souffle créée par la société Alsetex. Elle utilise quant à elle 26 grammes de TNT pour produire une explosion tout en diffusant le gaz CS. Elle est notoirement connue pour être à l’origine de plusieurs cas de mutilations et des collectifs d’avocats ont demandé, jusqu’ici sans succès, son interdiction pure et simple. Si la grenade n’a pas été interdite, le gouvernement a en revanche fait savoir qu’elle ne serait plus fabriquée. De son côté, le docteur en biologie Alexander Samuel, en l’absence de données fournies par Alsetex et Nobelsport, s’appuie sur l’ouvrage « The Preparatory Manual of Black Powder and Pyrotechnics » de J. Ledgard pour connaître les composants des grenades lacrymogènes dans leur version américaine :
La principale recette connue implique l’utilisation de 45% d’ ortho-chlorobenzylidène malononitrile [ou CS, ndr], 30% de chlorure de potassium, 14% de résine époxy, 7% d’acide maléique anhydre et 3% de 4,7-méthanoisobenzofuran-1,3-dione.
Le chercheur précise que, globalement, ces produits ne sont pas dangereux ou bien ont, a priori, des effets similaires et/ou moindres que ceux déjà provoqués par le gaz CS dans des conditions d’utilisation « normales ». C’est donc bel et bien le 2-chlorobenzylidène malonitrile qui est le principal agent chimique à l’origine des réactions de l’organisme.
Enfin, les gazeuses à main, utilisées par les forces de l’ordre, permettent d’asperger des manifestants directement au contact. Certains modèles utilisent un gaz créé à partir de la capsaïcine, un principe actif du piment : là où, sur l’échelle de Scoville, qui mesure la force des piments, la sauce Tabasco rouge se situe entre 1 500 et 2 500 unités, les bombes aérosols des forces de l’ordre montent à plus de 5 millions d’unités…
En France, on privilégie cependant le gaz CS à la capsaïcine. En 1998, les aérosols utilisés par les forces de l’ordre contenaient ainsi 5 % de gaz CS, quand aux Etats-Unis la dose se situe autour de 1 %. Faute d’informations, il est difficile de connaître aujourd’hui la contenance exacte de 2-chlorobenzylidène malonitrile dans les aérosols mais en 1996, la police britannique, qui s’était munie d’aérosols fournis par l’entreprise Alsetex, a conduit des tests afin de s’assurer que les sprays acquis ne dépassaient pas les 5 %… avant de réaliser que leur concentration en CS se situait entre 5,4 % et 6,8 %. Face aux récriminations, Alsetex a reconnu, dans une note de février 1997, que l’entreprise ne mesurait pas les concentrations de gaz CS, avant de s’engager à durcir les contrôles. Sans qu’il soit possible de vérifier si des protocoles ont été mis en place depuis, faute de réponses.
Dans un article de Libération, un cadre de la société Alsetex précisait néanmoins que le dosage des grenades lacrymogènes obéit à une réglementation officielle qui veut qu’il n’y ait pas plus de 20 % de CS dans les grenades. Une concentration « 2 600 fois plus faible que la dose létale« , selon le guide toxicologique de l’Institut national de santé publique du Québec. En France, on ignore néanmoins si les autorités vérifient les concentrations de gaz CS émises par les grenades lacrymogènes ou les aérosols. Nos tentatives de contacter la gendarmerie pour être mis en relation avec des spécialistes du sujet sont restées sans réponses.
Dans un rapport remis en 1999 au Parlement européen intitulé Une évaluation de la technologie de contrôle politique _(« _An Appraisal of the technology of political control »), le Dr Steve Wright, professeur à The School of Applied Global Ethics de l’université de Leeds au Royaume-Uni et ancien directeur de l’Omega Fondation, qui travaillait avec la Commission européenne pour traquer les ventes d’armes technologiques à des régimes autoritaires, retenait toutefois que « la gendarmerie française ne conservait pas de statistiques ou d’enregistrements à propos du CS afin de suggérer que ce dernier est sûr« .
