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Des tranchées de 1914 à Notre-Dame-des-Landes Gaz lacrymogène, des larmes en or

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Comme les manifestants français — ceux de Mai 68, mais aussi ceux qui se mobilisent pour la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou contre la sélection universitaire à Nanterre —, les protestataires du monde entier font une expérience commune : l’inhalation de gaz lacrymogène. En un siècle, cette arme présentée comme inoffensive s’est imposée comme l’outil universel du maintien de l’ordre.par Anna Feigenbaum Gaz lacrymogène, des larmes en or↑play

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Danielle Tunstall. — « Gas Mask » (Masque à gaz), vers 2000Creative Commons CC0 – pixabay.com

Contrairement à d’autres marchés, l’industrie du maintien de l’ordre ne craint ni les troubles sociaux ni les crises politiques — bien au contraire. Les révoltes du « printemps arabe » en 2011 et les manifestations qui ont ébranlé le monde ces dernières années ont fait exploser les ventes de gaz lacrymogène et d’équipements antiémeute. Carnets de commandes en main, les commerciaux sillonnent la planète. Des armées d’experts se tiennent à l’affût du moindre frémissement populaire pour conseiller fabricants et acheteurs sur les bonnes affaires du jour. Le gaz lacrymogène est sans conteste leur produit-vedette : universellement considéré par les gouvernements comme le remède le plus fiable et le plus indolore à la contestation sociale, comme une panacée contre le désordre, il ne connaît ni frontières ni concurrence.

Quels dommages cause-t-il à ses victimes ? Quels problèmes pose-t-il en matière de santé publique ? Nul ne le sait, car personne ne s’en soucie. Dans aucun pays il n’existe d’obligation légale de recenser le nombre de ses victimes. Aucune obligation non plus de fournir des données sur ses livraisons, ses usages, les profits qu’il génère ou sa toxicité pour l’environnement. Depuis presque un siècle, on nous répète qu’il ne fait de mal à personne, que ce n’est rien de plus qu’un nuage de fumée qui pique les yeux. Quand des gens en meurent — l’organisation Physicians for Human Rights a par exemple comptabilisé trente-quatre morts liées à l’usage de gaz lacrymogène lors des manifestations à Bahreïn en 2011-2012  (1) —, les pouvoirs publics rétorquent qu’il s’agit simplement d’accidents.

En réalité, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz. Les composants chimiques qui produisent l’épanchement lacrymal — du latin lacrima, « larme » — portent les jolis noms de CS (2-chlorobenzylidène malonitrile), de CN (chloroacétophénone) et de CR (dibenzoxazépine). Ce sont des agents irritants que l’on peut conditionner aussi bien sous forme de vapeur que de gel ou de liquide. Leur combinaison est conçue pour affecter simultanément les cinq sens et infliger un trauma physique et psychologique. Les dégâts que le gaz lacrymogène occasionne sont nombreux : larmes, brûlures de la peau, troubles de la vue, mucosités nasales, irritations des narines et de la bouche, difficultés à déglutir, sécrétion de salive, compression des poumons, toux, sensation d’asphyxie, nausées, vomissements. Les « lacrymos » ont aussi été mis en cause dans des problèmes musculaires et respiratoires à long terme (2).

Une forme « humaine » de violence d’État

Le recours à l’arme chimique remonte au moins à l’Antiquité. Pendant la guerre du Péloponnèse, les belligérants utilisaient des gaz sulfureux contre les cités assiégées. Mais c’est au milieu du XIXe siècle que les progrès de la science ont lancé les débats éthiques sur son usage. Les premières tentatives de restreindre l’utilisation d’armes chimiques et biologiques remontent aux conférences de La Haye de 1899 et 1907, mais leur formulation ambiguë réduisit ces accords à peu de chose. La première guerre mondiale allait servir ensuite de laboratoire à ciel ouvert pour l’élaboration d’une nouvelle gamme de poisons.

Il est généralement admis que les troupes françaises ont inauguré le règne du lacrymogène lors de la bataille des frontières d’août 1914, en tirant dans les tranchées adverses des grenades remplies de bromacétate d’éthyle — une substance irritante et neutralisante, mais non létale à l’air libre. Les Allemands répliquèrent en avril 1915 par un produit infiniment plus mortel, le gaz moutarde, ou ypérite — le premier cas dans l’histoire d’usage massif d’une arme chimique au chlore.

D’abord distancés dans cette course à l’innovation, les Américains n’allaient pas tarder à rattraper leur retard. Le jour même de leur entrée en guerre, les États-Unis créent un comité de recherche « pour mener des investigations sur les gaz toxiques, leur fabrication et leurs antidotes à des fins de guerre (3 », mais aussi un service de la guerre chimique (Chemical Warfare Service, CWS), généreusement doté en moyens et en effectifs. En juillet 1918, le sujet monopolise l’attention de près de deux mille scientifiques.

Après le conflit, les militaires se montrent divisés. Ceux qui ont vu de leurs yeux les ravages causés par l’arme chimique dénoncent son caractère inhumain, aggravé par la peur et l’anxiété qu’elle propage. Les autres lui trouvent une certaine magnanimité, au motif qu’elle ferait moins de morts qu’un feu roulant d’artillerie. Un biochimiste de Cambridge, John Burdon Sanderson Haldane, plaide pour l’efficacité des gaz de guerre, taxant leurs détracteurs de sentimentalisme : si l’on peut « se battre avec une épée », pourquoi pas « avec du gaz moutarde » ?

Pour l’historien Jean Pascal Zanders, les controverses qui ont suivi la première guerre mondiale nous ont légué un double héritage (4). D’une part, elles ont consacré la distinction entre les « gaz toxiques » — dont on débattit autrefois à La Haye — et les nouvelles armes chimiques inventées entre 1914 et 1918. Ce distinguo réapparaîtra à maintes occasions dans les conventions internationales, légitimant que l’on interdise certaines armes pour en approuver d’autres, présentées comme non létales. C’est en vertu de ce raisonnement que le gaz lacrymogène a emprunté une voie légale plus favorable que d’autres agents toxiques. D’autre part, on prend alors très à cœur les intérêts commerciaux liés à l’expansion de l’industrie chimique. Brider sa créativité dans le domaine militaire lui porterait un préjudice insupportable — un argument toujours en vigueur un siècle plus tard. À partir du traité de Versailles (1919) et du protocole de Genève (1925), les intérêts économiques des puissances alliées vont ainsi se fondre dans le droit international. La page de la guerre étant tournée, maintenir la paix à l’intérieur de leurs frontières — et à l’extérieur, dans leurs dépendances coloniales — devient une priorité pour les Américains et les Européens. D’où leur intérêt croissant pour les gaz lacrymogènes, dont le CWS et son directeur, le général multimédaillé Amos Fries, seront les ardents pionniers.

Les années 1920 annoncent l’âge d’or du « lacrymo ». Capitalisant sur l’essor des armes chimiques durant la guerre, Amos Fries convertit ce venin en outil politique à usage quotidien. Grâce à un lobbying acharné, il parvient à modeler une nouvelle image du gaz lacrymogène, assimilé non plus à une arme toxique, mais à un moyen inoffensif de préserver l’ordre public. Flanqué d’un avocat et d’un officier, il rallie à sa cause un large réseau de publicitaires, de scientifiques et d’hommes politiques chargés de promouvoir dans les médias ces « gaz de guerre pour temps de paix ».

La presse économique se montre logiquement la plus empressée à diffuser le refrain du « gaz pour la paix ». Dans son numéro du 6 novembre 1921, la revue Gas Age-Record dresse un portrait extasié du général Fries. On peut y lire que le « chef dynamique » du CWS a « étudié de près la question de l’usage du gaz et des fumées pour affronter les foules et les sauvages. Il est sincèrement convaincu que lorsque les officiers de police et les administrateurs coloniaux seront familiarisés avec le gaz en tant que moyen de maintenir l’ordre et de protéger le pouvoir, les désordres sociaux et les insurrections sauvages diminueront jusqu’à disparaître totalement. (…) Les gaz lacrymogènes paraissent admirablement appropriés pour isoler l’individu de l’esprit de la foule. (…) L’un des avantages de cette forme adoucie de gaz de combat tient au fait que, dans son rapport à la foule, l’officier de police n’hésitera pas à s’en servir ».