Les données disponibles, bien que limitées et anciennes,
rapportent des symptômes non spécifiques à type de céphalées, asthénie,
troubles de l’olfaction, vomissements, dyspnée ; une baisse des taux de vitamine B12 et de folates a également été
rapportée.
Une étude ancienne décrit une augmentation
de taille de la thyroïde (sans lien formel avec les niveaux d’exposition ou
les taux d’hormones thyroïdiennes) alors que d’autres auteurs ont montré une relation
significative entre les taux d’hormones thyroïdiennes (T3, T4,
thyréostimuline – TSH) et l’exposition professionnelle aux cyanures.
L’exposition des travailleurs était appréciée sur les niveaux de thiocyanates
sanguins ou catégorisée qualitativement en fonction de l’activité
professionnelle principale [25, 26]. Le
rôle des thiocyanates est évoqué dans l’inhibition de la synthèse des hormones
thyroïdiennes et l’augmentation du taux de TSH.
Fiche technique INRS n°
111
La vitamine B12 sous la
forme d’hydroxycolabamine influence vraisemblablement la conversion du cyanure
en thiocyanate.
Dans le traitement
des personnes empoisonnées au cyanure « « Bien que
l’élimination urinaire et la arrière naturelle du système digestif puissent
constituer des éléments intéressants, l’innocuité de la vitamine B12 est plus
particulièrement
CONCLUSION :
C’est égal à une baisse du taux de Vit B12. TRT = On
injecte de l’hydroxocobalamine, qui a la propriété de se fixer aux ions
cyanures et permet ainsi de les éliminer dans les urines
L’hydroxocobalamine est la forme
naturelle de la vitamine B12 (OHB12). Elle agit dans l’intoxication au cyanure
en remplaçant un groupement hydroxyle de sa molécule par un groupement cyano,
produisant ainsi de la cyanocobalamine qui est éliminée dans l’urine. Une
molécule de OHB12 fixe une molécule de cyanure, d’où la nécessité d’utiliser de
fortes doses d’hydroxocobalamine.
TRT : L’oxygène à pression atmosphérique ou hyperbare ;
Le dicobalt édétate (Kelocyanor®) utilisé notamment en Europe ;
L’hydroxocobalamine (Cyanokit®) développée et utilisée particulièrement en
France)
Dans les signes d’intoxications chroniques, il est observé
comme le souligne les Annales de Toxicologies Analytiques ;
Vol XII, n°2, 2000 :
« … un effet toxique secondaire habituel est l’hypothyroïdie, s’expliquant par des
propriétés d’inhibition de la captation de l’iodure par la thyroïde due aux
thiocyanates. »
15/07/2019 (MIS À JOUR LE 14/06/2019 À 18:16)Par Chloé Leprince
Le 29 juin, à Paris, le commandant des CRS en charge de l’évacuation de militants écologistes à coups de gaz lacrymogène a carrément perdu connaissance. La controverse sur l’usage de ce gaz remonte à Mai 68, même si l’histoire a conservé une vision édulcorée et un brin folklorique de l’événement.
Le 23 mai 1968, à Paris, du côté du Quartier latin• Crédits : AFP
Grâce au document que les CRS missionnés sur le terrain destinaient à leur hiérarchie, on peut désormais objectiver la charge :
13 h 06 : premières sommations par TI [technicien d’intervention]. 13 h 12 : réitération des sommations. 13 h 14 : utilisation à quatre reprises de conteneurs lacrymogènes. 13 h 35 : malaise avec perte de connaissance par suffocation de gaz lacrymogène d’un container du CDTD [commandant].
Ce 29 juin, entre 13 h 14 et 13 h 39, cinq litres de gaz (soit dix conteneurs) ont été pulvérisés en tout. A quelques centimètres des manifestants assis, et au point que le commandant en charge des opérations s’en soit évanoui, à force de suffoquer. Maître Vincent Brengarth et Maître William Bourdon, les deux avocats du mouvement écologiste noyé sous les gaz le 29 juin sur le Pont de Sully, ont saisi le Défenseur des droits afin d’obtenir une enquête. Dans leur recours, ils explicitent le lien entre cet épisode de réplique massive des forces de l’ordre et une demi-année d’escalade dans le maintien de l’ordre en France. Entre la mi-novembre 2018 et début juin 2019, 23 personnes ont ainsi été éborgnées et cinq autres ont par exemple perdu une main lors des manifestations de « gilets jaunes ».