Cet échantillon précoce d’argumentaire promotionnel tient en équilibre sur un fil étroit : vanter les vertus répressives du produit tout en célébrant son caractère indolore. L’engouement pour les gaz lacrymogènes sur un marché qui, jusque-là, ne connaissait que la matraque et le fusil doit beaucoup à cet art de réconcilier les antagonismes. Le gaz s’évapore. La police peut enfin disperser une manifestation avec « un minimum de publicité négative (5 », sans laisser dans son sillage du sang et des ecchymoses. Au lieu d’être perçu comme une forme de torture physique et psychologique, le « lacrymo » s’impose dans les esprits comme une forme « humaine » de violence d’État.

Outre leurs prestations à la radio et dans les journaux, le général et son équipe organisent des démonstrations publiques. Un beau jour de juillet 1921, un vieil ami et collègue de Fries, Stephen J. De La Noy, se poste avec une cargaison de gaz sur un terrain près du centre de Philadelphie. Afin d’illustrer les bienfaits de son arsenal, il a invité les policiers de la ville à tester la marchandise. Les journalistes viennent en nombre pour immortaliser la scène : deux cents agents en uniforme se faisant gazer en pleine figure.

Il faut attendre quelques années pour passer de l’expérimentation aux travaux pratiques. L’occasion se présente le 28 juillet 1932, quand la garde nationale reçoit l’ordre de disperser des milliers de vétérans de la première guerre mondiale rassemblés devant le Capitole, à Washington. Surnommés « l’armée bonus », ces anciens soldats occupent les lieux avec leurs familles pour exiger le paiement d’un reliquat de salaire que leur ministère rechigne à débloquer. Une pluie de grenades lacrymogènes s’abat sur la foule, provoquant un mouvement de panique. L’évacuation brutale se solde par quatre morts, cinquante-cinq blessés et une fausse couche. Parmi les victimes, un enfant mort quelques heures après l’assaut — officiellement des suites d’une maladie, mais le fait d’avoir respiré le gaz empoisonné « n’a sûrement pas aidé », dira un porte-parole de l’hôpital.

Chez les vétérans expulsés, le gaz lacrymogène est rebaptisé « ration Hoover », en référence au président Herbert Hoover (1929-1933), qui leur a envoyé la troupe ; par allusion aussi aux inégalités sociales qui se creusent dans le pays. Pour les chefs de la police, les industriels et leurs représentants, en revanche, l’opération a été un succès. Le service des ventes de Lake Erie Chemical, la société productrice du gaz utilisé au Capitole, se fait un plaisir d’inclure des clichés de l’évacuation sanglante dans son catalogue. Plus tard y figureront aussi des images de grévistes de l’Ohio et de Virginie détalant sous les nuages de gaz. « Un seul homme équipé de gaz Chemical Warfare peut mettre en fuite mille hommes en armes » : le slogan orne fièrement les plaquettes publicitaires. Le fabricant se vante de fournir une « explosion irrésistible de douleur aveuglante et suffocante », dont il garantit cependant qu’elle n’occasionne « aucune blessure durable » — toujours le marketing de l’équilibre. Durant la Grande Dépression, dans les années 1930, les États-Unis recourent de plus en plus aux gaz lacrymogènes pour étouffer la contestation sociale. Selon un comité du Sénat, les achats de gaz entre 1933 et 1937, effectués « principalement à l’occasion ou en prévision de mouvements de grève », se montent à 1,25 million de dollars (21 millions de dollars en valeur actuelle, ou 17 millions d’euros).

Autre débouché prometteur pour l’industrie de la « douleur aveuglante et suffocante » : les colonies. En novembre 1933, sir Arthur Wauchope, le Haut-Commissaire britannique en Palestine, réclame sa part du produit miracle. Dans un courrier au bureau des colonies, il plaide : « Je considère que le gaz lacrymogène serait un agent hautement utile entre les mains des forces de police en Palestine pour disperser les rassemblement illégaux et les foules émeutières, particulièrement dans les rues tortueuses et étroites des vieux quartiers de la ville, où l’usage d’armes à feu peut provoquer des ricochets conduisant à des pertes disproportionnées en vies humaines. »

Dispersion et démoralisation

Une demande similaire émane en 1935 de la Sierra Leone, où les administrateurs coloniaux sont confrontés à des grèves pour des augmentations de salaire. Puis c’est au tour de Ceylan, le futur Sri Lanka. Instruction est donnée au nouveau secrétaire d’État aux colonies britannique, Malcolm MacDonald, d’élaborer une politique globale du gaz lacrymogène. À cette fin, il dispose d’une liste recensant les lieux où cette arme a fait la preuve de son efficacité : en Allemagne, où elle a servi contre les grévistes de Hambourg en 1933 ; en Autriche, où elle a excellé contre les communistes en 1929 ; en Italie, où elle vient d’être incorporée à l’équipement de base des forces de l’ordre ; ou encore en France, où son usage est déjà banalisé.

Durant cette période, le gaz lacrymogène devient pour les États un moyen privilégié de faire obstacle aux demandes de changement. Sa fonction bifide, à la fois physique (dispersion) et psychologique (démoralisation), paraît idéale pour contenir les tentatives de résistance aux mesures impopulaires. Comme, de surcroît, on peut désormais gazer en toute légalité des manifestants pacifiques ou passifs, les autorités n’ont plus à s’inquiéter des luttes collectives non violentes. Le « lacrymo » s’est imposé comme une arme multifonction capable non seulement de stopper une manifestation, mais aussi de saper toute forme de désobéissance civile.

Cette fonction politique a perduré jusqu’à aujourd’hui. Alors que l’usage de toutes les armes chimiques est interdit par les traités internationaux dans le cadre des guerres, les forces de l’ordre restent, au niveau national, plus que jamais autorisées à déployer du gaz toxique sur les individus ou les cortèges de leur choix. Un policier peut ainsi arborer un atomiseur de gaz lacrymogène à sa ceinture, tandis qu’un militaire n’en a pas le droit. L’acceptation quasi unanime de cette incohérence contribue pour beaucoup à la florissante prospérité de l’industrie du maintien de l’ordre — et aux larmes des contestataires du monde entier.

Anna FeigenbaumChercheuse à l’université de Bournemouth (Royaume-Uni). Auteure de Tear Gas. From the Battlefields of World War I to the Streets of Today, Verso, Londres, 2017.

(1) « Tear gas or lethal gas ? Bahrain’s death toll mounts to 34 », Physicians for Human Rights, New York, 16 mars 2012.

(2) « Facts about riot control agents », Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, 21 mars 2013.

(3) Cité dans Gerard J. Fitzgerald, « Chemical warfare and medical response during World War I », American Journal of Public Health, no 98, Washington, DC, avril 2008.

(4) Jean Pascal Zanders, « The road to Geneva », dans Innocence Slaughtered. Gas and the Transformation of Warfare and Society, Uniform Press, Londres, 2016.

(5) Seth Wiard, « Chemical warfare munitions for law enforcement agencies », Journal of Criminal Law and Criminology, vol. 26, no 3, Chicago, automne 1935.

Lire aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de juin 2018.

DANGERS POUR LA SANTÉ: LA PNH DEVRAIT-ELLE BANNIR LE GAZ LACRYMOGÈNE ?

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Les manifestations pacifiques ou plus radicales sont souvent contrôlées et dispersées par l’usage de gaz lacrymogène. Si ce type de répression ne blesse personne directement, les gaz émis sont potentiellement très dangereux pour la santé.

« Apportez-moi du coca s’il vous plaît. À l’aide ! Je ne peux pas respirer ! » C’est le cri de Junior Jean François, âgé de 27 ans, appuyé contre le mur de l’hôtel Le Plaza, aux alentours du Champ-de-Mars, après que des agents de police (UDMO, CIMO) ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la manifestation anti-gouvernementale du 7 février 2019.

Les manifestations de rue – forme d’expression populaire en vogue depuis plusieurs décennies – sont souvent accompagnées par la Police Nationale d’Haïti. Mais lors des affrontements, les policiers utilisent fréquemment le gaz lacrymogène à l’encontre des manifestants. Ce gaz est une arme chimique interdite dans les conflits armés, mais acceptée pour les interventions de maintien de l’ordre, par le protocole de Genève de 1925 et par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993.