Ces chiffres esquissent un premier bilan d’affrontements qui se sont radicalisés sur le bitume. Et sont surtout le résultat d’une équation : l’usage du LBD, la fameuse nouvelle génération de « flashballs », comme celui des grenades de désencerclement, a bondi de 200% en 2018 – et tout particulièrement à partir de la mi-novembre, date des premières mobilisations nationales des « gilets jaunes ».
Le point presse tenu par Brigitte Jullien, la patronne de l’IGPN (« la police des polices ») ce jeudi 13 juin, fournit des chiffres au débat sur les violences policières. Ainsi, on apprend que plus de la moitié des munitions tirées en 2018 (trois à quatre fois plus que l’année précédente) ont été dégoupillées entre le 17 novembre et le 31 décembre – soit 9 500 projectiles LBD et quelque 2 700 grenades.
Conséquence d’un maintien de l’ordre qui s’est durci, mais aussi de manifestants qui désormais s’équipent et s’organisent pour documenter les affrontements : le nombre de plaintes a explosé. Entre le 17 novembre et le 13 juin, Brigitte Jullien dénombre 265 enquêtes ouvertes par l’IGPN. 40% ont été transmises à la justice et, à ce jour, huit informations judiciaires ont été ouvertes (par exemple le médiatique Jérôme Rodrigues ou encore la scène du 1er décembre dans un Burger King à Paris). De nombreux dossiers restent à traiter, et pour toute la France, l’IGPN ne compte qu’une grosse centaine d’inspecteurs.
Alors que pendant plusieurs mois, le journaliste David Dufresne s’étonnait d’être si isolé à épingler une à une les scènes qui remontaient jusqu’à lui via les réseaux sociaux, les violences policières depuis le début de la mobilisation des “gilets jaunes” sont devenues un sujet de premier plan. Dans les médias, on voit apparaître des décomptes ville par ville sur les procédures en cours, comme l’a fait Le Parisien. Décomptes encore partiels, à mesure que les plaintes officielles pour violences policières sont enregistrées et remontées comme telles.
A l’exception évidente de Zineb Redouane, l’octogénaire marseillaise morte après avoir reçu, chez elle, dans son appartement du quatrième étage, des plots de grenade le 1er décembre, ce sont les blessés eux-mêmes qui portent plainte, en leur nom propre. Ce sera leur témoignage, à charge, qui sera consigné dans les dossiers de la police, puis la justice. C’était moins vrai en mai 68. Aux archives de la Préfecture de Police de Paris, les 36 cartons consacrés à la révolte universitaire puis ouvrière en région parisienne sont accessibles uniquement sur dérogation. Mais des chercheurs ont pu les consulter, pour finalement questionner l’image lisse, presque pittoresque, qui s’était installée sur Mai 68.
Sept morts pour un « carnaval bourgeois »
Car on a commencé par beaucoup répéter qu’il n’y avait eu aucun mort en 1968. Ou encore repris les mots de Raymond Aron, pour qui l’insurrection étudiante tenait surtout d’un “carnaval” bourgeois, d’un “folkore”. En réalité, les travaux sérieux s’accordent pour dire aujourd’hui que les manifestations de mai et juin 1968 ont fait sept morts, et l’historienne Michelle Zancarini-Fournel ne cesse de rappeler combien on a enrubanné le récit des affrontements du printemps 1968.