Pourquoi les forces de l’ordre utilisent-elles cette arme chimique ?

Le gaz lacrymogène utilisé par la Police Nationale d’Haïti prend souvent la même forme que les bombes aérosol utilisées par les artistes de rue. Pour Grégory Estimé, « il permet de tenir à distance les manifestants qui veulent entrer de force dans un périmètre de sécurité ». Âgé de 38 ans, cet agent de premier grade du Corps d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO) est père de trois enfants. La structure dont il fait partie au sein de la PNH se charge d’encadrer les rassemblements, manifestations et autres mouvements de contestation populaire.

Souvent, les manifestants essaient de piller et d’incendier des magasins sur leur passage et/ou de changer la trajectoire annoncée. En d’autres occasions, les protestataires tentent d’incendier ou de saccager des bâtiments publics et privés à coups de pierres. Selon un agent de la Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale (BOID) qui requiert l’anonymat parce qu’il n’est pas autorisé à parler au nom du corps, « dans ces cas, les soldats peuvent faire directement usage de ce gaz s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent».

Le gaz lacrymogène se disperse dans un grand périmètre. Ceci explique pourquoi certaines personnes souffrent de ces émanations irritantes alors qu’elles sont chez elles ou dans un centre hospitalier par exemple.

Quels sont ses effets ?

Selon Ricardo Mirlien, un résident de l’Hôpital de l’université d’État d’Haïti, le gaz lacrymogène le plus couramment utilisé contient l’agent chimique 2- chlorobenzaldène malononitrile (appelé aussi « CS », des initiales de Corson et Stoughton, chimistes qui ont synthétisé la molécule). « Malgré son nom, le gaz lacrymogène n’est pas un gaz, mais un aérosol. Le CS est solide à la température ambiante. Mélangé à des agents de dispersion liquides ou gazeux il devient une arme conçue pour activer les nerfs sensibles à la douleur » explique le jeune médecin qui affirme que le gaz lacrymogène agit en irritant les muqueuses des yeux, du nez, de la bouche et des poumons.

Gregory Estimé ajoute qu’en général, les effets se manifestent au bout de 30 secondes environ. La victime ressent une vive brûlure des yeux qui deviennent larmoyants sous l’effet de l’irritation, des difficultés à respirer, des douleurs thoraciques, une salive excessive et une irritation de la peau. « Je sais aussi que suite à une exposition importante certains peuvent également souffrir de vomissements et de diarrhée», conclut-il.

D’après une étude de l’université de Yale, le gaz lacrymogène n’a pas seulement des effets irritants : il s’agit surtout d’un gaz neurotoxique. L’exposition prolongée à ce gaz peut causer des problèmes respiratoires sérieux, voire des crises cardiaques.

Ces gaz toxiques sont rapidement absorbés par voie pulmonaire, fait savoir le Dr Evens P. Vixamar, médecin-interne à l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti. « Une grande partie est hydrolysée puis éliminée par les reins dans les urines. Cette réaction est plus aiguë chez les personnes souffrant de maladies chroniques respiratoires, les femmes enceintes, les bébés » explique le médecin qui pense qu’on devrait limiter son usage aux cas extrêmes par des policiers autorisés.

Lorsqu’une personne âgée ou un bébé inhale du gaz lacrymogène, elle risque de mourir. « Cette issue fatale, lors d’expertise médico-légale, est due soit à une atteinte pulmonaire et/ou une asphyxie », poursuit le médecin interne.

Comment se protéger ?

« J’apporte toujours des bouteilles de coca ou des morceaux de citron toutes les fois que je participe à une manifestation. Le citron est ma meilleure défense contre les effets du gaz lacrymogène lancé par les forces de l’ordre» raconte Schneider Gentil, un habitué des manifestations. Il utilise du coca pour se laver le visage et un morceau de citron pour se frotter le nez et les yeux. Cela lui permet de respirer avec moins de difficultés.

Pour mieux se protéger des gaz lacrymogènes, le médecin Ricardo Mirlien explique qu’il faut s’éloigner le plus possible de l’endroit d’émanation de la substance. “Ne vous touchez pas le visage et ne vous frottez pas les yeux. Il faut se moucher et cracher, pour évacuer les produits chimiques ». Il affirme que le vinaigre et le citron permettent de diminuer la toxicité de ces gaz en réagissant avec eux. « Il est donc conseillé d’imbiber les mouchoirs avec du vinaigre ou du jus de citron pour  se recouvrir le visage et respirer moins ces toxiques, » ajoute le résident de l’HUEH.

Dr Evens P. Vixamar conseille aux asthmatiques d’avoir toujours à portée de main leurs pompes respiratoires. Sinon, faute d’une assistance médicale immédiate, ils pourraient mourir par asphyxie.

Pour se protéger les yeux, le médecin interne recommande d’éviter de porter des lentilles de contact lorsqu’on risque d’être exposé au gaz lacrymogène. « Le gaz peut se coincer sous les lentilles et endommager la vue. En cas d’exposition au gaz avec des lentilles, il est conseillé de les faire retirer rapidement par quelqu’un dont les mains n’ont pas été contaminées» relate-t-il. Le spécialiste rappelle qu’il ne faut surtout pas se frotter les yeux, ce qui active les larmes et donc la réaction allergique et la douleur. Il conclut : « La meilleure solution consiste à rincer abondamment les yeux à l’aide d’un sérum physiologique. L’eau pure peut parfois augmenter la douleur si elle n’est pas versée en abondance car elle dissout les cristaux déposés par le gaz ».

Snayder Pierre Louis

Image : Jean Marc Hervé Abelard

RSF – French police asked to respect press freedom during Yellow Vest protests

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AFP

ORGANISATIONRSF_enReporters Without Borders (RSF) calls on the French police to respect the basic press freedom rules during the next “Gilets Jaunes” (Yellow Vest) protests tomorrow and again on May Day (1 May). More than 80 journalists have been the victims of police violence since the weekly anti-government Yellow Vest protests began last November.

The level of violence to which journalists have been exposed at these protests has been unprecedented. When RSF unveiled its 2019 World Press Freedom Index a week ago, the number cases of police violence against journalists since the start of the protests stood at 62, according to David Dufresne, a journalist who monitors and reports these incidents on Twitter. But during the latest day of protests on 20 April – the 23rd weekly Yellow Vest protests – no fewer than 17 new cases of police violence were registered, according to the tally posted on the Allô Place Beauvau website.

Whether or not they are professional journalists and whether or not they have press cards, reporters – mainly photographers and video reporters – have repeatedly had stun grenades and flashball rounds fired at them while covering these protests, despite being clearly identifiable by their helmets and “Press” armbands.

The 20 April protests were also marked by the arrests of two freelancers, Gaspard Glanz, the founder of the Taranis News website, and Alexis Kraland. Glanz’s heavy-handed arrest and the decision to hold him for 48 hours were not justified by his inappropriate gesture towards the policeman who had just given him a violent push.  Similarly, the decision to ban Glanz from covering the next protests is disproportionate and constitutes obstruction of the right to report.

The many cases of police violence towards journalists is quite simply chilling,” RSF secretary-general Christophe Deloire said. “It is especially disturbing to see the security forces trampling on the freedom to inform in this manner. On the eve of further protests, we urge them to respect the basic rules of press freedom.

The latest cases of violence against journalists in France came just two days after RSF published its 2019 World Press Freedom Index, in which France is now ranked 32nd out of 180 countries.

Prévoyant, le gouvernement commande des grenades lacrymo pour 4 ans

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Le ministère de l’Intérieur a lancé le 8 août un appel d’offres pour une commande d’un montant de 22 millions d’euros (hors TVA) de « grenades de maintien de l’ordre et moyens de propulsions à retard »

Le gouvernement nommé par Emmanuel Macron se prépare-t-il à un quinquennat socialement agité ? En tout cas, il ne lésine pas – et n’a pas traîné – sur les moyens alloués au maintien de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur a lancé le 8 août un appel d’offres pour une commande d’un montant de 22 millions d’euros (hors TVA) de « grenades de maintien de l’ordre et moyens de propulsions à retard » destinée à la police et à la gendarmerie nationales.