Or il existe un petit livre, quatre-vingt pages en tout, qui témoigne du fait qu’il fut bien, massivement, question de violence au printemps 1968 : c’est Le Livre noir des journées de Mai 68. Son édition originale montre qu’il sera imprimé très vite après les événements (dès le deuxième trimestre de l’année 1968). On peut encore le croiser chez les bouquinistes, même s’il s’en vend actuellement six exemplaires à partir de 2 euros pièce sur Internett. Le livre, publié au Seuil dans la collection “Combats” dirigée par Claude Durand (trois titres seulement avant celui-ci), est signé UNEF / SNE Sup, mais il rassemble aussi bien des extraits des journaux de l’époque que des témoignages anonymisés, parfois très détaillés.
Au troisième paragraphe d’une introduction anonyme elle aussi, on lit :
Les dépositions spontanées ici rassemblées ont été recueillies par une commission de témoignages avec la participation de l’Union nationale des étudiants de France (U.N.E.F), du Syndicat national de l’enseignement supérieur (S.N.E. Sup.) et d’un comité de secours aux victimes.
Puis :
Par prudence, dans les circonstances actuelles, il a fallu laisser ces témoignages anonymes. L’original et des copies de toutes les déclarations figurant dans ce livre ont été déposés, dûment signés, en lieux sûrs.
La première grande journée de confrontation date du 3 mai 1968. Ce jour-là, l’UNEF a appelé à faire grève et à manifester au départ de Denfert-Rochereau, à Paris. Dans un article sur les perceptions et les pratiques de la police en mai et juin 1968 à Paris, Lyon, Saint-Etienne et Roanne, Julian Mischi cite depuis les archives ce rapport qu’un commissaire manifestement dépassé fait remonter au préfet de police dès le lendemain :
Violemment prises à partie, les formations, sur lesquelles pleuvent pavés et projectiles les plus divers, maintiennent difficilement à distance les manifestants à l’aide de grenades lacrymogènes et engins lanceurs d’eau. […] La prise de la première barricade a été longue et à certains moments, dramatique. Notre équipement personnel de protection est devenu insuffisant. Notre équipement collectif de protection l’est également pour charger dans de telles conditions. Il eût fallu pouvoir avancer à l’abri de véhicules spéciaux jusqu’au contact et je précise que la tentative qui a été faite avec deux tonnes à eau a échoué. Il est objectif de dire que nous avons dû reculer d’environ 75 mètres sur la contre attaque des manifestants.
« Vrais manifestants » ou violents infiltrés anarchistes ?
Et puis, très vite, les notes qui remontent vers la préfecture de police tentent de trier entre “vrais manifestants” et “groupes organisés pour le combat de rue encadrés par des personnes plus âgées”. Les documents du moment montrent qu’on a cherché à souligner, ici ou là, la présence de “drapeaux noirs anarchistes”, comme certains cherchent à départir “vrais gilets jaunes” et “éléments violents infiltrés” depuis novembre 2018 – une façon de délégitimer la lutte en la dépouillant de sa portée politique et en la criminalisant, décryptait Vanessa Codaccioni dans La Grande table, le 5 avril 2019. En filigrane dans les archives de 1968, on lit des notes qui exonèrent les forces de l’ordre d’un usage illégitime de la force.À ÉCOUTER AUSSIRéécouter Maintien de l’ordre ou criminalisation de la contestation ?33 MINLA GRANDE TABLE (2ÈME PARTIE)Maintien de l’ordre ou criminalisation de la contestation ?
La nuit du 10 au 11 mai 1968 restera comme “la nuit des barricades” – ou plutôt, la première nuit des barricades. Le Livre noir de l’UNEF rapporte, depuis les flancs du Panthéon, des grenades lancées par les forces de l’ordre “sur les fenêtres de la salle D” à l’intérieur-même de l’Ecole nationale supérieure, ce balcon rue Gay-Lussac d’où l’on interpelle des CRS pour leur brutalité, et qui en réponse se fait arroser d’un tir de grenade. Ou encore, ce récit :
J’ai vu, samedi matin vers 5 h 45, un membre des forces de l’ordre attaquer un passant et le matraquer brutalement, à l’angle de la rue Pierre Curie et de la rue d’Ulm. Ce passant se contentait de regarder les dégâts.