L’appel d’offres, publié dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), se divise en cinq lots contenant diverses références de grenades assourdissantes, lacrymogènes et fumigènes, de cartouches-grenades et de lanceurs. Lancé jusqu’à fin septembre, l’appel d’offres prévoit un contrat d’équipement pour… quatre ans. Emmanuel Macron sera donc paré jusqu’à la fin de son quinquennat.

Le timing de l’appel d’offres n’a pas manqué d’interpeller les esprits caustiques, qui relèvent que la rentrée de septembre pourrait s’avérer agitée pour le gouvernement. Alors que doit s’engager la réforme promise du code du travail, plusieurs manifestations sont déjà prévues par ses opposants. Et personne n’a oublié l’émergence du mouvement Nuit Debout contre la loi Travail précédente, ni le difficile printemps 2016 de manifestations contre le projet alors porté par Myriam El Khomri. 

Annonce d'appel d'offre publié par le BOAMP

Protests at the Whitney Over a Board Member Whose Company Sells Tear Gas

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Protesters chanted and held banners in the lobby of the Whitney Museum on Friday night.CreditAndrew White for The New York Times

Protesters chanted and held banners in the lobby of the Whitney Museum on Friday night.
Protesters chanted and held banners in the lobby of the Whitney Museum on Friday night.CreditCreditAndrew White for The New York Times

Visitors who arrived at the Whitney Museum of American Art on Friday night to view the works in this year’s politically tingedBiennial had to pass by a raucous demonstration that was not part of the official programming.

About 200 people squeezed into the Whitney’s lobby, in the ninth of a series of weekly gatherings to protest a museum board member whose company sells tear gas that activists and the art publication Hyperallergic said had been used on migrants at the Mexican border.

It was the most recent episode in a prolonged public debate — involving letters and pronouncements by museum employees and officials, scholars, artists and art critics — over the board member, Warren B. Kanders, and his company, Safariland.

According to Hyperallergic, photos showed tear gas canisters marked with the company’s name at a site where the American authorities used tear gas last fall to disperse hundreds of migrants running toward a crossing that leads from Tijuana to San Diego.

Protesters outside the museum and in the lobby on Friday night beat drums, blew horns, chanted and brandished signs like one that read “Warren Kanders Must Go.” Some made it to an upper floor, where a black banner was draped from the building, reading, “When We Breathe We Breathe Together.”

There was even a rolling installation that seemed custom made for the occasion, in the form of a five-foot-tall silver-colored cylinder on wheels replete with a wire pull ring and emblazoned with the words “tear gas.”

An organizer with the group Decolonize This Place, which called for the weekly protests, read from a message to the Whitney’s director, Adam Weinberg, and its board of trustees demanding they remove Mr. Kanders from the board.

“We could have shut the museum down today,” the organizer, Amin Husain, shouted in the lobby. “But after nine weeks of action we offer the museum leadership a window to do the right thing.”

Editors’ Picks

Giant Squid, Phantom of the Deep, Reappears on VideoShe’s 103 and Just Ran the 100-Meter Dash. Her Life Advice? ‘Look for Magic Moments’For Taylor Swift, Is Ego Stronger Than Pride?Some protesters who made it to an upper floor draped a banner from the side of the museum.

CreditAndrew White for The New York Times

The Whitney Museum declined to comment.

Ticket holders passed by, gazing quizzically. Some paused to listen or to accept copies of the message that Mr. Husain was reading from. One woman shook her head and waved a hand when offered a copy. Museum employees stood by and watched the protest, but did not try to stop it or to prevent anyone from entering the lobby.

Last year dozens of museum employees wrote a letter to express their “outrage” over reports that Safariland gas had been used at the border. Mr. Kanders then wrote a letter saying he took pride in the company. He added that Safariland made equipment, like body armor, that helped protect people and that it had no control over how its products were used.

In a letter, Mr. Weinberg said that he respected “the right to dissent.” But the Whitney, he added, is “first and foremost a museum” that “cannot right all the ills of an unjust world.”