Plusieurs street medics mobilisés sur le bitume se sont plaints d’avoir eux-mêmes été pris pour cible. Ce ne fut pas le cas de Bernard Pons en 1968. Simple homonyme du ministre RPR du même nom, ce Pons-là est interne en médecine lorsqu’éclate Mai 68 dans Paris. Rapidement, il a témoigné : les coups au ventre, les brimades, l’hyperviolence sur des manifestants mains nues. Et puis aussi, de longues négociations pour obtenir le droit soigner. Tout est consigné sur une bande vidéo, précieuse à cinquante ans de distance. C’est grâce à un documentaire tourné dans le feu de l’action par Jean-Luc Magneron, Mai 68 La Belle ouvrage, qu’on redécouvre aujourd’hui ces descriptions minutieuses. Voici par exemple comment Bernard Pons raconte la deuxième nuit des barricades, le 26 mai, à un jet de pierre de Notre-Dame :
Un car de CRS bloquait l’issue du boulevard Saint Michel vers l’île de la Cité, engagé sur le trottoir. Et le long, six jeunes gens, étudiants ou jeunes ouvriers, alignés face contre le car. Derrière eux, six CRS ou garde mobiles qui les matraquaient à qui mieux mieux dans le dos. Devant nous, un de ces jeunes gens est tombé, la face ensanglantée, la face contre terre. Nous avons à ce moment-là été voir les CRS qui étaient les plus proches pour leur demander d’enlever immédiatement ce jeune homme et le porter le plus vite possible à notre centre de premiers secours. Il nous a été répondu négativement pendant que les CRS continuaient à frapper ce jeune blessé. Nous avons été ensuite contacter le capitaine de la compagnie responsable de ce qu’il se passait sous nos yeux. Nous lui avons demandé instamment de nous faciliter la tâche pour enlever nos seulement ce jeune homme, mais les cinq ou six autres qui commençaient eux aussi à ressentir très durement les sévices dont ils étaient l’objet. Les pourparlers ont duré au moins cinq minutes et ce n’est qu’après cinq minutes que nous avons pu emporter UN corps.
Le cinéaste l’interroge : « Est-ce un cas isolé ? »
Absolument pas.
La Croix rouge stationnée juste à côté des forces de l’ordre dans le Quartier latin, le 6 mai 1968 à Paris• Crédits : AFP
Outre les coups de matraque, on découvre énormément d’“yeux brûlés” parmi les témoignages compilés. Page 62, un anonyme : “Je reçus un projectile incandescent dans l’oeil droit, que je crus sur le moment crevé”. Arrivé aux urgences, sa vue “n’atteignait que 1/10e”. Ni débat sur le LBD (qui n’existait pas il y a cinquante ans), ni photos de manifestants à l’œil crevé comme celles qui frappent les esprits depuis six mois et vingt-trois regards borgnes.
Le gaz mortel des Américains
En 1968, c’est d’un gaz qu’on débattait âprement, comme le montrent de nombreuses coupures de presse consignées dans le Livre noir des journées de mai. Ce gaz présenté comme “le produit que les Américains lancent contre les Noirs et les Vietnamiens”, apparaît très vite à l’origine de ce qu’on nomme alors couramment “les yeux brûlés”. Un phénomène si peu isolé et tellement préoccupant qu’un médecin de l’hôpital Lariboisière, le Dr Kann, alerte en même temps la presse et le Centre antipoison de l’hôpital Fernand Widal. Il les presse de contacter ce qui s’appelle alors “la Maison de Santé des gardiens de la paix”. Son urgence : connaître (et faire connaître) la dangerosité réelle du gaz.