Several art critics, academics and others followed with a letter calling for Mr. Kanders’s removal. Last month about two-thirds of the 75 artists and collectives chosen for the Biennial also signed the letter.

One of the Biennial participants, the London-based research agency Forensic Architecture, entered as its exhibition a 10-minute video called “Triple-Chaser” with Praxis Films, run by the filmmaker Laura Poitras, about a type of tear gas grenademanufactured by Safariland.

After about an hour in the museum lobby, the protesters filed out and began marching through the West Village, accompanied by a contingent of police officers.

The roving demonstration halted on a tree-lined block outside a red-brick townhouse that the protesters said belonged to Mr. Kanders. Outside the residence, the chants continued. “Your time is up,” one woman shouted. Another woman burned a bundle of sage near the home, as if to ritually cleanse the premises.

A man distributed fliers addressed to residents of the block “and everyone in New York City” that listed the address of the building said to belong to Mr. Kanders and contended that his company’s tear gas had been used on migrants at the Mexican border, on Palestinians in Gaza and on protesters in Baltimore and Ferguson, Mo.

As rain arrived, the ranks of the crowd thinned, and soon a final chant went up: “We’ll be back.”Correction: May 18, 2019

An earlier version of this article referred inaccurately to an official of the Whitney Museum. Adam Weinberg is the museum’s director; he is not its president.

Les armes : témoignage sur les gaz lacrymogènes (CS)

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Gaz à bout portant

Témoignage reçu par un anonyme, le 23 septembre :

Salut !

Je me suis laissé dire qu’une odeur d’amande d’odeur amère était un sujet d’inquiétude… je n’ai pas de laborantin pour fournir une analyse mais quelques renseignements :

En fait je pense qu’il s’agit en effet de benzaldéhyde, qui provient de la décomposition du gaz CS (le gaz lacrymogène le plus couramment employé pas les brigades anti émeutes) sous l’action de la chaleur. Je ne suis pas à 100% sûr, mais je crois bien que cette odeur prouve qu’il y ait également dégagement de cyanure.

Le « gaz CS » porte mal son nom, car en fait il s’agit d’un composé solide. Pour le diffuser il faut donc soit en faire une solution (liquide), un aérosol (particule en suspension dans l’air) ou une fumée (mélangé à un composé pyrotechnique).
La réaction chimique qui produit la fumée génère aussi de la chaleur, ce qui décompose sans doute une partie du gaz CS en composés dangereux. Le gaz CS peut aussi provoquer des nausées.

Il faut bien comprendre qu’il s’agit de fines particules dans l’air, et pas un gaz, on peut donc s’en protéger plus facilement que s’il s’agissait vraiment d’un gaz !
Il faut donc se protéger : les yeux (lunettes de piscine), couvrir un maximum la peau avec du tissu, et surtout les voies respiratoires, idéalement avec un masque à gaz, mais sinon un tissu devant la bouche ET le nez. Si possible, un tissu humide et dense, c’est plus difficile pour respirer mais ça laissera passez moins de saloperies.

En cas d’exposition, évacuer la zone toxique pour respirer de l’air frais, et laver la peau et les muqueuses exposées avec de l’eau fraîche, et savon. Les vêtements exposés sont aussi à laver.
Surtout ne pas utiliser d’eau de javel, cela génère des composés encore plus toxiques que le gaz CS seul.

Parfois le gaz CS est mélangé avec des substances comme le silicone ou d’autres merdouilles, il s’appelle alors CS1 ou CS2. Cela le rend insoluble dans l’eau, et du coup il reste actif beaucoup plus longtemps (jusqu’à plusieurs semaines)

Quand c’est possible récupérez les munitions utilisées et prenez les en photo, avec les références visibles, la date, etc.

A la revoyure.
Bon courage.

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Des grenades ramassés :

Les grenades que j’ai ramassées sont :GR 56 FUM lac CM6 02 SAE-11 et GR56 FUM LAC MP7 13 PB-07 et une autre Plmp 7C 02PB 05 et GR FL LANCR MA Fum Lac CM 02- SAE-04 une dernière : MP7C 5PB0504PB-02. Je ne suis pas chimiste

– france-lanord (2 octobre 2014)