L’affaire fait boule de neige, puisque le centre anti-poison lui-même se révèle incapable de traiter de son côté les patients qui lui sont adressés. Le 13 mai, L’Humanité rapporte que la Préfecture de police a fini par indiquer au centre anti-poison “la référence CS”. « CS » comme « 2-chlorobenzylidène malonitrile« . Dans les archives policières, on retrouve aujourd’hui des notes sur l’usage de ce gaz, et son dévoilement dans la presse, qui agace. Ce gaz qui fait pleurer, tousser ou vomir en irritant la peau et les muqueuses a été inventé en 1928 et aura la vie longue : en 2001, c’est lui qu’on utilisera pour disperser les manifestants à Gênes, en Italie. En France, il arrive dans l’arsenal du maintien de l’ordre dans les années 60 et est encore peu connu lorsque, le 13 mai 1968, L’Humanité détaille : il s’agit d’un produit “extrêmement dangereux, sur lequel il n’existe aucune toxicologie connue en France, mais dont le général Rotschild, spécialiste américain de la guerre chimique, a écrit qu’à forte concentration il possède un pouvoir létal”.
Le 6 mai 1968, à Paris, la police projette un gaz toxique sur les manifestants• Crédits : AFP
C’est ce mot, “létal”, ainsi que la multiplication des récits alarmants sur des brutalités policières, les coups au ventre, les robes déchirées et le lâcher de grenade à tirs tendus, qui contribueront à propager le mouvement jusque dans le monde du travail, absent des premières journées de soulèvement. Les syndicats enseignants condamnent la “répression sauvage” de la police, le monde ouvrier rejoint le mouvement, les manifestations deviennent unitaires même si ça tiraille entre cortèges cégétistes et étudiants “gauchistes”.
Trois morts et des tirs à balles réelles
Quand les forces de l’ordre se mettent à tirer à balles réelles alors que l’essentiel de leur arsenal consistait jusque-là plutôt en matraques et grenades, le conflit franchit un palier. Le 11 juin, alors que les forces de l’ordre s’affrontent aux usines occupées, on compte trois morts dont les affiches de l’époque portent la trace : un lycéen qui participait aux affrontements à l’usine Renault de Flins, dans le Calvados, se noie dans la Seine en voulant échapper aux forces de l’ordre et deux ouvriers de chez Peugeot, à Sochaux. Le lendemain, les manifestations organisées à Paris pour dénoncer ces morts sont interdites.
Une affiche de l’Atelier populaire de l’Ecole des Beaux Arts après les deux morts chez Peugeot à Sochaux-Montbéliard, en juin 1968
Pour un mémoire de Master 2 sous la direction de l’historien Nicolas Haztfeld, Gareth Bordelais a cherché à remonter dans les archives de la Préfecture de Police la trace de plaintes pour violences policières à l’époque. Il précise que ces documents sont les seuls traces négatives qu’il a pu trouver parmi toutes les boîtes qu’il a pu consulter sur l’épisode insurrectionnel. Il souligne surtout que “le trait commun de tous ces plaignants, c’est qu’ils ne sont jamais des manifestants. Au mieux, ils étaient dans les abords de la manifestation où ils l’observaient de près”.
Contrairement à ce qu’on observe aujourd’hui, les victimes elles-mêmes n’ont pas porté plainte, qu’elles comptent parmi les manifestants engagés dans l’événement, ou qu’elles n’aient fait que passer, écopant ici d’un tir de grenade, là d’un coup de matraque sans avoir distinctement participé à une manifestation. Gareth Bordelais, qui explique que les civils ont le plus grand mal à identifier les policiers à qui ils ont affaire, poursuit :
Les suites de ces plaintes ou les sanctions prises contre les fonctionnaires sont totalement absentes des archives. Il y a néanmoins un cas pour lequel le cabinet du Préfet de Police demande des précisions à la Direction Générale de la Police Municipale concernant un incident avec des hommes qui ont roué de coup un journaliste durant une opération de maintien de l’ordre. […] Les seuls éléments que nous pouvons trouver sont un rappel à l’ordre dans les lettres et ordres du jour du Préfet.
Grimaud remplace Papon : balles neuves après Charonne
Le préfet de police de Paris en charge pendant les mois de mai et de juin 1968 s’appelait Maurice Grimaud. Il est encore relativement nouveau, puisque c’est seulement quelques mois plus tôt, en 1967, qu’il a remplacé Maurice Papon, aux manettes par exemple lors de la manifestation du 17 octobre 1961 ou de ce qui restera comme “le massacre de Charonne”. Maurice Grimaud s’installera dans l’histoire comme l’homme d’un maintien de l’ordre tempéré, plutôt que comme un meneur d’hommes qui dirige sous le sceau de l’impunité. Dans le livre qu’il publiera en 1977, En mai, fais ce qu’il te plaît, le préfet de police racontera que ses principaux outils de commandement consistaient en une grande carte de Paris accrochée aux murs de la Préfecture et une “impressionnante batterie d’écrans de télévision”.
Le préfet de police Maurice Grimaud inspecte, le 08 mai 1968, les forces de l’ordre stationnées au Quartier Latin à Paris. • Crédits : AFP
Mais sur le terrain, les hommes, eux, étaient déjà là du temps de Papon, et des débuts de la guerre d’Algérie. Ils sont souvent empreints d’une autre culture du maintien de l’ordre. Dans Mai 68 et ses vies ultérieures, l’historienne Kristin Ross souligne bien une forme d’héritage entre la répression du temps de la Guerre d’Algérie, et, six ans après les accords d’Evian, la riposte policière au soulèvement étudiant puis ouvrier. Manifestants et témoins ont eux aussi la mémoire fraîche, et Ross cite un témoin qui se remémore : “On regarde, effarés et apeurés, les flics casser de l’étudiant comme ils avaient ‘ratonné’ l’Arabe quelques années plus tôt.”À LIRE AUSSILe mouvement du 22 mars sans les clichés : qui étaient ces militants de 1968 ?
Dans les mouvements libertaires et gauchistes, dès le 22 mars à Nanterre, la référence à la guerre d’Algérie, et même à Vichy, était omniprésente, décuplant parfois l’engagement dans les cortèges. L’histoire collective de la police devient un carburant qui radicalise l’affrontement. Maurice Grimaud semble en avoir eu conscience, si l’on en croit la lettre que le préfet de police décidera d’envoyer à chacun de ses 25 000 hommes. Le courrier daté du 29 mai 1968 fuitera rapidement dans Le Monde. Vous le trouverez en pied de cet article dans sa version intégrale, mais en voici déjà un extrait qui disait ceci :
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répéterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Mémoire sélective à la police
Cette lettre, au cœur de ce que le sociologue Fabien Jobard décrit comme une doctrine de maintien de l’ordre fondée sur la retenue, est restée emblématique. Elle a ainsi beaucoup fait pour la réputation de Maurice Grimaud, cinquante ans plus tard. A mesure que les plaintes pour violence policière et le débat sur l’usage du LBD et des grenades a enflé ces derniers mois, son courrier a été régulièrement exhumé. Or on a découvert que quelques mois avant que ne démarre la mobilisation des “gilets jaunes” et son cortège d’affrontements un peu partout en France, en mai 2018, le magazine interne de la police avait republié cette lettre. Sauf que la revue Liaisons en avait caviardé un passage. Voir l’image sur Twitter
Ironiquement, c’est le passage le plus célèbre du fameux courrier qui a été supprimé, celui qui disait :
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.
A la page 62 du petit Livre noir que l’UNEF avait fait imprimé quelques semaines après mai et juin 1968, on lit cette question : “Comment en est-on arrivé là ?” Soit, mot pour mot, exactement la même phrase que celle qui court sur les réseaux sociaux depuis des mois, tandis que les images d’yeux crevés, de mains arrachées ou de sexagénaires projetés face contre terre font boule de neige sur les réseaux sociaux.À VOIR AUSSIRéécouter Les policiers sont-ils au-dessus des lois ?ACTUALITÉSLes policiers sont-ils au-dessus des lois ?VIDÉO
Pour aller plus loin, voici la lettre de Maurice Grimaud le 29 mai 1968 :
Je m’adresse aujourd’hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force.
Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.
Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter.
Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement.Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.
C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répèterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.
Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur que vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation.
Maurice Grimaud
Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.
Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter.
Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement.Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.
C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.
Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.
Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répèterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.
Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.
Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.
Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.
Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur q
ue vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation.